La lettre juridique n°559 du 20 février 2014

La lettre juridique - Édition n°559

Éditorial

La pop star, le fan et le juge cathartique

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014


A ceux qui sont convaincus que l'avenir de la justice peut se faire sans le juge, que la déjudiciarisation est un mouvement inéluctable, salutaire et souhaitable au regard des faibles moyens accordés à la justice en France, un juge de proximité d'Orléans vient d'apporter le démenti le plus cinglant. La reconnaissance d'un préjudice "d'affection" subi par les fans d'un artiste décédé des suites d'une erreur médicale témoigne, en effet, de l'un des avatars essentiel de la fonction de juger, que la déjudiciarisation se propose de facto d'abandonner au service de la rentabilité et du consensualisme : la fonction cathartique du juge.

On connaissait le juge-pacificateur, des sociétés traditionnelles, restaurant l'ordre lorsqu'un conflit particulièrement aigu ou une faute particulièrement grave risque de compromettre une situation acquise. On connaissait le juge-arbitre, des sociétés libérales, chargé uniquement de faire respecter les règles. On connaissait le juge-entraîneur, des sociétés post-industrielles, qui tantôt par ses conseils, tantôt par ses décisions, s'efforce de concourir à la victoire collective. La nomenclature et la métaphore sportive afférentes à la fonction de juger et au rôle du juge sont connues depuis plus vingt ans grâce à l'excellente thèse de François Ost.

Mais, au-delà de l'homme de concorde qui doit amener les adversaires à composer ; au-delà de l'homme adjudicateur qui donne raison à l'un et tort à l'autre ; au-delà de l'homme qui participe à la réalisation des politiques déterminées par les pouvoirs publics et assure, pour ce faire, le meilleur règlement des intérêts concernés ; il y a cet homme réceptacle des peines, des troubles, des afflictions des justiciables, dernier recours des innocents, qui, même s'il ne peut aller jusqu'à accorder de lourds subsides en réparation du préjudice subi, peut, à tout le moins, reconnaître, "à l'aide de témoignages, voire de certificats médicaux", au nom de la société démocratique, la douleur des suites du décès d'une personnalité mondialement connue, et parfois même idolâtrée, lorsque la mort brutale est intervenue des suites d'une négligence fautive.

L'euro symbolique accordé aux fans de Michael Jackson peut prêter à sourire, mais l'action de juger, en matière de responsabilité, comporte deux temps bien distincts ; eux aussi aux fonctions bien différentes. Dans un premier temps, le juge appréciera l'existence d'un préjudice, ici le pretium doloris qui comme tout préjudice moral (préjudice d'anxiété, préjudice esthétique, préjudice sexuel, atteinte à l'honneur, etc.) relève d'une extension croissante de la nature de la douleur et de l'affliction des victimes prise en considération par le juge. Alors pourquoi pas la reconnaissance de la douleur morale subie par les idolâtres d'une pop star ? Il semble que, chacun étant libre d'exprimer sa peine, il soit admis de revendiquer sa douleur ubi et orbi, et dans les prétoires qui plus est.

Dans cet engrenage de l'individualisation de la douleur et de la considération portée à chaque affliction, le juge n'a donc plus d'autre choix que d'accepter sa fonction cathartique, après l'écriture, après les médias. Mais puisque dans un second temps, il est en charge d'évaluer le montant de la réparation idoine du préjudice subi, là et seulement là, le juge cathartique se "transubstantiera" en juge-entraîneur, chargé de rappeler que toutes les peines ne se valent pas et que la réparation pécuniaire du préjudice n'est pas, elle, le corollaire de la méthode cathartique freudienne, mais bien le regard du juge sur ce qu'il convient d'ordonner pour réparer le pretium doloris : et, en l'espèce, rien ne semble pouvoir combler le vide idolâtrique des fans du feu roi de la pop. Alors, l'euro symbolique n'aura d'autre vertu que de consacrer la condamnation au civil de Conrad Murray, après sa condamnation au pénal pour homicide involontaire de la star.

On sait, toutefois, que le statut de victime ainsi judiciairement reconnu, ces fans éplorés pourront demander à avoir accès au lieu d'inhumation de Michael Jackson, à Los Angeles ; lieu interdit au public. Et tel était bien l'enjeu au final.

On peut, dès lors, se poser la question du lien inhérent entre réalité du préjudice et statut de victime. Il n'est pas certain que le juge-cathartique se satisfasse de participer à l'oeuvre de victimisation collective. Et, l'avenir de l'action de groupe à la française nous fera connaître sa réaction.

"Un baudet chargé de reliques
S'imagina qu'on l'adorait :
Dans ce penser il se carrait,
Recevant comme siens l'encens et les cantiques.
Quelqu'un vit l'erreur, et lui dit :

'Maître baudet, ôtez-vous de l'esprit
Une vanité si folle.
Ce n'est pas vous, c'est l'idole,
A qui cet honneur se rend,
Et que la gloire en est due'.
D'un magistrat ignorant
C'est la robe qu'on salue
".

La Fontaine, L'Ane portant des reliques, Livre V, Fable 14

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Avocats/Champ de compétence

[Brèves] N'est pas une mission d'intermédiation en assurance le fait d'assister et de conseiller une personne publique afin de lui permettre de passer des marchés publics d'assurance

Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 10 février 2014, n° 367262, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3840MEX)

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N0860BUE

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Le 27 Mars 2014

Peut être régulièrement confiée à un cabinet d'avocats la mission consistant à assister et à conseiller une personne publique afin de lui permettre de passer des marchés publics d'assurance et, notamment, de sélectionner les candidats dans le respect des dispositions du Code des marchés publics ; cette mission n'a pas pour objet de présenter, de proposer ou d'aider à conclure un contrat d'assurance ou de réaliser d'autres travaux préparatoires à sa conclusion ; elle ne peut ainsi être regardée comme une mission d'intermédiation entrant dans le champ d'application des articles L. 511-1 (N° Lexbase : L9783HE3) et L. 512-1 (N° Lexbase : L9803HES) du Code des assurances. Tel est l'enseignement d'un arrêt du Conseil d'Etat, rendu le 10 février 2014 (CE 2° et 7° s-s-r., 10 février 2014, n° 367262, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3840MEX ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E9497ETW). Dès lors, la cour administrative d'appel de Nancy (CAA Nancy, 4ème ch., 28 janvier 2013, n° 12NC00126, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A6149I8A), qui a souverainement estimé que le marché litigieux contenait une mission d'assistance et de conseil pour la passation de marchés publics d'assurance, a commis une erreur de droit en retenant que ce marché confiait au cocontractant une mission ne pouvant être exercée que par un intermédiaire en assurance. Cette mission peut donc être régulièrement confiée à un cabinet d'avocats.

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Avocats/Honoraires

[Jurisprudence] L'honoraire de résultat et les nouvelles activités des avocats : "Château en Espagne" et pactes de quota litis

Réf. : CA Aix-en-Provence, 14 janvier 2014, trois arrêts, n° 13/17317 (N° Lexbase : A3113KTH) et n° 13/18013 (N° Lexbase : A3210KT3) et n° 13/13135 (N° Lexbase : A3666KTX)

Lecture: 5 min

N0801BU9

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par Jean-Paul Lévy, Ancien membre du conseil de l'Ordre, Ancien membre du Conseil national des barreaux

Le 20 Février 2014

Dans trois ordonnances rendues par le premier Président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, le 14 janvier 2014, il est précisé, dans le cadre des nouvelles activités des avocats, les conditions de validité des conventions d'honoraire et, à défaut, rappelé quel est le mode de fixation de la rémunération des avocats et la prohibition du pacte de quota litis.
Nous savons que l'article 10, alinéa 3, de la loi du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ) prohibe toute fixation d'honoraire qui ne le serait qu'en fonction du résultat judiciaire, il en est de même de l'article 11.3 du Règlement intérieur national (RIN N° Lexbase : L4063IP8).
Depuis lors, un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 7 décembre 1999 (Cass. civ. 1, 7 décembre 1999, n° 97-16.971 et n° 97-20.427, publié au bulletin N° Lexbase : A5228AWK) est venu préciser que cette interdiction concerne tout mandat donné à l'avocat qu'il s'agisse de son activité contentieuse ou de son activité juridique.
Même lorsque l'honoraire de résultat est licite, il faut qu'il ait été stipulé dans une convention préalablement conclue avec le client (Cass. civ. 1, 3 mars 1998, deux arrêts, n° 95-21.387 N° Lexbase : A2039ACI et n° 95-21.053 N° Lexbase : A2035ACD ; Gaz. Pal., 11 juillet 1998, p.19, note Damien ; JCP éd. G, 1998, II, n° 10116, note Sainte-Rose). De plus, il ne peut être perçu qu'après le résultat définitif et ce même lorsque l'avocat s'est dessaisi volontairement du dossier avant la fin de la procédure (Cass. civ. 2, 9 avril 2009, n° 07-20.853, FS-P+B N° Lexbase : A1000EG7). Dans la première décision (n° 2014/11), aux termes d'une convention d'honoraires conclue avec chacune des héritières, l'avocat avait reçu mission, dans le cadre d'une succession recueillie pour partie en Espagne, de faire toutes démarches en vue du règlement de la succession et, notamment, de faire libérer un immeuble occupé sis Outre-Pyrénées, ainsi que de le faire vendre par un agent immobilier du cru. La rémunération était décomposée en un honoraire fixe normal et un honoraire de résultat calculé sous la forme d'un pourcentage progressif de "toutes les sommes récupérées par voies judiciaires ou amiables". Las, la crise immobilière espagnole étant survenue, si la maison était devenue libre de tout occupant, elle ne s'était pas vendue en dépit de tous les efforts prodigués par les héritiers et leur diligent conseil. Ce dernier voyant s'évanouir tout espoir de cession réclamait alors le paiement de son honoraire de résultat, prétendant qu'il lui était dû puisque c'était à raison du désaccord survenu dans la succession que la vente n'avait pu se conclure (ce qui n'était nullement démontré bien au contraires).

Par une décision confirmative, le premier Président valide la convention d'honoraires, mais en rejette l'exécution dans la mesure où les clientes n'ont encore récupéré aucune somme et ne sont donc pas encore redevables de l'honoraire de résultat.

On relèvera que cette solution apparait conforme à celle adoptée, depuis le 11 mai 2009, par le Règlement intérieur du barreau de Paris, visée à l'article P.6.0.4 et énoncée par l'article 2 de l'annexe XV à ce Règlement, relative à la négociation de biens immobiliers à vendre ou à louer qui prescrit qu'"aucune rémunération autre que celle perçue au titre de la rédaction des actes (projets, avant-contrat, contrat)ne pourrait être perçue dans l'hypothèse où l'opération ne serait pas effectivement conclue". L'article 6 de l'annexe prévoit que l'Ordre des avocats contrôlera les conditions d'exercice de l'activité de négociation et le respect des règles déontologiques en la matière.

Le barreau de Paris n'est pas le seul à avoir encadré cette activité, le Barreau de Lille, ceux de Bordeaux et de Nice et, enfin, le Conseil national des barreaux, dans son guide de l'avocat mandataire en transactions du 16 janvier 2012 (III, p. 9) ont fait de même.

Dans la seconde décision du premier Président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence (n°v2014/16), les faits sont un peu différents : il s'agit d'une opération immobilière menée par un client cherchant à acquérir un bien à un prix ne dépassant pas une enveloppe fixé.

Il n'y a pas de convention en la forme, mais des échanges de courriels. Consensualisme oblige au visa de l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC), ils sont interprétés au regard de la commune intention des parties.

Les accords ainsi dégagés stipulent un honoraire forfaitisé payable au jour de la signature des actes définitifs pour une mission consistant en une assistance prêtée par l'avocat à des négociations avec le notaire et le conseil des vendeurs potentiels, en la rédaction d'une offre d'acquisition et la mise en place des instruments de la réalisation de la vente. Il n'existe aucun honoraire de diligence.

La sanction tombe : c'est la nullité au visa de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971. Le juge d'appel infirme la décision du Bâtonnier qui avait validé la convention estimant de surcroît que les honoraires étaient dus, alors que les actes n'avaient pas été encore signés, dès lors que toutes les conditions pour la signature de l'acte avaient été remplies !

Le premier Président fixe, en conséquence, les honoraires dus à l'avocat conformément aux dispositions de l'article 11.3 du RIN. C'est-à-dire en considération de la situation de fortune du client, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété, de la difficulté de l'affaire et des diligences accomplies. Cette ordonnance s'inscrit, encore une fois, dans le droit fil de la jurisprudence et des règles déontologiques applicables y compris aux mandats de transactions immobilières comme on l'a vu plus haut. On se reportera, notamment, pour ce qui concerne l'interprétation des accords sur les honoraires de résultat se déduisant des échanges de courriers à un arrêt récent de la Cour de cassation (Cass. civ. 2, 16 janvier 2014, n° 12-35.126, F-D N° Lexbase : A7854KT3), cette décision rejetant la notion d'accord tacite sur l'honoraire de résultat pour exiger un accord préalable et exprès du client.

Dans la troisième ordonnance rendue le 14 janvier 2014 par le premier Président de la cour d'Aix-en-Provence, l'avocat et le client ont échangé deux courriels : le premier contenant la pollicitation et sollicitant la "confirmation de nos accords sur le montant des honoraires forfaitaires de mon cabinet lors du bouclage de ces affaires [...] SCI X 65OOO euros Y/Z dation en paiement d'un appartement. Hôtel des pins : 100.000 euros HTVA" ; le second constituant l'acceptation le même jour "En ce qui concerne vos modalités financières, je suis OK pour l'Hôtel des pins...". On ne saurait être plus lapidaire.

Hélas, trois fois hélas (pour reprendre une célèbre formule), cela ne suffira pas car pour être forfaitaire l'honoraire n'en est pas moins fixé intégralement en fonction du résultat : la convention ainsi formée est donc, là aussi, frappée de nullité puisque constituant un pacte de quota litis, même si les parties ne sont pas en l'attente d'une décision judiciaire et alors que les actes définitifs n'ont pas encore été signés.

Cela ne signifie pas pour autant que l'avocat n'a droit à rien, comme le soutenait avec une certaine mauvaise foi le client. Les dispositions de l'article 11.3 du RIN sont, une fois de plus, mises à contribution l'honoraire sera fixé à une somme bien moindre que celle initialement convenue en cas de signature.

Si les avocats peuvent, aujourd'hui, intervenir en tant que mandataires en transactions immobilières dans des opérations, certes lucratives compte tenu des intérêts en cause, ils ne doivent pas perdre de vue l'observations des principes déontologiques qu'ils soient ceux du conflits d'intérêts ou de la prohibition du pacte de quota litis, même si ils sont en concurrence dans ces domaines avec des professionnels qui ne sont pas astreints aux même règles, constatation d'évidence que faisait déjà mon confrère Maître Chantal Meininger Bothorel, alors secrétaire de la commission de prospective du Barreau de Paris, en 2010 (La responsabilité de l'avocat mandataire en transactions immobilières, Gaz. Pal., 8 mai 2010, n° 128, p. 20). Comme le faisait également observer le Président de l'association des avocats mandataires en transactions immobilières, Maître Michel Vauthier, dans un autre article paru dans la même publication, deux ans plus tard (L'activité nouvelle d'avocat mandataire en transactions immobilières : une jeune pousse pleine de promesse, Gaz. Pal. ; 4 et 5 mai 2012, p.21 à 24) : "les compétences que les avocats ont à développer doivent conduire leurs clients à venir les voir d'abord pour la qualité de leurs conseils et la fiabilité des actes auxquels ils participent".

Mais à la condition de ne pas s'abstraire de l'observation de leur déontologie, car, à défaut, ils risquent, comme on l'a vu plus haut, de se retrouver "Gros Jean comme devant".

newsid:440801

Avocats/Procédure

[Brèves] Ne sont pas annulées les dispositions prévoyant la consignation du produit de la vente amiable d'immeuble sur autorisation judiciaire auprès de la CDC

Réf. : CE 1° et 6° s-s-r., 12 février 2014, n° 356894, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3804MEM)

Lecture: 2 min

N0868BUP

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Le 26 Février 2014

Lorsqu'une loi prévoit une consignation sans en indiquer le lieu, cette consignation ne peut être effectuée qu'auprès de la Caisse des dépôts et consignations ; ainsi, la modification apportée à l'article 2203 du Code civil (N° Lexbase : L5941HIU) par l'article L. 322-4 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L5882IRB) n'a ni pour objet, ni pour effet de modifier l'état du droit relatif aux conditions dans lesquelles la consignation doit intervenir en cas de vente amiable autorisée au cours d'une procédure de saisie immobilière. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'article R. 322-23 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L2442ITM) serait illégal en ce qu'il a été pris en application de l'article L. 322-4 du même code issu de l'article 1er de l'ordonnance du 19 décembre 2011 (N° Lexbase : L4087IRS), qui serait lui-même illégal, doit être écarté. Et, pour les mêmes raisons, les dispositions de l'article R. 322-23 précité doivent être regardées comme se bornant à réitérer celles de l'article 56 du décret du 27 juillet 2006, relatif aux procédures de saisie immobilière et de distribution du prix d'un immeuble (N° Lexbase : L7779ITB) ; par suite, le Comité consultatif de la législation et de la réglementation financière n'avait pas, en tout état de cause, à être consulté préalablement à leur édiction. Tel est le premier enseignement d'un arrêt du Conseil d'Etat, rendu le 12 février 2014 (CE 1° et 6° s-s-r., 12 février 2014, n° 356894, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3804MEM). Ensuite, l'activité de consignation prévue par l'article R. 322-23 précité est directement liée à l'exercice par le juge de sa mission juridictionnelle de contrôle des ventes amiables sur autorisation judiciaire des immeubles saisis. L'obligation de consignation s'impose au débiteur poursuivi et à l'acquéreur de l'immeuble saisi et peut faire l'objet de mesures de contrainte, en application des dispositions de l'article L. 518-20 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L9685DYD). Ainsi, l'activité de consignation prévue par l'article R. 322-23 précité participe à l'exercice de l'autorité publique et ne constitue pas une activité économique au sens du droit de l'Union européenne ; le moyen tiré de la méconnaissance des articles 102 (N° Lexbase : L2399IPK) et 106 (N° Lexbase : L2403IPP) TFUE, qui, au demeurant, n'est pas assorti de précisions suffisantes, notamment en ce qui concerne le marché pertinent sur lequel la Caisse des dépôts et consignations devrait abuser d'une position dominante, ne saurait en tout état de cause être accueilli, dès lors que le décret n° 2012-783 du 30 mai 2012, relatif à la partie réglementaire du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L2120ITP), ne peut être regardé comme ayant par lui-même pour objet ou pour effet de placer la Caisse des dépôts et consignations en situation d'abuser automatiquement d'une position dominante sur un ou plusieurs marchés. La requête de l'Ordre des avocats de Paris tendant à l'annulation du décret précité est rejetée.

newsid:440868

Collectivités territoriales

[Brèves] Constitutionnalité de la validation législative des délibérations des syndicats mixtes instituant le "versement transport"

Réf. : Cons. const., décision n° 2013-366 QPC du 14 février 2014 (N° Lexbase : A2428MEN)

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N0839BUM

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Le 21 Février 2014

Dans un arrêt rendu le 14 février 2014, le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution la validation des délibérations instituant le versement transport adoptées par les syndicats mixtes, avant le 1er janvier 2008, opérée par l'article 50 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012, de finances rectificative pour 2012 (N° Lexbase : L7970IUQ) (Cons. const., décision n° 2013-366 QPC du 14 février 2014 N° Lexbase : A2428MEN). Cet article valide les délibérations instituant le versement transport adoptées par les syndicats mixtes, avant le 1er janvier 2008, leur légalité étant contestée du fait que les syndicats mixtes ne sont pas des établissements publics de coopération intercommunale. Le Conseil constitutionnel a relevé que, par les lois n° 2007-1822 du 24 décembre 2007, de finances pour 2008 (N° Lexbase : L5488H3N), et n° 2012-1510 du 29 décembre 2012, de finances rectificative pour 2012 (N° Lexbase : L7970IUQ), le législateur a entendu mettre un terme à des années de contentieux relatifs aux délibérations des syndicats mixtes instituant le versement transport. En adoptant l'article 50 contesté de la loi du 29 décembre 2012, le législateur a entendu donner un fondement législatif certain aux délibérations des syndicats mixtes ayant institué le versement transport avant le 1er janvier 2008. Il a également entendu éviter une multiplication des réclamations tendant au remboursement d'impositions déjà versées, et mettre fin au désordre qui s'en est suivi dans la gestion des organismes en cause. Enfin, les dispositions contestées tendent aussi à prévenir les conséquences financières qui auraient résulté de tels remboursements pour certains des syndicats mixtes en cause. Le Conseil constitutionnel a jugé que, dans ces conditions, l'atteinte portée par les dispositions contestées aux droits des entreprises assujetties au versement transport est justifiée par un motif impérieux d'intérêt général. En outre, le législateur a précisément défini et limité la portée de la validation et expressément réservé les décisions passées en force de chose jugée. Dans ces conditions, le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution l'article 50 de la LFR pour 2012. Il a seulement précisé que cette validation ne saurait permettre que soient prononcées des sanctions à l'encontre des personnes assujetties au versement transport en vertu d'une délibération d'un syndicat mixte antérieure au 1er janvier 2008 au titre du recouvrement de cette imposition avant l'entrée en vigueur de cet article 50.

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Contrats administratifs

[Le point sur...] La société d'économie mixte à opération unique, nouvelle forme de société d'économie mixte locale

Lecture: 11 min

N0688BUZ

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par François Brenet, Professeur de droit public à l'Université de Poitiers, Directeur de l'Institut de droit public (EA 2623)

Le 20 Février 2014

Sans être tout à fait conflictuelles, les relations qu'entretiennent les sociétés d'économie mixte locales (SEML) avec le droit de la commande publique sont frappées du sceau de la suspicion. Instrument moderne de gestion des services publics pour les élus locaux, la société d'économie mixte locale n'est souvent, aux yeux des juges -qu'ils soient européens ou français-, qu'un moyen commode permettant de contourner les règles du droit de la commande publique. Comme bien souvent, la vérité se situe sans aucun doute entre ces deux extrêmes : si elle n'est pas l'instrument de gouvernance parfait que l'on présente parfois, la société d'économie mixte locale n'est pas non plus une formule institutionnelle dissimulant systématiquement une volonté de s'affranchir des règles de passation des contrats de la commande publique. C'est dans ce contexte de méfiance à l'égard des SEML que s'inscrivent plusieurs propositions de lois déposées au Sénat et à l'Assemblée Nationale à l'automne 2013 (1) et tendant à la création d'une nouvelle forme de société d'économie mixte locale, qualifiée, selon les propositions, soit de "SEM contrat", soit de SEM à opération unique. L'exposé des motifs de ces propositions de la loi précise, dans un style emphatique, que "la SEM contrat est en effet un instrument de gouvernance au service de l'action publique locale qui permet d'allier les valeurs de la gestion directe en redonnant à la collectivité la maîtrise de son service public et les atouts de la gestion déléguée en faisant appel aux compétences et à l'innovation d'un opérateur privé". Plus concrètement, il s'agit de permettre aux collectivités territoriales d'organiser une procédure transparente et concurrentielle en vue de sélectionner le partenaire privé appelé à intégrer le capital d'une société d'économie mixte qui se verra attribuer sans publicité ni mise en concurrence un contrat ayant pour objet la réalisation d'une opération de construction, de logement ou d'aménagement, la gestion d'un service de la commande publique, ou encore toute autre opération d'intérêt général relevant de la compétence des collectivités territoriales ou de leurs groupements. Ces initiatives visent à remettre en cause le schéma classique de l'économie mixte locale en France, dans lequel la procédure de publicité et de mise en concurrence vise à sélectionner l'attributaire du contrat et certainement pas à déterminer l'actionnaire privé, lequel est librement choisi par la collectivité territoriale.

Ces propositions (2) visant à instituer une SEM "mono contrat" ne doivent rien au hasard. Elles font suite à des prises de position favorables de la Commission européenne et de la Cour de justice et à un accueil plutôt réservé de la part du Conseil d'Etat. Du point de vue des institutions européennes, l'accueil fut, en effet, plutôt positif. Dans sa communication interprétative du 5 février 2008 concernant l'application du droit communautaire des marchés publics et des concessions aux partenariats public privé (3), la Commission européenne a admis que la sélection du partenaire privé pouvait s'accompagner par la création du partenariat public-privé institutionnalisé (PPPI) et l'attribution du marché public ou de la concession à l'entité mixte. C'est une solution identique qu'a retenu la Cour de justice un an plus tard dans son arrêt "Acoset" (4). Faisant preuve de pragmatisme, la Cour a considéré qu'il n'était nullement nécessaire d'organiser une double procédure de publicité et de mise en concurrence (l'une pour déterminer l'investisseur privé appelé à intégrer le PPPI, l'autre pour déterminer l'attributaire du contrat), mais qu'il était, au contraire, plus logique d'organiser cette procédure en amont de l'attribution du contrat. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, c'est finalement le Conseil d'Etat qui, dans son avis du 1er décembre 2009 (5), a émis les plus vives réserves sur cette question de la conformité des PPPI au droit de la commande publique. Justement interprété par certains auteurs comme compromettant sérieusement l'avenir des PPPI en France (6), cet avis a été mal accueilli par les élus locaux et les défenseurs de l'économie mixte locale. Les propositions de lois déposées au Parlement vivent précisément à surmonter les obstacles juridiques identifiés par le Conseil d'Etat et à relancer l'économie mixte en France. Malgré cela, l'examen des caractéristiques principales des SEML à opération unique (I) suscite des interrogations que les propositions de lois déposées par les députés et sénateurs ne suffisent pas à régler (II).

I - Les principales caractéristiques des sociétés d'économie mixte locale à opération unique

A - Le statut de société anonyme

Les "SEML contrat" ou à opération unique se présentent comme des sociétés d'économie mixte locales particulières. Leur régime juridique est largement aligné sur celui des SEML. Tout comme ces dernières, elles prennent la forme de sociétés anonymes régies par le livre II du Code de commerce. Leur création obéit aux règles applicables aux SEML de droit commun, du point de vue de l'initiative de leur création (qui ne peut être que publique), de la limitation de leur objet social et de l'obligation de mixité du capital. Cependant, ce sont les particularités des SEML à opération unique qui doivent retenir l'attention. Elles constituent, en effet, une sous-espèce particulière au sein des SEML de droit commun.

B - La procédure de sélection de l'actionnaire

La principale particularité réside dans le déplacement de l'organisation de la procédure de publicité et de mise en concurrence au stade de la création de la société. Jusqu'à présent, les SEML de droit commun souffraient d'au moins deux défauts majeurs. Le premier d'entre eux réside dans l'impossibilité, pour le pouvoir adjudicateur souhaitant contracter avec une SEML, d'invoquer le bénéfice de l'exception in house. Depuis la jurisprudence "Stadt Halle" de la Cour de justice du 11 janvier 2005 (7), il est acquis que la présence, même très minoritaire, d'un actionnaire privé dans le capital d'une société suffit à écarter la possibilité que ce pouvoir adjudicateur exerce sur elle un contrôle analogue à celui qu'il exerce sur ses propres services. Et puisqu'un tel contrôle fait défaut, il n'est pas possible de considérer que les relations contractuelles unissant le pouvoir adjudicateur à la SEML s'inscrivent dans un schéma de quasi-régie, justifiant la non-application d'une procédure de publicité et de mise en concurrence. En France, on sait que c'est pour riposter à cette jurisprudence sévère qu'ont été créées les sociétés publiques locales d'aménagement (8), puis les sociétés publiques locales (9), qui sont des sociétés dont le capital est entièrement public. Le second défaut majeur faisant obstacle au développement des sociétés d'économie mixte locale résidait dans leur nature hybride. Bien qu'étant des personnes morales de droit privé à capital public majoritaire, les SEML étaient traditionnellement contraintes de subir les risques de la "logique concurrentielle".

Concrètement, une collectivité territoriale ayant créé une telle SEML en vue de lui confier, par exemple, un marché public, devait organiser une procédure de publicité et de mise en concurrence afin de mettre la SEML en compétition avec les autres opérateurs économiques. On ne pouvait donc pas totalement exclure que la collectivité territoriale se retrouve en situation de devoir contracter, en définitive, avec un autre opérateur que la SEML qu'elle avait, par ailleurs, créée, s'il apparaissait que l'offre proposée par cette dernière était moins avantageuse. C'est dire que la création de la SEML pouvait parfaitement n'avoir servi à rien, tout en ayant mobilisé des compétences et des moyens importants. Face à ce constat, qui est la conséquence logique de la nécessité de préserver l'effet utile du droit de la commande publique (10), les parlementaires ont souhaité permettre l'anticipation de la mise en concurrence. Répondant aux craintes du Conseil d'Etat, qui estimait, notamment, que le droit positif ne permettait pas de constituer une entité commune entre le pouvoir adjudicateur et son partenaire au stade de la passation du contrat (solution qui serait contraire à la règle de l'identité entre le candidat ayant présenté une offre et le titulaire du contrat à l'issue de la compétition), les propositions de lois distinguent nettement les deux phases de création de la société d'économie mixte, d'une part, et d'attribution du contrat à celle-ci, d'autre part. Au moment de la création de la SEML, les collectivités territoriales actionnaires ou leurs groupements sont tenus d'organiser une procédure qualifiée "d'appel à manifestation d'intérêt", visant à sélectionner le partenaire privé appelé à prendre part dans le capital de la société. Cet avis d'appel public à manifestation d'intérêt doit être suffisamment précis et, notamment, intégrer l'avis d'appel public à la concurrence afférent au contrat à passer entre la "SEML contrat" et la collectivité actionnaire, ainsi que les caractéristiques et les engagements déterminants que le futur actionnaire opérateur devra satisfaire. Ce n'est que dans un second temps, lorsque l'actionnaire aura été choisi, dans le respect des principes de liberté d'accès, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, que le contrat pourra ensuite être librement attribué à la SEML à opération unique.

C - La structure du capital de la "SEML contrat"

En dérogation à l'article L. 225-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L5872AIC) (qui dispose que le nombre d'actionnaires des sociétés anonymes ne peut être inférieur à sept), la SEML à opération unique est composée d'au moins deux actionnaires, sachant que la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités territoriales peut détenir entre 34 % et 85 % du capital de la société et 34% au moins des voix dans les organes délibérants. Cela signifie, très concrètement, que l'actionnaire privé ne peut pas détenir moins de 15 % du capital. Cet éventail de solutions appelle plusieurs remarques. En premier lieu, il laisse évidemment une grande marge de manoeuvre aux collectivités territoriales qui peuvent véritablement créer une SEML sur mesure. C'était une demande forte de leur part et, de ce point de vue, les propositions de lois rejoignent la solution envisagée un temps, et finalement non adoptée, au sujet de la société locale de partenariat (11). A l'époque, il s'agissait de créer de nouvelles sociétés d'économie mixte dans lesquelles les collectivités territoriales et leurs groupements ne détiendraient au minimum que 34 % du capital. L'objectif n'était alors pas d'échapper à la concurrence (12), mais d'inciter plus largement les investisseurs privés à intégrer le capital des PPPI. C'est cette logique d'attractivité que reprennent les propositions de lois relatives à la SEML à opération unique. Il s'agit de donner tout son sens à l'économie mixte et au partenariat public-privé. Trop souvent, la structure du capital des SEML réduisait les investisseurs privés à un rôle purement secondaire, voire de figurant ou de spectateur des décisions prises par la personne publique (13). Mais cette solution pose, en second lieu, la question de l'homogénéité des "SEML contrat". La liberté accordée aux actionnaires débouchera nécessairement sur des solutions très variables, avec des SEML qui pourront, selon les contrats, être fort différentes les unes des autres. Certaines SEML à opération unique se présenteront comme des sociétés privées à capital majoritairement privé et appartiendront au secteur privé local. D'autres auront un capital majoritairement public et appartiendront au secteur public.

II - Les interrogations suscitées par la création des sociétés d'économie mixte locale à opération unique

Même si elle répond pour une très large part à une demande des élus locaux et des acteurs de l'économie mixte locale, la SEML à opération unique suscite un certain nombre d'interrogations, voire d'inquiétudes.

Du point de vue de la méthode, tout d'abord, l'on peut regretter que la question de l'avenir de l'économie mixte soit une nouvelle fois traitée par le petit bout de la lorgnette alors qu'il serait temps de s'intéresser à cette question dans son ensemble. La juxtaposition des législations sectorielles, d'expérimentation et générales conduit à briser l'unité du secteur public local. Entre les établissements publics locaux à caractère industriel et commercial, les sociétés publiques locales, les sociétés publiques locales d'aménagement, les sociétés d'économie mixte et les futures sociétés d'économie mixte à opération unique, sans compter les sociétés locales de partenariat (qui sont restées à l'état de projet), il est de plus en plus difficile d'établir des points communs, et donc d'établir les lignes de force du secteur public local en France. Les risques de concurrence entre ces différents modèles sont réels. On sait, en effet, parfaitement que les collectivités territoriales privilégient désormais nettement la société publique locale, tout simplement parce qu'il est possible de lui attribuer un contrat de la commande publique sans avoir à respecter les obligations de publicité et de mise en concurrence. De même, il y a de fortes probabilités pour que les SEML de droit commun soient progressivement délaissées au profit des sociétés d'économie mixte à opération unique. Or, le régime juridique de ces dernières est pour le moment assez incomplet.

C'est précisément le deuxième point qui peut susciter l'inquiétude à la lecture des différentes propositions de lois. Trop de questions demeurent sans réponse. La plus importante nous semble être celle de l'évolution et du devenir de la SEML à opération unique. Logiquement, la SEML contrat a vocation à disparaître avec le contrat. Si cela ne devrait pas poser de difficulté lorsque ce dernier aura été complètement exécuté (hypothèse qu'envisage le futur article L. 1541-1-IV du Code général des collectivités territoriales), qu'adviendrait-il en cas de résiliation, voire d'annulation du contrat ? De la même façon, si l'on comprend bien que le destin de la SEML est lié à la réalisation d'une opération unique, les actionnaires privés et publics ne seront-ils pas tentés, en pratique, de confier à la SEML des prestations qui ne figuraient pas initialement dans l'avis d'appel public à manifestation d'intérêt ? Une telle pratique est évidemment interdite par le droit de l'Union Européenne et par le droit français, mais il serait sans doute plus prudent de le rappeler dans le texte de la future loi.

Se pose ensuite la question de savoir si la liberté laissée aux collectivités territoriales au niveau de la répartition du capital est compensée par des garanties suffisantes, de nature à permettre aux élus locaux de conserver le contrôle de la "SEML contrat". Plusieurs protections sont envisagées. Il est prévu, tout d'abord, que la part détenue par la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités territoriales ne pourra pas descendre en dessous de 34% du capital et de 34% des voix dans les organes délibérants. C'est dire que la personne publique disposera toujours d'une minorité de blocage lui permettant de maîtriser les grandes décisions. Les propositions de lois prévoient, également, que les élus seront présents de droit dans les organes dirigeants, sachant que le président du conseil d'administration ou de surveillance sera nécessairement un représentant de la collectivité. La signature d'un pacte d'associés est également prévue. Mais ce pacte ne permettra de garantir le bon fonctionnement de la SEML contrat et le respect de l'intérêt général que s'il est bien négocié en amont par la collectivité territoriale, notamment lors des discussions engagées lors du choix de l'actionnaire privé. Dans l'ensemble, ces mécanismes paraissent satisfaisants même si leur efficacité dépendra de l'usage qu'en feront les personnes publiques. Il en va d'ailleurs de même des garanties qui sont proposées à l'opérateur économique (participation effective aux investissements, au management de la SEML et à la mise en oeuvre opérationnelle du contrat).

Enfin, on peut se demander s'il n'existe pas une sorte de contradiction entre la notion de partenariat public-privé institutionnel et l'unicité de l'opération confiée à la "SEML contrat". En effet, peut-on véritablement parler de partenariat lorsque l'activité de la SEML est limitée à la réalisation d'une seule opération qui, certes peut être de grande envergure, mais qui est dès le départ figée dans le marbre ? Cette solution ne risque-t-elle pas de décourager un certain nombre d'investisseurs privés ? De la même façon, n'existe-t-il pas un risque de multiplication, au sein d'une même collectivité territoriale et parfois avec les mêmes actionnaires privés, des SEM à opération unique, ce qui serait évidemment le signe d'un affaiblissement (voire d'un contournement) du droit de la commande publique ? En définitive, et dans l'attente d'une éventuelle adoption des propositions de lois évoquées, une seule certitude s'impose : le succès de la future SEML à opération unique dépend avant tout de l'utilisation qu'en feront les collectivités territoriales et les actionnaires privés.


(1) Au Sénat : proposition de loi n° 78 du 16 octobre 2013 déposée par M. Raoul ; proposition de loi n° 80 du 16 octobre 2013 déposée par M. Lefèvre ; proposition de loi n° 81 du 16 octobre 2013 déposée par M. Dupont. A l'Assemblée nationale : proposition de loi n° 1484 du 23 octobre 2013 déposée par M. Vigier ; proposition de loi n° 1487 du 23 octobre 2013 déposée par M. Sermier ; proposition de loi n° 1521 déposée le 6 novembre 2013 par M. Binet.
(2) S. Brameret, La société d'économie mixte contrat : partenariat public-privé institutionnalisé à la française ?, JCP éd. A, 2013, 2347.
(3) Communication interprétative concernant l'application du droit communautaire des marchés publics et des concessions aux partenariats public privé, COM/2007/6661. Cette communication faisait suite au livre vert de la Commission du 30 avril 2004 sur les partenariats public-privé et le droit communautaire des marchés publics et des concessions (COM/2004/0327).
(4) CJCE, 15 octobre 2009, aff. C-196/08 (N° Lexbase : A9995ELR).
(5) CE, Avis, 1er décembre 2009, n° 383264 (N° Lexbase : A5814MDP), EDCE, 2010, p. 353 et s., Contrats Marchés publ., 2010, repère 10, note F. Llorens et P. Soler-Couteaux, Contrats Marchés publ., 2010, alerte 49, obs. F. Linditch, Contrats Marchés publ. 2010, chron. 11, art. H. Hoepffner, Dr. adm., 2010, alerte 54, obs. R. Noguellou, Concurrences, 2010, n° 3, p. 179, obs. B. du Marais.
(6) H. Hoeppfner, L'avenir compromis des partenariats public-privé institutionnalisés - Apropos de l'avis de la section administrative du Conseil d'Etat n° 383264 du 1er décembre 2009, Contrats Marchés publ., 2011, chron. 11.
(7) CJCE, 11 janvier 2005, aff. C-26/03 (N° Lexbase : A9511DEY), Rec. CJCE, 2005, p. I, AJDA, 2005, p. 898, note F. Rolin, p. 1108, chron, Contrats Marchés publ., 2005, comm. 68, note G. Eckert.
(8) Loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006, portant engagement national pour le logement, art. 20 (N° Lexbase : L2466HKK), JO du 16 juillet 2006, p. 10662.
(9) Loi n° 2010-559 du 28 mai 2010, pour le développement des sociétés publiques locales (N° Lexbase : L3708IMB), JO du 29 mai 2010, p. 9697.
(10) Sans cette règle, il suffirait aux collectivités territoriales de créer une SEML dédiée (à la gestion d'un service public, à l'exécution d'un marché public, etc.) pour se dispenser du respect des règles de passation du droit de la commande publique.
(11) Proposition de loi déposée au Sénat le 27 juillet 2009 par M. Jean-Léonce Dupont et tendant à créer des sociétés locales de partenariat. Sur cette proposition, voir F. Llorens et P. Soler-Couteaux, Partenariat public-privé institutionnel et économie mixte locale : à propos d'une proposition de loi, Contrats Marchés publ., 2009, repère 8.
(12) Comme ce peut être le cas lorsque les collectivités territoriales recourent à une société à capitaux intégralement publics (société publique locale ou société publique locale d'aménagement).
(13) Voir l'analyse stimulante de S. Brameret, Les sociétés publiques locales, JCP éd. A, 2011, 2397. L'auteur relève, notamment, que la société d'économie mixte locale favorise surtout le partenariat du secteur public, de sorte que la mixité du capital social n'est souvent qu'un artifice (influence de la Caisse des dépôts et consignations et de ses filiales de droit privé, etc.).

newsid:440688

Cotisations sociales

[Brèves] Droit à exonération de cotisations sociales et accord collectif de prévoyance

Réf. : Cass. civ. 2, 13 février 2014, n° 13-12.329, F-P+B (N° Lexbase : A2448MEE)

Lecture: 2 min

N0813BUN

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Le 20 Février 2014

L'accord instituant le remboursement des frais de santé institué au bénéfice des salariés permanents de l'entreprise, à l'exception de chargés d'enseignement vacataires non permanents, revêt une nature collective et obligatoire ; de sorte que les contributions de l'employeur en exécution de cet accord sont exonérées de cotisations sociales. C'est en ce sens que statue la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 13 février 2014 (Cass. civ. 2, 13 février 2014, n° 13-12.329, F-P+B N° Lexbase : A2448MEE).
Dans cette affaire, une école, justifiant d'un statut associatif, avait conclu, avec quatre organisations syndicales, un accord collectif instituant un régime de remboursement des frais médicaux exposés par ses salariés. L'accord stipulait expressément qu'il n'avait pas vocation à s'appliquer aux vacataires intervenant de manière intermittente au titre des enseignements dispensés. Dans le cadre d'un contrôle, l'URSSAF, considérant que l'accord ne satisfaisait pas aux conditions posées par l'article L. 241-1, alinéa 6, du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L0132IWS), pour emporter exonération de cotisations, a notifié à l'association un redressement résultant de la réintégration, dans l'assiette des cotisations de Sécurité sociale, des contributions au titre du financement des prestations complémentaires de prévoyance. La commission de recours amiable ayant rejeté sa réclamation, l'employeur a saisi une juridiction de Sécurité sociale.
La cour d'appel ayant fait droit à la demande de l'employeur, l'URSSAF s'est pourvue en cassation. Outre une critique relative à la recevabilité du recours amiable formé par l'employeur au regard de sa motivation, elle reprochait notamment à la cour d'appel d'avoir reconnu un caractère obligatoire, mais surtout, collectif au système de remboursement des frais de santé quand étaient expressément exclus de son bénéfice les chargés d'enseignement intervenants dans l'école de manière intermittente.
La Haute juridiction, approuvant la cour d'appel, rejette le pourvoi. Au soutien de sa décision, elle considère que, si l'accord collectif exclut effectivement son application aux chargés d'enseignement intervenants non permanents, son essence reste collective dès lors qu'il concerne l'ensemble de personnel -certes permanent- cadre et non cadre affilié à la Sécurité sociale française. Soulignant que le "collectif s'oppose à individuel et ne signifie pas sans exception", elle décide que le champ d'application de l'accord, par essence général et globalisant, ouvre droit à exonération. "Le fait pour [l'employeur] de ne pas avoir inclus les intervenants intermittents, donc occasionnels -dont les périodes de travail correspondent au seul face à face pédagogique-, dans les bénéficiaires du contrat d'assurance dont il s'agit, ne saurait lui faire perdre l'exonération de cotisations sociales de ses contributions". (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9802A8K).

newsid:440813

Entreprises en difficulté

[Brèves] Demande d'admission définitive de la créance du Trésor : la réclamation contentieuse, après l'avis de mise en recouvrement, est une instance en cours

Réf. : Cass. com., 11 février 2014, n° 13-10.554, F-P+B (N° Lexbase : A3627ME3)

Lecture: 1 min

N0828BU9

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Le 25 Février 2014

Le juge-commissaire saisi par le Trésor public d'une demande d'admission définitive, formée dans le délai de l'article L. 624-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L3757HBR), d'une créance déclarée à titre provisionnel et ayant postérieurement fait l'objet d'un titre exécutoire contre lequel le redevable a formé une réclamation doit seulement constater qu'une réclamation ou une instance est en cours. Dès lors que la débitrice a formé une réclamation contentieuse après l'avis de mise en recouvrement, une instance est en cours. Telle est la solution énoncée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 11 février 2014 (Cass. com., 11 février 2014, n° 13-10.554, F-P+B N° Lexbase : A3627ME3). En l'espèce, une société ayant été mise en redressement judiciaire le 10 mai 2010, le comptable du Trésor a déclaré une créance à titre provisionnel puis en a sollicité l'admission à titre définitif. Le juge-commissaire a, par ordonnance du 11 mai 2011, constaté qu'une instance était en cours, la société ayant formé une réclamation contentieuse. Le comptable a donc formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt d'appel ayant confirmé l'ordonnance. Sans plus de succès : énonçant le principe précité, la Cour de cassation rejette le pourvoi (cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E0533EXZ).

newsid:440828

Entreprises en difficulté

[Chronique] Chronique de droit des entreprises en difficulté - Février 2014

Lecture: 13 min

N0818BUT

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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises et Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l'Université de Nice-Sophia-Antipolis, Membre du CERDP

Le 20 Février 2014

Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique de Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises, et Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l'Université de Nice-Sophia-Antipolis, membre du CERDP (EA 1201), retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de procédures collectives. Ce mois-ci, les auteurs ont choisi de s'arrêter sur deux arrêts publiés au Bulletin rendus par la Chambre commerciale de la Cour de cassation. Dans le premier, en date du 14 janvier 2014 et commenté par le Professeur Le Corre, la Haute juridiction énonce à la manière d'un principe, qu'"est interdite toute clause qui modifie les conditions de poursuite d'un contrat en cours en diminuant les droits ou en aggravant les obligations du débiteur du seul fait de sa mise en redressement judiciaire" (Cass. com., 14 janvier 2014, n° 12-22.909, F-P+B). Dans le second commentaire de cette chronique, Emmanuelle Le Corre-Broly nous livre ses réflexions sur un arrêt en date du 28 janvier 2014 qui revient sur les pouvoirs juridictionnels du juge-commissaire en matière d'admission des créances (Cass. com., 28 janvier 2014, n° 12-35.048, F-P+B).
  • L'absence de validité des clauses affectant la situation du débiteur du fait de l'ouverture d'une procédure collective (Cass. com., 14 janvier 2014, n° 12-22.909, F-P+B N° Lexbase : A7900KTR ; cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : A7900KTR)

Le contrat est une source de richesse pour l'entreprise. Elle devient un bien précieux à conserver si une procédure collective s'ouvre. C'est ce qui explique que le législateur ait cru bon de poser un certain nombre de règles dérogatoires au droit commun, en la matière, afin de ne pas laisser au bon vouloir du cocontractant du débiteur la poursuite des relations contractuelles.

On sait d'abord que le législateur interdit la résolution ou résiliation, après jugement d'ouverture, d'un contrat pour une inexécution financière antérieure au jugement d'ouverture. Pour être plus précis, la disparition du contrat pour cause touchant à son inexécution, ne peut avoir pour fondement le non paiement d'une créance née avant le jugement d'ouverture.

Le législateur est allé beaucoup plus loin dans la réglementation. Il a également mis à l'écart des clauses de résiliation de plein droit pour survenance de la sauvegarde, du redressement ou de la liquidation judiciaire. L'article L. 621-28, alinéa 6, du Code de commerce (N° Lexbase : L6880AIN, dans sa rédaction antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises (N° Lexbase : L5150HGT, anciennement, loi du 25 janvier 1985, art. 37, al. 6 N° Lexbase : L4126BMR), invalide les clauses de résiliation de plein droit pour survenance du redressement judiciaire. La solution a été reprise par la loi de sauvegarde des entreprises, le texte de l'article L. 622-13, alinéa 6 (N° Lexbase : L3872HBZ, devenu C. com., art. L. 622-13, I, al. 1er N° Lexbase : L3352IC7, réd. ordonnance du 18 décembre 2008 N° Lexbase : L2777ICT) visant la procédure de sauvegarde. Ce texte est rendu applicable à la procédure de redressement judiciaire par l'article L. 631-14 (N° Lexbase : L2453IEL).

La jurisprudence y a logiquement assimilé les clauses de résiliation de plein droit fondées sur l'état de cessation des paiements, puisque le constat d'un tel état conduit à l'ouverture de la procédure (1). La résiliation de plein droit pour insolvabilité ne nous semble pas davantage pouvoir produire effet.

Aucune des parties ne peut se prévaloir d'une clause aux termes de laquelle la résiliation du contrat est possible par lettre simple en cas de procédure collective atteignant l'une des parties, fut-ce pour conclure à l'irrecevabilité des demandes présentées par l'autre contre elle (2).

Les textes ci-dessus privent également d'efficacité les clauses d'indivisibilité. Seule l'indivisibilité conventionnelle est prohibée. Il est évident que l'indivisibilité objective ne saurait être écartée, puisque la continuation d'un des contrats ne présenterait alors, par hypothèse, aucun intérêt si l'autre contrat n'était pas continué. En outre, l'indivisibilité stipulée entre les obligations ne peut tenir en échec la distinction des créances antérieures et des créances postérieures et les conséquences qui y sont attachées, ce qui oblige le cocontractant à continuer le contrat, malgré l'inexécution financière antérieure au jugement d'ouverture du débiteur.

L'intérêt de l'arrêt de la Chambre commerciale du 14 janvier 2014 est de proposer un critère plus large que ceux énoncés par les textes, pour invalider certaines clauses stipulées pour le cas de survenance d'une procédure collective.

En l'espèce, un contrat d'assurance avait été souscrit par une société. Des incendies étaient survenus dans les locaux assurés. La société a été placée en redressement puis en liquidation judiciaire. Le liquidateur a assigné l'assureur aux fins d'obtenir paiement de l'indemnité au titre de la perte de valeur du fonds de commerce. L'assureur s'est retranché derrière une clause du contrat stipulant que l'assurance ne garantissait pas la perte de valeur du fonds de commerce consécutive à un sinistre survenu pendant une période de chômage de l'établissement ou après la cessation de l'exploitation ou l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

Les juges du fond avaient admis la prétention de l'assureur car, selon eux, la disposition du contrat d'assurance ne remettait pas en cause le bénéfice des autres garanties et aucune assimilation ne pouvait être faite entre l'exclusion d'une garantie spécifique et la résiliation du contrat.

La censure intervient au motif énoncé à la manière d'un principe, qu'"est interdite toute clause qui modifie les conditions de poursuite d'un contrat en cours en diminuant les droits ou en aggravant les obligations du débiteur du seul fait de sa mise en redressement judiciaire".

La Cour de cassation casse, ici, un arrêt de la cour d'appel de Douai qui avait été remarqué (3). Nous avions indiqué à son sujet que "la solution peut être discutée, car, ainsi que cela a été observé (4), cela revient à permettre une résiliation partielle du contrat au seul motif de l'ouverture d'une procédure collective, en violation avec le principe selon lequel le jugement d'ouverture n'entraîne pas la résiliation d'un contrat, toute clause contraire étant réputée non écrite" (5).

Avant de porter une appréciation sur la solution posée par la Cour de cassation, il importe de procéder à un bref rappel intéressant le contrat d'assurance confronté à la problématique de la continuation des contrats en cours.

Sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985, le contrat d'assurance terrestre est l'objet d'une réglementation particulière. L'article 221 de la loi du 25 janvier 1985 (disposition non codifiée), modifiant l'article L. 113-6 du Code des assurances (N° Lexbase : L0067AAQ), prévoit qu'en cas de redressement judiciaire de l'assuré, chacune des parties a le droit de résilier le contrat dans les trois mois du jugement d'ouverture. Passé ce délai, la résiliation n'est plus possible (6). Il y a là une véritable dérogation au droit commun de la continuation des contrats en cours, l'article L. 113-6 du Code des assurances étant indépendant de l'article L. 113-4 du même code (N° Lexbase : L0063AAL), de sorte que cette faculté existe indépendamment de l'aggravation des risques couverts, laquelle autorise la résiliation en application de l'article L. 113-4 (7). Contrairement au droit commun posé par l'article L. 621-40 du Code de commerce (N° Lexbase : L6892AI4 anciennement, loi du 25 janvier 1985, art. 47), le non-paiement après jugement d'ouverture d'une prime antérieure à ce jugement entraîne résiliation de plein droit du contrat (8), sur le fondement de l'article L. 132-20 du Code des assurances (N° Lexbase : L0149AAR).

La loi de sauvegarde des entreprises a supprimé le premier alinéa de l'article L. 113-6 du Code des assurances (N° Lexbase : L7572HB3). Il en résulte que le contrat d'assurance est, désormais, soumis au droit commun de la continuation des contrats en cours.

Une fois ces précisions apportées, il est possible d'apporter une appréciation sur la présente décision. La solution posée par la Cour de cassation ne peut que susciter l'adhésion.

Certes, il ne peut être discuté que les clauses prévoyant une résiliation unilatérale participent du principe d'autonomie de la volonté. Si la loi ne les interdit pas explicitement, elles devraient donc pouvoir s'appliquer. Les exceptions sont de droit étroit et ne peuvent donc exister sans texte. De même, il peut être remarqué que les règles restrictives de droit sont d'interprétation stricte. Elles ne peuvent donc être étendues, par principe, au-delà de leur lettre. Or, les règles du droit des entreprises en difficulté qui invalident une clause de résiliation d'un contrat sont restrictives de droit.

Pour autant, admettre d'aggraver la situation contractuelle d'une partie au motif qu'elle a été placée en redressement judiciaire, c'est tout simplement interdire à cette dernière la poursuite d'un contrat, peut-être indispensable à la poursuite de son activité. C'est donc porter une atteinte grave à son droit au sauvetage. La Cour de cassation va même au-delà puisque la solution vaut également pour le cas de survenance d'une liquidation judiciaire.

Au-delà de la lettre du texte, la Cour de cassation a donc clairement fait prévaloir l'esprit de ce dernier pour estimer qu'il y a place à invalidation de toutes les clauses aggravant la situation du débiteur en cas d'ouverture d'une procédure collective. Ce faisant, la Cour de cassation pose un principe clair de neutralité contractuelle face à l'ouverture d'une procédure collective. Le partenaire contractuel du débiteur ne peut tirer argument de cette situation pour se dérober à ses obligations : telles qu'elles étaient avant l'ouverture de la procédure, telles elles doivent demeurer après. L'aménagement contractuel, en la matière, n'est pas de mise.

Il n'est pas sans intérêt de rapprocher ces solutions de celles contenues dans le projet d'ordonnance de réforme du droit des entreprises en difficulté, qui invalide les clauses aggravant la situation de l'une des parties pour nomination d'un mandataire ad hoc ou ouverture et même simple demande d'ouverture d'une procédure de conciliation.

Terminons en indiquant que l'article L. 113-4 du Code des assurances, pour sa part, ne s'est pas trouvé affecté par la modification résultant de la loi de sauvegarde des entreprises. Il en résulte que l'assureur pourra continuer à se protéger des conséquences d'une aggravation des risques couverts (9). Mais, il faut immédiatement comprendre que la simple ouverture d'une procédure collective sera insuffisante à justifier l'application du texte, parce qu'elle n'induit pas, à elle seule, une aggravation des risques au sens du texte (10).

Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises

La procédure de vérification et d'admission des créances tend à la détermination de l'existence, du montant et de la nature de la créance (11). Le juge-commissaire est le personnage clef de cette procédure puisqu'au rang de ses attributions, figure celle de décider de l'admission ou du rejet des créances. L'article L. 624-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L3758HBS) énonce en effet que "au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence".

A la lecture de cette disposition, il semble résulter clairement qu'il appartient au juge commissaire de statuer sur la créance, à deux exceptions près.

La première exception concerne l'hypothèse dans laquelle une instance est en cours au jour du jugement d'ouverture. Dans cette hypothèse, l'instance, suspendue par l'effet du jugement d'ouverture, pourra reprendre son cours après mise en cause des organes de la procédure, dans les prévisions de l'article L. 622-22 du Code de commerce (N° Lexbase : L3742HB9). L'instance reprise ne tendra plus alors qu'à la fixation de la créance. Une fois la décision obtenue, le créancier devra demander au greffier de reporter le contenu de la décision sur l'état des créances (C. com., art. R. 624-11, alinéa 1er N° Lexbase : L0911HZR).

La seconde exception concerne l'hypothèse dans laquelle la contestation de la créance ne relève pas de la compétence du juge-commissaire mais de la compétence exclusive d'une autre juridiction. Par exemple, le juge-commissaire est incompétent, au profit du juge de l'impôt pour connaître des contestations relatives au recouvrement des impôts. De même, s'il s'agit de déterminer le fait générateur de la créance de cotisations sociales pour calculer les cotisations, la compétence du juge-commissaire est écartée au profit du tribunal des affaires de Sécurité sociale. Il en serait également de même si une difficulté surgissait au sujet d'un crédit à la consommation, puisqu'en application de l'article L. 311-52 du Code de la consommation (N° Lexbase : L9554IMS), le tribunal d'instance connaît des litiges nés de l'application des dispositions spécifiques aux crédits à la consommation. Dans ces hypothèses, ici encore, une fois la décision rendue, le contenu de celle-ci devra être reporté sur l'état des créances.

En dehors de ces deux cas, l'article L. 624-2 du Code de commerce semble laisser toute latitude au juge-commissaire pour se prononcer sur l'admission ou le rejet de la créance. Tel n'est cependant pas ce qui ressort de l'état actuel de la jurisprudence, comme en témoigne un arrêt rendu le 28 janvier 2014 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation.

En l'espèce, une banque avait déclaré au passif de l'emprunteur, ayant fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, une créance correspondant au capital restant dû au titre d'un prêt immobilier. Le débiteur avait contesté la créance au motif d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 312-10 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6772ABG) aux termes desquelles, l'offre de crédit immobilier doit être acceptée par l'emprunteur par lettre, après l'écoulement d'un délai de dix jours après la réception de l'offre de prêt. Le défaut de respect de cette obligation légale est sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts. En l'espèce, l'emprunteur avait soulevé la déchéance du droit aux intérêts et fait valoir une créance de restitution d'intérêts versés avant l'ouverture de la procédure. La question s'était alors posée de savoir si le juge-commissaire, et à sa suite la cour d'appel, pouvaient statuer sur l'admission de la créance.

La cour d'appel avait, d'une part, admis la créance déclarée au passif et, d'autre part, considéré que la demande du débiteur fondée sur la méconnaissance par la banque de l'article L. 312-10 du Code de la consommation et la déchéance de son droit à intérêt n'était pas recevable dans la procédure de vérification des créances et qu'il appartenait au débiteur de saisir la juridiction compétente pour faire trancher le litige relatif à la faute de la banque.

Cet arrêt d'appel est censuré par la Chambre commerciale qui considère que les juges du fond ont violé l'article L. 624-2 du Code de commerce en statuant ainsi dans la mesure où, ayant constaté que la contestation du débiteur avait une incidence sur le montant de la créance déclarée, la cour d'appel aurait dû surseoir à statuer sur l'admission de la créance après avoir invité les parties à saisir le juge compétent. Ainsi, est-il considéré que la contestation du débiteur ne relevait pas des pouvoirs juridictionnels du juge-commissaire et, à sa suite, de la cour d'appel.

Cette décision se situe dans le droit fil de la position adoptée par la jurisprudence relative à l'étendue du pouvoir juridictionnel du juge-commissaire statuant en matière d'admission des créances. Cet arrêt donne l'occasion de faire le point sur cette question.

Il convient, d'abord, de préciser que le pouvoir juridictionnel du juge-commissaire est absolu lorsque ce dernier statue sur la régularité de la déclaration de créances. Peu important que des difficultés sérieuses soient soulevées devant lui à ce sujet, il appartiendra au juge-commissaire de se prononcer sur la régularité de la déclaration de créance (par exemple, sur le respect des délais de déclaration ou sur la question du pouvoir du déclarant).

En revanche, il ressort des décisions rendues par la Cour de cassation que le pouvoir juridictionnel du juge-commissaire est limité lorsqu'il doit connaître du fond de la créance. Ainsi que l'a analysé un auteur (12), l'évidence semble être la frontière au-delà de laquelle le juge-commissaire n'est plus compétent pour admettre la créance. Le Professeur Pierre-Michel Le Corre observe, en effet, que, même si la Cour de cassation n'a jamais officialisé ce point de vue, les Hauts magistrats semblent considérer qu'il appartient au juge-commissaire de statuer comme le ferait le juge des référés, c'est-à-dire en juge de l'évidence.

C'est ainsi qu'il a été jugé que le juge-commissaire statuant dans le cadre de la vérification et de l'admission des créances ne peut pas apprécier l'inopposabilité d'un contrat de cautionnement à la société débitrice, à la procédure de laquelle l'engagement de cautionnement est déclaré, pour défaut d'autorisation du conseil d'administration (13). De la même manière, le juge-commissaire ne peut pas statuer sur l'exécution prétendument défectueuse d'un contrat (14). De même, comme en témoigne l'arrêt rapporté, il n'entre pas dans les attributions du juge-commissaire de se prononcer sur la responsabilité contractuelle du prêteur.

Dans toutes ces hypothèses, le juge-commissaire doit, après avoir invité les parties à saisir le juge compétent, surseoir à statuer sur l'admission de la créance jusqu'à ce que le juge compétent ait statué sur la défense au fond. Il convient d'insister ici sur le fait qu'il ne s'agit pas ici d'une exception d'incompétence (au profit, par exemple, du juge de l'impôt ou encore du tribunal des affaires de la Sécurité sociale, cf. supra) mais d'une fin de non-recevoir, qui peut donc être soulevée en tout état de la procédure, contrairement à une exception d'incompétence qui doit être relevée in limine litis. Une fois que le juge compétent aura statué sur la difficulté qui n'entre pas dans l'office juridictionnel du juge-commissaire (c'est-à-dire, dans l'espèce rapportée, tranché la question de l'existence d'une créance de restitution d'intérêt pour méconnaissance par la banque de l'article L. 312-10 du Code de la consommation), le juge-commissaire pourra alors, à la demande de la partie intéressée, rendre la décision d'admission au passif.

Même si la position adoptée par l'arrêt rapporté est conforme à celle déjà suivie par la jurisprudence de la Cour de cassation, une réserve peut-être émise quant à son opportunité. En effet, l'arrêt est rendu au visa de l'article L. 624-2 du Code de commerce. Or, à la lecture de cet article, aucune limitation de l'office juridictionnel du juge-commissaire n'apparaît. La limitation ainsi apportée par la jurisprudence au pouvoir juridictionnel du juge-commissaire est en conséquence difficilement compréhensible. Elle l'est d'autant moins lorsque l'on constate que, quelle que soit l'ampleur des difficultés juridiques rencontrées, le juge-commissaire est reconnu exclusivement compétent pour statuer sur la régularité de la déclaration de créance. S'il peut traiter des difficultés complexes rencontrées sur ce terrain, pourquoi ne pourrait-il pas en traiter d'autres portant sur le fond de la créance ? Il conviendrait peut-être, dans le respect de l'article L. 624-2 du Code de commerce, de redonner au juge-commissaire la plénitude du pouvoir juridictionnel que lui attribue ce texte. Cela aurait, en outre, le mérite de ne pas mettre un frein à la vérification du passif et ainsi d'éviter de différer les clôtures de procédures.

Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l'Université de Nice-Sophia-Antipolis, Membre du CERDP


(1) Cass. com., 2 mars 1993, n° 90-21.849, publié (N° Lexbase : A5481ABM), Bull. civ. IV, n° 87 ; Rev. huissiers, 1993, 866, note Vidal ; CA Paris, 3ème ch., sect. B, 12 janvier 2001, Rev. proc. coll., 2002, p. 189, n° 1, obs. Ph. Roussel Galle.
(2) CA Paris, 5ème ch., sect. B, 14 septembre 2006, n° 03/13950 (N° Lexbase : A9318DSW).
(3) CA Douai, 2ème ch., 2ème sect., 24 mai 2012, n° 10/7659 (N° Lexbase : A4890IM3), D., 2012, actu 1952, note F. Dannenberger.
(4) F. Dannenberger, note sous CA Douai, 2ème sect., 24 mai 2012, préc..
(5) Nos obs., Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz action, 7ème éd., 2013/2014, n° 435.32.
(6) CA Paris, 7ème ch., sect. A, 28 juin 2005, n° 04/05639 (N° Lexbase : A0636DKR).
(7) Cass. civ. 1, 1er avril 2003, n° 99-21.362, F-P (N° Lexbase : A6505A73), Bull. civ. I, n° 90 ; D., 2003, AJ 1165, obs. A. Lienhard ; Act. proc. coll., 2003/9, n° 113 ; JCP éd. E, 2003, chron. 1396, p. 1574, n° 13, obs. Ph. Pétel ; LPA, 13 novembre 2003, n° 227, p. 9, note C. Léguevaques et Y. Sala ; Rev. proc. coll., 2003, p. 238, n° 5, obs. Ph. Roussel Galle ; Rev. proc. coll., 2004, p. 234, n° 8, obs. F. Macorig-Venier.
(8) Cass. com., 26 mai 1999, n° 96-21.054, publié (N° Lexbase : A5412A49), Bull. civ. IV, n° 106 ; LPA, 30 juin 1999, n° 129, p. 10, nos obs. ; JCP éd. E, 1999, chron. 1532, n° 1-C-10, obs. crit. Ph. Pétel ; Act. proc. coll., 1999/11, n° 144.
(9) Rapport de J.-J. Hyest, n° 335, p. 553 ; adde J. Vallansan, J.-CL. COM., fasc. 2335, [Continuation des contrats en cours], éd. 2007, n° 42.
(10) Ph. Roussel Galle, Réforme du droit des entreprises en difficulté par la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005, "Carré droit", Litec 2005, n° 254.
(11) Cass. com., 5 novembre 2003, n° 00-17.773, FS-D (N° Lexbase : A0582DAS) ; Cass. com., 19 mai 2004, n° 01-15.741, F-D (N° Lexbase : A2656DCD).
(12) P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, préc., n° 682.15.
(13) Cass. com., 7 février 2006, n° 04-19.087, F-P+B (N° Lexbase : A8465DMH), Bull. civ. IV, n° 29, D., 2006, AJ 578, obs. A. Lienhard, Act. proc. coll., 2006/5, n° 45, note J. Vallansan, RD banc. et fin., mars-avril 2006, p. 24, n° 74, obs. F.-X. Lucas ; Gaz. proc. coll., 2006/2, p. 45, obs. P.-M. Le Corre ; Cass. com., 7 février 2006, n° 04-19.088, F-D (N° Lexbase : A8466DMI) ; Cass. com., 3 mai 2006, n° 03-17.591, F-D (N° Lexbase : A3448DPE), RD banc. et fin., 2006, n° 167, obs. F.-X. Lucas.
(14) Cass. com., 21 juin 2005, n° 04-10.868, F-D (N° Lexbase : A8371DIU), Gaz. proc. coll., 2005/3, p. 21, n° 4, obs. S. Gorrias ; Cass. com., 5 juillet 2005, n° 04-13.129, F-D (N° Lexbase : A8993DIW) ; Cass. com., 27 mai 2008, n° 06-20.357, F-D (N° Lexbase : A7806D8M), Gaz. proc. coll., 2008/3, p. 47, nos obs. ; Cass. com., 24 mars 2009, n° 07-21.567, F-D (N° Lexbase : A1959EEB), Procédures, 2009, comm. 196, note B. Rolland, Rev. proc. coll., 2010/1, § 2, p. 23, note S. Gorrias et V. Manié ; Cass. com., 1er décembre 2009, n° 07-21.695, F-D (N° Lexbase : A3375EPP) ; Cass. com., 16 novembre 2010, n° 09-71.592, F-D (N° Lexbase : A5921GKI).

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Entreprises en difficulté

[Manifestations à venir] Contentieux bancaire des procédures collectives au lendemain de la réforme de 2014

Lecture: 2 min

N0835BUH

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Le 20 Février 2014

Le Centre d'études et de recherches en droit des procédures organise, dans les locaux de la Faculté de droit de Nice, le 11 avril 2014, le colloque du CRAJEFE sur le thème "Contentieux bancaire des procédures collectives au lendemain de la réforme de 2014", sous la direction scientifique de Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l'Université de Nice Sophia Antipolis.
  • Programme

- Matinée

Sous la présidence de Raymond Espel, Président de la Chambre commerciale de la Cour de cassation

Modérateur : Monsieur le Président de l'Institut français des praticiens des procédures collectives en exercice

8h15 : Accueil des participants

9h00 : Les aspects de la réforme de 2014 intéressant les établissements de crédit, Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice-Sophia-Antipolis

I - Le banquier et le financement de l'entreprise

A -  Les outils du financement

10h00 : La continuation des concours bancaires, par Françoise Pérochon, Professeur à l'Université de Montpellier

11h00 : Mobilisation des créances et procédures collectives, par Régine Bonhomme, Avocat général à la Cour de cassation, Agrégée des universités

B -  La déclaration des créances issues du financement

11h45 : Le contenu de la déclaration de créance de l'établissement de crédit, par Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l'Université de Nice-Sophia-Antipolis

12h30 : Déjeuner - Buffet

- Après-midi

Sous la présidence de Xavier Huertas, Président du Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires

Modérateur : Philippe Roussel Galle, Professeur à l'Université Paris V

C - La responsabilité du financement

14h15 : La rupture abusive de crédit, par Richard Routier, Professeur à l'Université de Strasbourg

II - Le banquier et le sauvetage de l'entreprise

15h00 : Le banquier et les nouvelles procédures : sauvegarde anticipée et sauvegarde financière anticipée", par François-Xavier Lucas, Professeur à l'Ecole de droit de la Sorbonne, Paris I

16h00 : Le banquier et les plans, par Corinne Saint-Alary-Houin, Professeur à l'Université de Toulouse

III - Aspects internationaux

16h45 : Le banquier et la procédure transfrontalière", par Laurence-Caroline Henry, Professeur à l'Université de Nice-Sophia-Antipolis

Chaque intervention sera suivie d'un débat avec la salle.

  • Date

Vendredi 11 avril 2014 à partir de 8h15

  • Lieu

Faculté de Droit et Science Politique
Avenue du Doyen Louis Trotabas (anciennement avenue Robert Schuman)
06050 Nice Cedex 1

  • Frais

Frais d'inscription obligatoires de 180 euros
Ces frais comprennent l'accueil des participants (petit déjeuner), deux pauses cafés, déjeuner-buffet, la documentation et les actes du colloque.

Paiement : carte bancaire ou chèque bancaire ou postal, à l'ordre de l'agent comptable de l'UNS.

  • Renseignements et inscriptions

http://webs.unice.fr/CERDP/

Secrétariat du CERDP, Faculté de droit de Nice
Avenue du doyen Trotabas - Bureau 412 bis
06050 Nice Cédex 1
Tél : 04.92.15.71.65

Courriel : cerdp@unice.fr

Date limite d'inscription : le 3 avril 2014

A l'attention de Mesdames et Messieurs les avocats :
La participation à cette manifestation entre dans le cadre de la formation continue des avocats exigée en vertu de l'article 85 (3°) du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié, organisant la profession d'avocat et de la décision du Conseil national des barreaux à caractère normatif n° 2005-001 portant délibération sur les modalités d'application de la formation continue des avocats modifiée (version consolidée le 15 avril 2005).
Elle peut être validée pour 8 heures au titre de la formation continue.
Une attestation de présence sera délivrée sur simple demande.

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Fiscalité des particuliers

[Jurisprudence] Plafonnement de l'ISF : le bras de fer de l'Etat et des magistrats

Réf. : Cons. const., décision n° 2013-685 DC du 29 décembre 2013 (N° Lexbase : A9152KSR)

Lecture: 8 min

N0796BUZ

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par Frédéric Douet, Professeur à l'Université de Bourgogne

Le 20 Février 2014

Pour le calcul du plafonnement de l'ISF, ne doivent pas être considérés comme des revenus réalisés au cours de la même année en France ou hors de France les revenus des bons ou contrats de capitalisation et des placements de même nature, notamment des contrats d'assurance-vie, souscrits auprès d'entreprises d'assurance établies en France ou à l'étranger. Telle est la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 29 décembre 2013, au terme d'une saga opposant l'administration et le législateur aux juges. Retour sur le coup fatal porté aux velléités grandissantes des pouvoirs publics de taxer des revenus latents à l'ISF. 1. Un mécanisme de plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) a été introduit dans le CGI par la loi de finances pour 2013 (loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 N° Lexbase : L7971IUR). Le jeu de ce mécanisme fait que l'ISF d'un contribuable domicilié fiscalement en France doit, le cas échéant, être réduit de la différence entre (CGI, art. 885 V bis N° Lexbase : L0140IW4) :
- d'une part, le total de l'ISF est des impôts dus en France et à l'étranger au titre des revenus et produits de l'année précédente, calculés avant imputation des seuls crédits d'impôt représentatifs d'une imposition acquittée à l'étranger et des retenues non libératoires ;
- et, d'autre part, 75 % du total des revenus nets de frais professionnels de l'année précédente après déduction des seuls déficits catégoriels dont l'imposition est autorisée par l'article 156 du CGI (N° Lexbase : L1408IZ8), des revenus exonérés d'impôt sur le revenu et des produits soumis à un prélèvement libératoire réalisés au cours de la même année en France ou hors de France.

2. Pour l'application de ce mécanisme, la loi de finances pour 2013 prévoyait que devaient être regardés comme des revenus réalisés au cours de la même année en France ou hors de France "la variation de la valeur de rachat des bons ou contrats de capitalisation, des placements de même nature, notamment des contrats d'assurance-vie, ainsi que des instruments financiers de toute nature visant à capitaliser des revenus, souscrits auprès d'entreprises établies en France ou hors de France, entre le 1er janvier et le 31 décembre de l'année précédente, nette des versements et des rachats opérés entre ces mêmes dates". Toutefois, il résulte de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen (N° Lexbase : L1360A9A) que la loi fiscale ne doit pas méconnaître l'exigence de prise en compte des facultés contributives des contribuables. Le fait de prendre en compte, pour le calcul du plafonnement de l'ISF, la variation de la valeur de rachat des bons ou contrats de capitalisation et des placements de même nature, notamment des contrats d'assurance-vie, faisait entrer dans le revenu des contribuables des revenus non mis effectivement à leur disposition. Cela a amené le Conseil constitutionnel à considérer que cette prise en compte méconnaissait l'exigence édictée par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen (Cons. const., décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012, § 95 N° Lexbase : A6288IZW).

3. A la suite de la loi de finances pour 2013, l'administration fiscale a fait connaître -par le biais de la doctrine administrative- la façon dont elle entendait mettre en oeuvre le mécanisme de plafonnement de l'ISF institué par cette loi. N'ayant cure de la décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 2012, l'administration fiscale a alors fait savoir qu'elle estimait que les produits des contrats "mono-support" en euros et des compartiments en euros des contrats "multisupports" devaient être pris en considération, chaque année, à raison de leur montant effectivement retenu pour l'assiette des prélèvements sociaux (BOI-PAT-ISF-40-60-20130614, § 200 N° Lexbase : X3130AMU). Cette interprétation méconnaissait l'autorité attachée à la décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 2012 et l'article 885 V bis du CGI. Celui-ci énumère de façon limitative les revenus à prendre en compte pour le calcul du plafonnement de l'ISF. Les revenus visés sont les revenus soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu, les revenus exonérés d'impôt sur le revenu et les revenus soumis à un prélèvement libératoire de l'impôt sur le revenu. Ces trois catégories de revenus ont en commun de correspondre à des revenus à la fois acquis et disponibles.

4. Il ne faut pas oublier qu'un revenu doit en principe être disponible pour être imposable. Cette exigence résulte de l'article 12 du CGI (N° Lexbase : L1047HLD). Celui-ci prévoit que "L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année". Un revenu doit être considéré comme disponible à partir du moment où son bénéficiaire peut librement le percevoir. A cet égard, la doctrine administrative indique : "Un revenu est disponible lorsque sa perception ne dépend que de la seule volonté du bénéficiaire" (BOI-IR-BASE-10-10-10-40-20120912, § 20 N° Lexbase : X5036AL4). En d'autres termes, un revenu disponible correspond à un revenu que son titulaire peut librement encaisser. Cela conduit à opérer une distinction entre la disponibilité du revenu et son encaissement.

Par exception, le CGI prévoit des cas dans lesquels des revenus acquis sont imposables sans attendre leur mise à disposition. Tel est notamment le cas des contribuables domiciliés en France qui transfèrent leur domicile à l'étranger. Les contribuables concernés sont passibles de l'impôt sur le revenu à raison, d'une part, des revenus dont ils ont disposé pendant l'année de leur départ jusqu'à la date de celui-ci et, d'autre part, de tous revenus qu'ils ont acquis sans en avoir la disposition antérieurement à leur départ (dispositif de l'"exit tax" ; CGI, art. 167-1 N° Lexbase : L2848HL3). Dans le même ordre d'idée, il est possible de songer à la façon dont sont imposés les revenus qu'un contribuable perçoit l'année de son décès. L'impôt sur le revenu est alors assis sur les revenus dont ce contribuable a disposé pendant l'année de son décès et sur ceux qu'il a acquis sans en avoir la disposition antérieurement à son décès (CGI, art. 204-1 N° Lexbase : L0509IPK). Les exceptions sont d'interprétation stricte. Il y a donc lieu de considérer qu'il n'existe pas d'autres cas d'imposition de revenus indisponibles que ceux énumérés limitativement par le CGI.

5. Les produits attachés aux bons ou contrats de capitalisation ainsi qu'aux placements de même nature présentent une particularité. Ces produits ne sont soumis à l'impôt sur le revenu qu'au moment du dénouement du contrat (CGI, art. 125-0 A, I, al. 1er N° Lexbase : L1591IZX). Tant que le contrat n'est pas dénoué, ces produits sont acquis sans pour autant être disponibles. C'est le dénouement du contrat qui les rend disponibles et, par conséquent, imposables en vertu de l'article 12 du CGI. Le législateur n'a pas édicté de règle qui dérogerait à cette disposition à l'égard des produits attachés aux bons ou contrats de capitalisation, ainsi qu'aux placements de même nature.

6. Il n'en demeurait pas moins que la doctrine administrative intégrait dans le calcul du plafonnement de l'ISF les produits des contrats "mono-support" en euros et des compartiments en euros des contrats "multisupports" (BOI-PAT-ISF-40-60-20130614, § 200, précité). Concrètement, cela revenait à y intégrer des revenus acquis mais indisponibles avant le dénouement du contrat. Sur ce point, la doctrine administrative ajoutait donc à l'article 885 V bis du CGI. Dans un tel cas de figure, la doctrine administrative est entachée d'un vice qui affecte sa légalité externe, en l'occurrence l'incompétence de son auteur. S'agissant de cette question, il est à peine besoin de rappeler que le domaine de la loi est défini par l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 (N° Lexbase : L0860AHC). En vertu de cet article, le législateur est exclusivement compétent pour fixer les règles relatives à l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature. Sur ce fondement, le juge de l'excès de pouvoir annule la doctrine administrative lorsque celle-ci, sous couvert d'interprétation de la loi fiscale, modifie en réalité son champ d'application, ses conditions d'application ou ses effets. Suivant ce raisonnement, le Conseil d'Etat a annulé, le 20 décembre 2013, les paragraphes 180 et 200 du commentaire relatif au plafonnement de l'ISF publié dans le BoFip - Impôts (BOI-PAT-ISF-40-60-20130614, précité ; CE, 8° et 3° s-s-r., 20 décembre 2013, n°s 371157, 372625, 372675, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A7987KSM).

7. En dépit de la décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 2012 et de l'arrêt du Conseil d'Etat du 20 décembre 2013, l'article 13 de la loi de finances pour 2014 (loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 N° Lexbase : L7405IYW) prévoyait que, pour le calcul du plafonnement de l'ISF, devaient également être considérés comme des revenus réalisés au cours de la même année, en France ou hors de France, les revenus des bons ou contrats de capitalisation et des placements de même nature, notamment des contrats d'assurance-vie, souscrits auprès d'entreprises d'assurance établies en France ou à l'étranger.

8. Le Conseil constitutionnel a déclaré l'article 13 de la loi de finances pour 2014 contraire à la Constitution (Cons. const., 29 décembre 2013, n° 2013-685 DC, § 7 à 12). Pour cela, il suffisait aux juges de la rue de Montpensier de souligner que cet article méconnaissait l'autorité de chose jugée attachée, en vertu de l'article 62 de la Constitution (N° Lexbase : L0891AHH), à la décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 2012. La décision du 29 décembre 2013 prend la peine de mettre en exergue que "si l'autorité attachée à une décision du Conseil constitutionnel déclarant inconstitutionnelles des dispositions d'une loi ne peut, en principe, être utilement invoquée à l'encontre d'une autre loi conçue en termes distincts, il n'en va pas ainsi lorsque les dispositions de cette loi, bien que rédigées sous une forme différente, ont, en substance, un objet analogue à celui des dispositions législatives déclarées contraires à la Constitution" (Cons. const., 29 décembre 2013, § 10). Se faisant l'écho de cette décision, le président du Conseil constitutionnel a indiqué, dans son discours de voeux 2014 au Président de la République, "[...] A plusieurs reprises au cours de ces derniers mois, des dispositions législatives ont été adoptées alors qu'elles contrevenaient directement à l'autorité de la chose jugée par le Conseil. Ce dernier n'a alors pu que les censurer une deuxième, ou plutôt, j'espère, une dernière fois. Il en est allé ainsi pour les droits de succession en Corse, pour le plafonnement de l'ISF ou pour la cotisation foncière sur les bénéfices non commerciaux. Je n'évoque pas même le fait que, par instruction, le ministre du Budget ait repris une mesure législative censurée par le Conseil. Cette situation est préoccupante. L'Etat de droit est fondé sur le respect de la règle de droit et des décisions de justice. Bien plus, pour le Conseil constitutionnel, l'article 62 de la Constitution dispose que l'autorité de ses décisions s'impose aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. La volonté générale ne s'exprime que dans le respect de la Constitution" (lire le discours de voeux du Président du Conseil constitutionnel au Président de la République).

Décision

Cons. const., décision n° 2013-685 DC du 29 décembre 2013 (N° Lexbase : A9152KSR)

Lien base : .

newsid:440796

Fiscalité internationale

[Brèves] OCDE : présentation de la nouvelle norme d'échange de renseignements fiscaux automatique

Réf. : Lire le communiqué de presse de l'OCDE du 13 février 2014

Lecture: 2 min

N0804BUC

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Le 20 Février 2014

Le 13 février 2014, l'OCDE a annoncé l'édiction d'une nouvelle norme mondiale unique relative à l'échange automatique de renseignements entre administrations fiscales. Elaborée par l'OCDE en collaboration avec les pays membres du G20, en vue de renforcer l'action contre l'évasion et la fraude fiscales, la norme demande aux juridictions de se procurer des renseignements auprès de leurs institutions financières et de les échanger automatiquement avec d'autres juridictions, sur une base annuelle. Elle définit les renseignements relatifs aux comptes financiers à échanger, les institutions financières soumises à déclaration, les différents types de comptes et les contribuables concernés, ainsi que les procédures de diligence raisonnables à suivre par les institutions financières. Cette nouvelle norme, très attendue, sera présentée officiellement pour adoption par les ministres des Finances du G20 au cours de leur réunion des 22 et 23 février à Sydney (Australie). La norme proposée s'inspire des nombreux travaux de l'Organisation consacrés à l'échange automatique de renseignements, et intègre les avancées réalisées dans ce domaine au sein de l'Union européenne et les efforts en cours en vue de renforcer les normes mondiales de lutte contre le blanchiment de capitaux. Par ailleurs, elle reconnaît le rôle de catalyseur joué par l'application de la loi américaine relative au respect des obligations fiscales concernant les comptes étrangers (dite loi "FATCA" ; lire Fatca : les Etats-Unis déclarent la guerre aux évadés fiscaux américains - Questions à Pascal Noël, Associé fiscal, Deloitte Luxembourg, Lexbase Hebdo n° 495 du 25 juillet 2012 - édition fiscale N° Lexbase : N3139BTG). La nouvelle norme fera l'objet d'une adhésion et d'une application multilatérale. Déjà, plus de 40 pays se sont engagés à adopter rapidement la norme. Le Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales, hébergé par l'OCDE, réunit 121 juridictions dans le monde entier. Le G20 lui a donné pour mission d'assurer le suivi et d'évaluer la mise en oeuvre de la norme. L'OCDE devrait produire des commentaires détaillés sur la nouvelle norme, ainsi que les solutions techniques nécessaires pour la mise en oeuvre pratique l'échange de renseignements, lors d'une réunion des ministres des Finances du G20 en septembre de 2014. Pour en savoir plus sur l'automaticité des échanges de renseignements, voir la page dédiée sur le site de l'ODE.

newsid:440804

Internet

[Brèves] Licéité du renvoi via des hyperliens à des oeuvres protégées disponibles en accès libre sur un autre site

Réf. : CJUE, 13 février 2014, aff. C-466/12 (N° Lexbase : A1280ME7)

Lecture: 2 min

N0799BU7

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Le 20 Février 2014

Le propriétaire d'un site internet peut, sans l'autorisation des titulaires des droits d'auteur, renvoyer, via des hyperliens, à des oeuvres protégées disponibles en accès libre sur un autre site. Il en va ainsi même si les internautes qui cliquent sur le lien ont l'impression que l'oeuvre leur est montrée depuis le site qui contient le lien. Tel est le sens d'un arrêt rendu le 13 février 2014 par la CJUE qui était saisie d'une question préjudicielle (CJUE, 13 février 2014, aff. C-466/12 N° Lexbase : A1280ME7). Dans le litige au principal, des articles de presse rédigés par plusieurs journalistes suédois ont été publiés en accès libre sur un site internet. Une société suédoise exploite un autre site internet qui fournit à ses clients des liens cliquables (hyperliens) vers des articles publiés sur d'autres sites, dont celui sur lequel les articles de presse des journalistes suédois étaient publiés, alors qu'elle n'avait jamais demandé aux auteurs concernés l'autorisation d'établir lesdits hyperliens. Dans son arrêt, la Cour considère que le fait de fournir des liens cliquables vers des oeuvres protégées constitue un acte de communication. La Cour rappelle cependant que la communication doit être adressée à un public nouveau, c'est-à-dire à un public qui n'a pas été pris en compte par les titulaires du droit d'auteur lors de l'autorisation de la communication initiale. Selon la Cour, un tel "public nouveau" fait défaut dans le cas du site litigieux. La CJUE en conclut que le propriétaire d'un site internet, tel que celui de la société suédoise, peut, sans l'autorisation des titulaires des droits d'auteur, renvoyer, via des hyperliens, à des oeuvres protégées disponibles en accès libre sur un autre site. Il en irait toutefois autrement dans l'hypothèse où un hyperlien permettrait aux utilisateurs du site sur lequel ce lien se trouve de contourner des mesures de restriction prises par le site où se trouve l'oeuvre protégée afin d'en restreindre l'accès par le public à ses seuls abonnés, puisque dans cette hypothèse lesdits utilisateurs n'auraient pas été pris en compte comme public potentiel par les titulaires du droit d'auteur lorsqu'ils ont autorisé la communication initiale. Enfin, la Cour déclare que les Etats membres n'ont pas le droit de protéger plus amplement les titulaires de droits d'auteur en élargissant la notion de "communication au public". En effet, cela aurait pour conséquence de créer des disparités législatives et, partant, une insécurité juridique, alors que la Directive 2001/29 (N° Lexbase : L8089AU7) vise précisément à remédier à ces problèmes.

newsid:440799

Négociation collective

[Jurisprudence] Les conditions de validité d'un accord collectif sont d'ordre public

Réf. : Cass. soc., 4 février 2014, n° 12-35.333, FS-P+B (N° Lexbase : A9119MD4)

Lecture: 6 min

N0855BU9

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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV

Le 20 Février 2014

Depuis le 1er janvier 2009, et par l'effet de la réforme opérée par la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (N° Lexbase : L7392IAZ), la validité des conventions et accords collectifs de travail est soumise, quel que soit leur niveau de conclusion, à de strictes conditions de majorité. Compte tenu de cela, et bien que rendu sous l'empire des textes antérieurs à la réforme précitée, l'arrêt rendu le 4 février 2014 par la Chambre sociale de la Cour de cassation apporte une précision d'une grande importance. Ainsi que l'affirme, en effet, cette dernière, les conditions de validité d'un accord collectif sont d'ordre public. Il en résulte qu'un accord collectif ne peut subordonner sa validité à des conditions de majorité différentes de celles prévues par la loi. Cela conduit la Cour de cassation à dénier tout effet à la stipulation d'un accord conditionnant la validité de certaines de ses dispositions relatives au salaire à l'accord unanime des organisations syndicales représentatives dans l'entreprise.
Résumé

Les conditions de validité d'un accord collectif sont d'ordre public. Il en résulte qu'un accord collectif ne peut subordonner sa validité à des conditions de majorité différentes de celles prévues par la loi.

Commentaire

I - La stricte application des exigences légales

L'affaire. En l'espèce, la société Behr France avait invité, en juillet 2008, les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise à une réunion dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire. Un accord avait été établi, prévoyant une augmentation des salaires et de la prime transport, respectivement de 2,7 % et de 2 %, à la condition que l'accord soit signé par toutes les organisations syndicales représentatives. Le 18 décembre 2008, l'accord avait été signé par deux organisations syndicales.

La société Behr France faisait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit l'accord applicable malgré la clause suspensive et de l'avoir condamné à appliquer à l'ensemble des salariés l'augmentation prévue dans l'accord. A l'appui de son pourvoi, la société soutenait qu'est licite et opposable aux syndicats la condition suspensive d'un accord collectif subordonnant un engagement de l'employeur à la signature de l'accord par tous les syndicats représentatifs présents dans l'entreprise. L'accord collectif en cause subordonnait l'application des stipulations prévoyant une augmentation générale des salaires de 2,7 % et une augmentation de l'indemnité de transport de 2 % à la signature de l'accord par les cinq organisations syndicales présentes dans l'entreprise. L'accord stipulait, par ailleurs, à défaut de réalisation de la condition suspensive, une augmentation des salaires de 2,2 %, répartie individuellement entre les salariés, et une augmentation de l'indemnité de transport de 1 %. En jugeant cette condition suspensive inopposable aux cinq organisations syndicales de l'entreprise, par des prétextes pris, d'une part, de ce qu'elle serait en contradiction avec le principe énoncé par l'article L. 2251-1 du Code du travail (N° Lexbase : L2406H9Y), selon lequel les conventions et accords collectifs de travail ne peuvent déroger aux dispositions des lois et règlements si ce n'est par des dispositions plus favorables aux salariés, et d'autre part, de ce qu'elle avait pour effet de conférer à l'employeur un pouvoir unilatéral dans le domaine de l'augmentation des salaires et de minorer l'augmentation prévue conventionnellement au 1er juin 2009 de 0,5 %, la cour d'appel a violé les articles 1168 (N° Lexbase : L1270ABN) et suivants du Code civil, ensemble les articles L. 2231-1 (N° Lexbase : L3746IBD) et suivants, L. 2241-1 (N° Lexbase : L2346H9R), L. 2242-1 (N° Lexbase : L2369H9M) et suivants et L. 2251-1 (N° Lexbase : L2406H9Y) du Code du travail.

La société demanderesse soutenait également, qu'en tout état de cause, aux termes de l'article 1172 du Code civil (N° Lexbase : L1274ABS), toute condition d'une chose impossible, contraire aux bonnes moeurs ou prohibée par la loi est nulle et rend nulle la convention qui en dépend. En conséquence, à supposer que la condition suspensive litigieuse ait été illicite, elle était nulle et entraînait la nullité de l'entier accord collectif.

La solution. Après avoir affirmé que "les conditions de validité d'un accord collectif sont d'ordre public", la Cour de cassation indique "qu'il en résulte qu'un accord collectif ne peut subordonner sa validité à des conditions de majorité différentes de celles prévues par la loi".

Cette solution doit être rattachée aux prescriptions de l'article L. 2251-1 du Code du travail. On sait que ce texte, après avoir énoncé qu'une convention ou un accord collectif "peut comporter des stipulations plus favorables aux salariés que les dispositions légales en vigueur", précise que ces mêmes actes juridiques "ne peuvent déroger aux dispositions qui revêtent un caractère d'ordre public". Cet article conduit à distinguer un ordre public dit "absolu" et un ordre public qualifié de "social". Les normes légales relevant du premier ne peuvent être objet de négociation collective, tandis que celles qui sont rattachables au second peuvent être améliorées par des stipulations conventionnelles.

La difficulté en la matière réside dans le fait que peu de textes du Code du travail précisent leur statut au regard de la distinction précitée. Sans doute, le célèbre avis du Conseil d'Etat rendu le 22 mars 1973 offre-t-il quelques indications pour distinguer normes d'ordre public absolu et norme d'ordre public social (1). Rappelons que celui-ci a indiqué qu'"une convention collective ne saurait légalement déroger ni aux dispositions qui, par leurs termes mêmes, présentent un caractère impératif, ni aux principes fondamentaux énoncés dans la Constitution ou aux règles du droit interne ou, le cas échéant, international, lorsque ces principes ou règles débordent le domaine du droit du travail ou intéressent des avantages ou garanties échappant, par leur nature, aux rapports conventionnels". On admettra, toutefois, que ces précisions restent sujettes à interprétation, si bien que la Cour de cassation dispose d'une certaine latitude au moment de qualifier telle ou telle disposition légale.

S'agissant des conditions de validité d'un accord collectif, la Chambre sociale a donc fait le choix de les rattacher à "l'ordre public". Il faut ici comprendre "ordre public absolu" (2), ce que confirme la suite du motif de principe de la décision, interdisant qu'un accord collectif subordonne sa validité à des conditions de majorité différentes de celles prévues par la loi. L'absence de toute référence au caractère plus favorable des stipulations exclut le rattachement des règles légales à l'ordre public social (3). On est tenté d'ajouter que les conditions de validité d'un accord collectif relèvent, pour reprendre la terminologie du Conseil d'Etat, des garanties échappant, par leur nature, aux rapports conventionnels.

On aura donc compris que, s'agissant de la validité des conventions et accords collectifs de travail, il n'y a place que pour les conditions prévues par la loi. Cela interdit, non seulement, à un accord collectif de subordonner sa validité à des conditions de majorité différentes de celles prévues par la loi, mais cela exclut aussi qu'une convention de branche vienne soumettre les accords d'entreprise conclus dans la branche aux conditions de validité qu'elle édicte.

Ajoutons, pour conclure sur ce point, que la solution, rendue sous l'empire des textes antérieurs à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, vaut, de par sa généralité, pour les dispositions issues de cette réforme. En d'autres termes, s'agissant de la validité d'un accord d'entreprise, sont seules applicables les conditions de majorité fixées par l'article L. 2232-12 du Code du travail (N° Lexbase : L3770IBA).

II - La conformité de l'accord à la loi

La validité de l'accord. Pressentant, sans doute, que la clause de l'accord soumettant l'application de certaines de ses stipulations à une exigence d'unanimité n'était guère conforme à la loi, la société employeur avait tenté de convaincre la Cour de cassation que l'illicéité de la stipulation litigieuse devait rejaillir sur l'accord lui-même, entraînant sa nullité.

Cette argumentation est écartée par la Cour de cassation qui relève que "la cour d'appel, qui a constaté que l'accord litigieux avait été signé par au moins un syndicat représentatif, conformément aux prescriptions de l'article L. 2231-1 du Code du travail dans sa rédaction alors applicable, en a déduit à bon droit qu'il était valable, et que la clause qui conditionnait la validité de certaines de ses dispositions relatives au salaire à l'accord unanime des organisations syndicales représentatives dans l'entreprise ne pouvait être invoqué par l'employeur pour se soustraire à l'application de l'accord".

Ainsi qu'il a été vu précédemment, les conditions de validité d'un accord ne peuvent être autres que celles prévues par la loi. En conséquence, dès lors que ces conditions de validité sont remplies, on ne peut qu'en conclure, à l'instar de la Cour de cassation, que l'accord est valable. Il ne saurait donc être, par hypothèse, question de nullité de l'accord conforme aux exigences légales, quand bien même il renfermerait une stipulation illicite.

Le sort de la stipulation illicite. Contrairement à ce qu'indique la Cour de cassation, la clause litigieuse ne conditionnait pas la "validité" de certaines stipulations de l'accord relatives au salaire à l'accord unanime des organisations syndicales représentatives dans l'entreprise. C'est l'application de ces stipulations qui était subordonnée à cette exigence. Ce faisant, et de notre point de vue, c'est moins la validité de l'accord collectif qui est ici en cause, que son application et, plus précisément encore, son effet impératif à l'égard de l'employeur. Or, la stipulation litigieuse remettait en cause cet effet impératif en permettant à l'employeur, ainsi que le relève la Cour de cassation, de se soustraire à l'application de l'accord.

Cela ne peut être admis, quand bien même la stipulation produisant un tel effet figurerait dans un accord collectif signé par un ou plusieurs syndicats représentatifs. Remettant en cause l'effet règlementaire de la norme conventionnelle, cette stipulation est inopposable aux salariés auxquels la convention ou l'accord collectif s'applique. Cela ne signifie pas qu'un accord collectif ne peut jamais comporter une condition suspensive. Mais, pour être admise, celle-ci ne doit pas porter atteinte à son effet impératif.


(1) CE Contentieux, 22 mars 1973, n° 310.108 (N° Lexbase : A3303DYY), Dr. soc., 1973, p. 514.
(2) La Cour de cassation n'hésite pas, parfois, à évoquer l'ordre public "absolu". V. en dernier lieu, Cass. soc., 18 mai 2011, n° 10-60.406 (N° Lexbase : A2616HSP), JCP éd. S, 2011, 1404, note J.-Y. Kerbourc'h : "Attendu, ensuite, qu'en ce qu'elle soumet désormais la représentativité des organisations syndicales à la condition d'avoir obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés lors du premier tour de l'élection des membres titulaires du comité d'entreprise, la loi n° 2008/789 du 20 août 2008 est d'ordre public absolu, ce qui interdit, par suite, à un accord collectif, comme à un employeur de reconnaître la qualité d'organisation syndicale représentative à une organisation qui n'a pas satisfait à cette condition" (nous soulignons).
(3) Il semble que la cour d'appel avait plutôt retenu un tel rattachement, soulignant que les conventions et accords collectifs de travail ne peuvent déroger aux dispositions des lois et règlements, si ce n'est par des dispositions plus favorables aux salariés.

Décision

Cass. soc., 4 février 2014, n° 12-35.333, FS-P+B (N° Lexbase : A9119MD4).

Rejet (CA Metz, 18 septembre 2012, n° 11/01437 N° Lexbase : A5778IT8).

Texte concerné : C. trav., art. L. 2251-1 (N° Lexbase : L2406H9Y).

Mots-clés : accord collectif, conditions de validité, ordre public.

Lien base : (N° Lexbase : E2232ETT).

newsid:440855

Pénal

[Jurisprudence] Interdiction de promouvoir le tabac à travers des mentions laudatives et indifférence du repentir actif

Réf. : Cass. crim., 21 janvier 2014, n° 12-87.689, F-P+B+I (N° Lexbase : A9861KZA)

Lecture: 10 min

N0806BUE

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par Kaltoum Gachi, Avocate au Barreau de Paris, Docteur en Droit, Chargée d'enseignement à l'Université Paris II

Le 20 Février 2014

En France, il aura fallu attendre une loi du 9 juillet 1976, dite loi "Veil" (loi n° 76-616, relative à la lutte contre le tabagisme N° Lexbase : L4597IZB) pour voir la mise en place du premier dispositif visant à lutter contre le tabagisme. La loi n° 91-32 du 10 juillet 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme (N° Lexbase : L3377A9X), dite loi "Evin" est venue encadrer plus strictement la publicité en faveur du tabac, le tabagisme constituant, à l'évidence, un réel fléau de santé publique. Depuis, un certain nombre de modifications sont intervenues, notamment par voie d'ordonnances ou de décrets pour prendre en considération certaines exigences établies au niveau international. Ainsi en est-il, par exemple, du décret n° 2005-293, du 22 mars 2005, qui a publié la convention-cadre de l'Organisation mondiale de la Santé pour la lutte antitabac (N° Lexbase : L1111G8N), faite à Genève le 21 mai 2003. Le Code de la santé publique prévoit des dispositions relatives à la lutte contre le tabagisme (cf. C. santé publ., art. L. 3511-1 N° Lexbase : L8746IPM à L. 3512-4). L'article L. 3511-3 dudit code (N° Lexbase : L0658IP3) prohibe ainsi toutes formes de communication commerciale, quel qu'en soit le support, ayant pour but ou pour effet de promouvoir le tabac ou un produit du tabac. Ce texte prévoit, précisément, que "la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur du tabac, des produits du tabac ou des ingrédients définis au deuxième alinéa de l'article L. 3511-1 ainsi que toute distribution gratuite ou vente d'un produit du tabac à un prix inférieur à celui mentionné à l'article 572 du Code général des impôts (N° Lexbase : L0484IPM) sont interdites". Ce délit est puni de 100 000 euros d'amende. En cas de propagande ou de publicité interdite, le maximum de l'amende peut être porté à 50 % du montant des dépenses consacrées à l'opération illégale, outre la possibilité pour le tribunal d'ordonner la suppression, l'enlèvement ou la confiscation de la publicité interdite aux frais des délinquants (C. santé publ., art. L. 3512-2 N° Lexbase : L6718HN7). Ces dispositions étant de nature pénale, elles sont naturellement gouvernées par le principe de légalité qui exige que toute infraction soit définie en des termes clairs et précis. A cet égard, la difficulté est sans doute de savoir ce qu'il faut entendre par "propagande ou [...] publicité, directe ou indirecte, en faveur du tabac". L'article L. 3511-4, alinéa 1er (N° Lexbase : L6710HNT), du Code de la santé publique précise, sur ce point, qu'"est considérée comme propagande ou publicité indirecte la propagande ou la publicité en faveur d'un organisme, d'un service, d'une activité, d'un produit ou d'un article autre que le tabac, un produit du tabac ou un ingrédient défini au deuxième alinéa de l'article L. 3511-1 lorsque, par son graphisme, sa présentation, l'utilisation d'une marque, d'un emblème publicitaire ou un autre signe distinctif, elle rappelle le tabac, un produit du tabac ou un ingrédient défini au deuxième alinéa de l'article L. 3511-1".

Il est revenu à la jurisprudence de préciser les contours de ce délit qui a fait l'objet d'applications diverses. Ainsi, par exemple, a été condamné, sur le fondement de l'article L. 3511-3 du Code de la santé publique, le fait pour un fabricant de tabac d'avoir offert un stylo (1) ou d'avoir proposé une paire d'écouteurs à tout acheteur d'un paquet de cigarettes (2). Le fait même d'avoir décoré les paquets de cigarettes pour les rendre plus attractifs a été condamné (3). Ces arrêts viennent s'inscrire dans la volonté jurisprudentielle constante de définir largement la publicité (4).

Il n'en reste pas moins que l'appréciation de ce qui rentre ou non dans le champ du délit est parfois délicate. Elle présuppose de mettre en balance, d'une part, la liberté d'expression, dont la publicité commerciale constitue une des formes et bénéficie, à ce titre, de la protection de l'article 10 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L4743AQQ) et, d'autre part, les impératifs de santé publique qui justifient les restrictions à la promotion du tabac, conformément aux dispositions de l'article 10 § 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (5). La Cour européenne des droits de l'Homme n'a pas manqué d'affirmer que "compte tenu de l'importance de la protection de la santé publique, de la nécessité de lutter contre le fléau social que constitue, dans nos sociétés, le tabagisme, du besoin impératif d'agir dans ce domaine et de l'existence d'un consensus européen sur la question, [...] les restrictions à apportées [...] à la liberté d'expression des requérants répondent à un tel besoin et ne sont pas disproportionnées au but légitime poursuivi" (6).

S'il est acquis qu'il appartient aux juges du fond de caractériser les éléments constitutifs de l'infraction, la décision rendue le 21 janvier 2014 offre une nouvelle illustration de ce que cette tâche, qui s'effectue sous le contrôle de la Chambre criminelle de la Cour de cassation, n'est pas toujours aisée.

En l'espèce, les faits étaient les suivants : un huissier de justice avait été mandaté par le Comité national contre le tabagisme aux fins d'acheter des produits du tabac réputés contrevenir aux dispositions du Code de la santé publique et de dresser procès-verbal de ses constatations. Il résultait notamment de ce procès-verbal que, sur le recto d'un paquet de tabac à rouler de la marque 'D.', après avoir décollé le rabat qui le dissimulait, se trouvait le paragraphe suivant : "en choisissant 'D', vous optez pour un mélange constitué à 100 % de feuilles de tabac. Votre tabac ne contient ni tabac expansé, ni tabac reconstitué, ni agents combustibles et aucun arôme artificiel. Etant produit sans agents humidifiant ou conservateurs, le taux d'humidité de D. n'excède pas 14 %. Ceci est considérablement inférieur au taux d'humidité d'autres marques de tabac à rouler. Vous pouvez donc avoir l'impression que votre tabac est trop sec. Afin de remédier à ce possible inconvénient, nous vous conseillons le 'D.' disponible chez votre débitant". L'huissier poursuivait ses diligences en achetant un paquet de tabac à rouler de la marque "C.", qui comportait sur la face principale, à l'intérieur du paquet, l'inscription suivante : "dans ce mélange typiquement américain composé de V. vieilli, rehaussé d'un doux B. et d'une pointe de B., les feuilles claires de B. sont torréfiées selon un procédé traditionnel qui souligne le goût si doux et caractéristique du tabac. Grâce à un traitement tout en douceur, le mélange obtient une humidité optimale et il est facile à rouler Naturally Preserved-Conservation naturelle. Pour conserver le tabac à rouler, des additifs artificiels sont généralement ajoutés. Chez C., nous renonçons à ces additifs et utilisons une méthode de conservation centenaire 100 % naturelle. Nous offrons ainsi une fraîcheur constante et une qualité optimale du mélange. Par ailleurs, cette méthode naturelle de conservation garantit des propriétés de roulage parfaites, le goût authentique du tabac et une expérience inoubliable". L'huissier achetait également du tabac à rouler de la marque "A" et constatait que sur la face principale du paquet, côté recto, figurait la mention suivante : "100 % de feuilles de tabac entières sans additifs", tandis que, sur le côté verso, il était indiqué : "nous n'ajoutons aucun additif à nos tabacs de qualité supérieure et utilisons uniquement des feuilles entières sans nervures, à l'exclusion de tabacs expansés ou reconstitués [...]. L'absence d'additifs dans notre tabac ne signifie pas une cigarette moins nocive". De plus, il était constaté que, sur la deuxième face intérieure du paquet, figuraient notamment les mentions suivantes : "la Tradition Indienne Le plant de tabac est originaire d'Amérique, il est parvenu à la 'civilisation occidental' grâce aux Indiens. Dans les cérémonies traditionnelles de la culture indienne, le tabac joue un rôle significatif jusqu'à nos jours, il n'y est utilisé que dans sa forme pure et naturelle. Nous, la Compagnie S. un produit constitue à 100 % de tabac en feuilles, sans additifs. Nous estimons que les consommateurs de tabac ont le droit d'être informés exactement sur ce qu'ils fument. L'honnêteté et la qualité sont les deux piliers de base de notre entreprise et de notre marque N.. Bien entendu, notre tabac contient lui aussi de la nicotine. Mais nous ne lui ajoutons aucun additif. [...] C'est la raison pour laquelle nos mélanges de tabac sont légèrement plus coûteux, mais de la plus haute qualité. Fraicheur optimale sans agent humidificateur. [...] Les tabacs N. ne contenant, bien entendu, aucun agent humidifiant ou conservateur, nous ne pouvons les produire qu'avec un taux d'humidité de 14 % maximum. Il peut donc arriver qu'en comparaison avec d'autres marques, vous ayez le sentiment que le tabac N. est trop sec. Voici une méthode simple et judicieuse pour y remédier : le matin, déposez le paquet ouvert pour quelques minutes devant la fenêtre ouverte. Le tabac absorbera l'humidité nécessaire de l'air environnant, et gardera tout au long de la journée sa fraîcheur optimale. Nous vous conseillons d'entreposer les paquets non encore ouverts dans un récipient étanche au réfrigérateur. Ainsi, le tabac N. conservera longtemps sa fraîcheur naturelle". Enfin, l'huissier de justice achetait un paquet de tabac à rouler de la marque "R" et relevait qu'en décollant le rabat, figurait au verso le texte suivant : "C. (on dit aussi 'c.'). Se relaxer, se détendre entre amis, Laisser le temps passer. Je me mets à l'aise et je passe du bon temps. Le 'd.'. Voilà toute la philosophie du 'c.'".

Fort de ce constat d'huissier, le Comité national contre le tabagisme avait fait directement citer devant le tribunal correctionnel la société A., désignée par arrêté du ministre de l'Economie et des Finances, en date du 12 mars 2007, distributeur agréé exclusif de cigarettes aux 28 000 débitants de tabac entre septembre 2007 et juin 2008, pour la voir déclarer coupable du délit de complicité de publicité illicite en faveur du tabac commis à l'occasion de la distribution sur le territoire français de paquets de tabacs à rouler. Les mentions figurant à l'extérieur et à l'intérieur des paquets étaient jugées par ce Comité, partie civile, laudatives et tombant sous le coup de la loi pénale réprimant toute publicité directe ou indirecte en faveur du tabac.

Pour confirmer le jugement de relaxe intervenu au profit de la société prévenue et débouter la partie civile de ses demandes, l'arrêt d'appel avait notamment considéré que les mentions figurant à l'intérieur des paquets de tabac ne constituaient que des recommandations et des précisions sur l'utilisation du produit qui n'entraient pas dans la catégorie des mentions prohibées par la loi et n'étaient pas de nature à constituer un message publicitaire dans la mesure où elles ne se rapportaient qu'à la composition du produit, son origine et sa conservation, sans être de nature à suggérer au lecteur un autre message. De plus, la cour d'appel avait précisé que la société prévenue avait mis immédiatement en oeuvre des moyens adéquats pour satisfaire les demandes du Comité national contre le tabagisme. En particulier, elle notait que la société prévenue avait justifié être intervenue immédiatement auprès des fabricants étrangers afin de leur demander de modifier le conditionnement de leur produit et avait informé très rapidement le Comité de la décision de ses interlocuteurs. En outre, il était précisé que certains des distributeurs avaient cessé leurs activités. Au regard de ces éléments, les juges du second degré en avaient conclu qu'ils ne trouvaient pas de motifs à modifier la décision attaquée car, selon eux, il n'était pas établi que la société A. avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

Le Comité national contre le tabagisme formait alors un pourvoi en cassation. A l'appui de ce pourvoi, la partie civile faisait valoir que la cour d'appel ne pouvait valablement se fonder sur la circonstance inopérante que les mentions laudatives dénoncées par la partie civile figuraient uniquement à l'intérieur des paquets de tabac. Il est vrai que les formules litigieuses n'étaient pas clairement apparentes, à la différence des mentions légales dissuasives. Mais, pour la partie civile, cet élément importait peu. Il était également reproché à la cour d'appel de s'être contredite en relevant que figuraient sur et à l'intérieur des paquets de tabac à rouler de certaines des marques litigieuses des mentions qui vantaient tant les méthodes de fabrication, la "haute qualité" et le "goût", "doux" et "authentique" des produits vendus qui étaient censés procurer une "expérience inoubliable" et avec lesquels le consommateur pouvait "se relaxer, se détendre entre amis, laisser passer du bon temps", "se met[tre] à l'aise" et "pass[er] du bon temps", tout en retenant, dans le même temps, qu'elles ne constituaient que des recommandations et des précisions sur l'utilisation du produit et n'étaient pas de nature à constituer un message publicitaire dans la mesure où elles ne se rapportaient qu'à la composition du produit, à son origine et à sa conservation. Il en résultait donc, selon le pourvoi, une contradiction, les formules étant en elles-mêmes révélatrices de la publicité prohibée pourtant conférée à ces produits.

Les griefs ainsi soulevés présentaient une pertinence incontestable tant les formules utilisées présentaient les produits litigieux de manière très attractive. Comment ne pas y déceler, en effet, une incitation à consommer ces produits du tabac ? Certes, sur la forme, les mentions n'étaient pas clairement apparentes mais, sur le fond, elles ne prêtaient guère à discussion tant elles vantaient les mérites de ces produits. En cela, la position des juges du fond, qui s'étaient montrés extrêmement souples, pouvait paraître bien discutable. Ce d'autant plus que, si la société prévenue avait pris le soin de prendre quelques mesures pour satisfaire la partie civile, ces mesures étaient néanmoins postérieures au délit et ne constituaient juridiquement qu'un simple repentir actif. Or, l'on sait que ce repentir n'a aucune incidence sur la constitution de l'infraction. En effet, il constitue un acte postérieur à la consommation de l'infraction qui tend seulement à en réparer les conséquences. En ce qu'il intervient après la consommation de l'infraction, la responsabilité pénale de l'auteur est acquise au titre d'une infraction consommée. Il s'agit, en quelque sorte, d'une régularisation inefficace à anéantir l'infraction même si, sur le terrain du prononcé de la peine, ce repentir peut susciter l'indulgence des magistrats.

Aussi, la censure de l'arrêt d'appel était-elle assez prévisible. Au visa des articles L. 3511-3 du Code de la santé publique et 121-7 du Code pénal (N° Lexbase : L5525AIH) qui définit la complicité, la Chambre criminelle a reproché à la cour d'appel de ne pas avoir justifié sa décision en précisant qu'"il résultait de ses propres constatations que, selon les mentions figurant à l'intérieur des produits en cause, le tabac à rouler C., mélange typiquement américain, torréfié selon un procédé traditionnel, offre une 'expérience inoubliable' et le tabac à rouler R. a pour 'philosophie de se détendre entre amis et passer du bon temps', et alors que la prévenue ne pouvait prétendre s'exonérer de sa responsabilité pénale en invoquant des mesures postérieures à la commission du délit". Cette décision, qui n'entre pas dans le détail des mentions figurant sur les produits litigieux, en emprunte quelques-unes, typiques de la publicité, pour entériner les critiques de la partie civile tant sur la contradiction de motifs que sur l'indifférence du repentir actif.

Globalement, l'arrêt du 21 janvier 2014, qui s'inscrit dans la continuité jurisprudentielle, n'est guère étonnant. Il est tout à la fois conforme à la lettre du texte qui prohibe toute promotion directe ou indirecte du tabac ou des ingrédients du tabac ainsi qu'à son esprit, la loi visant à lutter efficacement contre le tabagisme.


(1) Cass. crim., 9 mars 2010, n° 08-88.501, F-D (N° Lexbase : A7766EWK).
(2) Cass. crim., 20 novembre 2012, n° 12-80.530, F-P+B (N° Lexbase : A1103IZU).
(3) Cass. crim., 3 mai 2006, n° 05-85.089, F-P+F (N° Lexbase : A4582DPE), Bull. crim., n° 118.
(4) Cass. crim., 25 juin 1984, n° 83-92.808 (N° Lexbase : A8126AA9), D., 1985, jurispr., p. 80 ; Cass. crim., 12 novembre 1986, n° 85-95.538 (N° Lexbase : A6816AAP), Bull. crim., n° 861.
(5) Cass. crim., 19 novembre 1997, n° 96-82.625 (N° Lexbase : A1211ACT), Bull. crim., n° 393.
(6) CEDH, 5 mars 2009, Req. 26935/05 (N° Lexbase : A5603EDU) ; CEDH, 5 mars 2009, Req. 13353/05 (N° Lexbase : A5602EDT).

newsid:440806

Rupture du contrat de travail

[Brèves] Inefficacité d'une clause du contrat de travail préconstituant une cause de licenciement

Réf. : Cass. soc., 12 février 2014, n° 12-11.554, FS-P+B (N° Lexbase : A3675MET)

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Le 20 Février 2014

Aucune clause du contrat de travail ne peut valablement décider qu'une circonstance quelconque constituera en elle-même une cause de licenciement. Telle est la portée d'un arrêt rendu le 12 février 2014 par la Chambre sociale de la Cour de cassation (Cass. soc., 12 février 2014, n° 12-11.554, FS-P+B N° Lexbase : A3675MET).
Dans cette affaire, un salarié, recruté en qualité de commercial, avait fait l'objet d'une suspension de son permis de conduire au titre d'un excès de vitesse commis au volant de son véhicule de fonction lors d'un déplacement relevant de sa vie personnelle. L'article 10 de son contrat de travail stipulant que l'employeur était en droit de rompre unilatéralement le contrat de travail en cas de suspension du permis de conduire du salarié, le premier a notifié au second son licenciement du seul chef de la violation de cette clause. Le salarié a, alors, saisi la juridiction prud'homale de différentes demandes afférentes à la rupture de son contrat de travail.
Se prévalant d'une jurisprudence classique de la Cour de cassation, la cour d'appel (CA Amiens, 8 novembre 2011, n° 10/05586 N° Lexbase : A0264H4K), pour dire le licenciement justifié, relève notamment qu'un fait tiré de la vie privée du salarié peut fonder un licenciement dès lors qu'il apporte un trouble objectif au fonctionnement de l'entreprise. Le salarié ayant "été à l'origine d'un trouble objectif et caractérisé au fonctionnement de l'entreprise dans la mesure où celui-ci s'est lui-même placé de par ce comportement dans l'impossibilité de poursuivre l'exécution de son contrat de travail aux conditions et suivant les modalités convenues", la cour d'appel en déduit le bien-fondé du licenciement.
Au visa de l'article L. 1235-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0733IXG), qui consacre le pouvoir exclusif des juges pour apprécier la justification du licenciement, la Haute juridiction censure le raisonnement de la cour d'appel. Après avoir rappelé le principe selon lequel "la lettre de licenciement fixe les termes et les limites du litige", la Cour de cassation interdit, ensuite, aux parties de préconstituer contractuellement des causes de rupture du contrat de travail. De sorte que la clause ne permet pas à l'employeur d'échapper au contrôle judiciaire de la cause réelle et sérieuse de licenciement (voir dans le même sens, Cass. soc., 14 novembre 2000, n° 98-42.371, FS-P+B N° Lexbase : A7799AHC) . Et l'on sait que "le fait pour un salarié qui utilise un véhicule dans l'exercice de ses fonctions de commettre, dans le cadre de sa vie personnelle, une infraction entraînant la suspension ou le retrait de son permis de conduire ne saurait être regardé comme une méconnaissance par l'intéressé de ses obligations découlant de son contrat de travail" (cf. Cass. soc., 3 mai 2011, n° 09-67.464, FS-P+B N° Lexbase : A2484HQ3) (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9200ESK).

newsid:440837

Santé

[Brèves] Affaire "Vincent Lambert" : une expertise complémentaire ordonnée par le Conseil d'Etat et, d'ores et déjà, quelques réponses juridiques

Réf. : CE Contentieux, 14 février 2014, n° 375081 (N° Lexbase : A5009MEA)

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N0883BUA

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Le 21 Février 2014

Par sa décision du 14 février 2014, le Conseil d'Etat a décidé d'ordonner une expertise médicale complémentaire dans l'affaire "Vincent Lambert", "compte tenu de l'extrême gravité de la situation dont il est saisi et du caractère potentiellement irréversible de sa décision", ainsi que l'a souligné Jean-Marc Sauvé, vice-Président du Conseil d'Etat, dans une déclaration faite le même jour (CE Contentieux, 14 février 2014, n° 375081 N° Lexbase : A5009MEA). Ainsi, avant de statuer sur les requêtes, il sera procédé à une expertise confiée à un collège de trois médecins, disposant de compétences reconnues en neurosciences, qui devront rendre leur rapport dans un délai de deux mois à compter de leur désignation, aux fins : de décrire l'état clinique actuel et son évolution depuis le dernier bilan effectué en juillet 2011 ; de se prononcer sur le caractère irréversible des lésions cérébrales et sur le pronostic clinique ; de déterminer si ce patient est en mesure de communiquer, de quelque manière que ce soit, avec son entourage ; d'apprécier s'il existe des signes permettant de penser aujourd'hui qu'il réagit aux soins qui lui sont prodigués et, dans l'affirmative, si ces réactions peuvent être interprétées comme un rejet de ces soins, une souffrance, le souhait que soit mis fin au traitement qui le maintient en vie ou comme témoignant, au contraire, du souhait que ce traitement soit prolongé. En outre, "en raison de la difficulté des questions scientifiques, éthiques et déontologiques qui se posent pour la première fois en France devant une juridiction suprême", selon Jean-Marc Sauvé, le Conseil d'Etat invite l'Académie nationale de médecine, le Comité consultatif national d'éthique et le Conseil national de l'Ordre des médecins ainsi que M. Jean Leonetti, à lui présenter, avant la fin du mois d'avril 2014, des observations écrites de caractère général de nature à l'éclairer utilement sur l'application des notions d'obstination déraisonnable et de maintien artificiel de la vie au sens de l'article L. 1110-5 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L0022G9P), en particulier à l'égard des personnes qui sont, comme ce patient, dans un état pauci-relationnel. Il convient de relever que, par sa décision, le Conseil d'Etat se prononce également pour la première fois sur d'importantes questions de droit nécessaires à la résolution du litige. Il juge que les dispositions du Code de la santé publique issues de la loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 (N° Lexbase : L2540G8L), s'appliquent à des patients qui, comme dans cette affaire, ne sont pas en fin de vie. Il juge aussi que l'alimentation et l'hydratation artificielles constituent, au sens de cette loi, un traitement qui peut être interrompu en cas d'obstination déraisonnable. Il reconnaît, enfin, à côté du droit au respect de la vie et du droit du patient à consentir à un traitement médical, une autre liberté fondamentale : le droit de ne pas subir un traitement qui traduirait une obstination déraisonnable.

newsid:440883

Vente d'immeubles

[Brèves] Vente sous condition suspensive d'obtention d'un prêt : la promesse peut-elle imposer à l'acquéreur un délai pour déposer la demande de crédit ?

Réf. : Cass. civ. 3, 12 février 2014, n° 12-27.182, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3581MED)

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N0876BUY

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Le 25 Février 2014

Les dispositions d'ordre public de l'article L. 312-16 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6749ABL) interdisent d'imposer à l'acquéreur de déposer une demande de crédit dans un certain délai, cette obligation contractuelle étant de nature à accroître les exigences de ce texte. Tel est le principal apport de l'arrêt rendu le 12 février 2014 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation ; il ressort également de cette décision que le dépôt d'une demande auprès d'un courtier en prêts immobiliers, et non d'un organisme bancaire, satisfait à l'obligation de déposer une demande de prêt auprès d'un organisme financier contenue dans la promesse de vente (Cass. civ. 3, 12 février 2014, n° 12-27.182, FS-P+B+I N° Lexbase : A3581MED). En l'espèce, par acte sous seing privé du 5 juin 2007, les époux G. avaient promis de vendre un appartement à Mme D. sous la condition suspensive de l'obtention d'un prêt pour lequel elle s'engageait à déposer une demande dans un délai de dix jours ; reprochant à Mme D. de ne pas justifier du dépôt d'une demande de prêt dans ce délai, les époux G. l'avaient assignée en paiement de la clause pénale. Les époux G. faisaient grief à l'arrêt de les débouter de leur demande, faisant valoir, d'une part, que les parties avaient pu fixer librement le délai dans lequel l'acquéreur était tenu de présenter une demande de prêt auprès d'un organisme financier, d'autre part, que Mme D. n'avait pas présenté une demande de prêt auprès d'un organisme bancaire, mais auprès d'un courtier. En vain. S'agissant du premier argument, la Cour de cassation, énonce la solution précitée ; s'agissant du second, elle approuve les juges du fond qui, ayant relevé qu'en s'adressant à un courtier en prêts immobiliers, Mme D. avait satisfait à l'obligation de déposer une demande de prêt auprès d'un organisme financier contenue dans la promesse de vente et constaté que la banque A lui avait signifié un refus le 25 septembre 2007, en avaient exactement déduit que la non-réalisation de cette condition suspensive ne lui était pas imputable et que la demande des époux G. de versement de la clause pénale ne pouvait être accueillie (cf. l’Ouvrage "Contrats spéciaux" N° Lexbase : E2107EYP).

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