Lexbase Contentieux et Recouvrement n°9 du 27 mars 2025

Lexbase Contentieux et Recouvrement - Édition n°9

Actualité

[Veille d'actualité] Veille – L’actualité de la procédure civile et des voies d’exécution (janvier à mars 2025)

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N1968B3B

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par Alexandre Autrand, doctorant, Université de Limoges, école doctorale Gouvernance des Institutions et des Organisations, Observatoire des Mutations Institutionnelles et Juridiques

Le 28 Mars 2025

La revue Lexbase Contentieux et recouvrement vous propose de retrouver dans un plan thématique, une sélection des décisions, qui ont fait l’actualité de la procédure civile (I) et des voies d’exécution (II), de janvier à mars 2025, ainsi que toute l’actualité normative (III), classées par thèmes et mots-clés, pour vous permettre une lecture fluide et pertinente des évolutions récentes.


 

I. Actualité jurisprudentielle en procédure civile

♦ Appel incident

Cass. civ. 2, 16 janvier 2025, n° 22-17.732, F-B N° Lexbase : A51886Q9 : La jonction d’instances ne crée pas une procédure unique. De ce fait, la cour d’appel doit statuer sur les dernières écritures déposées dans chaque instance par la partie qui n’a pas conclu après la jonction. Ainsi, viole les articles 367 N° Lexbase : L2213H4Q, 551 N° Lexbase : L6702H7D, 562 N° Lexbase : L2381MLR et 954 N° Lexbase : L2439MLW du Code de procédure civile, la cour d’appel qui se borne à statuer seulement sur l’appel principal d’un salarié, alors que ce dernier a également formulé un appel incident sur l’appel principal de la partie adverse.

♦ Appel principal

Cass. civ. 2, 6 février 2025, n° 22-18.971, F-B N° Lexbase : A60426TX : Au visa des articles 909 N° Lexbase : L2402MLK et 911-1 N° Lexbase : L7243LEY du Code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891, du 6 mai 2017 N° Lexbase : L9786MXQ, la Cour de cassation considère qu’un intimé peut former un appel principal contre un jugement qui ne lui a pas été notifié, tant que les conclusions d’appelant ne lui ont pas été remises.

♦ Autorité de la chose jugée

Cass. civ. 2, 6 mars 2025, n° 22-20.935, F-B N° Lexbase : A4422638 : L’action civile en vue d’obtenir la réparation des préjudices résultant d’un abus de confiance n’a pas le même objet que la seconde action, qui tend à obtenir devant une juridiction civile, la restitution des sommes qui ont été indûment perçues par le prévenu qui a été relaxé. De ce fait, la partie qui intente cette nouvelle action devant une juridiction civile ne peut se voir opposer l’autorité de la chose jugée.

♦ Changement d’avocat en cours de procédure  

Cass. civ. 2, 6 mars 2025, n° 22-19.083, F-B N° Lexbase : A4420634 : En cas de changement du représentant d’une partie au cours d’une procédure, la cour d’appel reste saisie par les conclusions qui ont été valablement déposées par le précédent représentant, et ce, peu importe, si le nouveau représentant constitué n’a pas conclu.

♦ Conclusions d’appel

Cass. civ. 2, 16 janvier 2025, n° 22-17.956, F-B N° Lexbase : A51816QX : Viole les articles 71 N° Lexbase : L1286H4E et 954 N° Lexbase : L2439MLW du Code de procédure civile, la cour d’appel qui retient qu’une société ne demande ni l’annulation de l’acte de cautionnement, ni celle du contrat de prêt, ni la déchéance du droit aux intérêts, alors qu’elle sollicitait dans le dispositif de ses conclusions, le rejet de toutes les demandes de la banque en invoquant dans les motifs de ses écritures, des moyens de fond relatifs à la nullité du contrat de prêt et de l’acte de cautionnement, ainsi que le défaut d’information annuelle de la caution.

♦ Concurrence et juridiction compétente

Cass. civ. 2, 29 janvier 2025, n° 23-15.842, FS-B N° Lexbase : A38976S7 : Aux termes de l’article D.442-3 du Code de commerce N° Lexbase : L5667LQX, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2021-211, du 24 février 2021 N° Lexbase : L9159IEX, la cour d’appel de Paris est compétente pour statuer sur les litiges mentionnés dans l’article L.442-6 du Code de commerce N° Lexbase : L7575LB8, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-359, du 24 avril 2019 N° Lexbase : L7455MSW. Dans son arrêt, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation s’aligne sur la jurisprudence de la Chambre commerciale (Cass. com., 18 octobre 2023, n° 21-15.378, FS-B+R N° Lexbase : A08251NU). Elle considère que l’application combinée des articles susvisés désignant la cour d’appel de Paris compétente pour statuer sur les recours à l’encontre des décisions émanant des juridictions mentionnées à l’article D.442-3, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2019-359, du 24 avril 2019, est une règle de compétence exclusive, et non une fin de non-recevoir.

♦ Déclaration d’appel

Cass. civ. 2, 16 janvier 2025, n° 22-18.962, F-D N° Lexbase : A14616RK : En matière de procédure d’appel sans représentation obligatoire, y compris lorsque les parties sont représentées par un avocat, la déclaration d’appel qui tend à la réformation du jugement et qui ne mentionne pas les chefs de jugement critiqués, défère à la connaissance de la Cour l’ensemble des chefs de cette décision.

Cass. civ. 2, 16 janvier 2025, n° 22-19.483, F-D N° Lexbase : A13356RU : Viole les articles 16 N° Lexbase : L1133H4Q et 802 N° Lexbase : L9733MMG du Code de procédure civile, la cour d’appel qui rejette les conclusions notifiées postérieurement à la clôture de la mise en état, alors qu’elle sollicite la révocation de l’ordonnance de clôture le jour où cette dernière a été prononcée, et le rejet des conclusions tardives.

Cass. civ. 2, 16 janvier 2025, n° 22-24.629 : Viole l’article 562 du Code de procédure civile, la Cour d’appel qui constate l’absence d’effet dévolutif sur plusieurs condamnations, qui n’ont pas été expressément visées dans la déclaration d’appel, sans rechercher s’il existait un lien de dépendance entre les différents chefs de jugement. 

Cass. civ. 2, 16 janvier 2025, n° 22-20.374, F-D N° Lexbase : A14166RU : Le défaut de mention de la qualité de liquidateur dans la déclaration d’appel, qui est régularisé par des conclusions postérieures, constitue une irrégularité de forme qui n’est susceptible d’être sanctionnée que sur la démonstration d’un grief.

Cass. civ. 2, 16 janvier 2025, n° 22-20.593, F-D N° Lexbase : A13156R7 : La déclaration d’appel qui ne renvoie pas expressément à une annexe comportant les chefs de jugement critiqués ne peut être déclarée nulle sur le fondement de l’article 114 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1395H4G. De plus, cette situation ne saurait priver la déclaration d’appel de son effet dévolutif. Une telle conséquence serait disproportionnée au regard du but poursuivi.

Cass. civ. 2, 16 janvier 2025, n° 22-22.878, F-D N° Lexbase : A13616RT : Viole les articles 562 N° Lexbase : L7233LEM et 901 N° Lexbase : L7236LEQ du Code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891, du 6 mai 2017 N° Lexbase : L9786MXQ, la cour d’appel qui constate l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel, qui ne précise pas les chefs de jugement critiqués et se borne seulement à rappeler l’argumentation développée par la juridiction de première instance, alors que la décision attaquée ne comporte qu’un seul chef de dispositif.

Cass. civ. 2, 13 février 2025, n° 23-17.606, F-B N° Lexbase : A68636UQ : Après avoir rappelé sa jurisprudence de 2019 (Cass. civ. 2, 14 novembre 2019, n° 18-23.631 N° Lexbase : A6637ZYH), la Cour de cassation considère que lorsque l’ordonnance du conseiller de la mise en état, qui prononce l’irrecevabilité de la déclaration d’appel, est infirmée par la Cour, l’appelant qui a déjà conclu avant le prononcé de cette ordonnance n’est pas tenu de conclure à nouveau après son infirmation.   

♦ Droit à la preuve 

Cass. civ. 2, 30 janvier 2025, n° 22-15.702, F-B N° Lexbase : A54416SC : Un litige survient entre une infirmière libérale et la CPAM de Côte d’Or, au sujet de plusieurs anomalies dans la facturation d’actes. Le professionnel de santé décide alors de saisir le pôle social du tribunal judiciaire. Au sein des débats, la CPAM verse plusieurs tableaux qui contiennent des données confidentielles sur des patients (NIR, nom, prénom, adresse). L’infirmière conteste en appel puis en cassation, l’illicéité de ces preuves. Or, la Haute juridiction refuse d’écarter des débats ces tableaux, au regard de l’article L.1110-4 du Code de la santé publique N° Lexbase : L4479L7Z, qui encadre le secret médical, et de sa jurisprudence de décembre 2023 (Cass. ass. plén., 22 décembre 2023, n° 20-20.648 N° Lexbase : A27172AU). Les juges du quai de l’horloge considèrent que la production en justice de documents couverts par le secret médical ne peut être justifiée que lorsqu’elle est indispensable à l’exercice des droits de la défense et proportionnée au but poursuivi. La Cour de cassation s’aligne sur le raisonnement des juges du fond, et affirme que la présentation de ces tableaux doit être suffisamment détaillée pour permettre aux parties de se référer à chacun des patients sans ambiguïté possible. Elle rajoute que ce contrôle administratif nécessite une analyse nominative par dossier. Également, les juges du droit relèvent que l’identité du bénéficiaire du soin permet à l’infirmière libérale de pouvoir valablement se défendre. En définitive, la Cour de cassation déduit que la production de ces tableaux était indispensable à l’exercice du droit à la preuve de la CPAM et proportionnée au but poursuivi.

♦ Excès de pouvoir des juges

Cass. civ. 2, 6 mars 2025, n° 22-18.166, F-B N° Lexbase : A4419633 : Commet un excès de pouvoir, la cour d’appel qui confirme le jugement qui déclare irrecevable l’opposition formée contre une ordonnance d’injonction de payer, et indique dans son arrêt « confirm[er] l’ordonnance ».

♦ Formule exécutoire

Cass. civ. 2, 6 février 2025, n° 22-18.527, F-B N° Lexbase : A60436TY : L’incomplétude de la formule exécutoire dans une décision est un vice de forme, qui entraînera la nullité de la signification uniquement sur la démonstration d’un grief.

♦ Injonction de payer

Cass. civ. 2, 6 mars 2025, n° 22-18.166, F-B N° Lexbase : A4419633 : Aux termes de l’article 1416 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6356H7K, le point de départ du délai d’opposition d’une ordonnance d’injonction de payer qui n’a pas été signifiée à personne, est reporté à la première mesure d’exécution qui rend indisponible les biens du débiteur. Dans le cadre d’une saisie attribution du solde d’un compte bancaire, les sommes qui sont laissées au compte sont indisponibles pendant un délai de quinze jours, conformément à l’article L.162-1 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L5835IRK. Le fait qu’au jour de la réalisation de la saisie, le compte comporte un solde inférieur à la somme à caractère alimentaire qui doit être laissée au débiteur n’emporte aucune conséquence sur l’indisponibilité des sommes pendant le délai précédemment cité. Dans cette situation, le délai d’opposition à l’encontre de l’injonction de payer commence à courir au jour de la réalisation de la saisie.  

♦ Juge de la mise en état

Cass. civ. 2, 16 janvier 2025, n° 22-19.719, F-B N° Lexbase : A51936QE : Conformément à l’article 789 du Code de procédure civile N° Lexbase : L9730MMC, la désignation du juge de la mise en état dans une instance ne fait pas obstacle à la saisine de la juridiction des référés aux fins de statuer sur un litige, dont l’objet est différent de celui dont est saisi la juridiction du fond. Ainsi, dans le cadre d’un litige relatif à des parcelles de terre, la SAFER, qui a été assignée par des consorts aux fins de contestation d’une décision de préemption, peut valablement assigner ces derniers par-devant la juridiction des référés, afin de solliciter la libération des parcelles occupées.   

♦ Omission de statuer

Cass. civ. 3, 16 janvier 2025, n° 21-24.555, F-D N° Lexbase : A13106RX : Une cour d’appel n’a pas à examiner une demande au fond qui tend exclusivement à réparer une omission de statuer qui est imputable à la juridiction de première instance. Une telle demande devant être formulée auprès des premiers juges, conformément à la procédure de l’article 463 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6574H7M.

♦ Péremption de l’instance

Cass. civ. 2, 9 janvier 2025, n° 22-19.501, F-B N° Lexbase : A68016PL, n° 22-21.259, F-D N° Lexbase : A26656QR, n° 22-20.865, F-D N° Lexbase : A26196Q3, n° 21-25.770, F-D N° Lexbase : A26856QI, n° 22-18.726, F-D N° Lexbase : A25096QY ; Cass. civ. 2, 16 janvier 2025, n° 22-11.139, F-D N° Lexbase : A14396RQ : La Cour de cassation juge qu’en procédure orale (Cass. civ. 2, 10 octobre 2024, n° 22-12.882 N° Lexbase : A441859I et n° 22-20.384 N° Lexbase : A441359C, FP-B), à moins que les parties ne soient tenues d'accomplir une diligence particulière mise à leur charge par la juridiction, la direction de la procédure leur échappe. Elles n'ont, dès lors, plus de diligences à accomplir en vue de l'audience à laquelle elles sont convoquées par le greffe. Par conséquent, il ne saurait leur être imposé de solliciter la fixation de l'affaire à une audience, dans le seul but d'interrompre le cours de la péremption, laquelle ne peut leur être opposée pour ce motif.

Cass. civ. 2, 6 mars 2025, n° 22-17.609, F-B N° Lexbase : A442763D : La péremption prévue à l’article 386 du Code de procédure civile N° Lexbase : L2277H44 est par nature indivisible. De ce fait, lorsqu’elle est demandée par une des parties, elle a pour effet d’éteindre l’instance au profit de toutes les autres.

♦ Point de départ du délai des voies de recours

Cass. civ. 2, 6 février 2025, n° 22-20.232, F-D N° Lexbase : A27976U7 : Au visa de l’article 680 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1240IZX, la Cour de cassation considère que l’absence de mention du point de départ du délai de recours, dans l’acte de notification d’un jugement à une partie, a pour effet de ne pas faire courir ledit délai.

♦ Principe du contradictoire

Cass. civ. 2, 13 février 2025, n° 23-17.606, F-B N° Lexbase : A68636UQ : L’application d’une jurisprudence dans une décision de justice, sur laquelle les parties n’ont formulé aucune observation dans leurs écritures, constitue un moyen relevé d’office pour lequel les juges doivent inviter les parties à présenter leurs observations.

♦ Radiation de l’appel

Cass. civ. 2, 6 mars 2025, n° 22-23.093, F-B N° Lexbase : A4421637 : La radiation du rôle de l’appel, en raison de l’inexécution par l’appelant de la décision de première instance, ne fait pas obstacle à ce que soit prononcé l’arrêt de l’exécution provisoire, en application de l’article 524 du Code de procédure civile N° Lexbase : L2379MLP.

♦ Solidarité ou indivisibilité à l’égard de plusieurs parties

Cass. civ. 2, 6 février 2025, n° 22-14.565, F-D N° Lexbase : A26576UX : Sur le fondement des articles 552 N° Lexbase : L6703H7E, 553 N° Lexbase : L6704H7G et 554 N° Lexbase : L6705H7H du Code de procédure civile, un coïndivisaire qui aurait omis d’agir en première instance voit son droit d’appel conserver, grâce au recours des autres coïndivisaires. Également, la Cour précise que dans cette situation, le coïndivisaire dispose aussi de la qualité de tiers à l’instance. Par conséquent, outre la formulation d’un appel, ce dernier peut aussi valablement intervenir dans l’instance d’appel.

♦ Structuration des écritures

Cass. civ. 3, 9 janvier 2025, n° 22-13.911, FS-B N° Lexbase : A67946PC : La cour d’appel qui examine, conformément à l’article 954 du Code de procédure civile N° Lexbase : L2439MLW, uniquement les moyens qui sont invoqués dans la partie discussion à l’appui des prétentions énoncées dans le dispositif, ne fonde pas sa décision sur un moyen de droit qu’elle aurait soulevé d’office. Dès lors, elle n’a pas à solliciter les observations préalables des parties.

♦ Taux de ressort

Cass. civ. 2, 16 janvier 2025, n° 22-21.138, F-B N° Lexbase : A51866Q7 : Viole les articles R.211-4 du Code de l’organisation judiciaire N° Lexbase : L0740L7K et 35 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1182H4K, la cour d’appel qui déclare irrecevable l’appel des bailleurs, aux motifs que la majoration légale du dépôt de garantie qui n’a pas été restitué au locataire, constitue l’accessoire de la restitution de ce dépôt, et n’a pas à être prise en compte dans la détermination du taux de ressort. En effet, la Haute juridiction considère que cette majoration, qui est égale à 10 % du loyer mensuel en principal, constitue une demande accessoire à la demande principale, qui, par sa nature indemnitaire, concourt avec celle-ci à déterminer le taux de ressort.

 

II. Actualité jurisprudentielle en voies d’exécution

♦ Saisie immobilière

Cass. civ. 2, 16 janvier 2025, n° 22-11.270, F-B N° Lexbase : A51786QT : Dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière, le jugement qui statue sur la recevabilité d’une tierce opposition est susceptible des mêmes recours que le jugement d’orientation frappé d’opposition. Par conséquent, la décision statuant sur la tierce opposition peut faire l’objet d’un appel selon la procédure à jour fixe, conformément à l’article R.322-19 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L2438ITH

Cass. civ. 2, 16 janvier 2025, n° 21-17.794 et n° 21-21.340, F-B N° Lexbase : A51806QW : Viole les articles 1743 du Code civil N° Lexbase : L1791IE3 et 684 de l’ancien code de procédure civile, la cour d’appel qui prononce la nullité du bail alors qu’elle a constaté que l’adjudicataire avait eu connaissance de ce dernier avant l’adjudication. Par conséquent, la cour d’appel ne pouvait que constater l’opposabilité du bail à l’adjudicataire.

Cass. civ. 2, 6 février 2025, n° 22-19.586, F-B N° Lexbase : A60626TP : Le défaut de signature d’un huissier de justice, sur un acte signifié par un clerc assermenté, est un vice de forme qui est susceptible d’entraîner la nullité de l’acte, uniquement si un texte prévoit cette sanction, et si le débiteur démontre l’existence d’un grief.

Cass. civ. 2, 6 mars 2025, n° 22-12.742, F-B N° Lexbase : A441763Y : La nullité du commandement de payer valant saisie immobilière atteint tous les actes de la procédure de saisie immobilière. La Cour de cassation considère que le moyen pris de la nullité de ce commandement, qui tend à faire déclarer irrégulière ou éteinte la procédure judiciaire, introduite par l'assignation du créancier poursuivant à l'audience d'orientation, est une exception de procédure. Cette dernière doit être soulevée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, conformément à l’article 74 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1293H4N.

Cass. civ. 2, 6 mars 2025, n° 22-18.023, F-B N° Lexbase : A442563B : Aux termes de l’article R.311-6 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L9456LTE, les contestations relatives à la décision de prorogation des effets du commandement de payer valant saisie immobilière, doivent être formulées par voie de conclusions.

Cass. civ. 2, 6 mars 2025, n° 22-18.307, F-B N° Lexbase : A442663C : Dans le droit alsacien mosellan, le commandement de payer prévu par l’ancien article 2217 du Code civil N° Lexbase : L2506ABG, qui est toujours applicable aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle par l’article 141 de la loi du 1er juin 1924 N° Lexbase : Z11634SN, ne rend pas indisponible l’immeuble, et il ne vaut pas saisie des fruits. Par conséquent, ce commandement de payer ne constitue pas un acte d’exécution forcée au sens de l’article 2244 du Code civil N° Lexbase : L4838IRM. Il n’est donc pas susceptible d’interrompre un délai de prescription ou de forclusion.

♦ Saisie mobilière

Cass. civ. 2, 6 février 2025, n° 22-17.249, FS-B N° Lexbase : A60676TU: Par le passé, la Cour a considéré que le moyen pris de la nullité d’un acte de saisie-attribution ne constitue pas une exception de procédure (Cass. civ. 2, 6 décembre 2007, n° 06-15.178 et n° 07-13.964, F-P+B N° Lexbase : A0306D3Q). De cette jurisprudence, la Cour déduit que la nullité invoquée à l’encontre d’un acte de saisie mobilière ne tend pas à la remise en cause d’un acte de la procédure judiciaire. Dans cette hypothèse seule, l’annulation de l’acte de saisie est poursuivie. Ainsi, le moyen pris de la nullité du procès-verbal de saisie de droits incorporels, qui ne tend pas à faire déclarer irrégulière ou éteinte la procédure judiciaire ouverte, sur la contestation du débiteur, ou à en suspendre le cours, mais à obtenir l’annulation de l’acte de saisie, ne constitue pas une exception de procédure.

 

III. Actualité normative

Décret n° 2024-1231, du 30 décembre 2024, révisant le barème des saisies et cessions des rémunérations N° Lexbase : L4864MYS : publié au journal officiel du 31 décembre 2024, ce décret révise le barème des saisies et cessions des rémunérations. Conformément à l’article 3 de ce décret, le nouveau barème entre en vigueur le 1er janvier 2025.

Décret n° 2024-1225, du 30 décembre 2024, relatif à l'expérimentation de la contribution pour la justice économique N° Lexbase : L4088MY3 : publié au journal officiel du 31 décembre 2024, ce décret instaure au sein des tribunaux d’activités économiques, une contribution dite « pour la justice économique », lorsque la valeur totale des prétentions est supérieure à un montant de 50.000,00 euros, étant précisé que les demandes incidentes ne sont pas soumises à cette redevance.

Arrêté du 14 janvier 2025, portant modification des arrêtés du 21 juin 2013 portant communication par voie électronique entre les avocats et entre les avocats et la juridiction dans les procédures devant les tribunaux de commerce et du 9 février 2016 portant application des dispositions du titre XXI du livre Ier du code de procédure civile aux greffiers des tribunaux de commerce N° Lexbase : L6394M39: publié au journal officiel du 15 janvier 2025, cet arrêté permet aux avocats d’utiliser le système « SECURIGREFFE » dans le cadre d’une procédure qui se déroule devant les tribunaux de commerce et d’activités économiques. Cet arrêté apporte également des précisions quant à la sécurité des communications électroniques, entre les avocats et entre les avocats et la juridiction dans les procédures devant les tribunaux de commerce.

Arrêté du 23 janvier 2025, fixant le taux de la cotisation due par les notaires au titre de la garantie collective pour l'année 2025 N° Lexbase : L2287MSI : publié au journal officiel du 26 janvier 2025, cet arrêté fixe la cotisation due par chaque notaire pour l’année 2025 à 0,13 % de la moyenne des produits totaux réalisés au cours des années 2022 et 2023. Le présent arrêté détermine également une décote pour les notaires, dont la moyenne des produits totaux réalisés au cours des années 2022 et 2023 est inférieure à 200.000,00 euros.

Décret n° 2025-77, du 29 janvier 2025, relatif à la déontologie et à la discipline des avocats N° Lexbase : L6370MX9 : publié au journal officiel du 30 janvier 2025, ce décret réforme la procédure disciplinaire des avocats, d’une part, avec la création d’une procédure disciplinaire simplifiée, et d’autre part, en permettant au conseil de l’ordre de désigner plusieurs rapporteurs, membres ou anciens membres en activité pour réaliser une instruction contradictoire de l’affaire.

Arrêté du 31 janvier 2025, autorisant la mise en œuvre d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Portalis - Portail des juridictions » N° Lexbase : L5949M7H : publié au journal officiel du 5 février 2025, cet arrêté marque la création et encadre la mise en œuvre d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Portalis – Portail des juridictions ».

Décret n° 2025-125, du 12 février 2025, relatif à la nouvelle procédure de saisie des rémunérations N° Lexbase : L2044MYD : publié au journal officiel du 14 février 2025, ce décret instaure la nouvelle procédure déjudiciarisée de la saisie des rémunérations, qui entrera en vigueur le 1er juillet 2025.

Arrêté du 12 février 2025, pris pour l'application de l'article 62-6 du décret n° 2022-949 du 29 juin 2022 modifié relatif aux conditions d'exercice des commissaires de justice N° Lexbase : L0260M87 : publié au journal officiel du 15 février 2025, cet arrêté précise les modalités selon lesquelles sont réalisés les mouvements sur le compte de dépôt qui est ouvert par un commissaire de justice auprès d’un organisme financier, conformément à l’article 9 de l’ordonnance n° 2016-728, du 2 juin 2016 N° Lexbase : Z24499PC.

Arrêté du 12 février 2025, précisant les obligations comptables applicables aux commissaires de justice et pris pour l'application de l'article 62-1 du décret n° 2022-949 du 29 juin 2022 modifié relatif aux conditions d'exercice des commissaires de justice N° Lexbase : L0262M89 : publié au journal officiel du 15 février 2025, cet arrêté précise l’organisation comptable annuelle des commissaires de justice.

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Commissaires de justice

[Focus] The new tariff for Judicial Officers in Belgium: a necessary change

Lecture: 7 min

N1895B3L

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par Patrick Gielen, Secrétaire de l’Union Internationale des Huissiers de Justice (UIHJ), Membre du comité scientifique de la revue Lexbase Contentieux et Recouvrement

Le 20 Mars 2025

Keywords: tariff • reform • collection fees • solidarity fund • debtor protection • debt collection • social justice • digitalization of procedures • cost transparency

Since 1 October 2024 [1], a new tariff for judicial officers has been in force in Belgium, aimed at simplifying and making the cost of their interventions more transparent. Three classes of fees (€125, €175 and €250) are introduced depending on the amount or nature of the claim. The tariff strictly limits the costs for vulnerable people and provides for a Solidarity Fund. Urgent documents are regulated, with fees being doubled in some cases, and partial remuneration is provided for documents not served. A single administrative fee of €50 has been introduced, as well as an hourly fee for complex procedures. Collection fees are now clear and capped but remain the responsibility of the debtor. Finally, the reform includes electronic service and an online tool, "Tarif Checker", to ensure transparency and predictability.


I. A tariff in response to major criticisms

For years, the tariff applicable to judicial officer’s acts has been considered opaque, complex and obsolete. Among the most frequent criticisms was the lack of transparency, due to the use of complicated abbreviations that made the acts incomprehensible to citizens. It was also singled out for its lack of predictability, due to fee calculations that depended on multiple factors that were difficult to anticipate. In addition, some important tasks were not remunerated, and others were inadequately paid. Finally, the double tax burden, combining registration duties and VAT, further increased the bill without any proposed solution.

II. Transparency and simplification of the tariff

This major simplification also involved a reduction in the number of articles of the royal tariff: from 22 articles, it was reduced to 12, which made the entire text more readable. From now on, it will be much easier for a litigant or a lawyer to know precisely what a judicial officer’s intervention will cost. The role of the judicial officer is also rethought he is no longer only an actor of constraint, but also a facilitator of the solution, with a tariff that explicitly recognizes and remunerates this conciliation work.

III. Measures in favour of indebted people

The new tariff takes care to respond to the situations of vulnerable people, especially those facing debts related to public utilities (water, electricity, telephone, etc.). For these people, who are often in financial difficulty, a strict limitation of costs is provided: the basic fee is applied even for large debts, recovery fees are capped, and a Solidarity Fund, financed by the profession, intervenes to reduce the costs related to the most expensive acts (summonses, seizures).

IV. Fee for judicial officer’s deeds

The new tariff for judicial officers in Belgium, which came into force on 1 October 2024, simplifies the fee structure by introducing three classes based on the amount of the claim or the nature of the case. Here are the details of these classes and their respective amounts:

  • Class A: EUR 125 per deed
    • The amount of the claim: up to EUR 2,000.
    • Nature of the claim: Debts related to basic needs, such as water, gas, electricity, hospital services, telecommunications or school fees, are always charged according to class A, regardless of the amount due.
  • Class B: EUR 175 per deed
    • Amount of the claim: between EUR 2 000.01 and EUR 5 000.
    • Nature of the case: Cases in the Family and Youth Court are systematically classified as category B, regardless of the amount involved.
  • Class C: EUR 250 per deed
    • Amount of the claim: more than EUR 5,000.
    • Cases of indeterminate value or mixed nature: This class also applies to records where the value is not specified, or which involve both an obligation to pay and an obligation to do.

These fees cover the drafting, service and processing of documents and minutes. They also include the original of the writ, all copies to be served at the same address, the loading of the writ in the register of dematerialized deeds, and, where applicable, the sending of the original document or a copy to the applicant or his counsel. For each service at an additional address, half of the fee for the corresponding class is due.

V. Emergencies and remuneration for exceptional interventions

The new tariff also introduces precise regulations concerning emergency procedures. Thus, acts performed outside normal hours, on weekends, public holidays or in case of absolute emergency, will see their fees doubled. However, an essential distinction is made: if the act is carried out urgently at the specific request of the creditor (for example, within 24 hours), the additional cost is exclusively borne by the applicant. On the other hand, if it is related to the necessities of the procedure (for example, an eviction that can only be carried out on a Saturday for practical reasons), the cost may be passed on to the convicted party.

VI. Remuneration for Acts Not Served or Avoided

The new tariff also provides for remuneration for documents prepared but ultimately not served. This situation is frequent: a deed is ready but is not delivered, either because an agreement has been reached or because the creditor withdraws. From now on, 50% of the fee will be due, reflecting the work performed. In addition, the tariff introduces the notion of a facilitation act, which remunerates the judicial officer who manages, on the ground, to avoid the service of a document by finding an amicable solution (e.g. immediate payment).

VII. Recovery fees: clarity and predictability

Another major step forward is that the collection fee is now standardised and predictable. It applies if the debtor pays after the judicial officer’s intervention, regardless of the time of payment. This fee is degressive according to the amount of the debt, and capped at €100 for certain small claims, which represents an improvement compared to the complexity of the old revenue and advance fees, which are now abolished.

This collection fee covers the steps essential to any execution procedure: management of payment plans, reminders, reminders, follow-ups, telephone contacts and travel. Thanks to these new rules, the fees are more legible, without hidden costs, and allow the parties to know, from the beginning, the full cost of such a procedure.

However, unlike in France, this system still has an important limitation: in Belgium, the collection fee remains entirely at the expense of the debtor. In France, on the other hand, the law has provided that these fees are payable by the creditor, i.e. the person who mandates the judicial officer to obtain payment, with some exceptions. This French approach is based on a more balanced reflection on responsibility for the creation of debt. Indeed, today, the debtor is not always the only one responsible for his debt. Large institutional creditors (such as banks, credit companies, telecom operators, large commercial brands, or energy suppliers) massively grant services or loans without sufficient verification of the creditworthiness of their customers, or real risk assessment. These creditors, through their sometimes aggressive or lax commercial behaviour, actively participate in the creation of debts, particularly among vulnerable groups.

The French system, by requiring the creditor to bear the collection fees, encourages him to manage risk responsibly, to better evaluate his debtors before granting a service or a loan. In Belgium, unfortunately, this reflection does not seem to have been sufficiently integrated into the reform. The collection fee is therefore added, for the debtor, to the principal amount of the debt and the cost of the judicial officer’s acts, further adding to a debt that is sometimes already insurmountable. This can have the perverse effect of making repayment more difficult and aggravating the debtor's precariousness, even though some creditors do not take their responsibilities when the debt arises.

Thus, the absence of shared responsibility in the Belgian tariff remains a major weakness of the reform, which would benefit from drawing inspiration from the French model to better protect over-indebted people and encourage creditors to adopt more responsible commercial practices.

VIII. Single administrative fee

The former multiple small fees are now grouped under a flat rate of €50, covering: the identification of the debtor, the credit check, and the administrative procedures for opening and managing the file. This single flat rate makes the costs more understandable for the litigant and the lawyers, and avoids price drifts.

IX. Units of time for complex procedures

The new tariff also introduces the concept of compensation per unit of time for complex or long procedures. For each 30-minute period started, a fixed compensation of €50 is provided, aimed at seizures, reports or enforcement reports.

X. Digital innovations and simplification of procedures

The 'Digitalisation II' law introduces the electronic service of documents and eliminates certain unnecessary intermediaries, such as the stockbroker for the seizure of shares, thus helping to streamline and speed up procedures.

XI. Rate Checker: a transparency tool

In the interests of transparency and good information for the public, the National Chamber of Judicial officers has set up the "Checker Tariff", accessible at the address www.huissiersdejustice.be/tarif-checker. This online tool allows anyone (litigant, lawyer, creditor or debtor) to easily consult and check the tariff applicable to judicial officer’s acts. Thanks to a user-friendly interface, it is possible to quickly identify the cost of a specific procedure, to obtain a detailed overview of the associated costs and fees, and to better understand the composition of the amount claimed. This initiative aims to guarantee total transparency on the fees charged, to prevent disputes, and to allow citizens to be informed before taking steps, thus strengthening confidence in the profession.

XII. Conclusion: a fairer and more balanced tariff

The new judicial officer’s tariff, which came into force on 1 October 2024, is an important and ambitious reform, which aims to modernise, simplify and make more transparent the cost of judicial officer’s interventions. Among the notable advances are the clarification of fees through the three flat-rate classes, the creation of a single administrative package, and the desire to protect the most vulnerable debtors, through a cap on costs and the establishment of a Solidarity Fund.

This tariff also tends to encourage a more conciliatory approach, by valuing the role of the judicial officer as a facilitator of amicable solutions, which is an important step towards a more humane justice. However, it is legitimate to wonder how these intentions will be translated into concrete action on the ground. Indeed, it will be necessary to verify whether the facilitation procedure, which is supposed to reduce the number of documents served, will really be privileged and whether the debtors will derive a tangible benefit from it.

In addition, although collection fees are now better regulated, they remain the responsibility of the debtor, which could limit the protective effect sought for people in difficulty.

Therefore, it would be desirable to carry out an initial evaluation of the application of Tariff One one year after its entry into force, to assess whether the objectives of simplification, transparency and protection of vulnerable parties have been achieved. Such an assessment would make it possible, if necessary, to adjust the mechanisms put in place so that this reform fully meets its ambitions to improve the system for all parties concerned.

For more information: www.huissiersdejustice.be/tarif.


[1] See Royal Decree of 18 May 2024 amending the Royal Decree of 30 November 1976 setting the tariff for acts performed by judicial officers in civil and commercial matters as well as that of certain allowances, Belgian Official Gazette, 19 June 2024, enter into force on 1st October 2024 [online].

newsid:491895

Commissaires de justice

[Observations] L’impartialité du Commissaire de justice vs le droit au procès équitable

Réf. : Cass. com., 12-02-2025, n° 23-18.415, F-B N° Lexbase : A55816UA

Lecture: 24 min

N1877B3W

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par Jérémie Bouveret, Commissaire de justice associé, titulaire du certificat de spécialisation « administration judiciaire de la preuve »

Le 18 Mars 2025

Mots-clés : preuve • constat • commissaire de justice • loyauté • ruse • impartialité •indépendance • déontologie • huissier de justice • ordinateur • conflit d’intérêts • communauté d’intérêts

L’obtention d’une preuve par des moyens illicites n’exclut pas systématiquement sa recevabilité en justice, mais elle doit respecter des principes fondamentaux, au premier rang desquels figure l’impartialité du commissaire de justice lors de l’établissement d’un procès-verbal de constat.


 

« Même les gens impartiaux ne sont pas impartiaux. Ils sont pour la justice », écrivait Stanislaw Jerzy Lec. Cette maxime illustre avec force l’importance cruciale de l’impartialité dans l’administration de la justice. Consacrée par la Constitution française et la Convention européenne des droits de l’homme, cette exigence de neutralité, qui s’impose tant aux magistrats qu’aux commissaires de justice [1], constitue un pilier essentiel garantissant à chaque justiciable un procès équitable et nourrit la confiance dans l’institution judiciaire.

Si, depuis le 22 décembre 2023 [2], la jurisprudence a bouleversé les conditions d’obtention de la preuve – faisant couler beaucoup d’encre [3] –, la question de l’impartialité du commissaire de justice sous cet angle restait peu explorée. Rappelons que la Cour de cassation, s’alignant sur la position de la Cour européenne des droits de l’homme, a tranché que « dans un procès civil, l’illicéité ou la déloyauté dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à son exclusion des débats ». Il revient ainsi au juge civil d’évaluer si une preuve « porte atteinte à l’équité globale de la procédure, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits opposés en présence ». Cette approche, immédiatement appliquée – notamment par la Chambre sociale de la Cour de cassation [4] – et confirmée dans un arrêt récent en matière de secret des affaires [5], trouve une nouvelle illustration dans la décision du 12 février 2025 rendue par la Chambre commerciale N° Lexbase : A55816UA.

Cette décision met une fois encore en lumière l’équilibre délicat entre le droit à la preuve et le droit à un procès équitable. Elle se distingue toutefois des précédents arrêts par l’accent qu’elle place sur le droit à un procès équitable, envisagé sous l’angle de l’impartialité et de l’indépendance du commissaire de justice. Cet arrêt souligne que ce droit vise à garantir un traitement équitable non seulement pendant le déroulement du procès, mais également en amont, lors de la constitution des preuves destinées à être présentées devant la juridiction.

Dans cette affaire, une société est opposée à son ancienne gérante, révoquée le 29 juillet 2019, jour où un nouveau gérant est nommé. À cette même date, la société mandate une étude de commissaires de justice pour établir un constat sur l’ordinateur de la gérante déchue, resté dans ses locaux. Elle mandatera la même étude trois fois par la suite.

Problème : l’un des commissaires de justice est le frère du nouveau gérant, et il a personnellement rédigé deux des quatre procès-verbaux. La gérante conteste donc sa révocation en justice, arguant d’un manque d’impartialité et d’indépendance des constats. Après une victoire en première instance et en appel (CA Amiens, 11 mai 2023, n° 21/04014 N° Lexbase : A34172B8), qui annule les constats, la Cour de cassation confirme cette décision, estimant que la méthode d’obtention des preuves traduit une intention déloyale de la société et soulève un doute raisonnable sur l’impartialité de l’étude choisie.

Cet arrêt offre de riches enseignements, fondés sur des motivations solides, mais parfois discutables. Si la décision repose fermement sur le doute d’impartialité (I), certaines de ses motivations méritent d’être débattues (II).

I. Une décision solidement fondée sur le doute d’impartialité

Parallèlement à l’obligation d’impartialité, la Cour consacre celle de son apparence (A), avant d’en faire application aux parties concernées par l’établissement d’un procès-verbal de constat, à savoir le mandant et le commissaire de justice (B).

A. Le développement de l'apparence d'impartialité

Pour saisir cette évolution, il convient d’examiner les fondements classiques de l’impartialité (1), désormais enrichis par la reconnaissance de son apparence (2).

1) Les fondements classiques de l’impartialité

Le principe selon lequel un justiciable dispose de la liberté de choisir le commissaire de justice qu’il mandate, ou que ce dernier ne peut refuser son ministère, n’est pas absolu et connaît des exceptions légitimes. En sa qualité d’officier public et ministériel, le commissaire de justice se doit d’incarner un tiers de confiance, garant de son indépendance et de son impartialité, deux exigences indissociables de sa fonction. 

Cette obligation trouve son fondement premier dans les textes régissant son statut. Ainsi, l’article 8 de l’ordonnance n° 2016-728, du 2 juin 2016, relative au statut de commissaire de justice N° Lexbase : Z24497PC [6] interdit expressément à ce dernier d’intervenir pour ses proches – parents, alliés jusqu’au quatrième degré, conjoint ou partenaire de PACS –, sous peine de nullité de ses actes. Cette règle, d’ordre public, vise à prévenir tout risque de partialité découlant de liens personnels. 

Plus récemment, le Code de déontologie de la profession, instauré postérieurement aux faits de l’espèce ici commentée, est venu renforcer cette exigence d’indépendance et d’impartialité. Il enjoint au commissaire de justice de conserver « en toutes circonstances la plus stricte indépendance dans l’exercice de ses missions d’auxiliaire de justice, afin de garantir l’impartialité subjective et objective qui est le fondement de la confiance qu’on lui porte » [7]. Cette formule consacre une double dimension de l’impartialité : subjective, liée à l’état d’esprit de l’officier, et objective, perçue par les tiers. Cette définition intègre la dichotomie formulée par le droit européen.

Ces dispositions en incluant la notion de « conflit d’intérêts » dépassent le cadre strict du statut. Cette notion, plus extensive que la simple parenté, englobe les hypothèses où le commissaire de justice, sans lien familial avec une partie, pourrait avoir un intérêt personnel à agir. Fait notable, elle est reprise au sein de deux articles du Code (Décret n° 2023-1296, du 28 décembre 2023, relatif au code de déontologie des commissaires de justice, art. 2 et 27 N° Lexbase : L4636MYD), soulignant son importance cardinale dans la régulation de la profession. 

En vertu de ces règles, le commissaire de justice n’a aucun autre choix que de s’abstenir d’intervenir ou de consulter son ordre professionnel s’il risque de susciter une suspicion légitime sur son impartialité.

Enfin, il faut souligner que depuis la loi « Béteille » de 2010 [8], les constatations matérielles des procès-verbaux de constat jouissent d’une force probante jusqu’à preuve contraire, un privilège qui confère à ces actes une autorité particulière, mais impose en contrepartie une impartialité irréprochable.

2) La reconnaissance de l’apparence d’impartialité

La Cour européenne des droits de l’homme considère qu’une preuve obtenue de manière déloyale ne doit pas être systématiquement écartée ; elle doit plutôt être examinée à la lumière du droit à un procès équitable. Dans l’affaire ici étudiée, le juge s’est précisément attaché à vérifier si l’impartialité du commissaire de justice répondait à cette exigence fondamentale.

Cependant, c’est l’apparence d’impartialité qui s’est révélée déterminante. En effet, même en l’absence de preuve tangible d’une partialité réelle, un doute raisonnable, dès lors qu’il est étayé par des faits concrets, suffit à remettre en cause la validité d’un acte. En l’espèce, la cour d’appel a ainsi sanctionné une stratégie donnant l’impression que l’étude avait été délibérément choisie pour favoriser la société et le commissaire de justice, ce dernier étant le frère du gérant. Ce n’est donc pas une collusion formellement établie qui a été reprochée, mais bien la présence d’éléments suscitant un doute légitime.

Cette approche ne constitue pas une nouveauté dans la jurisprudence. Elle avait déjà conduit à des sanctions dans des affaires antérieures, lesquelles partagent avec le cas commenté un point commun : toutes ont été tranchées en s’appuyant sur les articles 1 bis A de l’ordonnance du 2 novembre 1945 N° Lexbase : C64868TE et 6, § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales N° Lexbase : L7558AIR. Parmi ces décisions, qui visent à sanctionner non pas une collusion avérée, mais un doute raisonnable quant à l’impartialité et à l’indépendance du commissaire de justice, deux arrêts retiennent particulièrement l’attention.

Le premier, rendu en 2016 [9], a conduit à l’annulation d’une assignation délivrée par un commissaire de justice qui occupait également le poste de trésorier de l’ordre professionnel demandeur dans l’instance. Le second, prononcé en 2023 par la cour d’appel de Douai [10], avait déjà attiré l’attention des spécialistes du droit à la preuve. Cet arrêt mettait en évidence « l’apparence de relation d’intérêt privé » comme un facteur susceptible de compromettre l’impartialité du commissaire de justice. À l’époque, un commentateur s’était interrogé sur la portée potentielle de cette décision [11]. Or, la récente décision de la Cour de cassation vient confirmer cette orientation : le doute sur l’impartialité s’impose désormais comme un critère central dans l’évaluation du droit à un procès équitable. Il fait de l’annulation des constats une sanction logique et cohérente.

Toutefois, il est rassurant de noter que toutes les critiques ne débouchent pas nécessairement sur une sanction. Un doute purement spéculatif, dénué de fondement concret, reste insuffisant pour justifier une telle mesure. Dans l’arrêt ici commenté, comme nous le verrons, ce doute reposait néanmoins sur des éléments tangibles.

B. La notion d’apparence d’impartialité appliquée au mandant et au commissaire de justice

Pour écarter tout doute raisonnable, les deux parties principales au constat doivent se montrer exemplaires. Le mandant doit s’abstenir d’agissements pour contourner les règles de l’impartialité (1) et le commissaire de justice doit s’abstenir d’instrumenter dès lors qu’un soupçon légitime sur son indépendance peut être mis en exergue (2). Ces obligations protègent la troisième partie au constat : la partie à laquelle il peut être opposé.

1) L’apparence d’impartialité appliquée au mandant

L’une des premières questions soulevées devant les magistrats portait sur une interrogation essentielle : le mandant avait-il élaboré un stratagème pour se soustraire aux règles d’impartialité ? Face à cette problématique, la société avance un argument précis : le mandat ne proviendrait pas du gérant, mais de deux associés, en l’occurrence des personnes morales, dépourvues par nature de tout lien de parenté. Puisque ce lien suppose une relation entre deux personnes physiques, elle soutient que l’article 1 bis A de l’ordonnance du 2 novembre 1945 ne saurait s’appliquer en l’espèce.

Les juges, toutefois, balayent cette ligne de défense. Ils y décèlent une ruse juridique destinée à dissimuler le lien réel entre le mandant et le commissaire de justice, ce dernier étant le frère du gérant. Cette manœuvre, qualifiée par la doctrine de « ruse positive » [12], est ici fermement rejetée. En effet, le montage mis en place trahit une intention claire : contourner les exigences d’indépendance et d’impartialité qui s’imposent au commissaire de justice.

Cependant, la seule présence d’un proche au sein d’une société mandante ne devrait pas automatiquement compromettre cette impartialité. Tout dépend des circonstances : dans le cas présent, la fonction de gérant exercée par le frère, combinée à sa proximité avec les associés, amplifie le doute de manière significative. À l’inverse, on pourrait envisager une situation différente : imaginons, par exemple, qu’un parent travaille au sein de la société mandante, mais à l’autre extrémité du pays, sans occuper de fonctions notables. Si la partie adverse venait à le découvrir – grâce, notamment, aux réseaux sociaux professionnels, faciles à exploiter à cette fin –, les chances de faire naitre un doute sérieux sur l’impartialité du commissaire de justice s’en trouveraient bien plus limitées.

2) L’apparence d’impartialité appliquée au commissaire de justice

La question de l’impartialité dans l’obtention de la preuve s’est fréquemment posée ces dernières années, notamment à propos des tiers assistant le commissaire de justice – par exemple lors de constats d’achat [13] ou d’expertises informatiques. Dans l’affaire étudiée, elle se concentre sur le commissaire de justice lui-même (a), mais aussi, de manière plus inédite, sur ses associés au sein de l’étude (b). Cette double analyse illustre une évolution significative des exigences posées à la profession.

a. Le commissaire de justice ayant une communauté d’intérêts avec le mandant

Dans l’arrêt du 12 février 2025, le commissaire de justice, frère du nouveau gérant, a lui-même rédigé deux des quatre procès-verbaux de constat, qualifiés par la Cour de « plus lourds » par leur portée ou leur contenu. Son choix d’intervenir dans une telle situation interpelle. En acceptant cette mission tout en étant pleinement conscient de son lien familial, il a laissé planer le doute d’un éventuel bénéfice personnel. Qu’il ait ou non cherché à avantager son frère, son intervention a donné l’apparence d’une connivence avec la stratégie juridique du mandant.

La défense a tenté de faire valoir l’absence de lien de parenté direct avec les mandants « officiels » et le manque de preuves tangibles de partialité. Cet argument n’a pas convaincu les juges. Ce n’est pas un lien familial direct qui a été retenu contre lui, mais une « communauté d’intérêts » entre le requérant et l’instrumentaire, que la Cour a condamnée.

La doctrine définit cette « communauté d’intérêts » comme une situation où le commissaire de justice « peut tirer un bénéfice personnel (pour lui-même ou un proche) de l’acte qu’il établit, bien qu’il n’en soit pas le requérant » [14]. Cette notion va au-delà de la simple parenté. Des auteurs avaient déjà alerté sur ce risque, exhortant les commissaires de justice à s’abstenir d’instrumenter « dès lors qu’ils pourraient en tirer un avantage, pour eux-mêmes ou leurs proches, ou que leur impartialité pourrait être mise en doute » [15].

Cette notion trouve aujourd’hui un écho dans le Code de déontologie, dont l’article 2 prohibe désormais tout « conflit d’intérêts ».

Sur le plan jurisprudentiel, la sanction n’a pas été immédiate. À titre d’exemple, la cour d’appel de Versailles en 2015 – au sujet d’un état des lieux de sortie en matière de bail d’habitation dressé par un commissaire de justice alors qu’il détenait des parts dans la société civile immobilière bailleresse – sans aller jusqu’à l’annulation des constats avait, elle aussi, invité le commissaire de justice à s’abstenir en pareille circonstance [16].  

Mais l’époque des simples recommandations est révolue : nous sommes entrés dans celle des sanctions. L’annulation des procès-verbaux de constat s’impose désormais comme une réponse claire et tranchée à cette compromission perçue.

b. L’extension des interdictions d’instrumenter aux commissaires de justice associés

Plus audacieuse encore, l’annulation englobe les constats rédigés par les associés du commissaire de justice ayant une communauté d’intérêts avérée avec la mandante. Cette portée extensive a pu surprendre, l’article 1 bis A de l’ordonnance n° 45-2592, du 2 novembre 1945, visant spécifiquement « l’huissier de justice » et ses liens avec les requérants (parents ou alliés). La société a saisi cette brèche textuelle, arguant que ni ce texte ni les règles statutaires n’interdisaient aux associés d’agir. Elle a poussé plus loin, soutenant que la société civile professionnelle (SCP), personne morale, était l’entité instrumentaire, et non l’individu.

Cet artifice juridique n’a pas dupé la Cour. Si le texte de 1945 désigne « l’huissier » en propre, son esprit protège l’intégrité de l’office tout entier. De surcroît, dans une société d’exercice, l’acte reste l’œuvre d’un commissaire de justice, personne physique, qui en assume la signature et la responsabilité – non d’une abstraction juridique.

Les associés étaient donc tenus aux mêmes interdictions que le commissaire de justice, frère du gérant de la mandante.

La cour d’appel, qui a statué en 2023 sur des faits de 2019, anticipe ainsi une clarification législative, intervenue avec l’article 8, alinéa 2, de l’ordonnance n° 2016-728, du 2 juin 2016 N° Lexbase : Z24497PC, effectif depuis 2022. Cette disposition étend désormais l’interdiction aux associés des sociétés d’exercice : « Lorsque les commissaires de justice sont associés [...], la même interdiction s’applique à l’égard de chacun d’eux. » Elle répond à l’émergence des structures sociétales pour l’exercice de la profession de commissaire de justice, impensables il y a sept décennies.

Une interrogation apparait toutefois : que se passerait-il si les commissaires de justice impliqués appartenaient à une même société, mais à des offices distincts, comme dans les grandes structures multiressorts où les associés ignorent parfois les interventions de leurs pairs ? La doctrine admet qu’un conflit d’intérêts puisse échapper à la vigilance dans certains cas – par exemple, un associé agissant pour une partie après qu’un autre a servi l’adversaire. Mais face à un lien de parenté ou une communauté d’intérêts manifeste, comme ici, la solution semble être à l’évidence une sanction systématique, car l’impartialité ne peut souffrir d’aucune exception.

On peut donc retenir qu’il existe une présomption d’impartialité à l’égard du commissaire de justice, qui peut être renversée par des éléments de nature à soulever un doute quant à l’existence d’une communauté d’intérêts. Cette notion couvrant des situations beaucoup plus importantes que celles limitativement énumérées dans les textes.

II. Une décision fondée sur des motivations qui prêtent à débat

Si les liens entre le mandant et le commissaire de justice, ainsi que les manœuvres déployées, justifient le doute sur l’impartialité, d’autres éléments avancés par la cour d’appel suscitent des réserves. Le reproche lié au choix d’un constat extrajudiciaire plutôt que judiciaire (A) et la critique du choix géographique du commissaire de justice (B) méritent un examen.

A. La sanction discutable de l’absence de recours à un constat judiciaire ou contradictoire

La cour d’appel aurait pu se contenter des « manœuvres » exposées précédemment pour justifier le doute légitime sur l’impartialité des constatations. Elle ne s’en est pas tenue là, et a conclu que le recours à un constat extrajudiciaire et non contradictoire était la preuve lui aussi d’une manœuvre.

Elle a ainsi considéré que cette façon de procéder manifeste une « volonté de se constituer des preuves de façon déloyale et inéquitable au mépris des règles d'indépendance et d'impartialité qui échoient à l'huissier instrumentaire dans sa relation avec son mandant et des règles du contradictoire ».

Cette interprétation est très fortement critiquable, tant en raison des conclusions infondées qu’elle tire de l’absence de recours à un constat judiciaire (1), qu’en ce qui concerne l’utilisation d’une ordonnance sur requête (2).

 

1) L’absence de fondement à la remise en cause d’un constat habituellement « extrajudiciaire »

Qualifier le choix d’un constat extrajudiciaire de manœuvre déloyale est un raisonnement surprenant et difficilement justifiable. En pratique, dresser un constat sur un ordinateur professionnel mis à disposition par une société relève des prérogatives courantes du commissaire de justice, sans nécessiter une autorisation judiciaire, dès lors qu’il s’agit d’un salarié de l’entreprise.

Ce choix de la société et du commissaire de justice n’a donc rien de contestable, et l’interpréter comme une volonté de déloyauté semble méconnaître les pratiques établies [17].

Jusqu’à cet arrêt, aucune jurisprudence notable n’avait traité le cas de l’ordinateur mis à disposition d’un gérant par sa société et exigé un constat judiciaire.

La cour est d’ailleurs muette sur la qualification de l’ordinateur de la gérante – elle n’indique nullement que les données qu’il contient auraient un caractère personnel présumé - et n’explique pas pour quelles raisons, ce matériel bénéficierait d’une « protection » quant à son accès pour réaliser des constatations. Cette absence de qualification ne fournit donc aucune justification quant au recours à un constat judiciaire. Ce silence fragilise son raisonnement.

La décision de la cour d’appel pose donc le principe, jusqu’ici inconnu, selon lequel l’ordinateur, l’ordinateur du gérant de société mis à sa disposition par la société, bénéficie d’une protection et par conséquent que son accès est protégé. Cette règle qui méritera d’être confirmée, oblige donc désormais le commissaire de justice à la prudence, et à recourir à des constatations contradictoires ou par la voie du constat judiciaire.

2) La proposition contestable du recours à un constat judiciaire par la voie de l’ordonnance sur requête

La cour propose comme alternative un constat judiciaire autorisé par une ordonnance sur requête. Cette suggestion pose problème. Cette proposition, au-delà du fait qu’elle soit inédite, ne tire pas les conséquences des constatations faites par la cour.

Si l’objectif était de garantir le contradictoire, la voie du référé (CPC, art. 145 N° Lexbase : L1497H49) aurait été plus appropriée, car elle assure un débat entre les parties. Rappelons, que la voie du référé est le principe, et que la voie de l’ordonnance sur requête est l’exception.

Cette dernière solution ne répond donc pas aux griefs que fait la cour, puisque les faits ne sont susceptibles de rentrer dans aucune des hypothèses permettant le recours à l’ordonnance sur requête :

  • l’inopportunité du contradictoire : il s’agit du cas où le contradictoire est susceptible de faire disparaître la preuve. En l’espèce, le matériel n’étant plus accessible à la gérante, il était en « sécurité ». La cour d’appel le rappelle d’ailleurs puisqu’elle réfute l’idée qu’il y existait une urgence à agir ;
  • l’impossibilité du contradictoire : en l’espèce, la gérante pouvait valablement être invitée aux opérations de constats.

Cette incohérence fragilise son raisonnement : la cour reproche un défaut de contradictoire, mais propose une solution qui ne le restaure pas.

On peut s’interroger sur les raisons qui ont conduit la cour à formuler une déduction complexe et peu évidente concernant les intentions de la partie qui n’a pas eu recours à un constat judiciaire. En effet, deux hypothèses se dessinent :

  • soit la méthode choisie – un constat extrajudiciaire – était inadéquate en elle-même, et dans ce cas, le choix du commissaire de justice devient secondaire, la sanction s’appliquant de manière identique à tout officier public et ministériel, indépendamment des motifs invoqués pour éviter une procédure judiciaire ;
  • soit c’est la présence d’une communauté d’intérêts, susceptible de compromettre l’impartialité du commissaire de justice instrumentaire, qui engendre un doute raisonnable sur sa neutralité, ce seul élément suffisant à justifier l’annulation de l’acte, sans qu’il soit nécessaire d’examiner plus avant les intentions de la partie.

 

B. Le choix géographique du commissaire de justice : une réflexion imposée

La cour d’appel relève que la requérante a opté, sans justification convaincante, pour une étude parisienne dans un contentieux situé à Soissons. Elle considère que ce choix « peut faire naitre un doute raisonnable sur l’impartialité de l’étude mandatée aux fins de constat à quatre reprises et plus particulièrement sur son indépendance et son impartialité ». 

Cette observation peut d’abord surprendre le commissaire de justice, habitué, depuis les extensions de sa compétence territoriale en matière d’activités monopolistiques ou hors monopole [18], à intervenir loin de son étude.  Certes, même si la compétence en matière de constat est désormais nationale, et que le choix d’une étude établie géographiquement loin du lieu des constatations n’a rien d’illicite, il pousse à la réflexion.

En effet, depuis ces évolutions, nombreux sont les praticiens confrontés, dans leurs missions de signification ou d’exécution, à des questionnements de la part de justiciables sur la distance entre leur domicile et l’office du commissaire de justice. Même une intervention d’un département à un autre dans le même ressort de cour d’appel peut intriguer, a fortiori lorsqu’une partie cherche à contester un acte. Ainsi, un constat établi à une centaine de kilomètres – comme ici – peut être source d’interrogations sur les raisons de ce choix et susciter un « doute ».

Dans cette affaire, la société a mis en avant la « célérité » de l’étude parisienne, mais la Cour a écarté cet argument, jugeant qu’aucune urgence ne le justifiait. La requérante aurait pu étayer sa position en démontrant avoir sollicité sans succès des études plus proches. Cependant, cette preuve aurait été difficile à apporter, tant les commissaires de justice répondent généralement avec efficacité aux demandes urgentes, rendant improbable l’absence d’une étude disponible dans un rayon géographique raisonnable.

Le raisonnement de la cour conserve donc une pertinence. Il établit que l’apparence d’une partialité entre le commissaire de justice et son mandant peut – en plus d’autres éléments de soupçons – venir du choix d’une étude éloigné géographiquement des lieux de la mission. Dès lors, un commissaire de justice mandaté loin du lieu des constatations doit veiller à écarter tout doute sur les motifs de sa désignation, idéalement par une justification claire dès le départ.

La défense de la société aurait ainsi gagné en solidité si le choix du commissaire de justice reposait sur des compétences professionnelles reconnues, et non sur des liens avec la requérante. Un commissaire de justice titulaire d’un certificat de spécialisation en « administration judiciaire de la preuve », ou dont les travaux en la matière sont notoires, aurait constitué un exemple pertinent. Ajoutons que ces motifs ne manquent pas dans la majorité des cas : compétences spécifiques (télépilote de drone par exemple), relations d’affaires habituelles, qualités rédactionnelles des procès-verbaux, connaissances techniques du commissaire de justice, ville située sur la compétence des activités monopolistiques.

À retenir : Cet arrêt marque un jalon pour les commissaires de justice. Si l’officier public et ministériel bénéficie d’une présomption d’impartialité, celle-ci n’est pas irréfragable. La justice s’appuyant sur une notion de conflit d’intérêts ne se contente plus de sanctionner les liens évidents ; elle cherche à prévenir toute situation où l’apparence d’impartialité pourrait être entachée. La profession doit redoubler de vigilance : éviter toute apparence de partialité, parfois justifier le caractère extrajudiciaire des constats et, si nécessaire, expliquer leur ancrage géographique.

 

[1] Le terme commissaire de justice sera préféré dans le présent commentaire à celui d’huissier de justice, dès lors qu’il ne s’agit pas d’une citation d’un texte.

[2] Cass. ass. plén., 22 décembre 2023, n° 20-20.648 N° Lexbase : A27172AU.

[3] A. Martinez-Ohayon, Revirement de jurisprudence : quid de la recevabilité de la preuve déloyale ?, Lexbase Contentieux et Recouvrement, mars 2024 N° Lexbase : N7857BZZ ; S. Vernac, Une preuve à tout prix, Lexbase Social, février 2024, n° 972 N° Lexbase : N8275BZI.

[4] Cass. soc., 17 janvier 2024, n° 22-17.474, F-B N° Lexbase : A35522EB : C. Moronval, Recevabilité d’une preuve obtenue de manière déloyale : première application par la Chambre sociale !, Lexbase Social, janvier 2024, n° 971 N° Lexbase : N8181BZZ.

[5] Cass. com., 5 février 2025, n° 23-10.953, F-B N° Lexbase : A60416TW : M. Barba, Le secret des affaires à nouveau malmené par le droit à la preuve, Dalloz actualité, 17 février 2025 [en ligne].

[6] Cette disposition a remplacé l’article 1 bis A de l’ordonnance n° 45-2592, du 2 novembre 1945 N° Lexbase : C64868TE.

[7] Décret n° 2023-1296, du 28 décembre 2023, relatif au code de déontologie des commissaires de justice, art. 2 N° Lexbase : L9092MKX.

[8] Loi n° 2010-1609, du 22 décembre 2010, relative à l'exécution des décisions de justice, aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires N° Lexbase : L9762INU.

[9] Cass. civ. 1, 1er juin 2016, n° 15-11.417, FS-P+B+I N° Lexbase : A2665RR7.

[10] CA Douai, 28 septembre 2023, n° 22/02664 N° Lexbase : A43641ML.

[11] S. Racine, Commissaire de justice et expert informatique, une indépendance et une impartialité remise en question, Lexbase Contentieux et Recouvrement, décembre 2023 N° Lexbase : N7700BZ9.

[12] S. Dorol, La preuve par ruse, Lexbase Droit Privé, décembre 2022, n° 928 N° Lexbase : N3656BZG.

[13] Bulletin d’information VENEZIA & Associés, Constat d’achat : précisions sur le tiers acheteur, Printemps 2024, n°26 [en ligne].

[14] S. Dorol, Droit et pratique du constat d’huissier, Lexis Nexis, 3e édition, Chapitre 1 – Les acteurs du constat.

[15] S. Dorol, JCl. Encyclopédie des Huissiers de Justice, Bloc Preuve, Fasc. 30, V° Les constats, n° 30.

[16] CA Versailles, 28 juillet 2015, n° 15/00231 N° Lexbase : A0402NN9.

[17] Voir en ce sens le schéma proposé en matière de pratique professionnelle par A. Martinez-Ohayon, Infographie sur la procédure de récupération du matériel informatique en fin de contrat de travail par l'intervention d'un commissaire de justice, Lexbase Contentieux et Recouvrement, décembre 2023 N° Lexbase : N7703BZC.

[18] Ordonnance n° 2016-728, du 2 juin 2016, relative au statut de commissaire de justice, art. 2 N° Lexbase : Z24485PC.

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Commissaires de justice

[Focus] Le nouveau tarif des huissiers de justice en Belgique : une évolution nécessaire

Lecture: 11 min

N1893B3I

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par Patrick Gielen, Secrétaire de l’Union Internationale des Huissiers de Justice (UIHJ), Membre du comité scientifique de la revue Lexbase Contentieux et Recouvrement

Le 20 Mars 2025

Mots clés : tarif • réforme • honoraires de recouvrement • fond de solidarité • protection des débiteurs • recouvrement de créances • justice sociale • digitalisation des procédures • transparence des coûts.

Depuis le 1er octobre 2024 [1], un nouveau tarif des huissiers de justice est en vigueur en Belgique, visant à simplifier et rendre plus transparent le coût de leurs interventions. Trois classes d’honoraires (125 €, 175 € et 250 €) sont introduites selon le montant ou la nature de la créance. Le tarif limite strictement les frais pour les personnes vulnérables et prévoit un Fonds de solidarité. Les actes urgents sont encadrés, avec honoraires doublés dans certains cas, et une rémunération partielle est prévue pour les actes non signifiés. Un forfait administratif unique de 50 € est instauré, ainsi qu’une rémunération horaire pour les actes complexes. Les honoraires de recouvrement sont désormais clairs et plafonnés, mais restent à charge du débiteur. Enfin, la réforme intègre la signification électronique et un outil en ligne, Tarif Checker, pour assurer transparence et prévisibilité.


I. Un tarif en réponse aux critiques majeures

Durant des années, le tarif applicable aux actes des huissiers de justice a été jugé opaque, complexe et obsolète. Parmi les critiques les plus fréquentes figuraient le manque de transparence, dû à l’usage d’abréviations compliquées qui rendaient les actes incompréhensibles pour les citoyens. Il était aussi pointé du doigt pour son manque de prévisibilité, en raison de calculs d’honoraires dépendant de multiples facteurs difficiles à anticiper. De plus, certaines tâches importantes n'étaient pas rémunérées, et d'autres l'étaient de manière inadaptée. Enfin, la double charge fiscale, cumulant droits d’enregistrement et TVA, alourdissait encore la facture sans solution proposée.

II. Transparence et simplification du tarif

Cette simplification majeure passe aussi par une réduction du nombre d’articles du tarif royal : de 22 articles, on passe à 12, ce qui rend l’ensemble du texte plus lisible. Désormais, il sera beaucoup plus facile pour un justiciable ou un avocat de savoir précisément ce que coûtera une intervention d'huissier. Le rôle de l’huissier est aussi repensé : il n’est plus uniquement un acteur de la contrainte, mais aussi un facilitateur de solution, avec un tarif qui reconnaît et rémunère explicitement ce travail de conciliation.

III. Mesures en faveur des personnes endettées

Le nouveau tarif prend soin de répondre aux situations des personnes vulnérables, notamment celles confrontées à des dettes liées à des services d’utilité publique (eau, électricité, téléphonie, etc.). Pour ces personnes, souvent en difficulté financière, une limitation stricte des frais est prévue : l’honoraire de base est appliqué même pour les grosses dettes, les honoraires de recouvrement sont plafonnés, et un Fonds de solidarité, financé par la profession, intervient pour alléger les frais liés aux actes les plus coûteux (citations, saisies).

IV. Honoraires des actes d’huissier

​Le nouveau tarif des huissiers de justice en Belgique, entré en vigueur le 1ᵉʳ octobre 2024, simplifie la structure des honoraires en introduisant trois classes basées sur le montant de la créance ou la nature de l'affaire. Voici les détails de ces classes et leurs montants respectifs :​

  • Classe A : 125 euros par acte
    • Montant de la créance : jusqu'à 2 000 euros.​
    • Nature de la créance : les dettes liées aux besoins essentiels, telles que l'eau, le gaz, l'électricité, les services hospitaliers, les télécommunications ou les frais scolaires, sont toujours facturées selon la classe A, quel que soit le montant dû. ​
  • Classe B : 175 euros par acte
    • Montant de la créance : supérieur à 5 000 euros.​
    • Affaires de valeur indéterminée ou de nature mixte : cette classe s'applique également aux dossiers dont la valeur n'est pas spécifiée ou qui impliquent à la fois une obligation de paiement et une obligation de faire.
  • Classe C : 250 euros par acte
    • Montant de la créance : compris entre 2 000,01 euros et 5 000 euros.​
    • Nature de l'affaire : les dossiers relevant du tribunal de la famille et de la jeunesse sont systématiquement classés en classe B, indépendamment du montant en jeu. ​

​Ces honoraires couvrent la rédaction, la signification et le traitement des actes et des procès-verbaux. Ils incluent également l'original de l'exploit, toutes les copies à signifier à la même adresse, le chargement de l'exploit dans le registre des actes dématérialisés, ainsi que, le cas échéant, l'envoi de la pièce originale ou d'une copie au requérant ou à son conseil. Pour chaque signification à une adresse supplémentaire, la moitié de l'honoraire de la classe correspondante est due. ​

V. Urgences et rémunération des interventions exceptionnelles

Le nouveau tarif introduit également une réglementation précise concernant les actes d'urgence. Ainsi, les actes réalisés en dehors des heures normales, les week-ends, jours fériés ou en cas d'urgence absolue, verront leurs honoraires doublés. Cependant, une distinction essentielle est opérée : si l'acte est réalisé en urgence à la demande spécifique du créancier (par exemple, dans un délai de 24 heures), le surcoût est exclusivement à charge du demandeur. En revanche, s’il est lié aux nécessités de la procédure (par exemple, une expulsion qui ne peut être réalisée qu’un samedi pour raisons pratiques), le coût peut être répercuté sur la partie condamnée.

VI. Rémunération pour les actes non signifiés ou évités

Le nouveau tarif prévoit aussi une rémunération pour les actes préparés, mais finalement non signifiés. Cette situation est fréquente : un acte est prêt, mais n'est pas délivré, soit parce qu’un accord a été trouvé, soit parce que le créancier se rétracte. Désormais, 50 % de l’honoraire sera dû, reflétant le travail effectivement accompli. Par ailleurs, le tarif introduit la notion d’acte de facilitation, rémunérant l’huissier qui parvient, sur le terrain, à éviter la signification d’un acte en trouvant une solution amiable (ex. : paiement immédiat).

VII. Honoraire de recouvrement : clarté et prévisibilité

Autre grande avancée, l’honoraire de recouvrement est maintenant uniformisé et prévisible. Il s'applique si le débiteur paie après intervention de l’huissier, quel que soit le moment du paiement. Cet honoraire est dégressif selon le montant de la dette, et plafonné à 100 euros pour certaines petites créances, ce qui représente une amélioration par rapport à la complexité des anciens droits de recette et d’acompte, qui sont désormais supprimés.

Cet honoraire de recouvrement couvre les démarches indispensables à toute procédure d’exécution : gestion des plans de paiement, rappels, relances, suivis, contacts téléphoniques et déplacements. Grâce à ces nouvelles règles, les honoraires sont plus lisibles, sans frais dissimulés, et permettent aux parties de connaître, dès le début, le coût complet d’une telle procédure.

Cependant, contrairement à ce qui existe en France, ce système présente encore une limite importante : en Belgique, l'honoraire de recouvrement reste entièrement à charge du débiteur. En France, en revanche, la loi a prévu que ces honoraires sont à la charge du créancier, c’est-à-dire de celui qui mandate l’huissier pour obtenir paiement, sauf exception. Cette approche française repose sur une réflexion plus équilibrée sur la responsabilité dans la création de la dette. En effet, dans la société actuelle, le débiteur n'est pas toujours le seul responsable de son endettement. De grands créanciers institutionnels (comme les banques, sociétés de crédit, opérateurs télécoms, grandes enseignes commerciales, ou encore fournisseurs d’énergie) octroient massivement des services ou des crédits sans vérification suffisante de la solvabilité de leurs clients, ni réelle évaluation des risques. Ces créanciers, par leur comportement commercial parfois agressif ou laxiste, participent activement à la création des dettes, notamment auprès de publics vulnérables.

Le système français, en imposant au créancier de supporter les honoraires de recouvrement, l’incite à une gestion responsable du risque, à mieux évaluer ses débiteurs avant d’accorder un service ou un crédit. En Belgique, malheureusement, cette réflexion ne semble pas avoir été suffisamment intégrée dans la réforme. L'honoraire de recouvrement vient donc s'ajouter, pour le débiteur, au montant principal de la dette et au coût des actes d’huissier, alourdissant encore une dette parfois déjà insurmontable. Cela peut avoir pour effet pervers de rendre le remboursement plus difficile et d'aggraver la précarité du débiteur, alors même que certains créanciers ne prennent pas leurs responsabilités lors de la naissance de la dette.

Ainsi, l’absence de partage de responsabilité dans le tarif belge reste une faiblesse importante de la réforme, qui gagnerait à s’inspirer du modèle français pour mieux protéger les personnes surendettées et inciter les créanciers à adopter des pratiques commerciales plus responsables.

VIII. Forfait administratif unique

Les anciens multiples petits frais sont désormais regroupés sous un forfait de 50 euros, couvrant : l'identification du débiteur, l’enquête de solvabilité, et les démarches administratives d’ouverture et de gestion du dossier. Ce forfait unique rend les coûts plus lisibles pour le justiciable et les avocats, et évite les dérives tarifaires.

IX. Unités de temps pour les actes complexes

Le nouveau tarif introduit également la notion d’indemnité par unité de temps pour les actes complexes ou longs. Pour chaque tranche entamée de 30 minutes, une indemnité forfaitaire de 50 euros est prévue, visant notamment les saisies, les constats ou les procès-verbaux d’exécution.

X. Innovations numériques et simplification des procédures

La loi « Digitalisation II » introduit la signification électronique des actes et supprime certains intermédiaires inutiles, comme l'agent de change pour la saisie d’actions, contribuant ainsi à alléger et accélérer les procédures.

XI. Tarif Checker : un outil de transparence

Dans un souci de transparence et de bonne information du public, la Chambre nationale des huissiers de justice a mis en place le « Tarif Checker », accessible à l’adresse www.huissiersdejustice.be/tarif-checker. Cet outil en ligne permet à toute personne (justiciable, avocat, créancier ou débiteur) de consulter et de vérifier facilement le tarif applicable aux actes des huissiers de justice. Grâce à une interface conviviale, il est possible d’identifier rapidement le coût d’un acte spécifique, d’obtenir un aperçu détaillé des frais et honoraires associés, et de mieux comprendre la composition du montant réclamé. Cette initiative vise à garantir une totale transparence sur les frais pratiqués, à prévenir les contestations, et à permettre aux citoyens de s'informer avant d'engager des démarches, renforçant ainsi la confiance dans la profession.

XII. Conclusion : un tarif plus juste et équilibré

Le nouveau tarif des huissiers de justice, entré en vigueur le 1er octobre 2024, constitue une réforme importante et ambitieuse, qui vise à moderniser, simplifier et rendre plus transparent le coût des interventions des huissiers. Parmi les avancées notables figurent la clarification des honoraires grâce aux trois classes forfaitaires, la création d’un forfait administratif unique, et la volonté de protéger les débiteurs les plus vulnérables, notamment via un plafonnement des frais et la mise en place d’un Fonds de solidarité.

Ce tarif tend également à encourager une approche plus conciliante, en valorisant le rôle de l'huissier comme facilitateur de solutions amiables, ce qui constitue une évolution importante vers une justice plus humaine. Cependant, il est légitime de s’interroger sur la manière dont ces intentions se traduiront concrètement sur le terrain. En effet, il faudra vérifier si la procédure de facilitation, censée réduire le nombre d’actes signifiés, sera réellement privilégiée et si les débiteurs en retireront un bénéfice tangible.

Par ailleurs, bien que les honoraires de recouvrement soient désormais mieux encadrés, ils demeurent à la charge du débiteur, ce qui pourrait limiter l’effet protecteur recherché pour les personnes en difficulté.

Dès lors, il serait souhaitable de procéder à une première évaluation de l’application du tarif un an après son entrée en vigueur, afin de mesurer si les objectifs de simplification, de transparence et de protection des parties vulnérables ont bien été atteints. Un tel bilan permettrait, si nécessaire, d’ajuster les mécanismes mis en place afin que cette réforme réponde pleinement à ses ambitions d’amélioration du système pour toutes les parties concernées.

Pour plus d’informations : www.huissiersdejustice.be/tarif.

 

[1] Voy. AR. du 18 mai 2024 modifiant l'arrêté royal du 30 novembre 1976 fixant le tarif des actes accomplis par les huissiers de justice en matière civile et commerciale ainsi que celui de certaines allocations, M.B., 19 juin 2024, vig. le 1er octobre 2024 [en ligne].

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Procédure civile

[Observations] Faits adventices ou moyens de droit ? À propos des moyens de défense contre les moyens de défense (en matière de prescription)

Réf. : Cass. civ. 2, 3 octobre 2024, n° 22-10.329, F-B N° Lexbase : A935757P

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N1868B3L

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par Bertrand Jost, Docteur en droit, Maître de conférences à l’Université Sorbonne Paris Nord

Le 14 Mars 2025

La Cour de cassation ne reproche pas aux juges du fond d’avoir fait prospérer une fin de non-recevoir fondée sur la prescription et, partant, d’avoir déclaré l’action irrecevable, alors que les faits placés dans le débat auraient pu éventuellement permettre d’y faire obstacle.


 

Note

1. « La justice connaît également, comme tous les services publics, une évolution dans les revendications des citoyens. Ils étaient des usagers passifs et soumis. Ils deviennent des consommateurs. Ils attendent que le service fourni soit à la hauteur des espérances que la collectivité a investies en lui » [1]. N’est-ce pas cette tendance qui apparaît lorsque les justiciables reprochent au juge de n’avoir pas spontanément pallié leurs omissions ? Un arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 3 octobre 2024 invite à y réfléchir [2].

2. Les faits de l’espèce ne sont pas essentiels ; il suffit de retenir qu’ils étaient complexes et qu’il était question d’une action en nullité déclarée irrecevable, car prescrite. Or les demandeurs au pourvoi reprochent aux juges d’appel d’avoir considéré que la prescription était acquise sans avoir, d’office, fait valoir que différents actes antérieurs, dont des assignations, allégués et prouvés, l’avaient interrompue. La décision constatant l’irrecevabilité serait, de ce fait, entachée d’un défaut de base légale au regard de l’article 6, § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (droit fondamental d’accès au juge) N° Lexbase : L7558AIR, et des textes relatifs à la prescription (C. civ., art. 2224 N° Lexbase : L7184IAC et 2241 N° Lexbase : L7181IA9, et CPC, art. 122 N° Lexbase : L1414H47).

En exploitant l’article 6, § 1, l’article 2241 du Code civil, et les articles 6 N° Lexbase : L1116H44 et 7 N° Lexbase : L1118H48 du Code de procédure civile, la Cour de cassation rappelle que la prescription est une restriction légitime au droit d’accès au juge (n° 13) et rejette le pourvoi au motif que « le juge n'est pas tenu d'examiner d'office des actes qui n'ont pas été spécifiquement invoqués par les parties en vue d'un rejet d'une fin de non-recevoir tirée de la prescription » (n° 17).

3. L’arrêt est l’occasion de rappeler que la prescription est compatible avec le droit d’accès au juge (II). Par ailleurs, s’il nous semble pouvoir être approuvé quant à la solution qu’il permet d’atteindre, le raisonnement interroge. Il est, en effet, fondé sur les textes relatifs aux pouvoirs du juge relativement aux faits en matière contentieuse ; il n’est pourtant pas certain que tel ait été le sujet, la question ayant plutôt concerné, nous semble-t-il, un moyen de droit (I).

I. Moyens de faits ou moyens de droit ? 

4. Commençons par quelques rappels, qui nous seront utiles par la suite. On sait que le procès civil n’est plus exactement « la chose des parties » et que le principe dispositif a vu son périmètre se réduire au profit d’un principe de coopération avec le juge [3]. Si les parties conservent un rôle exclusif dans le procès civil, cela se réduit principalement à l’introduction de l’instance (CPC, art. 1er N° Lexbase : L1106H4Q[4], à la détermination de l’objet des prétentions que le juge doit trancher (CPC, art. 4 N° Lexbase : L1113H4Y et 5 N° Lexbase : L1114H4Z) et à la possibilité de transiger à tout moment afin de résoudre leur litige (CPC, art. 128 N° Lexbase : L1450I89). Le juge, en revanche, tient de longue date un rôle plus important à l’égard des moyens de fait et de droit, étant sur ce point en concurrence avec les parties pour le bon déroulé de l’instance.

5. Juge et moyens de faits. Quant aux faits, la marge de manœuvre du juge dépend de la fonction du procès. En matière gracieuse, donc lorsque « le juge […] contrôle » [5] une demande (par exemple, en matière d’adoption) ou un acte (c’est l’homologation [6]), l’article 26 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1161H4R lui laisse les coudées franches : il « peut fonder sa décision sur tous les faits relatifs au cas qui lui est soumis, y compris ceux qui n'auraient pas été allégués ». L’article 27 N° Lexbase : L1163H4T précise qu’il « procède, même d’office, à toutes les investigations utiles ». En matière contentieuse en revanche, lorsqu’il est question de résoudre un litige, il revient aux parties d’alléguer les faits propres à fonder leurs prétentions (CPC, art. 6) et le juge ne peut se fonder sur des faits qui n’auraient pas été placés dans le débat par les parties (CPC, art. 7, al. 1er)[7] . À en rester là, seules les parties pourraient exploiter les faits afin d’obtenir la correcte application des règles de droit ; il reviendrait uniquement au juge de leur restituer leur exacte qualification (CPC, art. 12, al. 2 N° Lexbase : L1127H4I). Le législateur, cependant, a laissé au juge quelques échappatoires. Il peut, en effet, inviter les parties à enrichir le débat en leur demandant des explications (CPC, art. 8 N° Lexbase : L1119H49). Il peut de surcroît tenir compte de tous les faits mentionnés, même ceux qui n’auraient pas été « spécialement invoqués au soutien [des] prétentions » (CPC, art. 7, al. 2) – ce sont les faits adventices – et transformer par conséquent de simples faits du débat (qu’il aura parfois contribué à faire émerger) en véritables moyens de faits. Il ne s’agit là que de facultés, dont le non-usage ne saurait lui être reproché [8].

6. Juge et moyens de droit. Quant aux moyens de droit, on sait que le rôle du juge à leur égard est partagé. L’article 12 du Code de procédure civile énonce que « le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ». Mais faut-il comprendre que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables selon les parties, ou bien conformément aux règles applicables dans l’absolu ? L’enjeu est bien entendu le relevé d’office des règles de droit utiles omises par les plaideurs : est-il possible et, le cas échéant, s’agit-il d’un devoir ou bien d’une simple faculté ? On sait que la Cour de cassation a choisi, sur ce point, une interprétation médiane en laissant par principe au juge la faculté de relever d’office les règles de droit applicables au regard des faits et des qualifications qui peuvent leur correspondre, sauf à ce que ces règles soient « particulières » [9] – les règles d’ordre public devant notamment être relevées d’office [10]. Cette jurisprudence ne vaut cependant qu’en l’absence de texte explicite. Or, de telles normes abondent en matière procédurale, relativement aux moyens de défense – lesquels sont, à moins qu’il ne s’agisse de défenses au fond visant à contester les faits et à provoquer le besoin de la preuve, des moyens de droit procéduraux ou substantiels offerts au défendeur pour obtenir le rejet des prétentions introduites contre lui. Ainsi la loi précise-t-elle que les fins de non-recevoir d’ordre public doivent être relevées d’office (CPC, art. 125, al. 1er N° Lexbase : L9729MMB), et c’est le cas par exemple en cas de conclusions ou pièces déposées après l’ordonnance de clôture rendue par le juge de la mise en état devant le tribunal judiciaire, lorsque la procédure est écrite [11] ; que l’irrecevabilité liée à un défaut d’intérêt ou de qualité à agir, ou bien à l’exception de chose jugée, peut être relevée d’office (CPC, art. 125, al. 2) ; que l’irrecevabilité liée à la prescription ne peut pas être relevée d’office (C. civ., art. 2247 N° Lexbase : L7175IAY) ; que les exceptions d’incompétence peuvent être relevées d’office sous certaines conditions (CPC, art. 76 N° Lexbase : L9291LTB et 77 N° Lexbase : L1413LGG).

7. Contradictoire. Dans tous les cas, qu’il transforme des faits adventices en moyens de faits ou qu’il relève d’office des moyens de droit, le juge doit respecter le principe de la contradiction, dès lors qu’il lui est interdit de se fonder sur des éléments que les parties n’auraient pas été à même de débattre devant lui (CPC, art. 16, al. 2 N° Lexbase : L1133H4Q).

8. Dans l’espèce. En envisageant l’espèce sous l’angle des articles 6 et 7 du Code de procédure civile, la Cour de cassation analyse les assignations et autres actes passés comme des faits adventices, que les juges du fond avaient la faculté – et non le devoir – « d’examiner d’office », donc de transformer en moyens de faits.

Toutefois, si ces actes sont au cœur du problème, c’est bien parce qu’existe l’article 2241 du Code civil qui veut qu’une action en justice interrompe la prescription. C’est donc, en réalité, ce texte, c’est-à-dire un moyen de droit, que les demandeurs auraient voulu que les juges du fond relèvent d’office, ce qui aurait ensuite permis d’exploiter les faits adventices sous forme de moyens de faits, de leur donner (le cas échéant) leur qualification d’actes interruptifs et de conclure sur la recevabilité de l’action en nullité, faute de prescription. Ce moyen de droit présente, au demeurant, la caractéristique d’être un moyen de défense contre un moyen de défense. Pour les demandeurs, confrontés à l’invocation par le défendeur de la fin de non-recevoir attachée à la prescription, il permet de faire valoir la recevabilité de l’action.

9. Enjeu. L’enjeu de cette catégorisation peut sembler relativement faible : faits adventices ou moyen de droit dont le régime n’est pas précisé par la loi, le juge a la faculté et non le devoir de les exploiter ; ni dans un cas, ni dans l’autre, les parties ne sauraient lui reprocher d’avoir omis de pallier leurs omissions. Et si le juge choisit au contraire de relever les faits adventices ou le moyen de droit utile, il devra veiller à faire respecter le principe de la contradiction.

Cependant, les termes du problème sont-ils vraiment absolument comparables selon qu’on l’analyse sous l’angle des faits ou sous l’angle des moyens de droit ? Nous ne le pensons pas.

On peut affirmer sans trop se tromper que ce sont toujours les faits placés dans le débat (adventices ou non) qui donneront au juge la conviction qu’un moyen de droit utile a été oublié, de sorte que ces divers éléments sont intimement imbriqués. Toutefois, l’exploitation des faits à des fins de qualification n’est possible qu’une fois la règle utile identifiée. Il importe donc de faire la part du droit et du fait, afin de poser les questions de façon claire. Or, à cet égard, deux réflexions nous viennent.

D’abord, il apparaît que les faits adventices sont susceptibles de deux utilisations par le juge. Ils peuvent, d’une part, être exploités sans ajouter aux moyens de droit invoqués par les parties : ils sont alors transformés en moyens de faits par le juge, ce que permet l’article 7 du Code de procédure civile, afin de mieux vérifier la réunion des conditions des règles invoquées par les parties. Ils peuvent, d’autre part, entraîner le relevé d’office d’une règle de droit utile, omise par les parties. Dans ce second cas, la question doit, nous semble-t-il, « basculer » dans le régime des moyens de droit. Le juge doit alors vérifier si les conditions de la règle sont réunies, c’est-à-dire procéder aux qualifications, tout en respectant le contradictoire.

Or à suivre aussi bien le moyen du pourvoi (n° 12) que la réponse qui y est apportée par la Cour de cassation (n° 18), les juges du fond ont explicitement énoncé que les assignations (et autres actes) n’étaient pas interruptives de prescription [12]. S’ils ont procédé à une qualification de faits que les parties n’invoquaient pas spécifiquement, n’est-ce pas que ces faits avaient quelque importance à leurs yeux, de sorte qu’ils n’étaient plus vraiment adventices (ce qui aurait dû placer le problème en dehors de l’article 7 du Code de procédure civile) ? Et plus encore, la qualification spécifique des faits, même erronée, au regard d’une règle de droit, même non mentionnée, n’est-elle pas équivalente au relevé d’office implicite de cette règle de droit ? Car si les juges du fond énoncent que les assignations ne sont pas interruptives de prescription, n’est-ce pas parce qu’ils ont tenu compte de l’article 2241 ? Or si l’on considère que le moyen de droit a été implicitement relevé d’office par cette qualification (dont il aurait été possible de faire l’économie), la censure pour défaut de base légale (ou pour violation du texte) aurait bien pu être envisageable (ainsi, sans doute, qu’une censure pour violation de l’article 16, al. 3) [13].

Ensuite, concernant la prescription, la loi interdit spécifiquement au juge de relever d’office la fin de non-recevoir (moyen de droit) qui y est attachée (C. civ., art. 2247). Celui-ci a-t-il, dès lors, la faculté de relever d’office les moyens de défense contre cette fin de non-recevoir ou bien, par une sorte de transitivité, toutes les règles de la matière sont-elles hors de sa portée ? La réponse nous semble devoir être en faveur du relevé d’office. En effet, lorsque la prescription acquise n’est pas invoquée comme cause d’irrecevabilité, l’accès au juge est permis alors qu’il pourrait ne pas l’être, et le législateur laisse cela à la main du défendeur. En revanche, lorsque la prescription est invoquée alors qu’elle n’est pas acquise, l’accès au juge risque d’être entravé alors qu’il devrait être possible. C’est dire que renoncer à la prescription acquise (ce qu’implique l’article 2247) et réfuter l’acquisition de la prescription (ce à quoi sert l’article 2241) sont deux choses tout à fait opposées, qu’on ne saurait assimiler. Raisonner uniquement en termes de pouvoir du juge à l’égard des faits adventices occulte cette question.

10. De cet arrêt soulevant des questions fort théoriques – mais, croyons-nous, passionnantes, – que retiendrons-nous ? Bien plus, finalement, qu’un simple rappel du régime des faits adventices. La décision du 3 octobre 2024 nous apprend que le juge n’a pas le devoir de relever d’office l’interruption de la prescription. Une lecture a contrario permettra d’ajouter – sans prendre trop de risques – qu’il peut cependant le faire sans craindre la censure. 

II. Rappels et précisions sur la prescription et le droit au procès équitable

11. L’article 6, § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales garantit le droit d’accès à un juge – lequel n’est cependant pas absolu. Plusieurs limites peuvent y être apportées, à commencer par les délais de prescription, qui garantissent la sécurité juridique, elle aussi fondamentale [14]. Toutefois, il n’était pas demandé à la Cour de cassation d’étudier la conformité des points de départ et délais de prescription aux droits fondamentaux ; il était reproché aux juges du fond d’avoir considéré que la prescription était acquise alors qu’elle ne l’était vraisemblablement pas. La question portait donc sur la conformité à l’article 6, § 1 des pouvoirs et devoirs du juge dans la mise en œuvre de la prescription.

12. Il est indubitable que les demandeurs qui se heurtent à une prescription qui n’aurait pas lieu d’être n’ont pas accès au juge concernant le principal. Mais dès lors qu’ils avaient la possibilité de se prévaloir de l’article 2241 du Code civil et qu’ils ne l’ont pas fait – et ce, alors même que, sauf violation du principe du contradictoire, ils savaient que la prescription était invoquée au profit de la partie adverse, – ne peut-on considérer que leur droit d’accès au juge ne souffre d’aucune atteinte ? Il est douteux que les droits fondamentaux doivent permettre aux justiciables d’être passifs dans le déroulé d’un procès qui concerne, au premier chef, leurs intérêts privés. Il est douteux, autrement dit, qu’ils doivent permettre de compenser, par un renforcement des devoirs procéduraux du juge, les omissions et négligences des justiciables, a fortiori lorsque ceux-ci sont demandeurs (ils ont donc, pourrait-on dire, une certaine conscience de leurs droits, puisqu’ils les invoquent en justice), et a fortiori, encore, lorsque la représentation ad litem est obligatoire (l’avocat étant alors tenu, du moins en principe, de conseiller son client [15]). C’est d’ailleurs sur le terrain de la responsabilité de l’avocat que devrait plutôt se placer le débat.

On regrettera seulement qu’en guise de réponse au grief de défaut de base légale au regard de l’article 6, § 1, la Cour de cassation se contente de recenser des décisions de la Cour européenne des droits de l’Homme au lieu de bâtir – en les exploitant – un argumentaire adapté à l’espèce. 

À retenir :

  • Le juge du fond n’est pas tenu d’exploiter les faits relatifs à l’interruption de la prescription extinctive s’ils ne sont pas invoqués par les parties à cette fin.
  • Il s’ensuit sans doute, et plus directement, que le juge du fond n’est pas tenu de relever d’office l’interruption de la prescription extinctive.
  • Cela n’est pas constitutif d’une atteinte illégitime au droit au procès équitable garanti par l’article 6, § 1 de la Convention européenne des droits de l’Homme.
 

[1] Ch. Debbasch, Le nouveau régime de la responsabilité de la Justice, D., 2001, 1752.

[2] Cass. civ. 2, 3 octobre 2024, n° 22-10.329, F-B N° Lexbase : A935757P : M. Barba, Office du juge et faits adventices en matière de prescription, Dalloz actualité, 7 novembre 2024 [en ligne].

[3] L. Cadiet et E. Jeuland, Droit judiciaire privé, LexisNexis, 12e éd., 2023, n°512 et s.

[4] Du moins, en principe. L’auto-saisine du juge est regardée avec méfiance en raison du risque de partialité qui lui est accolé (Cons. const., décision n° 2012-286 QPC, du 7 décembre 2012, « Société Pyrénées service et autres » N° Lexbase : A4918IYS : JCP E ; 2013, 1048, note N. Fricero).

[6] Th. Goujon-Bethan, L’homologation par le juge, Essai sur une fonction juridictionnelle, th. Université Côte d’Azur, LGDJ, 2021, préf. N. Fricero.

[7] Et il semble que la Cour de cassation veille particulièrement au respect de cette règle (v. par exemple : C. Leveneur, L’application de l’adage da mihi factum, dabo tibi jus en matière de contestation d’honoraires d’avocat, Gaz. Pal. novembre 2022 , n° 39, p. 17).

[8] En témoigne l’usage du verbe « pouvoir » par la loi. Adde pour les faits adventices : Cass. civ. 1, 16 juin 1982, n° 81-11.752 N° Lexbase : A7344CHH (« l’article 7, alinéa 2, du nouveau code de procédure civile n’oblige pas le juge à prendre en considération les faits que les parties n’ont pas spécialement invoqués ») ; pour le surcroît d’explications : Cass. civ. 1, 4 décembre 1973, n° 72-13.385 N° Lexbase : A1080CG4.

[9] Cass. ass. plén., 21 décembre 2007, n° 06-11.343 N° Lexbase : A1175D3W : D., 2008, n°10, 1102, note O. Deshayes, JCP G, 2008, II, 10006, note L. Weiller ; JCP G, 2008, I, 138, n° 9, obs. S. Amrani Mekki ; RTD civ., 2008, 317, obs. P.-Y. Gautier ; RDI, 2008, 102, obs. Ph. Malinvaud, CCC 2008/4, comm. n° 92, note L. Leveneur ; Procédures, 2008/3, comm. n° 71, note R. Perrot.

[10] Ainsi en va-t-il des textes relatifs à la garantie de conformité (Cass. civ. 1, 19 février 2014, n° 12-23.519, F-D N° Lexbase : A7696MER : L'office du juge en droit de la consommation : nouvelle (im)précision, Gaz. Pal., mai 2014, 1735, note L. Mayer), à la responsabilité du fait des produits défectueux (Cass. mixte, 7 juillet 2017, n° 15-25.651, FS-D N° Lexbase : A0747S88 : RTD civ., 2017, 829, obs. L. Usunier ; RTD civ., 2017, 872, obs. Ph. Jourdain ; RTD civ., 2017, 882, obs. P.-Y. Gautier ; JCP G, 2017, 1355, n° 9, obs. R. Libchaber ; CCC, 2017/11, comm. n° 219, note L. Leveneur) ou à l’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation (Cass. civ. 2, 5 juillet 2018, n° 17-19.738, F-P+B N° Lexbase : A5691XX3, RTD civ., 2018, 928, obs. Ph. Jourdain).

[11] CPC, art. 802, al. 1er N° Lexbase : L9733MMG: « Après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office. »

[12] L’exposé des faits ne permet pas au lecteur d’apprécier la justesse de cette qualification à l’égard de l’action en nullité déclarée irrecevable.

[13] En revanche, si l’on considère que les faits, même qualifiés, ne correspondent à aucun moyen de droit tant qu’une règle n’a pas été explicitement mentionnée, la justesse de cette qualification importe peu.

[14] CEDH, 13 février 2020, Req. n° 25137/16, Sanofi Pasteur c./ France, § 50 et s N° Lexbase : A35443EY.

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Procédure civile

[Observations] La compétence territoriale, entre pragmatisme et idéalisme

Réf. : Cass. civ. 2, 3 octobre 2024, n° 22-14.853, F-B N° Lexbase : A935857Q

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N1867B3K

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par Bertrand Jost, Docteur en droit, Maître de conférences à l’Université Sorbonne Paris Nord

Le 14 Mars 2025

Face à l’encombrement de certaines juridictions et à la perspective corrélative d’un trop long procès, certains tentent de s’abstraire des règles de compétence territoriale au nom du droit au procès équitable. La Cour de cassation sanctionne de tels raisonnements.


 

Note

1. « Il y a à rechercher jusqu’où [l’individu] existe pour [la Société]. Je doute que jamais on parvienne à déterminer clairement cette limite. La question, je pense, restera éternellement flottante » [1]. Se pose-t-elle de façon plus vivace que lorsque les droits fondamentaux sont invoqués au profit de l’individu contre les règles édictées pour tous ? Un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rendu le 3 octobre 2024 l’illustre [2].

2. Il y est question de la rupture d’un contrat de travail. Dans de telles circonstances, l’article R. 1412-1 du Code du travail N° Lexbase : L1727IA9 offre une option de compétence au salarié : les critères de rattachement laissés à son choix sont le lieu de l’établissement où le travail a été accompli, le lieu de conclusion du contrat, le lieu d’établissement de l’employeur. Or, en l’espèce, tous ces éléments se trouvaient dans un seul ressort, celui du conseil de prud’hommes de Nanterre. La salariée demanderesse saisit cependant le conseil de Versailles afin d’esquiver les lenteurs de fonctionnement de son juge naturel, dont la situation critique est bien connue. La question de la compétence est soulevée ; la cour d’appel versaillaise renvoie les parties devant le juge nanterrien et la salariée forme un pourvoi à l’encontre de cette décision.

Le moyen est fondé sur l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales N° Lexbase : L7558AIR. Celui-ci garantit, on le sait, le droit au procès équitable, et stipule que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue […] dans un délai raisonnable, par un tribunal […] qui décidera […] des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil ». La demanderesse au pourvoi reproche donc aux juges du fond de n’avoir pas contrôlé la conformité à ce texte de l’application des règles gouvernant la compétence territoriale des conseils de prud’hommes. Autrement dit, un contrôle de conventionnalité in concreto était attendu.

La Cour de cassation, cependant, rejette le pourvoi en énonçant « que les parties ne peuvent écarter les règles de compétence territoriale des juridictions prud'homales au motif que la surcharge alléguée de la juridiction au moment de sa saisine les priverait de la possibilité d'obtenir une décision dans un délai raisonnable » (n° 7).

3. La solution nous semble devoir être en tout point approuvée, aussi bien en raison du caractère introuvable de l’atteinte au droit au procès équitable (I) qu’en raison du risque de désordre qu’aurait généré la décision contraire (II).  

I. L’introuvable atteinte au droit au procès équitable

4. Indéniablement, les exigences de bonne justice – qui confluent dans la notion de procès équitable, laquelle constitue d’une certaine manière le « droit naturel de la procédure » [3] – imposent que les juges statuent dans des délais raisonnables [4]. À bien des égards, le droit français de la procédure révèle le souci du juste temps, au moins en théorie. En témoignent, par exemple, les procédures rapides lorsque urgence il y a.  

Certaines circonstances imposent une efficacité toute particulière de la part des juridictions. Sur ce point, la Cour européenne des droits de l’Homme a notamment fait savoir qu’en matière prud’homale, une célérité toute particulière était attendue [5]. Toute la difficulté réside bien sûr dans l’appréciation du délai raisonnable. La Cour européenne préfère une approche casuistique : « le caractère raisonnable de la durée d'une procédure s'apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l'affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes » [6]. À cet égard, les condamnations de la France en droit du travail ont été prononcées dans des circonstances particulières [7], pour ne pas dire exceptionnelles – en témoignent les chiffres actuels de la situation des 211 conseils de prud’hommes de France, lesquels sont d’ailleurs principalement saisis de contestations relatives à la rupture d’un contrat de travail [8].

5. Une chose est à peu près certaine : les conseils de prud’hommes – qui sont sans surprise les juridictions les mieux connues des Français [9], ce qui en fait sans doute des vitrines de l’état du service public de la Justice malgré leurs particularités – se trouvent dans des situations extrêmement variables. La Cour des comptes constatait en juin 2023 que la durée moyenne des affaires devant ces juridictions était en hausse constante (malgré un ralentissement), avec une moyenne de 16,3 mois en 2021 [10]. Cependant, cette même année, certains conseils traitaient les affaires en 5,5 mois en moyenne tandis que d’autres nécessitaient 30,1 mois – la taille de la juridiction n’étant pas, semble-t-il, un critère décisif puisque les plus gros conseils de France étaient plutôt dans la moyenne nationale [11]. On sait, de plus, qu’une moyenne ne suffit pas à se faire une juste représentation d’une situation. D’autres chiffres doivent être pris en compte, notamment la médiane. Ainsi, en 2023, 50 % des affaires devant les conseils de prud’hommes ont été terminées en moins de 11,1 mois [12] (encore que le nombre d’appels soit très élevé [13]), c’est-à-dire en moins d’un an. 75 % ont été terminées en 20 mois maximum, donc moins de deux ans [14]. 5 % « seulement » des affaires ont été terminées en plus de trois ans (au moins 39,3 mois) [15]. Reste le problème du stock d’affaires en cours : au 31 décembre 2023, les conseils de prud’hommes restaient saisis d’environ 130 000 affaires [16], dont l’âge moyen était de 16,1 mois [17]. Toutes ces statistiques sont en amélioration par rapport à l’année 2022 [18].

C’est dire que, de façon générale en France, le salarié qui saisit un conseil de prud’hommes pour contester la rupture de son contrat de travail n’est pas condamné à subir un procès interminable. Il est bien plus probable qu’une solution soit trouvée en moins de deux ans [19] – même si une telle durée peut, évidemment, paraître déjà excessive.

6. Reste évidemment la situation particulière du salarié contraint par la loi de saisir un conseil de prud’hommes notoirement engorgé comme celui de Nanterre : il lui importe peu qu’en général en France, les requérants soient fixés sur leur sort dans des délais raisonnables ; il ne perçoit que le risque qui pèse sur lui d’un procès trop long [20]. Il faut, cependant, se garder d’une approche excessivement préventive. Lorsqu’il saisit la juridiction, le demandeur ne connaît pas encore le sort de son affaire. Une conciliation lui permettra peut-être d’obtenir rapidement une issue convenable [21] ; à défaut, un départage ne sera pas forcément nécessaire ; les défaillances de la juridiction pourraient être palliées par l’usage des pouvoirs offerts au premier président de la cour d’appel à l’article R. 1423-33 du Code du travail N° Lexbase : L2628K8T [22]. L’atteinte au droit au procès équitable alléguée n’est donc pas seulement future ; elle est aussi, et surtout, incertaine [23].

Une chose est de se plaindre a posteriori de la durée excessive d’une procédure en invoquant le droit au procès équitable afin d’obtenir une indemnisation [24] ; une autre est de se prévaloir de l’article 6, § 1 afin de contourner la compétence territoriale des juridictions, alors qu’aucune atteinte n’est encore constatée et ne le sera potentiellement jamais. On comprend donc qu’invitée à reprocher aux juges du fond de n’avoir pas sacrifié à un contrôle de conventionnalité in concreto des règles de compétence territoriale des conseils de prud’hommes, la Cour de cassation ait jugé que ce contrôle n’avait pas lieu d’être [25].

Si l’arrêt étudié est ici susceptible d’être critiqué, c’est surtout pour son laconisme : la Cour se contente, après avoir rappelé le contenu des articles 6 de la Convention européenne (n° 5) et R. 1412-1 du Code du travail N° Lexbase : L1727IA9 (n° 6), de refuser qu’il soit dérogé au second en tirant argument du premier, c’est-à-dire au moyen que « la surcharge alléguée de la juridiction au moment de la saisine » priverait le demandeur d’une décision dans un délai raisonnable. On admirera la précaution des hauts magistrats, selon lesquels la surcharge du conseil de Nanterre est « alléguée », et l’on se demandera si, finalement, ce ne sont pas seulement ces quelques mots, « au moment de la saisine », qui contiennent implicitement tout le raisonnement que nous venons de proposer [26].

7. Restent tout de même quelques incertitudes. La Cour précisant que la compétence territoriale d’un conseil de prud’hommes est exclusive (ce qui interdit toute prorogation légale de compétence [27] et permet à tout autre conseil de relever d’office son incompétence en matière contentieuse [28]) et d’ordre public (ce qui interdit toute clause contraire [29]), faut-il en déduire qu’une compétence territoriale ne présentant pas les mêmes caractéristiques (ainsi, celle des juridictions commerciales, admettant les clauses contraires [30]) pourrait être contrariée par l’invocation du droit au procès équitable ? Il est permis d’en douter, car, une fois encore, où serait l’atteinte ?

II. La protection de l’ordre juridictionnel établi

8. L’arrêt mérite également d’être approuvé sur le plan pratique. Quelles auraient été, en effet, les conséquences de la solution inverse ? Si la Cour de cassation avait admis que l’on déroge aux règles de compétence territoriale au nom du droit au procès d’une durée raisonnable, le risque aurait été immense de voir, partout en France, et devant toutes les juridictions, fleurir sur le fondement de l’article 6, § 1 des demandes adressées à des juges territorialement incompétents, mais statistiquement plus rapides.

Un tel phénomène eût sans doute rapidement généré, au détriment des juridictions relativement épargnées par la crise, un encombrement opportuniste des rôles. Par ailleurs, les défendeurs n’auraient pas manqué de soulever des déclinatoires de compétence ; cela aurait provoqué un contentieux aléatoire, les juges étant invités à évaluer in concreto – mais sur quelle base documentaire ? – le risque d’atteinte au droit au procès équitable allégué par le demandeur dans l’hypothèse où il eût saisi son juge naturel [31].

Par ailleurs, de très nombreuses questions concrètes auraient nécessité, à terme, l’arbitrage de la Cour de cassation. Ainsi, le demandeur aurait-il eu le libre choix de la juridiction alternative [32] ? Ou bien aurait-il dû choisir une juridiction au ressort voisin ? Une juridiction relevant du ressort de la même cour d’appel ? En cas d’option de compétence utilement ouverte par la loi, aurait-il dû choisir une autre des juridictions désignées par les textes ? Et dans tous les cas où la juridiction compétente aurait dû être celle rattachée au domicile du défendeur [33], n’y aurait-il pas eu lieu de solliciter l’avis de ce dernier que l’on voudrait priver d’une règle « d’une universalité et d’une permanence incontestables » [34] ? C’est dire l’insécurité juridique qu’aurait entraînée une solution favorable à la demanderesse.

9. On le comprend, il est appréciable que la Cour de cassation n’ait pas fait la part belle aux intérêts particuliers d’un justiciable inquiet en sacrifiant ceux du groupe tout entier – lequel gagne à la stabilité des règles de compétence. Qu’amélioration urgente il doive y avoir de la situation de certaines juridictions, sinon de toutes, c’est indéniable. En revanche, ajouter du désordre aux problèmes préexistants – ce que le Conseil constitutionnel a pu faire récemment à propos de la compétence du juge de l’exécution [35] – en attendant cette amélioration n’aurait servi personne. Une sortie « par le haut » [36], même éventuelle, est préférable à une « anarchie » [37] certaine.

À retenir :

  • Même s’il est à craindre que la juridiction compétente soit dans l’impossibilité de traiter l’affaire dans un délai raisonnable, il n’est pas possible de contourner les règles de compétence territoriale en invoquant a priori l’article 6, § 1 de la Convention européenne des droits de l’Homme.
  • En revanche, s’il apparaît a posteriori que le procès a été d’une durée déraisonnable en violation de l’article 6, § 1 (ce qui implique un contrôle des circonstances concrètes de la cause), une indemnisation peut être demandée à l’État. 
 

[1] R. von Ihering, L’Evolution du droit (Zweck im Recht), 3e éd., trad. Meulenaere, Paris, 1901, VIII, § 13, p. 354. 

[2] Cass. civ. 2, 3 octobre 2024, n°22-14.853, F-B N° Lexbase : A935857Q : M. Barba, Il était une fois l’impérativité des règles de compétence territoriale en matière prud’homale, Dalloz actualité, 22 octobre 2024 [en ligne] ; Rev. Procédures, 2024/12, comm. n° 269, note S. Amrani-Mekki ; JCP S, 2024, 1367, note J. Vidal.

[3] J. Carbonnier, Droit civil, Introduction, PUF, 27e éd., rééd. 2004, n° 188.

[4] En droit national, l’article L. 111-3 du Code de l’organisation judiciaire N° Lexbase : L7804HND l’énonce explicitement. 

[5] Pour ne citer que les arrêts invoqués dans le pourvoi : CEDH, 14 novembre 2000, Req. 38437/97, Delgado c/ France, § 50 N° Lexbase : A6901AWI ; CEDH, 8 avril 2003, Req. 50331/99, Julien c/ France, § 31 N° Lexbase : A6705A7H.

[6] CEDH, 8 avril 2003, Req. 50331/99, Julien c/ France, § 29, précité.

[7] Pour ne citer, là encore, que les arrêts invoqués dans le pourvoi : CEDH, 14 novembre 2000, Req. 38437/97, Delgado c/ France, précité (procédure complexe de plus de quinze ans, mais le conseil de prud’hommes concerné a été diligent, de l'aveu même de la cour – § 45) ; CEDH, 8 avril 2003, Req. 50331/99, Julien c/ France, précité (procédure de plus de onze ans au moment de l’arrêt, dont neuf devant le conseil de prud’hommes en raison de nombreux renvois obtenus par le défendeur et de l’attente d’une décision définitive des juridictions administratives, alors que l’affaire ne présentait pas de difficultés particulières). Dans l’un et l’autre cas, les spécificités de la cause – bien plus qu’une appréciation générale et systématique de la situation devant les conseils de prud’hommes – entraînent la condamnation de la France.

[8] Ministère de la Justice, Les chiffres clés de la Justice, éd. 2024, p. 14 [en ligne].

[9] C’était du moins le cas il y a dix ans : L. Crettin, L’opinion des Français sur la justice, InfoStat Justice, Ministère de la Justice, janvier 2014, n° 125, p. 3 [en ligne].

[10] Cour des comptes, Les conseils de prud’hommes, juin 2023, S2023-0498, p. 61 et s. [en ligne].

[11] Ibid., spéc. p. 63. 

[12] Ministère de la Justice, Les chiffres clés de la Justice, éd. 2024, précité. Précisons que les référés représentent presque 20 % des affaires introduites devant les conseils de prud’hommes en 2023 – et la part des autres procédures rapides n’est pas connue.

[13] Ministère de la Justice, Les chiffres clés de la Justice, éd. 2024, p. 12.

[14] Ibid. Ce pourcentage inclut les affaires terminées en moins de 11,1 mois.

[15] Ibid.

[16] Ministère de la Justice, Les chiffres clés de la Justice, éd. 2024, p. 11.

[17] Ibid. La médiane eût été précieuse, là encore.

[18] Ibid.

[19] Soit grâce à la conciliation, soit grâce à un jugement en l’absence de conciliation.

[20] Et la longueur possible du procès peut être un argument redoutable contre une partie pressée, au stade de la conciliation.

[21] La part des conciliations dans la résolution des litiges prud’homaux n’a de cesse d’augmenter (Cour des comptes, Les conseils de prud’hommes, juin 2023, S2023-0498, p. 62, précité).

[22] « Lorsqu'une des sections d'un conseil de prud'hommes ne peut se constituer ou ne peut fonctionner, le premier président de la cour d'appel, saisi sur requête du procureur général, désigne la section correspondante d'un autre conseil de prud'hommes ou, à défaut, un ou plusieurs juges mentionnés à l'article L. 1454-2, pour connaître des affaires inscrites au rôle de la section ou dont cette dernière aurait dû être ultérieurement saisie. » Sur ce point, v. Rev. Procédures, 2024/12, comm. n° 269, note S. Amrani-Mekki, précitée.

[23] Au demeurant, il aurait été intéressant de connaître la situation de la demanderesse au pourvoi en octobre 2024 (aurait-elle par exemple, en parallèle de ses recours, saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre ?). En effet, licenciée en 2018, elle a saisi le conseil de Versailles en janvier 2019 ; la date du jugement n’est pas connue, mais l’arrêt attaqué a été rendu fin 2021 ; la Cour de cassation a tranché fin 2024. Malgré l’encombrement problématique de sa juridiction naturelle, notre justiciable a donc bataillé presque six ans (et exercé au moins deux voies de recours) pour essayer de contourner la compétence nanterrienne au motif que le procès aurait été trop long. Et si l’on ne reprochera pas à un justiciable de se battre pour ce qu’il perçoit comme une amélioration du droit (au contraire, cela offre de beaux arrêts), il serait admirable que soit invoquée a posteriori (et pourquoi pas devant la Cour européenne) une lenteur excessive dans le traitement de l’affaire, considéré in globo

[24] Cass. civ. 2, 9 février 2012, n° 11-17.212, F-SP+B N° Lexbase : A3578ICI : « la sanction qui s’attache à la violation de l’obligation pour la juridiction de se prononcer dans un délai raisonnable, n’est pas l’annulation de la procédure mais la réparation du préjudice résultant éventuellement du délai subi ». Toutefois, l’État n’est en principe responsable du fonctionnement défaillant de la Justice qu’en cas de faute lourde ou de déni de justice (COJ, art. L. 141-1 N° Lexbase : L2419LB9). La faute lourde est caractérisée par « toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi » (Cass. ass. plén., 23 février 2001, n° 99-16.165 N° Lexbase : A0716ATP : D., 2001, 1752, note Ch. Debbasch), le déni de justice lorsque les juges « refusent de répondre aux requêtes ou négligent de juger les affaires en état et en tour d'être jugées » (COJ, art. L. 141-3 N° Lexbase : L4739H9E). Dans l’un et l’autre cas, la longueur du procès est un indice permettant de caractériser l’un ou l’autre de ces manquements (v. L. Cadiet et E. Jeuland, Droit judiciaire privé, LexisNexis, 12e éd., 2023, n° 73 et les exemples cités). Au demeurant, la responsabilité de l’État est principalement recherchée pour la lenteur des conseils de prud’hommes (Rapport au Parlement 2021 – article 22 de la loi organique n° 2007-287 du 5 mars 2007, p. 4 et pp. 8-9, [en ligne]) et le déni de justice est bien plus souvent caractérisé que la faute lourde (rapport préc., p. 5-6 : en 2020, 97 % des condamnations de l’État en matière civile le sont pour déni de justice). Rappelons que si le litige a été connu des deux ordres de juridictions, seul le Tribunal des conflits est compétent pour connaître de la demande d’indemnisation (Loi du 24 mai 1872 relative au Tribunal des conflits, art. 16 N° Lexbase : L4875HTQ).

[25] Contrôle qu’au demeurant, elle semble être réticente à mettre en œuvre en matière de procédure civile (Recueil annuel des études 2023, La Documentation française, p. 33 et s., spéc. p. 41).

[26] L’existence, au moment de la saisine, du risque d’un procès long ne signifie pas qu’en l’espèce, le procès sera effectivement trop long.

[28] CPC, art. 77 N° Lexbase : L1413LGG (en matière gracieuse, le relevé d’office de l’incompétence territoriale est permis par principe, selon le même texte).

[29] C. trav., art. R. 1412-4 N° Lexbase : L1720IAX.

[31] Comp. M. Barba, Il était une fois l’impérativité des règles de compétence territoriale en matière prud’homale, Dalloz actualité, 22 octobre 2024, précité : se demandant ce qu’est une « juridiction sinistrée ».

[32] Comp. JCP S, 2024, 1367, note J. Vidal, précitée, p. 48.

[33] CPC, art. 42, al. 1er N° Lexbase : L1198H47.

[34] J. Vincent et S. Guinchard, Procédure civile, Dalloz, 1981, n° 218 (à propos de l’adage : « actor sequitur forum rei »). Comp. L. Cadiet et E. Jeuland, op. cit., n°155 : « la règle est-elle universelle ? Elle est, en tout cas, traditionnelle ».

[35] Cons. const., décision n° 2023-1068 QPC, du 17 novembre 2023 N° Lexbase : A61411ZH : RTD civ., 2024, 727, obs. N. Cayrol, Rev. Procédures, 2024/2, chr. n° 2, 3, P. Deumier. Adde C. Bléry et C. Roth, La mort du JEX : une annonce tout à fait exagérée, Dalloz actualité, 17 décembre 2024 [en ligne] ; et l’avis récent de la Cour de cassation sur le sujet, où l’on apprend que l’abrogation d’un texte peut être à géométrie variable : Cass. civ. 2, 13 mars 2025, n° H 25-70.003, à paraître.

[36] Rev. Procédures, 2024/12, comm. n° 269, note S. Amrani-Mekki, précitée, in fine.

[37] M. Barba, Il était une fois l’impérativité des règles de compétence territoriale en matière prud’homale, Dalloz actualité, 22 octobre 2024, précité.

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Procédure civile

[Chronique] Panorama : un an de jurisprudence en procédure civile 2024-2025

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par Etienne Vergès, Professeur à l’Université Grenoble Alpes, directeur scientifique de l’ouvrage Lexbase « Procédure civile »

Le 27 Mars 2025

Un an, et plus encore pourrait-on dire, puisque ce panorama couvre l’activité de la Cour de cassation depuis le début de l’année 2024 jusqu’au mois de février 2025. De cette sélection d’arrêts, il ressort que la jurisprudence fait surgir des situations toujours plus complexes, comme la problématique de l’application des délais Magendie lorsque le président de chambre tarde à orienter l’affaire. On observe également que la Cour de cassation utilise du plus en plus fréquemment l’article 6, § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme N° Lexbase : L7558AIR et le droit d’accès au juge pour adopter une interprétation souple des règles de procédure civile. On a ainsi le sentiment d’une rupture avec une période précédente ou le formalisme strict l’emportait souvent sur la finalité des règles. Ainsi, la Cour de cassation soulève-t-elle de sa propre initiative les risques liés à l’excès de formalisme, pour en corriger les effets. Dans le même esprit, elle opère un revirement net sur la péremption lorsque les parties n’ont aucune diligence à accomplir. Entre la très grande technicité de la matière et le respect des droits fondamentaux des parties, la jurisprudence semble chercher une voie médiane.


 

Sommaire

I. Principes directeurs du procès

  • Autorité de la chose jugée et principe de concentration

- Cass. civ. 1, 19 juin 2024, n° 19-23.298, FS-B

- Cass. civ. 2, 8 février 2024, n° 22-10.614, F-B

- Cass. civ. 3, 18 janvier 2024, n° 22-19.472, FS-B

  • Droit au juge et formalisme excessif des juridictions civiles

- CEDH, 21 novembre 2024, Req. 78664/17, Justine c/ France

- Cass. civ. 2, 12 décembre 2024, n° 22-11.816, F-B

- Cass. civ. 2, 3 octobre 2024, n° 22-16.223, F-B

  • Droit au juge et droit au recours

- Cass. civ. 2, 11 janvier 2024, n° 21-24.306, F-B

  • Principe du contradictoire et excès de pouvoir

- Cass. soc., 26 juin 2024, n° 22-19.432, F-B

II. Modes amiables de résolution des litiges

- Cass. civ. 2, 12 septembre 2024, n° 21-14.946, F-B

- Cass. soc., 24 avril 2024, n° 22-20.472, FS-B

III. Prescription civile

- Cass. civ. 3, 1er février 2024, n° 22-13.446, FS-B

- Cass. civ. 2, 3 octobre 2024, n° 22-10.329, F-B

IV. Mesures d’instruction in futurum

- Cass. civ. 2, 18 janvier 2024, n° 21-26.001, F-D

V. Incidents d’instance

- Cass. civ. 2, 7 mars 2024, n° 21-23.230, n° 21-20.719, n° 21-19.761, n° 21-19.475, FS-B

- Cass. civ. 2, 10 octobre 2024, n° 22-12.882, FP-B

- Cass. civ. 1, 14 novembre 2024, n° 22-23.185, F-B

VI. Mise en état

- Cass. com., 29 novembre 2023, n° 22-14.119, F-B

VII. Procédure orale et procédure orale/écrite

- Cass. civ. 2, 24 octobre 2024, n° 22-18.471, FP-B

- Cass. civ. 2, 24 octobre 2024, n° 22-15.908, FP-B

VIII. Procédure écrite – formalisme des écritures

- Cass. civ. 2, 28 novembre 2024, n° 22-16.664, F-B

- Cass. civ. 2, 16 janvier 2025, n° 22-17.956, F-B

IX. Délibéré – notes en délibéré

- Cass. civ. 2, 23 mai 2024, n° 22-23.735, F-B

- Cass. civ. 2, 7 mars 2024, n° 22-11.720, F-D

- Cass. civ. 2, 3 octobre 2024, n° 22-15.145, F-B

X. Appel

  • Droit d’appel

- Cass. civ. 1, 23 octobre 2024, n° 22-17.103, FS-B

- Cass. com., 2 mai 2024, n° 22-19.625, F-B

- Cass. civ. 2, 16 janvier 2025, n° 22-21.138, F-B

- Cass. civ. 2, 6 février 2025, n° 22-18.971, F-B

- Cass. civ. 2, 16 janvier 2025, n° 22-17.732, F-B

  • Formalisme de la déclaration d’appel

​​​​​​​- Cass. civ. 2, 24 octobre 2024, n° 23-12.176, F-B

- Cass. civ. 2, 7 mars 2024, n° 22-23.522 et n° 22-20.035, FS-B

- Cass. civ. 2, 12 décembre 2024, n° 22-17.581, F-B

  • Appel annulation et prétentions de l’appelant

​​​​​​​- Cass. civ. 2, 7 mars 2024, n° 22-11.804, F-B

  • Délais pour conclure en cas d’orientation tardive de l’affaire

- Cass. civ. 2, 13 juin 2024, n° 22-13.648, F-B​​​​​​​

  • Concentration des demandes dans les premières conclusions

​​​​​​​- Cass. civ. 2, 4 juillet 2024, n° 21-20.694, FS-B


I. Principes directeurs du procès

  • Autorité de la chose jugée et principe de concentration

Depuis l’arrêt Césaréo rendu par l’assemblée plénière en 2006, le principe de concentration poursuit son émancipation et la Cour de cassation tente, arrêt après arrêt d’en définir les contours. À cet égard, l’arrêt rendu le 19 juin 2024 constitue une étape importante puisqu’il exclut l’application du principe à l’égard des procédures conduites à l’étranger (Cass. civ. 1, 19 juin 2024, n° 19-23.298, FS-B N° Lexbase : A85945I7). En l’espèce, une société luxembourgeoise avait assigné son administrateur devant une juridiction de cet État à la suite de détournements d'actifs. L’action exercée sur le fondement de la responsabilité délictuelle avait été rejetée. La demanderesse décida alors d’agir en responsabilité contractuelle, mais cette fois, devant la juridiction française. En application du principe de concentration des moyens, ce changement de fondement juridique aurait dû être jugé inopérant et l’action de la société aurait dû être déclarée irrecevable en raison de l’autorité de la chose jugée au Luxembourg. Toutefois, la première chambre civile prend le contrepied de sa jurisprudence et elle juge que la « règle prétorienne de concentration des moyens » n’a pas lieu de s’appliquer « lorsque l'instance initiale se déroule devant une juridiction étrangère ». Elle explique ainsi qu’une application du principe de concentration des moyens à une procédure étrangère porterait une atteinte excessive au droit d’accès au juge. Elle ajoute que la règle n’est pas suffisamment prévisible et accessible. La solution se comprend aisément. En effet, la société luxembourgeoise n’avait aucune raison de penser qu’un principe de droit français trouverait à s’appliquer à une procédure conduite au Luxembourg. Elle trouve ainsi une deuxième chance devant les juridictions françaises.

Un autre arrêt aborde la notion de cause factuelle du litige. La Cour de cassation rappelle que l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation reconnue antérieurement en justice (Cass. civ. 2, 8 février 2024, n° 22-10.614, F-B N° Lexbase : A91362KL). Cette solution n’est pas nouvelle (par ex. Cass. civ. 2, 6 mai 2002, n° 02-13.689, FS-P+B N° Lexbase : A1590DCU). Elle est ici appliquée à la réparation d’un préjudice aggravé. En l’espèce, une personne victime d’une sécheresse avait agi une première fois contre son assureur pour obtenir la réparation de ses préjudices (fissures), puis une seconde fois pour des privations de jouissance et des frais de démolition/construction qui constituaient des conséquences nouvelles de cette sécheresse. La Cour de cassation a jugé que l’autorité de la chose jugée ne s’imposait pas à ces préjudices nés d’événements postérieurs.

En suivant la même interprétation du principe, elle a jugé dans une autre affaire (Cass. civ. 3, 18 janvier 2024, n° 22-19.472, FS-B N° Lexbase : A43392EG) que l’autorité de la chose jugée ne s’appliquait pas à l’action intentée contre des associés à deux reprises, alors qu’était intervenue entre temps la liquidation judiciaire de la société. Cette liquidation a été considérée comme un événement nouveau qui modifie la cause factuelle du litige.  

  • Droit au juge et formalisme excessif des juridictions civiles

Le formalisme excessif est un concept juridique en pleine expansion. Il constitue une émanation du droit d’accès à un tribunal consacré par la Cour européenne des droits de l’homme et il a pour effet de sanctionner les débordements d’une procédure civile toujours plus complexe et formaliste. Il y a dix ans déjà, la CEDH condamnait la France pour avoir fait preuve d’excès de formalisme en déclarant irrecevable le pourvoi d’un père de famille, qui cherchait à obtenir le retour de ses enfants, en raison d’une erreur procédurale commise par le procureur de la République (CEDH, 5 novembre 2015, Req. 21444/11, Henrioud c/ France N° Lexbase : A7326NUU). Plus proche de nous, la CEDH vient à nouveau de condamner la France pour avoir déclaré irrecevable un pourvoi en cassation en raison de la production tardive de la décision rendue en première instance (CEDH, 21 novembre 2024, Req. 78664/17, Justine c/ France N° Lexbase : A91946ID). En l’espèce, l’avocat avait commis une confusion et avait communiqué la mauvaise décision de justice au greffe de la Cour de cassation. Sur demande du greffe, cette erreur avait été corrigée rapidement. La CEDH a jugé que l’interprétation de la règle de droit par la Cour de cassation avait été particulièrement rigoureuse et qu’elle n’était pas nécessaire à la bonne administration de la justice et à la sécurité juridique.

Cet arrêt est riche d’enseignements. La CEDH rappelle son attachement aux règles formelles de procédure civile qui permettent notamment « qu’un litige soit tranché et jugé de manière effective et dans un délai raisonnable ». Elle précise en outre que le droit d’accès à un tribunal « n’impose pas aux autorités judiciaires d’inviter les parties à régulariser la procédure chaque fois que la méconnaissance d’une formalité est constatée ». C’est donc bien sur les parties que repose la charge des diligences procédurales. Toutefois, en l’espèce, elle juge que « la règle procédurale a […] été appliquée comme une barrière empêchant de trancher une affaire pourtant prête à être jugée ». Elle en conclut que la charge procédurale supportée par la partie était excessive et elle constate une violation de l’article 6, § 1 de la Convention.

Depuis l’apparition du concept de formalisme excessif, la Cour de cassation est particulièrement visée par les sanctions venant de la CEDH. C’est la raison pour laquelle on voit apparaître, progressivement, une jurisprudence interne qui tente d’endiguer les excès de formalisme avant qu’advienne une condamnation européenne. Par exemple, dans un arrêt rendu le 12 décembre 2024 (Cass. civ. 2, 12 décembre 2024, n° 22-11.816, F-B N° Lexbase : A30226MU), la Cour de cassation avait à connaître d’une procédure d’appel sur la compétence, dans laquelle l’intimé avait soulevé et obtenu l’irrecevabilité de l’appel, car l’appelant avait joint à l’assignation à jour fixe une copie non signée de l’ordonnance du premier président qui fixait la date d’audience. Pour la Cour de cassation, c’était à la cour d’appel de vérifier que cette copie non signée était concordante avec celle signée qui figurait au dossier. Elle ajoute que l’appel ne peut être déclaré irrecevable que si la copie n’est pas intègre. Elle conclut enfin que « toute autre interprétation relèverait d'un formalisme excessif ». Cet arrêt illustre bien les limites du formalisme. L’ordonnance avait bien été signée, et seule la copie transmise à l’intimé ne l’était pas. Les juges du fond ne pouvaient s’en tenir à une interprétation littérale du formalisme, mais devaient rechercher la finalité de la règle. Ici, il s’agissait d’informer l’intimé de l’ordonnance fixant la date d’audience, et cette information avait bien été délivrée. L’irrecevabilité ne se justifiait donc pas.

Une autre illustration émane d’un arrêt rendu le 3 octobre 2024 (Cass. civ. 2, 3 octobre 2024, n° 22-16.223, F-B N° Lexbase : A936557Y). Dans cette affaire, l’appelant avait commis une erreur formelle dans le dispositif de ses conclusions. L’en-tête de ce dispositif mentionnait le tribunal de grande instance et non la cour d’appel. La juridiction du second degré en avait tiré la conséquence qu’elle n’était saisie d’aucune demande et que le jugement devait être confirmé. Au contraire, pour la Cour de cassation, cette mauvaise référence au tribunal relevait d’une « simple erreur matérielle affectant uniquement l'en-tête des conclusions et portant sur une mention non exigée par la loi ». Elle en déduit que les juges d’appel ont fait preuve d’un formalisme excessif.

  • Droit au juge et droit au recours

Le droit au juge permet, dans des cas très limités, d’ouvrir une voie de recours alors même que les textes excluent cette possibilité. Le cas de l’appel-nullité ouvert en cas d’excès de pouvoir est bien connu. Le recours contre les mesures d’administration judiciaire l’est moins. L’arrêt rendu le 11 janvier 2024 en est d’autant plus intéressant (Cass. civ. 2, 11 janvier 2024, n° 21-24.306, F-B N° Lexbase : A21002D7). Dans cet arrêt, la Cour de cassation affirme que « la décision de réouverture des débats est une mesure d'administration judiciaire qui ne peut faire l'objet d'aucun recours, sauf dans le cas d'une atteinte au droit à l'accès au juge ». Les faits de l’arrêt sont malheureusement peu clairs, de même que la possible atteinte au droit au juge dans cette affaire (le pourvoi est rejeté), mais la formulation choisie par la Cour de cassation laisse apparaître une exception qui prend l’allure d’un principe : à chaque fois qu’une atteinte au droit au juge est menacée, une voie de recours est ouverte.

  • Principe du contradictoire et excès de pouvoir

Le principe du contradictoire connaît de nouveaux développements à la faveur de l’immixtion dans le procès de personnes n’ayant pas la qualité de partie. Tel est le cas du défenseur des droits qui s’illustre dans l’arrêt rendu le 26 juin 2024 (Cass. soc., 26 juin 2024, n° 22-19.432, F-B N° Lexbase : A12315L8). En l’espèce, un salarié agissait contre son employeur devant le conseil des prud’hommes et il avait également saisi le défenseur des droits pour des faits de discriminations. Dans l’instance prud’homale, le défenseur des droits a présenté ses observations conformément à l’article 33 de la loi organique n° 2011-333, du 29 mars 2011 N° Lexbase : Z82440KZ. Le défendeur au procès a demandé aux juges du fond de déclarer son intervention irrecevable. La cour d’appel a répondu que le défenseur des droits n’était pas une partie au procès, analyse qui est confirmée par la Cour de cassation. Cette dernière reprend la jurisprudence élaborée à propos de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Cass. soc., 16 novembre 2010, n° 09-42.956, FS-D N° Lexbase : A5849GKT), à savoir que l’intervention de cette autorité ne méconnaît pas « les exigences du procès équitable et de l'égalité des armes dès lors que les parties sont en mesure de répliquer par écrit et oralement à ces observations, et que le juge apprécie la valeur probante des pièces qui lui sont fournies et qui ont été soumises au débat contradictoire ».

En d’autres termes, si le défenseur des droits n’est pas une partie au procès civil, il peut toutefois soumettre des pièces à la juridiction et présenter des observations. Réciproquement, les pièces et les observations doivent être soumises à un débat contradictoire. En l’espèce, devant la cour d’appel, le défenseur des droits avait informé les parties de son intention d’intervenir, et il avait développé la même argumentation que celle présentée devant le conseil des prud’hommes. Enfin, il avait pris soin de notifier ses pièces aux parties, de sorte que le principe du contradictoire a été respecté.

II. Modes amiables de résolution des litiges

Les clauses de règlement amiable continuent à poser des difficultés d’application alors même que la jurisprudence leur réserve un régime juridique précis [1] comme l’illustre l’arrêt rendu le 12 septembre 2024 (Cass. civ. 2, 12 septembre 2024, n° 21-14.946, F-B N° Lexbase : A77035YX). En l’espèce, le litige concernait l’exécution d’un contrat de cession de fonds de commerce qui comportait une clause de conciliation préalable. Cette clause prévoyait que tout litige relatif à l’interprétation et l’exécution du contrat devait, préalablement à toute instance, être soumis à des conciliateurs.

Après avoir vainement tenté une conciliation, les cédants ont d’abord assigné l’acquéreur en référé, mais ils ont été déboutés de leurs demandes. Ils ont alors agi au fond, mais cette action a été partiellement jugée irrecevable pour défaut de conciliation. La question se posait donc de savoir si la recherche de conciliation effectuée avant l’instance en référé pouvait également constituer le préalable obligatoire devant la juridiction du fond. La cour d’appel a jugé que l’action des cédants était irrecevable, car la demande présentée au fond était différente de celle présentée en référé. En particulier, elle a affirmé que « la tentative de conciliation mise en oeuvre avant le litige en référé avait des fondements, un contexte, des prétentions et des enjeux différents par rapport à l'instance » au fond, analyse qui fut contestée dans le pourvoi en cassation.

La deuxième chambre civile apporte une réponse ambiguë à la question posée. Elle relève que toutes les conditions de la fin de non-recevoir sont réunies : l’existence d’une clause de conciliation, un litige portant sur l’exécution du contrat et une fin de non-recevoir soulevée par les défendeurs. Elle en déduit que la cour d’appel a « par ces seuls motifs » légalement justifié sa décision. Toutefois, la Cour de cassation laisse en suspens la question essentielle posée par le litige, c'est-à-dire celle de savoir si la conciliation tentée à l’origine de la procédure (avant la saisine en référé) portait sur un litige identique à celui présenté devant les juges du fond. En ne répondant pas à cette question, l’arrêt peut être interprété de deux façons. D’un côté, il est possible d’imaginer que la tentative de conciliation préalable à l’instance en référé doit être réitérée avant la saisine de la juridiction au fond. Une telle interprétation est difficilement imaginable. Si les demandeurs ont tenté vainement une conciliation, cette tentative devrait satisfaire de façon générale au préalable imposé par la clause de conciliation. D’un autre côté, on peut penser que la deuxième chambre civile a livré, même implicitement, la même analyse que la cour d’appel et qu’elle a jugé que l’objet de la tentative de conciliation était différent de celui du litige porté devant la juridiction du fond. Après cet arrêt, le régime des clauses de règlement amiable des litiges comporte encore sa part d’ombre.

Lorsqu’un accord intervient entre les parties, il constitue lui-même un obstacle à l’exercice de l’action. Cet effet découle assez logiquement du fait que l’accord met fin au litige. La question se pose pourtant de savoir quelle est l’étendue du litige qui est couverte par l’accord. Cette difficulté est illustrée par l’arrêt rendu le 24 avril 2024 dans un litige relatif à un contrat de travail (Cass. soc., 24 avril 2024, n° 22-20.472, FS-B N° Lexbase : A7820287). En l’espèce, à l’occasion d’un licenciement, un salarié et son employeur ont conclu un accord devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil des prud’hommes, qui prévoyait le versement d’une indemnité globale et forfaitaire en raison de la rupture du contrat de travail. Par la suite, le salarié a agi en justice afin d’obtenir le paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence. La question se posait donc de savoir si l’accord portant sur les indemnités de licenciement couvrait également les sommes dues au titre de la clause de non-concurrence. La réponse de la Cour de cassation est affirmative. Elle reprend les constatations de la cour d’appel selon lesquelles l’accord « valait renonciation à toutes réclamations et indemnités et entraînait désistement d'instance et d'action pour tout litige né ou à naître découlant du contrat de travail ». Elle en déduit que « les obligations réciproques des parties au titre d'une clause de non-concurrence étaient comprises dans l'objet de l'accord ». Cet arrêt doit attirer l’attention, car il montre que la généralité des termes de l’accord a une incidence sur les droits des parties. Ici, le salarié avait renoncé, probablement sans le savoir, à l’indemnité spécifique liée à la clause de non-concurrence. L’arrêt rappelle également, si cela était nécessaire, qu’un règlement amiable emporte renonciation à agir en justice, ce qui constitue à la fois son objet et son intérêt.

III. Prescription civile

Le point de départ de la prescription alimente un contentieux toujours plus fourni afin d’appliquer à des situations très diverses la notion de point de départ glissant. La prescription des actions en responsabilité pour manquement au devoir d’information et de conseil en est une bonne illustration. Dans une espèce ayant donné lieu à un arrêt du 1er février 2024 (Cass. civ. 3, 1er février 2024, n° 22-13.446, FS-B N° Lexbase : A01442I8), les acquéreurs d’un bien immobilier locatif agissaient contre la société qui avait servi d’intermédiaire et contre la banque qui avait accordé le prêt pour cette opération. Dans ce type d’opérations, les faits sont très similaires. Les biens acquis par des particuliers sont généralement surestimés, ainsi que la rentabilité de l’investissement locatif. À l’arrivée, ces investissements hasardeux, soutenus par des mesures de défiscalisation, s’avèrent souvent déficitaires et les gains promis se transforment en perte, notamment lorsque l’opération financière prévoit un remboursement différé du capital. Tel était le cas en l’espèce, puisque les emprunteurs avaient bénéficié d’un différé de dix années, mais à l’issue de cette période, il s’était avéré que la valeur de l’immeuble acquis était inférieure au montant du capital à rembourser. Le manquement au devoir d’information et de conseil portait ici sur le risque que représentait l’opération et le problème se posait de savoir à quel moment le délai de prescription de cinq ans commençait à courir en faveur des acquéreurs. Selon la cour d’appel, ce point de départ devait être fixé au jour de l’acquisition, car c’était à cette date que les acquéreurs avaient connaissance de la valeur du bien vendu. Prenant le contrepied de ce raisonnement, la Cour de cassation juge que « le point de départ de l'action en responsabilité engagée par l'acquéreur contre des professionnels pour manquement à leurs obligations respectives d'information, de conseil, ou de mise en garde, est le jour où le risque s'est réalisé ». Elle précise que ce jour est celui où l’acquéreur a appris que le prix de revente de l’immeuble était inférieur au capital dû à la banque. La solution est importante, car elle adopte une conception subjective du point de départ de la prescription. De façon objective et abstraite, le risque de l’opération est pris au moment de l’acquisition et le défaut d’information a lieu au même moment. Mais en réalité, c’est bien le défaut d’information qui vise à dissimuler le risque, de sorte que l’acquéreur mal informé a le sentiment que l’opération immobilière et financière n’est pas risquée au jour de l’acquisition. Ce sentiment de sécurité est renforcé par le fait que le remboursement du capital et reporté à une date très lointaine de l’acquisition. Dès lors, c’est simplement au moment où l’échéance de la dette se présente que l’acquéreur à qui on a caché le risque découvre que l’opération était effectivement risquée. C’est tout l’intérêt du point de départ glissant, que d’assurer la protection de celui qui a été tenu dans l’ignorance et donc dans une impossibilité d’agir d’ordre psychologique.

Un autre arrêt rendu en 2024 tire les conséquences du caractère d’intérêt privé de la prescription (Cass. civ. 2, 3 octobre 2024, n° 22-10.329, F-B N° Lexbase : A935757P). La Cour de cassation y affirme que « le juge n'est pas tenu d'examiner d'office si des actes ont ou non un caractère interruptif de prescription, quand de tels actes n'ont pas été invoqués spécialement comme étant revêtus d'un tel effet interruptif ». En l’espèce, dans un litige particulièrement complexe, la cour d’appel avait déclaré l’action prescrite et il lui était reproché de n’avoir pas examiné si des assignations portant sur un litige connexe n’avaient pas eu pour effet d’interrompre la prescription. La Cour de cassation constate que ces actes n’avaient pas été « spécifiquement invoqués par les parties en vue d'un rejet d'une fin de non-recevoir tirée de la prescription » et elle ajoute que le juge n’avait pas à prendre en considération d’office ces éléments. La solution semble faire écho au caractère d’intérêt privé de la prescription et notamment le fait que « les juges ne peuvent pas suppléer d'office le moyen résultant de la prescription » (C. civ., art. 2247 N° Lexbase : L7175IAY). La solution apparaît comme le miroir de cette disposition en posant la règle selon laquelle le juge n’a pas à suppléer d’office le moyen tiré de l’interruption de la prescription. Toutefois, le raisonnement de la Cour de cassation est sensiblement différent. L’arrêt se fonde sur les articles 6 N° Lexbase : L1116H44 et 7 N° Lexbase : L1118H48 du Code de procédure civile, dont elle déduit que le juge n'est pas tenu d'examiner d'office des actes qui n'ont pas été spécifiquement invoqués par les parties. L’arrêt serait donc plus inspiré par le principe dispositif plutôt que par la nature privée des règles de prescription.

IV. Mesures d’instruction in futurum

Un arrêt retient particulièrement l’attention à propos des mesures d’instruction in futurum recherchées par la voie de l’ordonnance sur requête. Le requérant qui sollicite une ordonnance doit démontrer qu’il est fondé à ne pas appeler son adversaire à l’instance. Cette démonstration tient à la fois au risque de dissimulation ou de dépérissement des preuves et à la nécessité de ménager un effet de surprise (cf. not. Cass. com., 28 juin 2023, n° 22-11.752, F-B N° Lexbase : A268297H). À l’inverse, l’arrêt rendu le 18 juillet 2024 illustre une situation dans laquelle le requérant a, de son fait, anéanti l’effet de surprise (Cass. civ. 2, 18 janvier 2024, n° 21-26.001, F-D N° Lexbase : A41202GP). Dans cette affaire, les requérants invoquaient le risque que les preuves soient détruites par leurs adversaires à qui ils reprochaient des faits de concurrence déloyale. Toutefois, la Cour de cassation constate que plusieurs mois avant la requête, ces derniers avaient adressé à leur concurrent une mise en demeure dans laquelle les faits reprochés étaient détaillés, de sorte que l’effet de surprise ne pouvait plus être recherché. La demande fondée sur l’article 145 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1497H49 devait, dès lors, suivre la voie des référés.

V. Incidents d’instance

L’année 2024 a été marquée par l’important revirement de jurisprudence sur la péremption d’instance, lequel a, depuis les quatre arrêts du 7 mars 2024 (Cass. civ. 2, 7 mars 2024, n° 21-23.230 N° Lexbase : A41362SY, n° 21-20.719 N° Lexbase : A41312SS, n° 21-19.761 N° Lexbase : A41302SR, n° 21-19.475 N° Lexbase : A41372SZ, FS-B), fait l’objet de multiples applications. Ces quatre arrêts de principe concernent des procédures en appel dans lesquelles les parties avaient conclu en respectant les délais Magendie et demeuraient en attente de la suite de la procédure devant le conseiller de la mise en état. Avant ces arrêts, l’engorgement des rôles pouvait conduire à d’importants retards de fixation et, en l’absence de réaction judiciaire pendant deux années, le délai de péremption courrait. La Cour de cassation, dans sa position antérieure, avait jugé que l’absence de diligence des parties conduisait à la péremption. Pour éviter cette sanction, il incombait à ces dernières de prendre l’initiative de faire avancer l’instance ou de solliciter la fixation. La Haute juridiction est revenue sur cette jurisprudence qui imposait des sanctions aux parties alors que l’inertie était imputable à l’institution judiciaire. Elle affirme donc désormais que « lorsqu'elles ont accompli, conformément notamment aux dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile, l'ensemble des charges leur incombant dans les délais impartis, sans plus rien avoir à ajouter au soutien de leurs prétentions respectives, les parties n'ont plus de diligence utile à effectuer en vue de faire avancer l'affaire, la direction de la procédure leur échappant alors au profit du conseiller de la mise en état ». La Cour ajoute « qu'une fois que les parties ont accompli toutes les charges procédurales leur incombant, la péremption ne court plus à leur encontre, sauf si le conseiller de la mise en état fixe un calendrier ou leur enjoint d'accomplir une diligence particulière ». Ces quatre arrêts libèrent les parties d’un poids considérable, puisqu’une fois les formalités Magendie effectuées, ces dernières ne peuvent plus être victimes de l’encombrement du rôle et de l’inertie de l’institution judiciaire.

Dans un arrêt postérieur, la Cour de cassation a étendu cette solution à la procédure devant la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (aujourd’hui supprimée). Dans cet arrêt du 10 octobre 2024 (Cass. civ. 2, 10 octobre 2024, n° 22-12.882, FP-B N° Lexbase : A441859I), la deuxième chambre civile affirme de façon générale « à moins que les parties ne soient tenues d'accomplir une diligence particulière mise à leur charge par la juridiction, la direction de la procédure leur échappe » et elle ajoute qu’« [e]n particulier, il ne saurait leur être imposé de solliciter la fixation de l'affaire à une audience à la seule fin d'interrompre le cours de la péremption, laquelle ne peut leur être opposée pour ce motif ». Ce nouvel arrêt est intéressant, car il généralise la solution issue du revirement de jurisprudence, qui semble s’appliquer à toutes les juridictions et pas uniquement à la procédure devant la cour d’appel.

Enfin, un dernier arrêt intéressant vient compléter ce nouveau courant jurisprudentiel en précisant le point de départ du délai de péremption. La Cour de cassation pose la règle selon laquelle « en l'absence de délai imparti pour accomplir les diligences mises à leur charge, le délai de péremption court à compter de la date à laquelle les parties ont eu une connaissance effective de ces diligences » (Cass. civ. 1, 14 novembre 2024, n° 22-23.185, F-B N° Lexbase : A54316GA). Par exemple, dans cet arrêt, le délai a commencé à courir à la date de l’audience au cours de laquelle la juridiction a pris une décision de radiation, car les parties étaient présentes à cette audience. Elles avaient donc connaissance des diligences à accomplir pour la réinscription de l'affaire au rôle.

VI. Mise en état

La compétence du juge de la mise en état (ou du conseiller de la mise en état) suscite des difficultés d’application. En particulier, il s’agit de savoir si cette compétence exclut celle des autres juridictions durant la phase de mise en état uniquement, ou si elle empêche les parties de saisir la juridiction de jugement après la clôture de l’instruction de demandes qui n’ont pas été soumises au JME ou au CME. Cette question, apparemment simple, n’appelle pas une réponse univoque. Par exemple, la deuxième chambre civile a déjà eu l’occasion d’affirmer que les parties qui n’ont pas soulevé les exceptions de procédure devant le JME sont irrecevables à les soulever ultérieurement devant la juridiction de jugement (Cass. civ. 2, 10 novembre 2010, n° 08-18.809, F-P+B N° Lexbase : A8960GGX). À l’inverse, lorsqu’un incident de péremption n’a pas été porté devant le CME, la formation de jugement de la cour d’appel a compétence pour statuer sur cette péremption (Cass. civ. 2, 12 juin 2003, n° 01-10.813, FS-P+B N° Lexbase : A7157C8L).

Dans un arrêt qui remonte à la fin de l’année 2023 (Cass. com., 29 novembre 2023, n° 22-14.119, F-B N° Lexbase : A926114R), la chambre commerciale se prononce cette fois sur une demande de production de pièce. Une telle demande n’avait pas été présentée devant le CME et la cour d’appel l’avait déclaré irrecevable au motif qu’elle relevait de la compétence exclusive du CME. L’arrêt est cassé et la Haute juridiction affirme clairement que « dans les procédures comportant une mise en état, une demande de production de pièces formée conformément aux dispositions des articles 138 et suivants du code de procédure civile peut être présentée devant la juridiction de jugement par une partie qui n'en a pas saisi le conseiller de la mise en état ».

L’arrêt est rendu au visa des anciens articles 771 N° Lexbase : L9313LT4 et 907 N° Lexbase : L2400MLH du Code de procédure civile et il s’agit probablement là d’une source de confusion qui a déjà été signalée [2]. La compétence du JME pour connaître de la communication, de l’obtention et de la production de pièces est prévue à l’article précédent (ancien article 770 N° Lexbase : L6995H79 et nouvel article 788 N° Lexbase : L9247LTN, puis 913-1 N° Lexbase : L2407MLQ pour le CME). Or, cette compétence du magistrat de la mise en état n’est pas exclusive. Elle peut donc être partagée avec la formation de jugement. En rectifiant le visa de l’arrêt (770, plutôt que 711), on pourrait comprendre la solution ainsi rendue. À l’égard des pièces, la formation de jugement exerce, dès lors qu’elle est saisie, la même compétence que celle du JME durant la mise en état. La question se pose de savoir si une solution différente s’appliquerait aux mesures d’instruction qui sont, elles, visées par l’article 771 du Code de procédure civile et relèvent donc de la compétence exclusive du juge de la mise en état.

VII. Procédure orale et procédure orale/écrite

La spécificité de la procédure orale soulève fréquemment des difficultés de mise en œuvre du principe du contradictoire. Ces difficultés se sont accentuées avec l’instauration de la dispense de présentation. Deux arrêts rendus le 24 octobre 2024 en témoignent. Dans le premier arrêt (Cass. civ. 2, 24 octobre 2024, n° 22-18.471, FP-B N° Lexbase : A80496BQ), un justiciable avait formé un recours devant le premier président de la cour d’appel pour une question relative à la contestation d’honoraire d’avocats. La procédure étant orale, le demandeur ne s’était pas présenté et le défendeur avait soulevé et obtenu que la demande soit jugée irrecevable. Le demandeur reprochait au premier président d’avoir, d’une part, retenu sans débat contradictoire le moyen d’irrecevabilité qui avait été présenté à l’audience, et d’autre part d’avoir refusé d’examiner les pièces que lui avait transmises le demandeur qui ne s’était pas présenté à l’audience. Cette affaire soulevait donc deux questions relatives au respect du contradictoire lorsqu’une partie ne s’est pas présentée à l’instance (sans avoir été dispensé de présentation). La réponse à la première question semble évidente. Le demandeur avait été régulièrement convoqué et il avait ainsi été mis en mesure de débattre contradictoirement des moyens invoqués à l’audience. Le juge pouvait donc retenir dans sa décision un moyen présenté par le défendeur à l’audience, malgré l’absence du demandeur. La réponse à la seconde question est plus délicate. Il s’agissait de savoir si le juge devait tenir compte des pièces communiquées par le demandeur malgré son absence à l’audience. Selon la Cour de cassation, le premier président de la cour d’appel « ne pouvait se fonder sur les pièces produites par le demandeur, absent lors de l'audience sans avoir été dispensé de comparaître ». La solution est classique. Dans une procédure orale, tout se passe à l’audience et le juge n’est saisi par les écritures ou les pièces des parties qu’à la condition que cette dernière se présente devant le juge pour les soutenir. En omettant de se présenter, le demandeur renonçait à comparaître et donc à se défendre.

Mais toute la finesse de la procédure orale consiste précisément à introduire une distinction entre la comparution et la présentation lorsque le juge dispense les parties (ou l’une d’entre elles) de se présenter. En cas de dispense de présentation, la partie peut comparaître, et donc se défendre, par écrit. Le régime de la procédure orale est alors très différent, comme le montre le second arrêt (Cass. civ. 2, 24 octobre 2024, n° 22-15.908, FP-B N° Lexbase : A80556BX). Cette affaire concernait une demande d’attribution d’une pension d’invalidité. En l’espèce, le demandeur ne s’était pas présenté à l’audience, car il en avait été dispensé par la juridiction. Au cours de l’audience, le juge avait soulevé d’office l’irrecevabilité de la demande sans avoir invité au préalable le demandeur à formuler ses observations. La Cour de cassation affirme alors qu’en procédure orale, il ne peut être présumé qu'un moyen relevé d'office par le juge a été débattu contradictoirement, dès lors qu'une partie n'était pas présente à l'audience. On constate ici que la solution adoptée par la deuxième chambre civile prend le contrepied de celle étudiée précédemment. En effet, le demandeur absent le jour de l’audience était bien comparant, puisqu’il avait été dispensé de se présenter. Le juge ne pouvait soulever un moyen d’office sans provoquer un débat contradictoire et ce débat ne pouvait avoir lieu oralement le jour de l’audience. À l’égard de la partie dispensée de présentation, le juge devait inviter celle-ci à formuler des observations par écrit. On mesure ici toute la finesse d’une procédure orale, qui devient mixte en raison de la dispense de présentation, et qui se pare alors des traits de la procédure écrite.

VIII. Procédure écrite – formalisme des écritures

Le formalisme des écritures grandit au fil des réformes, qu’il s’agisse de la procédure devant le tribunal judiciaire ou la cour d’appel. Ainsi, les articles 768 N° Lexbase : L9310LTY et 954 N° Lexbase : L2439MLW du Code de procédure civile prévoient qu’en procédure écrite « les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation ». Ce formalisme des écritures dites « qualificatives » (car les faits doivent être juridiquement qualifiés) clarifie la ligne de défense des parties et facilite le travail du juge. Par exemple, ce dernier peut contrôler rapidement grâce à la numérotation des pièces que les faits allégués sont soutenus par des preuves pertinentes et fiables. En revanche, ces dispositions ne prévoient pas de sanction expresse, notamment dans l’hypothèse où les pièces produites et énumérées dans le bordereau récapitulatif ne sont pas visées dans les conclusions. Dans une affaire jugée le 28 novembre 2024 (Cass. civ. 2, 28 novembre 2024, n° 22-16.664, F-B N° Lexbase : A29446KA), la cour d’appel avait rejeté plusieurs prétentions d’une partie au motif que, dans les conclusions, cette dernière ne renvoyait pas aux nombreuses pièces (quatre-vingt-seize en tout) qui étaient visées dans le bordereau. Le juge du fond affirmait ainsi ne pas être en mesure de vérifier les calculs de l’appelant et les preuves des règlements qu’il prétendait avoir effectués. Le raisonnement est ici atypique, puisque le juge sanctionnait au fond, par le rejet de l’action, des obligations de nature procédurale. D’une certaine manière, la cour d’appel se comportait comme si elle n’était pas saisie des preuves qui avaient été communiquées, mais qui n’étaient pas visées dans les conclusions. L’arrêt est cassé. En se fondant sur l’article 6, § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme et sur le droit d’accès au tribunal, la deuxième chambre civile affirme que l’« absence de renvoi par les conclusions aux pièces produites, qui n'est assortie d'aucune sanction, ne dispensait pas [la cour d’appel] de son obligation d'examiner les pièces régulièrement versées aux débats et clairement identifiées dans les conclusions ». En définitive, le formalisme des articles 768 et 954 s’avère, par certains aspects, moins lourd qu’il n’y paraît. Le défaut de visa des pièces par leur numéro dans les conclusions des parties ne fait l’objet d’aucune sanction et ne dispense pas le juge d’examiner ces pièces.

Un autre arrêt aborde la délicate question de la distinction entre les moyens et les prétentions dans les conclusions, sachant que les prétentions doivent obligatoirement figurer dans le dispositif pour saisir le juge, alors que les moyens figurent uniquement dans les motifs. Dans un arrêt du 16 janvier 2025 (Cass. civ. 2, 16 janvier 2025, n° 22-17.956, F-B N° Lexbase : A51816QX) une caution qui tentait d’échapper à ses obligations invoquait la nullité du cautionnement, la nullité du prêt et la déchéance du droit aux intérêts. Dans le dispositif de ses conclusions, elle demandait à la cour d’appel de rejeter toutes les demandes et prétentions de la banque. Les juges du second degré avaient condamné la caution en considérant notamment qu’ils n’avaient pas été saisis de la demande d’annulation du cautionnement du prêt et de celle relative aux intérêts, puisque ces demandes ne figuraient pas dans le dispositif. La Cour de cassation affirme au contraire que « la société demandait, dans le dispositif de ses conclusions, notamment le rejet de toutes les demandes et prétentions de la banque » et qu’elle invoquait « dans les motifs de ses conclusions, les moyens de fond pris de la nullité du contrat de prêt, la nullité de l'acte de cautionnement, et le défaut d'information annuelle de la caution ». Elle en déduit que la cour d’appel devait examiner ces moyens invoqués au soutien des prétentions. L’arrêt est éclairant, car elle confirme la conception stricte, voire restrictive, de la notion de prétention retenue par la Haute juridiction [3]. La caution qui sollicite dans le dispositif de ses conclusions le rejet des demandes de la banque émet bien une prétention, qui est soutenue par des moyens figurant dans les motifs et visant la nullité du cautionnement ou la déchéance des intérêts.

IX. Délibéré – notes en délibéré

Plusieurs arrêts alimentent le régime des notes en délibéré qui est défini de façon trop succincte par l’article 445 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1119INR. Dans une première affaire (Cass. civ. 2, 23 mai 2024, n° 22-23.735, F-B N° Lexbase : A85995CH), la cour d’appel avait sollicité par message électronique la production d’une pièce qui avait un impact sur la solution du litige. Cet arrêt est cassé, car, après avoir sollicité cette pièce en délibéré, la cour aurait dû inviter les parties à formuler des observations en cours de délibéré ou rouvrir les débats. La solution est une application assez simple du principe du contradictoire dans le cadre de la procédure des notes en délibéré. À l’inverse, dans un autre arrêt (Cass. civ. 2, 7 mars 2024, n° 22-11.720, F-D N° Lexbase : A69932T8), les parties avaient été invitées par le greffe à présenter leurs observations, par note en délibéré. L’une des parties reprochait à la cour d’appel d’avoir retenu une note accompagnée de pièces qui ne répondaient pas à la question posée par la juridiction. Le pourvoi est néanmoins rejeté et la deuxième chambre civile précise qu’à partir du moment où toutes les parties ont été invitées à présenter leurs observations, la juridiction peut prendre en considération à la fois la note, mais également les pièces qui, en l’espèce, répondaient bien à la question posée et qui avaient été soumises à la discussion des parties. Le dernier arrêt rendu précise le sort des pièces qui sont produites à l’appui d’une note en délibéré (Cass. civ. 2, 3 octobre 2024, n° 22-15.145, F-B N° Lexbase : A936057S). Elle juge ainsi qu’une note « peut être accompagnée de pièces justifiant ce qu'elle énonce, à la condition que les parties soient mises en mesure d'en débattre contradictoirement ». Elle casse ainsi l’arrêt d’appel qui avait jugé que les parties avaient été autorisées uniquement à produire une note en délibéré, mais pas de nouvelles pièces. Implicitement, la Cour de cassation considère que l’invitation à produire une note implique nécessairement que les parties peuvent également produire des pièces qui soutiennent cette note. En revanche, la Cour de cassation reste mystérieuse sur la soumission de ces pièces au principe du contradictoire. On imagine qu’en application de ce principe, les pièces communiquées à la juridiction doivent l’être aux adversaires afin que ces derniers puissent les consulter et les discuter.

X. Appel

  • Droit d’appel

On oublie souvent que l’appel est un prolongement de l’action en justice et que le droit d’appel est soumis aux mêmes conditions que le droit d’exercer l’action en justice. Tel est le cas notamment de la condition d’intérêt à agir en appel. L’article 546 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6697H78 prévoit ainsi que le droit d’appel appartient à toute partie qui y a intérêt, cet intérêt étant conditionné par le fait que l’appelant a obtenu satisfaction ou a succombé en première instance [4]. L’arrêt rendu le 23 octobre 2024 en est une illustration (Cass. civ. 1, 23 octobre 2024, n° 22-17.103, FS-B N° Lexbase : A77016BT). La Cour de cassation affirme une nouvelle fois que « l'intérêt à interjeter appel a pour mesure la succombance, qui réside dans le fait de ne pas avoir obtenu satisfaction sur un ou plusieurs chefs de demande présentés en première instance ». Elle précise ensuite que l’intérêt à agir en appel doit être apprécié séparément pour chacun des chefs de jugement attaqué. En l’espèce, une épouse avait obtenu satisfaction en première instance sur l’ensemble de ses demandes, mais elle avait tout de même interjeté appel pour profiter de l’effet suspensif et faire perdurer le devoir de secours. Cette manœuvre détournait l’appel de sa finalité. La Cour de cassation juge « que le divorce avait été prononcé conformément aux prétentions de première instance de l'épouse, de sorte que son intérêt à former appel de ce chef ne pouvait s'entendre de l'intérêt à ce que, en vertu de l'effet suspensif de l'appel, le divorce n'acquière force de chose jugée qu'à la date à laquelle les conséquences du divorce acquièrent elles-mêmes force de chose jugée ». Par cette formule, la Haute juridiction considère que si l’appelant peut avoir un intérêt économique à bénéficier de l’effet suspensif de l’appel, son intérêt juridique à faire appel est uniquement déterminé par la satisfaction ou la succombance de ses prétentions au fond.

Plusieurs arrêts ont été rendus à propos du taux de ressort. Dans le premier (Cass. com., 2 mai 2024, n° 22-19.625, F-B N° Lexbase : A885829X), l’appelant sollicitait à titre principal la résolution d’un contrat et la restitution de son véhicule, et à titre subsidiaires, en cas d’impossibilité de restitution, le paiement d’une somme de 2 600 euros de dommages et intérêts correspondant à la valeur d’achat du véhicule. Le litige portait donc de façon générale sur un véhicule dont la valeur était inférieure au taux de ressort. Toutefois, la Cour de cassation juge que « la demande tendant à obtenir la résolution d'un contrat présente par nature un caractère indéterminé » et elle en conclut que le jugement rendu sur cette demande était susceptible d’appel. On comprend ici que le taux de ressort ne s’applique pas à l’évaluation économique de la demande, mais à la demande elle-même. Si cette demande ne porte pas directement sur une somme d’argent ou sur un bien, elle est indéterminée. Dans le second arrêt (Cass. civ. 2, 16 janvier 2025, n° 22-21.138, F-B N° Lexbase : A51866Q7), il est question des modalités de calcul du taux de ressort lorsqu’une créance principale (ici la restitution d’un dépôt de garantie) est majorée en raison du retard de paiement. La Cour de cassation juge alors que la valeur de la demande doit comprendre à la fois le principal et l’accessoire, c’est-à-dire la créance principale à laquelle s’ajoute la majoration légale. Pour cela, elle affirme que « la demande relative à la majoration légale constitue une demande accessoire à la demande principale, qui, par sa nature indemnitaire, concourt avec celle-ci à déterminer le taux du ressort ».

Le délai pour former un appel principal peut faire l’objet d’un calcul complexe, notamment lorsqu’un appel principal est interjeté par l’intimé. En effet, le principe est que le délai pour faire appel est d’un mois à compter de la notification de la décision attaquée (CPC, art. 538 N° Lexbase : L6688H7T). Toutefois, ce délai doit être combiné avec la règle selon laquelle « n'est plus recevable à former appel principal l'intimé auquel ont été régulièrement notifiées les conclusions de l'appelant et qui n'a pas formé un appel incident ou provoqué contre le jugement attaqué dans les délais impartis aux articles 906-2 et 909 » (CPC, art. 911-1 ancien N° Lexbase : L0414IGG et 916 nouveau N° Lexbase : L2426MLG). La Cour de cassation en déduit que « l'intimé peut former un appel principal contre un jugement qui ne lui a pas été notifié tant que les délais des articles [906-2] et 909 du code de procédure civile ne sont pas expirés » (Cass. civ. 2, 6 février 2025, n° 22-18.971, F-B N° Lexbase : A60426TX). Ainsi, l’intimé ne peut former son appel principal que dans le délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de son adversaire (procédure avec mise en état, CPC, art. 909 N° Lexbase : L2402MLK) et de deux mois dans la procédure à bref délai (CPC, art. 906-2 nouveau N° Lexbase : L2389ML3). Cette solution trouve une application intéressante dans l’arrêt étudié, car en l’espèce, les conclusions du premier appelant n’avaient pas été notifiées, de sorte que le délai de trois mois n’avait pas commencé à courir.

Enfin, dans un dernier arrêt (Cass. civ. 2, 16 janvier 2025, n° 22-17.732, F-B N° Lexbase : A51886Q9) la Cour de cassation précise que « l'appel principal d'une partie ne lui interdit pas de former, de la même manière que le sont les demandes incidentes, un appel incident sur l'appel principal de la partie adverse et d'étendre ainsi sa critique du jugement ». Dans cette espèce, un salarié licencié avait formé un appel principal uniquement sur les aspects indemnitaires de son licenciement sans cause réelle et sérieuse. L’intimé avait formé de son côté un autre appel principal auquel le salarié a répondu par un appel incident qui visait cette fois la nullité du licenciement. La question se posait donc de savoir si une partie pouvait étendre la critique du jugement au moyen d’un appel incident. La réponse affirmative de la Cour de cassation permet ainsi aux parties de compléter un appel principal par un appel incident et d’étendre la dévolution du litige à de nouveaux chefs de jugements.

  • Formalisme de la déclaration d’appel

Malgré les nombreuses réformes du formalisme de la déclaration depuis 2017, l’objet de l’appel fait encore l’objet de débats et suscite de nouvelles questions. Dans l’affaire jugée le 24 octobre 2024 (Cass. civ. 2, 24 octobre 2024, n° 23-12.176, F-B N° Lexbase : A80526BT), l’appelant avait utilisé la mention « appel total » dans sa déclaration d’appel et il avait détaillé les chefs de jugements attaqués dans l’annexe. Toutefois, sa déclaration d’appel ne renvoyait pas expressément à l’annexe, de sorte que la cour d’appel a jugé que la déclaration n’avait pas opéré d’effet dévolutif et qu’elle n’était saisie d’aucune demande. La Cour de cassation casse cet arrêt et rappelle l’état de sa jurisprudence (Cass. civ. 2, 7 mars 2024, n° 22-23.522 N° Lexbase : A41322ST et n° 22-20.035 N° Lexbase : A41272SN, FS-B) selon laquelle le renvoi à l’annexe dans la déclaration d’appel ne constitue pas une formalité substantielle ou d’ordre public de sorte que l’omission de cette formalité ne donne pas lieu à la nullité de la déclaration d’appel. De plus, cette omission ne prive pas la déclaration d’appel de son effet dévolutif. Cette souplesse dans l’interprétation du formalisme de la déclaration d’appel est confirmée par l’arrêt du 24 octobre 2024 de sorte que l’on peut dire aujourd’hui que la déclaration d’appel fait corps avec l’annexe et que le juge d’appel est tenu d’examiner cette annexe dès lors qu’elle est communiquée dans les formes prescrites à l’article 4, alinéa 2 de l’arrêté du 20 mai 2020, relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel N° Lexbase : L7281MZP.

Dans la procédure sans représentation obligatoire, on se souvient que la Cour de cassation avait fait preuve d’une grande souplesse en posant la règle selon laquelle « la déclaration d'appel qui mentionne que l'appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d'appel, en omettant d'indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s'entendre comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble des chefs de ce jugement » (Cass. civ. 2, 30 juin 2022, n° 21-15.003, F-B N° Lexbase : A857378Z). Cette solution a été consacrée à l’article 933, 6° N° Lexbase : L2438MLU, par le décret n° 2023-1391, du 29 décembre 2023 N° Lexbase : L4949MYX. Dans un arrêt du 12 décembre 2024 (Cass. civ. 2, 12 décembre 2024, n° 22-17.581, F-B N° Lexbase : A30216MT), la Cour de cassation applique cette solution à la procédure de recours contre la décision du bâtonnier statuant en matière de différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel. Dans cette affaire, la cour d’appel avait cru pouvoir écarter la règle de l’appel général au motif que la procédure opposant deux professionnels du droit, ces derniers ne pouvaient être dispensés des charges procédurales liées au formalisme de la déclaration d’appel. En cassant l’arrêt, la Cour de cassation rappelle implicitement que la dispense de formalisme liée à l’appel général (ou pour le tout) tient au caractère oral de la procédure (ou sans représentation obligatoire) et non pas à la qualité des parties en cause.

  • Appel annulation et prétentions de l’appelant

L’appel annulation présente une simplicité trompeuse. Lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement, par principe, l’effet dévolutif s’opère pour le tout. L’appelant est donc dispensé de préciser dans la déclaration d’appel les chefs de jugement qu’il critique. Toutefois, si la cour d’appel annule le jugement, la question se pose de savoir quelle est l’étendue de sa saisine. Il faut alors distinguer deux situations : dans le premier cas, le jugement est annulé en raison de l'irrégularité de l'acte introductif d'instance. Si cet acte est annulé, la cour d’appel ne peut statuer au fond, et la partie qui a introduit cette instance doit saisir à nouveau la juridiction de première instance. Tout se passe comme si le procès n’avait pas eu lieu [5]. Dans le second cas, le jugement irrégulier est annulé et la cour d’appel est saisie de l’entier litige. Elle doit alors répondre aux prétentions des parties. Dans l’arrêt rendu le 7 mars 2024 (Cass. civ. 2, 7 mars 2024, n° 22-11.804, F-B N° Lexbase : A41282SP), l’appelant avait conclu à la nullité du jugement et à la réouverture des débats. La cour d’appel lui avait reproché de ne pas avoir présenté ses prétentions dès ses premières conclusions et avait confirmé le jugement. Dans son pourvoi, le justiciable prétendait que la cour d’appel était « entièrement saisie » du litige. La Cour de cassation rejette pourtant le pourvoi. Elle affirme que « l'appelant qui demande l'annulation du jugement, pour un autre motif que celui tiré de l'irrégularité de l'acte introductif d'instance, doit conclure subsidiairement au fond. À défaut, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement ». Cet arrêt souligne l’ambiguïté de la notion d’effet dévolutif de l’appel. En effet, lorsque la déclaration d’appel remet en cause l’ensemble des chefs de jugement, elle a pour effet d’anéantir la décision de première instance et de saisir la cour d’appel de l’entier litige. Toutefois, cette déclaration d’appel ne suffit pas. Une fois qu’elles ont obtenu l’anéantissement de la décision de première instance, les parties doivent encore émettre des prétentions devant la cour d’appel. Elles supportent la charge de rouvrir le débat et elles doivent le faire dès leurs premières conclusions, depuis que le principe de concentration des prétentions a été consacré en appel (CPC, art. 910-4 N° Lexbase : L9354LTM). En d’autres termes, la déclaration d’appel qui critique les chefs de jugement n’opère pas, à elle seule, effet dévolutif. Pour que la cour d’appel examine à nouveau le litige, les parties doivent la saisir de prétentions.

  • Délais pour conclure en cas d’orientation tardive de l’affaire

L’arrêt rendu le 13 juin 2024 (Cass. civ. 2, 13 juin 2024, n° 22-13.648, F-B N° Lexbase : A78945HT) soulève une question délicate relative à l’application des délais Magendie dans la circonstance où le président de la chambre n’oriente pas l’affaire ou l’oriente tardivement. Le Code de procédure civile ne prévoit pas cette situation qui s’avère pathologique et probablement due à un fort encombrement du rôle. Dans l’espèce étudiée, la déclaration d’appel datait du 9 février 2017 et l’appelant avait notifié ses conclusions à l’intimé le 14 septembre 2017. Par la suite seulement, soit le 12 octobre 2017, le président de la chambre avait orienté l’affaire vers la procédure à bref délai, puis fixé un calendrier de procédure. Près d’un an plus tard, le 10 septembre 2018, il avait annulé ce calendrier et désigné un conseiller de la mise en état. L’affaire avait donc attendu plus de huit mois pour être orientée et cette orientation avait été remise en cause onze mois plus tard. Pourtant, la décision d’orientation avait un impact direct sur les délais pour conclure. En effet, si l’affaire était orientée vers la procédure à bref délai, le délai pour conclure de l’appelant courrait à partir de l’avis de fixation. En l’espèce, les conclusions de l’appelant avaient été notifiées avant cette date et l’appel était donc consolidé par ces conclusions. À l’inverse, si la procédure était orientée vers la mise en état, le délai pour conclure courait de l’acte d’appel et les conclusions notifiées le 14 septembre 2017 étaient tardives, de sorte que l’appel était caduc. C’est d’ailleurs la solution qui a été retenue à la fois par le conseiller de la mise en état et par la cour d’appel saisie d’un déféré. Les juges du fond ont estimé qu’il appartenait à l’appelant, en l’absence de toute orientation, de respecter le « délai de droit commun prévu à l’article 908, applicable de droit à toute procédure ».

L’arrêt est cassé et la Cour de cassation raisonne en deux temps. Dans un premier temps, elle reproche à la cour d’appel d’avoir subordonné l’application de la procédure à bref délai à la condition que la fixation de l’affaire intervienne dans le délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel (ce qui n’était pas le cas en l’espèce). La Haute juridiction a considéré que les juges du fond avaient ajouté à la loi une condition qu’elle ne comporte pas. Ce motif était peu éclairant, dans la mesure où il restait impossible de savoir si le justiciable était soumis aux délais de la procédure avec mise en état ou à ceux de la procédure à bref délai. C’est pour cette raison que, dans un second temps, elle décide de statuer au fond dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice et elle affirme que la déclaration d’appel n’est pas caduque. Dans son dispositif, elle dit n’y avoir lieu à renvoi et ajoute que l’affaire se poursuivra au fond devant la cour d’appel.

Cet arrêt est important, mais il ne résout pas toutes les difficultés liées au défaut d’orientation par le président de la chambre, lorsque l’appelant n’a pas conclu dans les trois mois de sa déclaration d’appel. Dans le cas le plus simple, si le président oriente tardivement l’affaire à bref délai, l’appelant bénéficie d’une seconde chance puisqu’il dispose (depuis le 1er septembre 2024) de deux mois à compter de l’avis de fixation. En revanche, et selon toute vraisemblance, si l’appelant n’a pas conclu dans les trois mois et que le président oriente, plus tardivement encore, l’affaire vers le conseiller de la mise en état, l’appelant tombe sous le coup du délai de l’article 908 du Code de procédure civile N° Lexbase : L2401MLI. Son appel est donc caduc puisque le délai de trois mois court depuis sa déclaration d’appel.

  • Concentration des demandes dans les premières conclusions

Nous signalons rapidement cet arrêt du 4 juillet 2024 (Cass. civ. 2, 4 juillet 2024, n° 21-20.694, FS-B N° Lexbase : A68345M3) pour l’importance de la solution qu’il dégage. La Cour de cassation affirme que le principe de concentration des prétentions dans les premières conclusions en appel (CPC, art. 915-2 nouveau N° Lexbase : L2423MLC) ne concerne que les prétentions sur le fond. Par conséquent, les fins de non-recevoir, qui tendent à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, ne sont pas des prétentions sur le fond et elles ne sont pas soumises à l’obligation de concentration.

 

[1] V. E. Vergès, ÉTUDE : Les modes alternatifs : procédures amiables, Les procédures amiables conventionnelles (à l’initiative des parties), in Procédure civile, Lexbase N° Lexbase : E52744ZD.

[2] Cf. M. Barba, Compétence pour connaître d'une demande de production de pièces (bis repetita), Dalloz actualité, 8 décembre 2023 [en ligne].

[3] V. par exemple, Cass. civ. 2, 2 février 2023, n° 21-18.382, F-B N° Lexbase : A26019BX et le commentaire d’E. Vergès, Chronique de procédure civile 2023-1 – Actualité des grandes notions de la procédure civile, Lexbase Droit privé, juillet 2023, n° 953 N° Lexbase : N6213BZ7.

[4] Cf. sur la notion de succombance, F. Seba, ÉTUDE : L’appel, Les conditions d’ouverture du droit d’appel, Les conditions de fond, L'intérêt à agir, in Procédure civile, Lexbase N° Lexbase : E113803K.

[5] F. Seba, ÉTUDE : L’appel, Les conditions d’ouverture du droit d’appel, Les conditions de forme, L’appel classique, La déclaration d’appel : mentions, Les chefs de jugement expressement critiqués, in Procédure civile, Lexbase N° Lexbase : E5191497.

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Procédure civile

[Brèves] Viole le principe du contradictoire, l’application d’office par les juges d’une jurisprudence, sans avoir recueilli les observations des parties !

Réf. : Cass. civ. 2, 13 février 2025, n° 23-17.606, F-B N° Lexbase : A68636UQ

Lecture: 2 min

N1775B37

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par Alexandre Autrand, doctorant, Université de Limoges, école doctorale Gouvernance des Institutions et des Organisations, Observatoire des Mutations Institutionnelles et Juridiques

Le 26 Mars 2025

La Cour de cassation considère que l’application d’une jurisprudence dans une décision de justice, sur laquelle les parties n’ont formulé aucune observation dans leurs écritures, constitue un moyen relevé d’office pour lequel les juges doivent inviter les parties à présenter leurs observations.

Faits et procédure. La SCI Latour, assurée par la société Prudence créole, a loué des locaux commerciaux à la société Dindar Autos. Un incident a détruit les locaux dans la nuit du 11 au 12 octobre 2007. Après avoir indemnisé son assurée, la société Prudence créole a assigné la société Dindar autos devant un tribunal de grande instance afin, notamment, d’obtenir le remboursement de l’indemnité versée. Par la suite, la décision du tribunal de grande instance fait l’objet d’un appel devant la cour d’appel de Saint-Denis de La Réunion, qui statue sur ce recours dans un arrêt du 21 avril 2023. La société Dindar autos décide alors d’attaquer cette décision auprès de la Cour de cassation.

Pourvoi/Appel. Le demandeur au pourvoi fait grief à l’arrêt de confirmer le jugement en ce qu’il a fixé la créance de la société Prudence créole à son encontre, à la somme de 5 357 713,28 euros. Après avoir rappelé que le juge doit respecter en toutes circonstances le principe du contradictoire, le demandeur au pourvoi considère qu’il ne peut fonder sa décision sur un moyen qu’il a relevé d’office sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur celui-ci. Pour confirmer le jugement, la cour d’appel a fondé sa décision sur un arrêt de la Cour de cassation (Cass. com, 7 février 2012, n° 10-27.304 N° Lexbase : A3444ICK), alors qu’aucune des parties ne l’invoquait dans ses écritures. La société Dindar autos considère que les juges du fond se sont prononcés par un moyen relevé d’office, sans avoir invité les parties à présenter leurs observations. Par conséquent, le demandeur au pourvoi considère que la Cour d’appel a violé l’article 16 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1133H4Q.

Solution. Au visa de l’article 16 du Code de procédure civile, la Cour de cassation approuve l’argumentation de la société Dindar autos. La Haute juridiction considère que l’application d’une jurisprudence dans une décision des juges du fond, alors même que les parties n’ont formulé aucune observation sur cette dernière dans leurs écritures, est un moyen relevé d’office. De ce fait, pour pouvoir valablement l’appliquer dans la décision, les juges du fond doivent au préalable inviter les parties à formuler leurs observations sur l’application de la jurisprudence.

 

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Procédure civile

[Brèves] Pas d’obligation de conclure pour le nouveau défenseur lorsque son prédécesseur avait déposé des conclusions !

Réf. : Cass. civ. 2, 6 mars 2025, n° 22-19.083, F-B N° Lexbase : A4420634

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N1874B3S

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par Alexandre Autrand, doctorant, Université de Limoges, école doctorale Gouvernance des Institutions et des Organisations, Observatoire des Mutations Institutionnelles et Juridiques

Le 26 Mars 2025

La Cour de cassation rappelle et précise sa jurisprudence au sujet des effets de la révocation, en cours de procédure, du représentant ad litem d’une partie (v. Cass. civ. 1, 4 mai 1982, n° 81-11.539 N° Lexbase : A0273CG9). Elle considère que dans cette situation, la Cour d’appel demeure saisie par les conclusions qui ont été déposées par le précédent représentant, et ce, peu importe, si le nouveau défenseur n’a pas conclu postérieurement à sa constitution. 

Faits et procédure. M. T est en litige avec son employeur, la société France distribution express. Dans cette affaire, une première décision est rendue par un Conseil de prud’hommes et M. T décide d’interjeter appel à l’encontre de cette dernière. Au cours de l’instance d’appel, le salarié a décidé de remplacer son représentant, qui était un défenseur syndical, en constituant en lieu et place de ce dernier, un avocat. Le nouveau mandataire de M. T ne dépose pas de conclusions, et il préfère soutenir celles qui ont été régulièrement déposées par son prédécesseur. Un arrêt est rendu par les juges du fond, le 19 mai 2022. M. T décide alors d’attaquer cette décision auprès de la Cour de cassation.

Pourvoi/Appel. Le demandeur au pourvoi fait grief à l’arrêt de constater que son appel n’était pas soutenu, et en conséquence de confirmer la décision de première instance. Le salarié affirme qu’aucune disposition légale ou réglementaire, ne fait obstacle à ce que le nouveau représentant de la partie, qui s’est constitué en lieu et place, soutiennent les précédentes conclusions qui ont été déposées par le précédent défenseur. Dans cette situation, M. T affirme que le nouveau représentant n’a pas l’obligation de déposer de nouvelles conclusions. Les juges du fond ne partagent pas cette argumentation, puisqu’ils considèrent qu’en l’absence de conclusions déposées par le nouveau représentant, ils ne sont saisis d’aucune demande pour le compte de M. T. La cour d’appel constate que le salarié a déconstitué le défenseur syndical, qui avait déposé des conclusions, pour constituer un avocat qui n’a présenté aucune conclusion à son nom, en qualité de représentant de M. T avant l’ordonnance de clôture, dont il n’a pas sollicité le report à cette fin. En statuant ainsi, alors que la constitution de cet avocat valait soutien des conclusions précédemment déposées par le défenseur syndical, le demandeur au pourvoi considère que la cour d’appel a violé par fausse application, les articles 552 N° Lexbase : L6703H7E, 954 N° Lexbase : L2439MLW et 961 N° Lexbase : L2440MLX du Code de procédure civile.

Solution. Au visa des articles 411 N° Lexbase : L6512H7C et 961 du Code de procédure civile, la Cour de cassation approuve l’argumentation de M. T. La Haute juridiction précise qu’il résulte de ces articles qu’en cas de changement en cours de procédure, du représentant ad litem d’une partie, la cour d’appel reste saisie par les conclusions qui ont été régulièrement déposées par le précédent défenseur, et ce, peu importe si le nouveau représentant constitué n’a pas conclu. De ce fait, après avoir rappelé le raisonnement des juges du fond, la Cour de cassation considère que dans le cas d’espèce, la cour d’appel demeurait saisie par les conclusions qui ont été déposées par le défenseur syndical.

 

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Procédure civile

[Brèves] Le moyen qui tend à obtenir la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière est une exception de procédure !

Réf. : Cass. civ. 2, 6 mars 2025, n° 22-12.742, F-B N° Lexbase : A441763Y

Lecture: 3 min

N1920B3I

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par Alexandre Autrand, doctorant, Université de Limoges, école doctorale Gouvernance des Institutions et des Organisations, Observatoire des Mutations Institutionnelles et Juridiques

Le 26 Mars 2025

La Cour de cassation rappelle et précise sa jurisprudence au sujet de la qualification du moyen qui tend à obtenir la nullité, du commandement de payer valant saisie immobilière (V. Cass. civ. 2, 25 mars 2010, n° 08-17.196 N° Lexbase : A1471EUZ). Elle considère que ce moyen est une exception de procédure qui, en cas de succès, entraîne la nullité de tous les actes de la procédure que le commandement de payer engage.

Faits et procédure. Le 20 mai 2008, Mme J. a conclu un contrat de prêt avec un établissement de crédit luxembourgeois. Le 2 septembre 2015, le prêteur fait signifier à Mme. J un commandement de payer valant saisie immobilière. Par la suite, la débitrice décide de formuler des contestations au cours de l’audience d’orientation du juge de l’exécution. Par un jugement d’orientation du 3 mai 2017, le juge de l’exécution rejette l’ensemble des contestations de Mme J. et ordonne la vente forcée des biens saisis. Par la suite, un appel est interjeté devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, qui statue sur l’affaire dans un arrêt du 22 janvier 2015 (CA Aix-en-Provence, 16 septembre 2021, n° 18/08253 N° Lexbase : A656044Q). L’établissement luxembourgeois décide d’attaquer cette décision devant la Cour de cassation.

Pourvoi/Appel. Le demandeur au pourvoi fait grief à l’arrêt de déclarer nul le commandement de payer, et d’invalider la procédure de saisie immobilière.  Au soutien de son pourvoi, le prêteur affirme que le moyen tiré de la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière, soulevée après l’assignation du créancier poursuivant, constitue une exception de procédure. Or, les juges aixois ont considéré que ce moyen constitue une défense au fond, qui avait été discuté devant les juges de l’exécution. La Cour d’appel considère que cette défense au fond permet de combattre la portée juridique du commandement de payer, acte qui fonde la procédure de saisie immobilière. En statuant ainsi, l’établissement de crédit luxembourgeois considère que la Cour d’appel a violé les articles 71 N° Lexbase : L1286H4E, 73 N° Lexbase : L1290H4K et 74 N° Lexbase : L1293H4N du Code de procédure civile, ainsi que l’article R. 311-10 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L2396ITW.

Solution. Au visa des articles des articles 73 et 74 du Code de procédure civile, et des articles L. 321-1 N° Lexbase : L0430L8G, R. 321-1 N° Lexbase : L2398ITY et R. 322-4 N° Lexbase : L7886IUM du Code des procédures civiles d’exécution, la Cour de cassation approuve l’argumentation du prêteur. Après avoir rappelé la lettre de ces articles, elle considère que la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière atteint tous les actes de la procédure qu’il engage. De ce fait, les juges du droit considèrent que le moyen pris de la nullité du commandement de payer, qui tend à faire déclarer irrégulière ou éteinte la procédure judiciaire introduite par l’assignation du créancier poursuivant à l’audience d’orientation, constitue une exception de procédure. La Haute juridiction rappelle que, conformément à l’article 74 du Code de procédure civile, une exception de procédure doit être soulevée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Ainsi, la Haute juridiction n’a pas d’autre choix que de casser et annuler partiellement, la décision des juges du fond.  

 

 

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Procédure d'appel

[Brèves] Pas d’obligation de renouveler les conclusions d’appelant, après l’infirmation de l’ordonnance qui déclare l’appel irrecevable !

Réf. : Cass. civ. 2, 13 février 2025, n° 23-17.606, F-B N° Lexbase : A68636UQ

Lecture: 4 min

N1768B3U

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Le 26 Mars 2025

La Cour de cassation confirme et précise sa jurisprudence au sujet de l’infirmation de l’ordonnance du conseiller de la mise en état qui déclare irrecevable un appel (v. Cass. civ. 2, 14 novembre 2019, n° 18-23.631 N° Lexbase : A6637ZYH). Elle considère que lorsque l’appelant a conclu antérieurement à cette décision, il n’est pas tenu de conclure à nouveau après le prononcé de l’arrêt qui, à l’issue d’une procédure de déféré, infirme la décision.

Faits et procédure. La SCI Latour, assurée par la société Prudence créole, a loué des locaux commerciaux à la société Dindar Autos. Un incident a détruit les locaux dans la nuit du 11 au 12 octobre 2007. Après avoir indemnisé son assurée, la société Prudence créole a assigné la société Dindar autos devant un tribunal de grande instance afin, notamment, d’obtenir le remboursement de l’indemnité versée. Par la suite, la décision du tribunal de grande instance fait l’objet d’un appel devant la cour d’appel de Saint-Denis de La Réunion. Un arrêt est rendu le 15 septembre 2021, suite aux déférés à l’encontre de l’ordonnance rendue le 2 février 2021 par le conseiller de la mise en état. La société Dindar autos décide alors d’attaquer cette décision auprès de la Cour de cassation.

Pourvoi/Appel. Le demandeur au pourvoi fait grief à l’arrêt de déclarer bien fondés les déférés formés par l’assureur et la société Prudence créole, d’infirmer l’ordonnance sur incident, rendue le 2 février 2021, par le conseiller de la mise en état ayant déclaré caduques les déclarations d’appel des assureurs, et de rejeter les exceptions de caducité qu’ils soulevaient. Tout d’abord la société Dindar Autos rappelle que l’ordonnance du conseiller de la mise en état, qui prononce l’irrecevabilité de la déclaration d’appel, est revêtue de l’autorité de la chose jugée, de sorte qu’elle met immédiatement fin à l’instance. Ensuite, le demandeur au pourvoi considère que l’appelant qui a conclu au fond avant que le conseiller de la mise en état ne prononce l’irrecevabilité de son appel doit, à peine de caducité, lorsque la cour d’appel, statuant sur déféré, déclare son recours recevable, conclure à nouveau dans le délai de trois mois. Dans le cas d’espèce, l’appelant a conclu au fond, puis l’appel a été déclaré irrecevable par ordonnance du conseiller de la mise en état. Ensuite, la cour d’appel, statuant sur déféré, a infirmé cette décision et a déclaré l’appel recevable. Or, après cette décision, l’appelant n’a pas conclu au fond. De leur côté, les juges du fond considèrent que la décision rendue sur déféré, et qui déclare l’appel recevable, fait courir un nouveau délai de trois mois pour que l’appelant puisse conclure. Pour autant, une telle règle ne saurait porter préjudice à la partie qui a pris le soin de conclure dans le délai trois mois de son acte d’appel. Selon la cour d’appel, une telle disposition ne peut contraindre un appelant, sous peine de caducité de son appel, à renouveler ses conclusions. En statuant ainsi, la société Dindar Autos considère que les juges d’appel ont violé les articles 914 N° Lexbase : L2415MLZ et 916 N° Lexbase : L2426MLG du Code de procédure civile.

Solution. La Cour de cassation rejette l’argumentation de la société Dindar Autos, sur le fondement des articles 908 N° Lexbase : L2401MLI, 914 et 916 du Code de procédure civile dans leur rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 N° Lexbase : L2696LEL. Lorsque l’appelant n’a pas encore conclu au jour où le conseiller de la mise en état prononce l’irrecevabilité de la déclaration d’appel, la Cour rappelle qu’elle a déjà considérée (Cass. civ. 2, 14 novembre 2019, n° 18-23.631, précité) que cette ordonnance du conseiller de la mise en état qui prononce l’irrecevabilité du recours met immédiatement fin à l’instance d’appel. De sorte que l’arrêt infirmatif de la Cour d’appel, à l’issue d’une procédure de déféré, fait à nouveau courir le délai pour conclure de l’article 908 du Code de procédure civile, qui avait pris fin avec l’ordonnance déférée. Ensuite, la Haute juridiction précise sa jurisprudence, en considérant que si l’appelant a déjà conclu avant la décision du conseiller de la mise en état qui prononce l’irrecevabilité de son appel, il n’est pas tenu de conclure de nouveau après le prononcé de l’arrêt qui, à l’issue d’une procédure de déféré, infirme la décision.

newsid:491768

Procédure d'appel

[Brèves] En matière de procédure orale, les parties n’ont pas à solliciter la fixation de leur affaire à une audience pour interrompre le délai de péremption

Réf. : Cass. civ. 2, 9 janvier 2025, n° 22-18.726, F-D N° Lexbase : A25096QY

Lecture: 3 min

N1622B3H

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Le 26 Mars 2025

La Cour de cassation confirme et précise sa jurisprudence en matière de péremption d’instance dans les procédures orales, notamment en matière de contentieux de la Sécurité sociale (v. Cass. civ. 2, 10 octobre 2024, n° 22-12.882 N° Lexbase : A441859I et n° 22-20.384 N° Lexbase : A441359C). Elle réaffirme que dans ces procédures, sauf diligence particulière imposée par la juridiction, les parties n’ont pas à solliciter la fixation d’une audience pour interrompre le délai biennal de péremption. Exit donc les excès de formalisme !

Faits et procédure. Dans cette affaire, un employeur est en litige avec la CPAM, dans le cadre de la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l’accident dont a été victime l’un de ses salariés. L’employeur décide de contester cette prise en charge, en saisissant le tribunal des affaires de la Sécurité sociale de Caen le 14 octobre 2016. Dans un jugement du 3 décembre 2018, le tribunal fait droit partiellement aux demandes de l’employeur. La caisse décide d’interjeter appel sur cette décision, le 10 janvier 2019. L’affaire se retrouve alors devant la cour d’appel de Caen, qui statue sur cette dernière dans un arrêt du 12 mai 2022. L’employeur décide alors d’attaquer cette décision devant la Cour de cassation.

Pourvoi / Appel. Le demandeur au pourvoi fait notamment grief à l’arrêt de rejeter l’exception relative à la péremption de l’instance. Après avoir rappelé la lettre de l’article 386 du Code de procédure civile N° Lexbase : L2277H44, l’employeur affirme que le rôle attribué au greffe de convoquer les parties à l’audience, ne prive pas ces dernières de la possibilité d’accomplir des diligences qui peuvent faire progresser l’instance. À titre d’illustration, l’employeur évoque la possibilité pour ces dernières de demander la fixation de l’affaire à une audience. Dans le cas d’espèce, l’employeur affirme que les parties n’ont accompli aucune diligence pendant deux ans, après la déclaration d’appel du 10 janvier 2019. Pour rejeter l’exception relative à la péremption d’instance, et ce, malgré l’absence de diligences des parties pendant plus de deux ans, les juges du fond ont considéré que lorsque la réalisation de convocations incombe au greffe, le point de départ du délai de péremption se situe au jour où ces diligences ont été accomplies, c’est-à-dire dans notre cas, le 2 avril 2021 et non le 10 janvier 2019. En statuant ainsi, l’employeur considère que la cour d’appel a violé l’article 386 du Code de procédure civile.

Solution. La Cour de cassation rejette le pourvoi de l’employeur, sur le fondement des articles 386 et 946 N° Lexbase : L8617LYS du Code de procédure civile, et L.142-1 N° Lexbase : L1769LZK et R.142-11 N° Lexbase : L6655LMG du Code de la Sécurité sociale, ainsi qu’au regard de sa jurisprudence récente en matière de péremption (Cass. civ. 2, 10 octobre 2024, n° 22-12.882 et n° 22-20.384, précité). Les juges du droit ont considéré qu’il ne peut être imposé aux parties, dans le cadre d’une procédure orale, de solliciter la fixation de l’affaire à une audience, dans le seul but d’interrompre le cours de la péremption, laquelle ne peut leur être opposée pour ce motif. Par ce motif de pur droit substitué à ceux critiqués, l’arrêt qui rejette l’exception de péremption d’instance, sans préciser qu’une diligence particulière avait été mise à la charge des parties par la juridiction, est légalement justifié.

 

newsid:491622

Procédure d'appel

[Brèves] En procédure d’appel sans représentation obligatoire, la déclaration qui ne mentionne pas les chefs de jugement critiqués n’est pas dépourvue d’effet dévolutif !

Réf. : Cass. civ. 2, 16 janvier 2025, n° 22-18.962, F-D N° Lexbase : A14616RK

Lecture: 4 min

N1656B3Q

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Le 26 Mars 2025

La Cour de cassation confirme et précise sa jurisprudence au sujet de la déclaration d’appel au sein d’une procédure sans représentation obligatoire (v. Cass. civ. 2, 9 septembre 2021, n° 20-13.673 N° Lexbase : A256044L ; Cass. civ. 2, 29 septembre 2022, n° 21-23.456, FS-B N° Lexbase : A34268LH). Elle affirme qu’au titre de cette procédure, y compris lorsque les parties sont représentées par un avocat, la déclaration d’appel qui tend à la réformation du jugement et qui ne mentionne pas les chefs de jugement critiqués, défère à la connaissance de la Cour l’ensemble des chefs de cette décision.

Faits et procédure. Dans un jugement du 10 septembre 2020, un juge des enfants confie trois mineurs à leur mère jusqu’au 30 septembre 2021 et renouvelle une mesure d’assistance éducative jusqu’à cette date. Par déclaration du 25 septembre 2020, le père décide d’interjeter appel de cette décision par-devant la cour d’appel de Caen, qui statue sur ce recours dans un arrêt du 1er juillet 2021. Le père décide alors d’attaquer cette décision devant la Cour de cassation.

Pourvoi / Appel. Le demandeur au pourvoi fait grief à l’arrêt de constater l’absence d’effet dévolutif de sa déclaration d’appel, et de déclarer son recours irrecevable. Le père soutien que dans le cadre de la procédure d’appel sans représentation obligatoire, la déclaration qui tend à la réformation de la décision et qui ne mentionne pas les chefs de jugement critiqués, doit s’entendre comme déférant à la connaissance de la cour l’ensemble des chefs de ce jugement. Le père considère qu’il doit en être de même, lorsque la déclaration d’appel, qui omet de mentionner les chefs de jugement critiqués, ne précise pas si l’appel tend à l’annulation ou à la réformation du jugement. Dans leur décision, les juges du fond ont relevé que la déclaration du père mentionnait que l’appel était formé contre la totalité de la décision. De ce fait, la cour a considéré que lorsque la déclaration d’appel tend à la réformation du jugement, sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l’effet dévolutif ne s’opère pas. De plus, les juges caennais ont affirmé que la mention « appel total », non régularisée par une seconde déclaration d’appel, n’emporte pas la critique de l’intégralité des chefs de jugement. Par conséquent, les juges du fond considèrent que l’étendue de la saisine du juge d’appel est limitée aux énonciations de la déclaration d’appel. Dès lors n’ayant porté aucun chef de jugement à la connaissance de la Cour par la déclaration d’appel, les juges du fond considèrent qu’ils n'ont pas été saisis. En statuant ainsi, le père considère que la cour d’appel a notamment violé les articles 562 N° Lexbase : L2381MLR et 933 N° Lexbase : L2438MLU du Code de procédure civile.

Solution. La Cour de cassation approuve l’argumentation du père, sur le fondement des articles 562 et 933 du Code de procédure civile. Après avoir rappelé la substance de ces articles, la Cour souligne qu’en matière de procédure d’appel avec représentation obligatoire, elle a déduit que lorsque la déclaration  tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l’effet dévolutif ne s’opère pas (Cass. civ. 2, 30 janvier 2020, n° 18-22.528 N° Lexbase : A89403C4), et que ces règles sont dépourvues d’ambiguïté pour les parties représentées par un avocat (Cass. civ. 2, 2 juillet 2020, n° 19-11.624 N° Lexbase : A55923Q8). Toutefois, elle rappelle que l’application de cette jurisprudence à la procédure d’appel sans représentation obligatoire, aurait pour conséquence d’instaurer une charge procédurale excessive pour l’appelant, dès lors que ce dernier n’est pas tenu d’être représenté par un avocat. La faculté de régulariser par une seconde déclaration d’appel, n’est pas de nature à y remédier (Cass. civ. 2, 9 septembre 2021, n° 20-13.673). Dès lors, les juges du droit considèrent qu’en matière de procédure d’appel sans représentation obligatoire, y compris lorsque les parties sont assistées ou représentées par un avocat, la déclaration qui tend à la réformation de la décision, en omettant d’indiquer les chefs de jugement critiqués, doit s’entendre comme déférant à la connaissance de la cour d’appel l’ensemble des chefs de cette décision. Par conséquent, la Cour de cassation casse et annule, en toutes ses dispositions, l’arrêt qui a été rendu par la cour d’appel de Caen.

newsid:491656

Voies d'exécution

[Brèves] L’incomplétude de la formule exécutoire est une irrégularité de forme !

Réf. : Cass. civ. 2, 6 février 2025, n° 22-18.527, F-B N° Lexbase : A60436TY

Lecture: 3 min

N1716B3X

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Le 26 Mars 2025

La Cour de cassation confirme et précise sa jurisprudence au sujet de l’irrégularité qui frappe la formule exécutoire (v. Cass. civ. 2, 11 octobre 1965, n° 61-13.805 ; Cass. civ. 2, 11 février 2010, n° 09-65.404). Elle considère que l’incomplétude de cette formule est un vice de forme, qui entraînera la nullité de la signification uniquement sur la démonstration d’un grief.

Faits et procédure. Par une ordonnance du 1er septembre 2016, le premier président d’une cour d’appel a rendu exécutoire un rôle des cotisations dues à la caisse nationale des barreaux français. Sur le fondement de cette décision, la caisse a délivré à M. C, un commandement aux fins de saisie-vente le 30 novembre 2016 et a pratiqué une saisie-attribution à son encontre le 12 janvier 2017. Un premier arrêt de cassation est rendu (Cass. civ. 2, 20 mai 2021, n° 19-22.553 N° Lexbase : A25284SG), puis l’affaire est renvoyée à la cour d’appel de Montpellier, qui statue sur cette dernière le 14 avril 2022. Le débiteur décide alors d’attaquer cette décision devant la Cour de cassation.

Pourvoi / Appel. Le demandeur au pourvoi fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande d’annulation du commandement de payer aux fins de saisie-vente, délivré le 30 novembre 2016, et de la saisie-attribution réalisée le 12 janvier 2017. Après avoir rappelé la lettre de l’article 502 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6619H7B, le débiteur affirme que la décision d’un premier président de rendre exécutoire le rôle des cotisations dues, à la caisse nationale des barreaux français, ne peut faire l’objet d’une exécution forcée sans la présentation d’une expédition revêtue de la formule exécutoire, telle que prévue par le décret n° 47-1047 du 12 juin 1947 N° Lexbase : Z47063RS.

Dans le cas d’espèce, la formule figurant dans l’ordonnance du premier président est incomplète. La décision comporte la mention « commet tout huissier de justice de la résidence de l’intéressé pour procéder à l’exécution de la présente ordonnance ».

Au regard de cette formule, le débiteur considère que l’ordonnance du premier président n’est pas revêtue de la formule exécutoire. De ce fait, il considère que cette décision n’est pas exécutoire, et il affirme qu’elle ne peut pas servir de fondement à des mesures d’exécution forcée. La cour d’appel considère que cette irrégularité constitue un vice de forme, ne pouvant entraîner la nullité de la signification qu’au cas où elle a causé un grief. À défaut de grief, les juges montpelliérains considèrent qu’il ne peut être soutenu que les actes d’exécution forcée réalisés sur le fondement de l’ordonnance du 1er septembre 2016 encourraient la nullité pour défaut de titre exécutoire. En statuant ainsi, le débiteur considère que la cour d’appel a violé les articles 502 du Code de procédure civile, L. 111 du Code des procédures civiles d’exécution, et 1er du décret n° 47-1047 du 12 juin 1947.

Solution. La Cour de cassation rejette l’argumentation du débiteur. Après avoir rappelé la substance des articles 502 du Code de procédure civile et 1er du décret n° 47-1047 du 12 juin 1947, la Haute juridiction approuve le raisonnement des juges du fond. Elle considère que l’incomplétude de la formule exécutoire constitue une irrégularité de forme ne pouvant être annulée que sur la démonstration d’un grief. N’ayant pas réalisé une telle démonstration, la demande du débiteur relative à l’annulation du commandement de payer aux fins de saisie-vente et du procès-verbal de saisie-attribution ne peut qu’être rejetée.

newsid:491716

Voies d'exécution

[Brèves] Le juge de l’exécution est toujours compétent pour statuer sur des contestations relatives à des mesures d’exécution forcée mobilières !

Réf. : Cass. civ. 2, avis, 13 mars 2025, n° 15007, FS B

Lecture: 3 min

N1869B3M

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par Alexandre Autrand, doctorant à l'Université de Limoges, école doctorale Gouvernance des Institutions et des Organisations, Observatoire des Mutations Institutionnelles et Juridiques

Le 26 Mars 2025

La Cour de cassation précise que malgré l’abrogation partielle de l’article L. 213-6 du Code de l’organisation judiciaire (COJ) N° Lexbase : L7740LPD, par le Conseil constitutionnel (Cons. const., 17 novembre 2023, n° 2023-1068 QPC N° Lexbase : Z237025B), le juge de l’exécution demeure compétent pour connaître de la saisie des rémunérations ainsi que des contestations relatives à des mesures d’exécution forcée mobilières.

Faits. L’article L.213-6 du Code de l’organisation judiciaire énonce les compétences matérielles du juge de l’exécution.

Une débitrice décide d’attaquer la constitutionnalité de cet article par une QPC, car ce dernier ne prévoit pas en cas de vente par adjudication, à la suite d’une saisie de droits incorporels, la possibilité pour le débiteur de contester auprès du juge de l’exécution le montant de la mise à prix.

Dans sa décision du 17 novembre 2023 (précitée), le Conseil constitutionnel a déclaré que les mots « des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée », présent dans le premier alinéa de l’article L. 213-6 du COJ, étaient inconstitutionnels. Le Conseil décide alors d’abroger cette partie du premier alinéa de l’article, à compter du 1er décembre 2024. À la suite de cette décision, un juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Créteil décide d’interroger la Cour de cassation.

Le juge de l’exécution pose les questions suivantes à la Cour :

« Quelle est la portée de la décision du Conseil constitutionnel du 17 novembre 2023 d'abroger une partie de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire (Cons. cons. 17 nov 2023, n°2023-1068 QPC) sur la compétence du juge de l'exécution ?

La décision du Conseil constitutionnel du 17 novembre 2023 d'abroger une partie de l'article L. 213-6, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire conduit-elle à ce que le juge de l'exécution ne soit plus compétent en matière de saisie des rémunérations, compétence déterminée par l'article L. 213-6 en son alinéa 5 ?

Et, dans l'affirmative, doit-on considérer que la saisie des rémunérations du travail est une action personnelle ou mobilière au sens du tableau IV-li annexé au code de l'organisation judiciaire permettant son traitement par le juge de proximité, sous réserve des seuils de compétence ? »

Analyse de la Cour de cassation. La Haute juridiction considère que la décision du Conseil constitutionnel pourrait laisser penser que le juge de l’exécution n’est plus compétent pour statuer sur des contestations, relatives à des mesures d’exécution forcée mobilières.

Après avoir rappelé les motifs et le dispositif de la décision du Conseil constitutionnel, la Cour décide que dans l’attente de l’adoption d’un texte législatif, le juge de l’exécution demeure compétent, dans la limite de la décision des Sages, pour statuer sur les contestations relatives à des mesures d’exécution forcée mobilières.

Les juges du droit précisent également que l’abrogation partielle de l’article L. 213-6 du COJ est sans incidence sur la compétence du juge de l’exécution pour connaître de la saisie des rémunérations.

newsid:491869

Voies d'exécution

[Focus] Saisie des rémunérations : nouvelle formule

Réf. : Loi n° 2023-1059, du 20 novembre 2023, d'orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027 N° Lexbase : L6256MSI

Lecture: 23 min

N1886B3A

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par Guillaume Fricker, avocat au barreau de Saint-Malo – Dinan, administrateur de l’AAPPE

Le 26 Mars 2025

Mots-clés : saisie des rémunérations • réforme • commissaire de justice • débiteur • juge de l’exécution • employeur • données personnelles.

La loi n° 2023-1059, du 20 novembre 2023 N° Lexbase : L6256MSI, propose une procédure plus attractive et annoncée comme plus efficace, tout en préservant les garanties pour le débiteur, s’inscrivant dans une démarche plus large de simplification de la procédure civile et d'optimisation du rôle du juge.

Elle apporte des changements significatifs au système établi par la précédente réforme issue de 1991.

Il s’agit alors d’aligner la saisie des rémunérations sur le droit commun des procédures civiles d'exécution. Simplifier consiste également dans la suppression de la phase de conciliation judiciaire préalable ainsi que la fin de l’autorisation judiciaire de la saisie.

L’objectif de cette réforme paraît louable sur le papier : Une procédure modernisée par l’introduction du numérique, confiée aux commissaires de justice, tout en déchargeant les juridictions et plus particulièrement les greffes de la charge de la répartition des fonds provenant de la saisie, tout en recentrant le juge sur son office juridictionnel.


 

I. Contexte et évolution législative

La loi n° 91-650, du 9 juillet 1991 N° Lexbase : L9124AGZ, et le décret n° 92-755, du 31 juillet 1992 N° Lexbase : L9125AG3, depuis codifiés par l'ordonnance n° 2011-1895, du 19 décembre 2011, relative à la partie législative du code des procédures civiles d'exécution N° Lexbase : L7109MS4, entrée en vigueur le 1er juin 2012, reposaient sur deux piliers :

  • d’une part, il fallait donner force au titre exécutoire. Ainsi, la loi a posé comme principe que le créancier muni d'un titre exécutoire doit pouvoir obtenir rapidement et effectivement le paiement de son dû. Cela renforce l'efficacité des décisions de justice et autres actes exécutoires ;
  • d’autre part, il importait d’humaniser la procédure à l'égard du débiteur. La réforme d’alors cherchait à établir un équilibre entre les intérêts du créancier et ceux du débiteur, en introduisant des mesures de protection pour ce dernier.

Ainsi, le législateur adaptait l’exécution forcée aux réalités économiques et sociales de l’époque, remplaçant les dispositions du Code de procédure civile de 1806, en créant une théorie générale de l’exécution forcée par la définition de principes applicables à toutes les voies d’exécution, qu’elles soient mobilières ou immobilières, mais également en simplifiant les procédures en les rendant plus efficaces et simples à mettre en œuvre. Le législateur posait également les contours du rôle des différents acteurs de l’exécution forcée, et plus particulièrement du juge de l’exécution.

L’abandon de l’ancien Code de procédure civile marquait donc une étape importante du droit de l’exécution forcée, rendue plus efficace, plus équilibrée et mieux adaptée aux besoins de la société moderne.

Ainsi, à compter de 1993, la saisie des rémunérations nécessitera l'intervention d'un juge, avec une tentative préalable de conciliation. Cette procédure est une exception dans le cadre de la déjudiciarisation progressive des procédures civiles d’exécution.

Procédure régie tant par les articles L. 3252-1 à L. 3252-13 N° Lexbase : L0916H9S et R. 3252-1 à R. 3252-44 N° Lexbase : L8965H9W du Code du travail que par les articles L. 212-1 à L. 212-3 N° Lexbase : L5842IRS du Code des procédures civiles d’exécution, et dévolue au juge d’instance, la loi n° 2019-222, du 23 mars 2019, de programmation pour la Justice N° Lexbase : L6740LPC l’a, à compter du 1er janvier 2020, délégué au juge de l’exécution, juge naturel du contentieux des mesures d’exécution forcées. La réalité est toute autre toutefois…

Trente ans plus tard, place à la nécessité d’une réduction des coûts pour le service public de la Justice.

L’économie du transfert de la saisie des rémunérations aux commissaires de justice est estimée à 9,1 millions d’euros par an [1], ainsi qu’un allégement de 40 % de la charge de travail des greffes et des juges liée au contentieux selon les projections du ministère, ainsi qu’il ressort de la loi n° 2023-1059, du 20 novembre 2023, d'orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027 N° Lexbase : L6256MSI et de son étude d’impact.

Une nouvelle mouture de la procédure est donc adoptée pour aligner la saisie des rémunérations sur le droit commun des procédures civiles d'exécution, tout en supprimant la phase de conciliation judiciaire préalable et d'autorisation du juge.

Ces dispositions entreront en vigueur au plus tard le 1er juillet 2025. Ce délai s’imposant par la nécessité de permettre la formation des commissaires de justice et l’instauration du registre numérique, administré par la chambre nationale des commissaires de justice, pour les besoins de cette procédure new look.

II. Pourquoi une nouvelle procédure ?

Rééquilibrer les intérêts des créanciers et des débiteurs, tout en modernisant et en rendant plus efficace la procédure de saisie des rémunérations.

Comment y procéder ?

  • Par une déjudiciarisation de la procédure : La réforme accélère le process en supprimant l'étape judiciaire préalable, permettant ainsi aux commissaires de justice de procéder directement à la saisie, sans autorisation du juge. Au passage, il y a désengorgement des tribunaux.
  • Par une simplification de la procédure et en la rendant plus attractive : La procédure actuelle est sous-utilisée en raison de sa complexité et des délais particulièrement longs. La réforme vise à la rendre plus attractive, plus rapide et plus simple à mettre en œuvre.
  • Par une harmonisation avec les autres procédures d’exécution : L'objectif est d'aligner la saisie des rémunérations sur le droit commun des procédures civiles d'exécution.
  • Par une réduction des délais : La suppression de l'audience préalable permettra de réduire considérablement les délais de procédure, qui peuvent actuellement dépasser une année dans certains tribunaux.
  • Par une procédure numérique : La réforme introduit le numérique dans la mise en œuvre et le déroulement de la procédure, notamment avec la création d'un registre numérique des saisies des rémunérations.
  • Par une place « retrouvée » du juge de l’exécution : Il s’agit désormais de lui permettre d’être concentré sur son office de trancher les questions et difficultés juridiques, plutôt que sur des tâches administratives et comptables pourtant dévolues aux greffes…

III. Une réforme numérique et sans préalable du juge qui interroge : Le contrôle du Conseil constitutionnel

Ce texte souffrira l’examen du Conseil constitutionnel après que des députés aient reproché, principalement, à la réforme de permettre que la saisie des rémunérations puisse avoir lieu par l’intermédiaire de l’employeur du débiteur, sans nécessité de l’intervention du juge.

Le délai d’un mois offert au débiteur pour former un recours ayant un effet suspensif était également critiqué.

Les parlementaires considéraient qu’il découlerait de cette réforme une violation du droit au respect de la vie privée, du droit à un recours juridictionnel effectif, des droits de la défense ainsi que des libertés individuelles.

Après examen, les sages, dans une décision n° 2023-855, du 16 novembre 2023 N° Lexbase : A61401ZG, valident cette nouvelle formule de la saisie des rémunérations, sous réserve que seules les informations strictement nécessaires soient transmises par l’employeur au créancier, afin de respecter le droit à la vie privée ainsi que le fait pour le débiteur de conserver le droit de contester la saisie à tout moment, avec un effet suspensif si le recours est exercé dans le mois suivant la signification.

Sous réserve de ce qui précède, la refonte de la procédure de saisie des rémunérations est portée par l’article 47 de la loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027 N° Lexbase : Z31881U8, dont l’objet est de permettre que l’exécution de cette mesure soit désormais confiée aux commissaires de justice.

IV. Déroulement de la procédure

Après réforme, il appartiendra désormais au commissaire de justice d’initier la procédure, à la demande du créancier.

Exit donc la saisine par voie de requête adressée au tribunal, en application de l’article L3252-11 du Code du travail N° Lexbase : L0945H9U ainsi que la tenue d’une audience prévue à l’article R3252-12 du même code N° Lexbase : L4502IAY.

(NDLA : Rappelons au passage la controverse née de la décision n° 2023-1068 du Conseil constitutionnel du 17 novembre 2023 N° Lexbase : A61411ZH concernant quelques mots de l’alinéa 1er de l’article L213-6 du Code de l’organisation judiciaire N° Lexbase : L7740LPD, qui ressemble plus à une tempête dans un verre d’eau qu’à un véritable cataclysme – cet article étant finalement suffisamment bien rédigé pour maintenir la compétence du juge de l’exécution s’agissant du contentieux de l’exécution (CQFD) –, ledit article attribuant la compétence matérielle du contentieux de la saisie des rémunérations au juge de l’exécution en son alinéa 5.)

La procédure, encadrée dans un délai de quatre mois, est alors initiée par la signification d’un commandement de payer au débiteur par commissaire de justice.

Cet acte ouvre alors un délai d’un mois permettant au débiteur de payer les sommes dues, de trouver un accord avec le créancier ou encore de contester la mesure d’exécution.

Passé ce délai, et en l’absence d’accord, le créancier fera signifier, dans le délai de trois mois, son procès-verbal de saisie à l’employeur du débiteur. C’est donc le créancier qui signifie désormais l’acte de saisie au tiers saisi et non plus le greffe du tribunal qui l’ordonnait jusqu’alors.

Parallèlement, un registre numérique des saisies des rémunérations sera créé pour centraliser les informations.

V. Quid du suivi de la procédure ?

Les procédures en cours actuellement sont suivies par le greffe, interlocuteur de l’employeur, lequel est chargé du contrôle du bon fonctionnement de la procédure.

Afin d’assurer l’efficacité de la procédure issue de la réforme, le législateur a dû garantir l’indépendance des acteurs de la procédure, à tous les stades de celle-ci.

Ainsi, la réforme introduit l’intervention de deux commissaires de justice : le premier, instrumentaire, sera chargé de la phase de saisie ; le deuxième, répartiteur, sera chargé de recevoir la quotité saisissable et d’en assurer la répartition.

Dans les faits, le créancier devra demander la désignation, opérée selon un processus aléatoire, d’un « commissaire de justice répartiteur » figurant sur une liste diffusée par la Chambre nationale des commissaires de justice. (CPC exéc., art. R. 212-1-10 N° Lexbase : L4076MSR).

Ce répartiteur, spécialement formé au suivi de la procédure, assumera les tâches précédemment dévolues aux services du greffe du tribunal judiciaire. Il sera chargé de la vérification du calcul des quotités et de la répartition des sommes saisies entre les créanciers. Il assurera à l’instar des autres procédures de saisie, les opérations de séquestre et de comptabilité pour le compte du créancier.

Deux commissaires de justice cohabiteront donc dans une même procédure. L’instrumentaire, initiant la voie d’exécution par la signification de l’acte de saisie, et le répartiteur, chargé de sa mise en œuvre.

Toutefois, cette procédure soulève différentes interrogations.

VI. Qu’advient-il des contestations et de l’accès au juge ?

Le débiteur conserve la faculté de contester la mesure devant le juge de l’exécution (COJ, art. L213-6 ; CPC exéc., art. R. 212-1-7 N° Lexbase : L4073MSN).

Le contrôle du juge de l’exécution est ainsi maintenu :

  • lors de la phase initiale, la signification du commandement de payer ouvrira un délai d’un mois au débiteur pour contester le fondement de la saisie, le recours étant suspensif d’exécution, le temps pour le juge de l’exécution de trancher la contestation. (CPC exéc., art. R. 212-1-3, 6° [LXB=]) ;
  • le juge de l’exécution pourra également être saisi à tout moment de la procédure, d’une contestation de sa mise en œuvre, à savoir : calcul des quotités, respect des montants ou sommes non saisissables. Il doit être précisé que le recours ainsi exercé ne sera pas suspensif d’exécution à la différence de la contestation du commandement de payer ; le but ici étant de favoriser l’exécution de la mesure en faisant barrage aux contestations purement abusives et dilatoires ;
  • le juge de l’exécution reste évidemment compétent pour connaître de toute contestation d’une mesure inutile ou abusive, à l’instar de toute mesure d’exécution forcée.

VII. Une réforme et des questions laissées en suspens

Le décret d’application n° 2025-125, du 12 février 2025, relatif à la nouvelle procédure de saisie des rémunérations N° Lexbase : L2044MYD a été publié au journal officiel du 14 février 2025.

La procédure entrera en vigueur au 1er juillet 2025. Le décret s’appliquera à toute procédure en cours à cette date.

Les sommes reçues par le régisseur installé auprès du greffe du tribunal judiciaire ou de l’une de ses chambres de proximité jusqu’au 30 juin 2025 devront être réparties avant le 1er octobre 2025. Ce délai de répartition ne diffèrera pas le transfert de la procédure à un commissaire de justice, qui pourra intervenir à compter du 1er juillet 2025. La demande incidente ou la contestation élevée antérieurement au 1er juillet 2025 est jugée conformément aux dispositions applicables avant cette date, de même que les requêtes en saisie des rémunérations introduites avant cette date. La procédure est ensuite transmise à un commissaire de justice ou à la chambre régionale des commissaires de justice.

Des répartiteurs en nombre suffisant ? Le commissaire de justice « répartiteur » doit suivre une formation avant d’embrasser cette nouvelle mission. Combien suivront cette formation ? Seront-ils suffisamment nombreux et opérationnels pour cette date ? Seul l’avenir nous le dira.

Autre point d’interrogation et non des moindres, la rémunération du commissaire de justice répartiteur.

L’étude d’impact révèle que : « A contrario, le transfert de la mission vers les commissaires de justice pourrait conduire à une augmentation des frais de justice dépendant de la tarification et du mode de prise en charge retenu, étant néanmoins indiqué que la réforme, qui inscrit les saisies des rémunérations dans le droit commun, suppose en principe que les frais inhérents à l'intervention des commissaires de justice sont à la charge finale du débiteur. » [2]

Quel sera l’émolument perçu pour cette mission ? Une étude étant une entreprise comme une autre, cette activité sera-t-elle rentable pour le « répartiteur » ?

La rémunération du commissaire de justice, instrumentaire et répartiteur, est envisagée par l’introduction de sept actes et formalités, et partant, émoluments afférents. Les émoluments envisagés allant de 27,66 euros à 32,98 euros, selon l’acte ou la formalité accomplie. Cette rémunération est-elle de nature à inciter à la mise en œuvre de cette voie d’exécution ? Suffira-t-elle à être rentable ? Pas sûr.  

À titre purement indicatif, en prenant en compte des prestations existantes assez proches des prestations envisagées dans le cadre de la nouvelle procédure de saisie des rémunérations, les tarifs pourraient être les suivants, à lire l’étude d’impact :

Prestation envisagée

Prestation similaire

Tarif potentiel

Commandement de payer aux fins de saisie des rémunérations

Commandement de payer et dénonciation au débiteur de l'acte de conversion en saisie-vente de la saisie conservatoire des droits d'associé et des valeurs mobilières

27,66 €

Procès-verbal de saisie des rémunérations

Procès-verbal d'offres réelles

32,98 €

Procès-verbal d'accord

Signification du procès-verbal de saisie des rémunérations

Signification au tiers saisi du certificat de non-contestation

27,66 €

Dénonciation au débiteur du procès-verbal de saisie des rémunérations

Dénonciation au débiteur de la saisie-vente pratiquée entre les mains d'un tiers détenteur

32,98 €

Formalité de publication de la procédure sur le registre

Inscription, y compris radiation totale d'une inscription non périmée d'un acte de gages sur meubles corporels (prestation réalisée par les greffiers de tribunal de commerce)

Selon le montant de la créance en jeu, il est possible d'avoir des tarifs différents :

7,81 € (inférieur à 7 800 €),

16,72 € (de 7 800 € à 20 800 €), 50,16 € (supérieur à 20 800 €)

Signification du procès-verbal d'opposition

Signification au tiers saisi du certificat de non-contestation

27,66 €

Par ailleurs, que se passera-t-il en l’absence de répartiteurs suffisants, voire d’abandon de mission par ceux-ci ?

Ces questions restent sans réponse à cet instant. 

Qu’en est-il du coût de cette procédure ?

L’étude d’impact précise : « A contrario, le transfert de la mission vers les commissaires de justice pourrait conduire à une augmentation des frais de justice dépendant de la tarification et du mode de prise en charge retenu, étant néanmoins indiqué que la réforme, qui inscrit les saisies des rémunérations dans le droit commun, suppose en principe que les frais inhérents à l'intervention des commissaires de justice sont à la charge finale du débiteur. Cette augmentation serait en tout état de cause moindre que les économies envisagées. » [3]

En d’autres termes, d’une part, les frais de procédure seront vraisemblablement plus importants que sous l’empire de l’actuelle procédure, du fait de l’apparition d’émoluments dus aux commissaires de justice instrumentaire et répartiteur.

D’autre part, il faut retenir le cynisme des auteurs de cette étude qui considèrent que, fort heureusement, cette augmentation des frais de procédure, in fine supportés par le débiteur (NDLA : ce qui est une simple application d’un principe général de procédure civile), ne sera pas aussi importante que les économies envisagées.

Autre interrogation : le transfert des fonds des régies des greffes vers les commissaires de justice répartiteurs. Le décret précise que les sommes perçues par les greffes jusqu’au 30 juin 2025 seront reversées aux commissaires de justice au 1er octobre 2025 au plus tard.

De quels moyens matériels et humains disposent les greffes pour y parvenir ?

Sur ce point, l’étude d’impact précitée reste silencieuse, que ce soit tant sur le plan humain que matériel. Cela interroge nécessairement, le transfert des fonds devant intervenir au plus tard quelques semaines après la fin des congés estivaux. Les greffes recevront évidemment des instructions en temps et en heure. Reste à savoir à quel moment. En tout état de cause, il est difficile d’imaginer des renforts humains dans les régies, sans parler de l’aspect matériel et surtout logiciel (énorme point noir de l’institution judiciaire avec des applicatifs dignes de Windows 95). Comment seront réalisés ces transferts de fonds ? En bloc, dossier par dossier ? Ce détail peut être source d’inquiétudes pour les commissaires de justice qui devront traiter ce flux de versements dont on ignore tout quant à ces modalités de mise en œuvre à cet instant.

Autre crainte tirée des statistiques de la procédure de saisie des rémunérations : Il s’agit d’un contentieux de masse qui représentait « sur l'ensemble du territoire national 123 739 requêtes en 2017, 121 335 en 2018 et 124 513 en 2019. A cela s'ajoutent les incidents de saisie. Ainsi, les requêtes en intervention de créanciers tiers étaient au nombre de 44 244 en 2017, 42 983 en 2018 et 43 197 en 2019. Les ordonnances de contraintes délivrées à l'encontre des tiers saisis s'élevaient à 1 364 en 2017, 1 465 en 2018 et 1 495 en 2019. Enfin, les contestations des mesures en cours d'exécution représentaient 1 845 dossiers en 2017, 2 092 en 2018 et 2 181 en 2019 » [4].

Par ailleurs, l’étude d’impact annonce « que les mesures législatives ont [auront] un impact procédural neutre pour les débiteurs puisque les dispositions ne modifient pas substantiellement les modalités de mise en œuvre de la procédure de saisie des rémunérations. En revanche, elles auront un impact très favorable pour les créanciers qui pourront obtenir la mise à exécution plus rapidement de leur titre exécutoire qu'aujourd'hui. » [5]

Or, sans faire de quelconque procès d’intention, cette nouvelle procédure risque d’être facilement détournée pour recouvrer des créances prescrites. Il n’est pas rare de voir une certaine typologie de créanciers, qui achètent en masse des créances douteuses et litigieuses pour trois fois rien, de poursuivre l’exécution de créances prescrites.

La disparition du juge (et de facto de l’avocat), dans un premier temps au travers de la suppression de la requête introductive, pourrait alors être vue comme une porte ouverte en grand pour le recouvrement des créances prescrites.

Le commissaire de justice chargé de délivrer le commandement de payer initiant cette voie d’exécution devra-t-il, avant d’instrumenter, contrôler l’éventuelle prescription de la créance ; sans parler des intérêts réclamés sur plus de dix ans parfois ? La tentation de recourir à cette voie d’exécution, avec un risque de contestation apparaissant à première lecture amoindri, semble pourtant inéluctable et terriblement dangereuse pour le débiteur, souvent en détresse et en situation de « laisser faire » préférant subir que vérifier, avant même de contester.

Continuons avec une nouveauté : le recours à la médiation intégrée à un commandement de payer. Chose étrange, potentiellement contradictoire.

En quoi consistera un éventuel accord de médiation ? Classiquement, l’accord suppose des concessions réciproques. Qu’en sera-t-il notamment des accords reposant sur des créances prescrites et d’un débiteur qui n’aura été éclairé par personne sur ses droits ?

Le débiteur pourra-t-il prétendre à la protection dégagée de l’arrêt de la 1re chambre civile du 29 janvier 2025, n° 23-21.150 N° Lexbase : A39006SA, qui introduit un contrôle judiciaire renforcé sur l’équilibre des concessions, fondé sur l’examen de l’avantage manifestement excessif ? Seul l’avenir nous le dira.

Autre point important lié au volet numérique de cette nouvelle procédure : La sécurisation des données hautement sensibles du débiteur

Un avis de la CNIL est attendu d’ici juin 2025 sur cette question.

Face à la recrudescence des fraudes cyber en tous genres, gageons que ces données hautement sensibles seront véritablement protégées, mais également accessibles. Il n’est pas envisageable d’être confrontés à des serveurs sous-dimensionnés, comme souvent dès lors qu’il s’agit des services de l’État. Par ailleurs, il est à espérer que ces données se cantonneront au strict minimum, comme l’a demandé le Conseil constitutionnel, afin de garantir le respect de la vie privée du débiteur ; la mise en œuvre d’une voie d’exécution ne constituant pas un blanc-seing pour récolter et potentiellement diffuser n’importe quelle information.

Qu’en est-il de la sécurité des transferts de fonds entre greffes et commissaires de justice répartiteurs ? Certes les fonds ne vont pas transiter par la route, en convois de 33 tonnes. Pour autant, à l’instar du traitement des données hautement sensibles des débiteurs, comment le transfert des fonds sera-t-il sécurisé ? Les fraudes diverses et variées, les vulnérabilités, allant grandissantes (NDLA : rappelons que la Caisse des dépôts et consignations a été très récemment victime d’une cyberattaque et que des données ont été siphonnées), quel process a été envisagé pour assurer la sécurité des transferts ?

Et l’employeur dans tout ça ? Cette nouvelle procédure impose une interopérabilité entre le registre des saisies et les logiciels de paie pour le 1er juillet 2025. L’employeur devra également répondre à l’acte de saisie par le calcul, sous sa responsabilité de facto, de la quotité saisissable via le barème 2025 et verser les fonds au commissaire répartiteur.

Il s’agit donc pour l’employeur de supporter de nouvelles contraintes, notamment financières, ainsi qu’une nouvelle responsabilité puisqu’il encourt tout de même une peine d’amende jusqu’à 3750 euros en cas de non-respect du barème, ou encore en cas de transmission excessive de données personnelles du débiteur.

Faire supporter la décharge des juridictions aux entreprises apparaît également critiquable.

Gardons à l’esprit que cette réforme est justifiée par un souci de libérer du temps aux magistrats et greffes, ce qui est louable, mais aussi et surtout par des considérations budgétaires.

Ce transfert de « charge de la procédure » au bénéfice des commissaires de justice n’est-il pas un trompe-l’œil permettant à l’État de se débarrasser d’un fardeau plus qu’une véritable avancée procédurale ?

VIII. Que retenir de cette réforme ?

La réforme de la saisie des rémunérations est annoncée comme une évolution majeure dans le domaine des procédures civiles d'exécution. En simplifiant et en modernisant cette procédure, le législateur vise à la rendre plus efficace et plus attractive, tout en maintenant un équilibre entre les droits des créanciers et la protection des débiteurs.

On notera notamment une forme d’hybridation de la procédure, une combinaison surprenante d’un commandement de payer contenant une incitation à la recherche d’issue amiable à la procédure dans les conditions posées à l’article R. 212-1-6 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L4072MSM.

La réussite de cette réforme dépendra de plusieurs facteurs : la formation adéquate des acteurs concernés, l'adaptation des outils informatiques, la sécurisation des données personnelles ainsi que la capacité à maintenir les garanties juridiques pour les débiteurs, malgré la déjudiciarisation partielle de la procédure.

L'entrée en vigueur de cette réforme, prévue le 1er juillet 2025, marquera le début d'une nouvelle ère pour la saisie des rémunérations. Son impact réel sur l'efficacité du recouvrement des créances et sur la protection des débiteurs ne pourra être pleinement évalué qu'après plusieurs mois, voire années, de mise en pratique. Il sera donc crucial de suivre attentivement son déploiement et ses effets pour s'assurer qu'elle atteint ses objectifs sans créer de nouvelles difficultés imprévues.

Gardons toujours à l’esprit que cette refonte est justifiée par les besoins d’une simplification et surtout d’une rationalisation économique de la procédure de saisie des rémunérations.

Gageons qu’il ne s’agira pas uniquement d’une économie, à hauteur de 9,1 millions d’euros estimés et/ou espérés par an, faite par une institution judiciaire à court de budget et sous l’eau, au détriment du débiteur, et au passage des commissaires de justice, auquel cas elle fera bien des déçus.

Un premier bilan est prévu au 31 décembre 2025.

Un peu prématuré ?

Que sera, sera.

 

[1] Première Ministre, Étude d’impact : Projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027, mai 2023, 4.2.3. Impacts budgétaires, p. 331 [en ligne].

[2] Première Ministre, Étude d’impact : Projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027, mai 2023, 4.2.3. Impacts budgétaires, p. 331, précitée.

[3] Première Ministre, Étude d’impact : Projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027, mai 2023, 4.2.3. Impacts budgétaires, p. 331, précitée.

[4] Première Ministre, Étude d’impact : Projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027, mai 2023, 1.1.1. La saisie des rémunérations, p. 324, précitée.

[5] Première Ministre, Étude d’impact : Projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027, mai 2023, 4.6. Impact sur les particuliers, p. 333, précitée.

newsid:491886

Voies d'exécution

[Observations] Rappel : l’opposabilité du bail en saisie immobilière, attention danger !

Réf. : Cass. civ. 2, 16 janvier 2025, n° 21-17.794, F-B N° Lexbase : A51806QW

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N1898B3P

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par Aude Alexandre, avocat associé AARPI Trianon Avocats, secrétaire-adjoint de l’AAPPE, membre du comité scientifique de la revue Lexbase Contentieux et Recouvrement

Le 26 Mars 2025

Mots-clés : saisie immobilière • commandement valant saisie • adjudication • opposabilité bail • adjudicataire

L'opposabilité du bail consenti postérieurement à la délivrance du commandement valant saisie immobilière n’a, contre toute attente, pas fini d'occuper la 2e chambre civile. Si la question de son opposabilité est en principe clairement traitée par les dispositions de l'article L 321-4 du Code des procédures civiles d'exécution N° Lexbase : L5876IR3, les dispositions du Code civil restreignent incontestablement la portée de la règle d'ordre public.


 

Les faits de l’espèce

Un commandement valant saisie immobilière a été délivré en 1994, sous l'empire des règles gouvernant l'ancienne procédure de saisie immobilière. La procédure diligentée en l'espèce a vraisemblablement connu moult péripéties puisque l'adjudication n’intervient que près de 20 ans plus tard, le 11 octobre 2012.

Postérieurement à la délivrance du commandement et alors que la procédure de saisie immobilière était en cours, plusieurs baux sont consentis sur l'immeuble saisi en date du 1er janvier 2001.

Pour ne rien simplifier, l’un de ces baux portant sur un fonds de commerce à l'occasion de la procédure collective du preneur fait l'objet d'une cession sur autorisation du juge-commissaire à la demande du liquidateur judiciaire.

Au surplus, un contrat de location-gérance est consenti par l’un des preneurs.

Antérieurement à l’adjudication, le créancier poursuivant assigne en nullité des baux consentis sur l'immeuble.

L'adjudicataire intervient volontairement à l'instance, ce dernier ayant naturellement tout intérêt à agir postérieurement à l'adjudication et voir prononcer la nullité desdits baux.

Par jugement du 9 avril 2018, le tribunal de grande instance de Grasse déboute l’adjudicataire de sa demande de nullité des baux.

L'adjudicataire interjette naturellement appel de ladite décision par arrêt rendu en date du 8 avril 2021 (Aix-en-Provence, 8 avril 2021, n°18/08818 N° Lexbase : A87204NB). La cour d'appel d’Aix-en-Provence infirme le jugement qui lui était déféré, prononce la nullité des baux et ordonne l'expulsion des locataires.

L'un des locataires qui ne l'entendait pas de cette oreille forme pourvoi à l'encontre dudit arrêt.

La deuxième chambre casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt rendu par la cour d'appel d’Aix-en-Provence le 8 avril 2021 après avoir rappelé, au visa des dispositions des articles 1743 du Code civil N° Lexbase : L1791IE3 et 684 de l'ancien Code de procédure civile applicable en l'espèce, que « le bail, même conclu après la publication d'un tel commandement, est opposable à l'adjudicataire qui en a eu connaissance avant l'adjudication. »

Cette position désormais constante de la Haute juridiction rappelle incontestablement aux praticiens de la matière qu'il convient d'agir avec la plus grande célérité dans l'hypothèse où un bail serait consenti après le commandement valant saisie afin de préserver les droits de l'adjudicataire, mais également afin de ne pas décourager les amateurs potentiels.

I. Le principe : L’inopposabilité du bail au poursuivant et à l’adjudicataire après l’acte de saisie

Dans l'actuelle procédure de saisie immobilière que nous connaissons, la signification du commandement valant saisie immobilière au débiteur rend l'immeuble indisponible. Cette signification restreint immédiatement les droits d'administration et de jouissance à l'égard du saisi.

En conséquence, ce dernier n'est plus en mesure d’aliéner l’immeuble saisi ni de le grever de droits réels (CPC exéc., art. L.321-2 N° Lexbase : L5874IRY).

Afin de préserver les créanciers comme l'adjudicataire de manœuvres du saisi susceptibles d'affecter la valeur vénale de l'immeuble, de décourager les amateurs de venir porter les enchères en raison d’une incertitude sur les conditions de l’occupation du bien, l'article L. 321-4 du Code des procédures civiles d'exécution N° Lexbase : L5876IR3 précise que les baux qui seraient consentis par le débiteur après que lui ait été signifié le commandement valant  saisie, sont inopposables aux créanciers poursuivants, comme à l'acquéreur.

Toutefois, afin de ne pas préjudicier aux intérêts des tiers de bonne foi qui pourraient se trouver dans les lieux, la preuve de l'antériorité du bail peut être faite par tout moyen.

L'inopposabilité de principe posée à l'article L 321-4 du Code des procédures civiles d'exécution a donc avant tout pour dessein à la fois de protéger le créancier poursuivant et l'adjudicataire, tout en décourageant le saisi d’altérer significativement la valeur de l'immeuble.

Cette protection encadrait également l'ancienne procédure de saisie immobilière puisqu’aux termes de l'article 684 de l'ancien code de procédure civile, applicable à l'arrêt commenté en l'espèce, le sort des baux n'ayant pas acquis date certaine avant le commandement valant saisie immobilière pouvaient être annulés, et ceux postérieurs au commandement devaient l'être, si dans l'un ou l'autre cas, les créanciers ou l'adjudicataire le demandaient.

Si « un bail peut valoriser l'immeuble saisi et donc favoriser sa vente auprès d'investisseurs opérant en connaissance de cause » [1], encore faut-il que ce bail soit donné en toute bonne foi à des preneurs solvables dans des conditions financières satisfaisantes au regard de la valeur locative de l'immeuble.

Dans l’arrêt commenté en l'espèce, le locataire, demandeur au pourvoi, fondait sa demande d'annulation au visa des dispositions de l'article 321-4 du Code des procédures civiles d'exécution et soutenait l'opposabilité du bail consenti à son profit à l'adjudicataire qui en avait eu connaissance avant l'adjudication.

La 2e chambre civile rectifie sans surprise le fondement juridique et casse l’arrêt qui lui était déféré, au visa de l'article 684 de l'ancien Code de procédure civile, s’agissant d’une ancienne procédure de saisie immobilière et de l'article 1743 du Code civil.

2. Une géométrie variable : la connaissance dudit bail avant l’audience d’adjudication

Nonobstant, ces dispositions spécifiques protectrices d'ordre public, la Cour de cassation rappelle de longue date que dès lors que l’adjudicataire aura eu connaissance du bail consenti postérieurement à l'acte de saisie avant l’audience d’adjudication, il ne pourra bénéficier de l'inopposabilité de principe érigée en matière de saisie immobilière [2].

Une solution similaire avait également été dégagée en matière de vente volontaire [3].

Cette position de principe s'est construite à la faveur des dispositions de l'article 1743 du Code civil qui dispose que « [s]i le bailleur vend la chose louée, l'acquéreur ne peut expulser le fermier, le métayer ou le locataire qui a un bail authentique ou dont la date est certaine. Il peut, toutefois, expulser le locataire de biens non ruraux s'il s'est réservé ce droit par le contrat de bail. »

Pour la Cour de cassation, les règles civilistes générales du contrat de louage prédominent donc sur les règles sui generis du Code des procédures civiles d'exécution.

Cette position permet de protéger le preneur de bonne foi, mais n'est pas sans conséquence pour l'adjudicataire qui pourra donc se voir opposer une situation d'occupation sur laquelle il n'aura en réalité aucune maîtrise, ni aucune certitude quant à la solvabilité de son locataire.

Il ne peut en effet être exclu qu'un bail serait conclu seulement quelques jours ou quelques semaines avant l'audience d'adjudication sans que le futur adjudicataire ne soit in fine en mesure de s'assurer que le bail qui lui sera opposé est régulier et que le locataire est bien en capacité financière de s'acquitter de ses loyers.

Si le créancier poursuivant peut choisir de ne pas poursuivre l’inopposabilité du bail avant l’audience d’adjudication en mettant simplement en œuvre l’opposition au paiement des loyers, qui s’agissant des fruits seront distribués avec le prix d’adjudication, le risque demeurera majeur pour l’adjudicataire.

En effet, si ce dernier peut directement, à la faveur du jugement d'adjudication, poursuivre l’expulsion à l'égard du saisi par application des dispositions de l'article L.322-13 du Code des procédures civiles d’exécution, il n’en sera pas de même à l’égard du preneur qui disposera d’un droit régulier d’occupation.

Dans cette hypothèse, l’adjudicataire qui aurait eu connaissance d’un bail conclu entre la délivrance du commandement et l’audience d’adjudication se verra donc contraint d'obtenir judiciairement la résiliation du bail en cas de non-paiement des loyers et que soit ordonnée l'expulsion du locataire indélicat, rallongeant d'autant l'expulsion à intervenir.

Il est certain qu'une telle incertitude quant aux délais inhérents à une telle procédure se reportera in fine sur le prix d'adjudication.

Il est à noter que ce risque est à considérer avec la plus grande prudence puisque la deuxième chambre est, par un arrêt n° 18-19.174 du 27 février 2020 N° Lexbase : A49673G3, venue préciser que cette connaissance préalable du bail par l’adjudicataire ne pouvait interdire la reconduction tacite d'un bail antérieurement conclu, considérant que « la délivrance d'un commandement valant saisie immobilière n'interdit » ni l'une ni l'autre.

Il incombe donc aux praticiens de mesurer avec justesse le risque pesant sur leurs clients adjudicataires en fonction des informations contenues au cahier des conditions de vente, au titre de leur devoir de conseil.

Afin de sécuriser les intérêts des parties, il incombe au créancier poursuivant d'agir avec célérité dans l'hypothèse où il serait informé qu'un bail aurait été conclu après la délivrance du commandement valant saisie et avant l’audience d’adjudication, en élevant un incident devant le juge de l'exécution en charge de la procédure de saisie immobilière afin de voir jugée l'inopposabilité du bail, et ce, avant l'audience d'adjudication.

Cette solution, parfaitement conforme aux dispositions de l'article L. 213-6, al. 3 du Code de l'organisation judiciaire N° Lexbase : L7740LPD aux termes desquelles le juge de l'exécution connait de la « procédure de saisie immobilière, des contestations qui s'élèvent à l'occasion de celle-ci et des demandes nées de cette procédure ou s'y rapportant directement [...] » devra être initiée par voie de conclusions signifiées par exploit de commissaire de justice au saisi qui n’aurait pas constitué avocat (CPC exéc., art.  R.311-6 N° Lexbase : L9456LTE), et sera seule de nature à garantir l’adjudicataire des risques précités.

 

[1] N. Cayrol, L’opposabilité au créancier du bail de l’immeuble saisi, RTD civ., 2021, p. 200.

[2] Cass. civ. 3, 15 janvier 1976, n° 74-13.676 N° Lexbase : A5106CHL : RTD civ., 1976, 794, obs. G. Cornu ; Cass. civ. 3, 23 mars 2011, n° 10-10.804, FS-P+B N° Lexbase : A7712HIH : note C. Juillet, Le redoutable droit de suite du locataire de l’immeuble saisi, D., juin 2011, n° 23, p. 1596 ; AJDI, 2011, 785, obs. N. Damas ; RDBF, 2011, n° 104, obs. S. Piédelièvre ; RDC, 2011, 896, obs. J.-B. Seube ; Cass. civ. 3, 9 juin 2016, n° 15-10.595, F-D N° Lexbase : A6950RS9 : AJDI, 2016, 859, obs. F. de La Vaissière.

[3] Cass. civ. 3, 20 juillet 1989, n° 88-13.413 N° Lexbase : A7817AGM : AJDI, 1990, 20 ; RTD civ., 1990, 101, obs. P. Rémy ; Defrénois, 1990, 494, obs. G. Vermelle.

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Voies d'exécution

[Brèves] L’absence de signature de l’huissier de justice sur un acte signifié est un vice de forme !

Réf. : Cass. civ. 2, 6 février 2025, n° 22-19.586, F-B N° Lexbase : A60626TP

Lecture: 3 min

N1798B3Y

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par Alexandre Autrand, doctorant, Université de Limoges, école doctorale Gouvernance des Institutions et des Organisations, Observatoire des Mutations Institutionnelles et Juridiques

Le 26 Mars 2025

La Cour de cassation rappelle sa jurisprudence au sujet de l’absence de signature de l’huissier de justice sur un acte signifié (V. Cass. civ. 2, 15 janvier 2009, n° 08-11.446 N° Lexbase : A3552ECK). Elle considère que le défaut de signature d’un huissier de justice, sur un acte signifié par un clerc assermenté est un vice de forme qui est susceptible d’entraîner la nullité de l’acte, uniquement si un texte prévoit cette sanction, et si le débiteur démontre l’existence d’un grief.

Faits et procédure. Le 7 juillet 2020, Mme D. se voit signifier par la Banque CIC Ouest, un commandement aux fins de saisie-vente, puis un procès-verbal de saisie-vente est établi le 23 septembre 2020. À la suite de ces actes, Mme D. décide d’assigner son créancier par-devant le juge de l’exécution d’un tribunal judiciaire, en annulation du commandement aux fins de saisie-vente et en mainlevée de cette mesure. Après une décision de première instance, un appel est interjeté devant la cour d’appel d’Orleans, qui statue sur ce recours dans un arrêt du 18 mai 2022 (CA Orléans, 18 mai 2022, n° 21/02825 N° Lexbase : A43977X7). Au regard de la décision des juges orléanais, le créancier décide de formuler un pourvoi en cassation.

Pourvoi / Appel. Le demandeur au pourvoi fait grief à l’arrêt de prononcer la nullité du commandement aux fins de saisie-vente et du procès-verbal de saisie-vente, ainsi que d’ordonner la mainlevée de la saisie. Le créancier affirme tout d’abord que l'article 7 de la loi du 27 décembre 1923, relative à la suppléance des huissiers blessés et à la création des clercs assermentés N° Lexbase : C29517BW, prévoit qu’en cas de signification par un clerc assermenté, l’acte doit être signé par l’huissier de justice. Ensuite, le demandeur au pourvoi affirme que l’omission de la signature préalable de l’huissier de justice sur l’acte à signifier constitue un vice de forme. Or, les juges d’appel considèrent que le non-respect de l'article 7 de la loi du 27 décembre 1923 est un vice de fond, qui n’est pas subordonné à la démonstration d’un grief. En statuant ainsi, le créancier considère que les juges orléanais ont violé l’article 114 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1395H4G et l'article 7 de la loi du 27 décembre 1923.

Solution. Au visa des articles 114 du Code de procédure civile et 7 de la loi du 27 décembre 1923, la Cour de cassation approuve l’argumentation de la Banque CIC Ouest. Après avoir rappelé la substance de ces articles, et le raisonnement de la cour d’appel, la Haute juridiction considère que le défaut de signature préalable par un huissier de justice de l’acte signifié par un clerc assermenté est un vice de forme. De ce fait, cette irrégularité ne peut entraîner la nullité de l’acte signifié uniquement si cette sanction est prévue par la loi, et si le débiteur démontre l’existence d’un grief.  

 

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Voies d'exécution

[Brèves] La radiation du rôle de l’appel n’empêche pas de solliciter l’arrêt de l’exécution provisoire !

Réf. : Cass. civ. 2, 6 mars 2025, n° 22-23.093, F-B N° Lexbase : A4421637

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N1848B3T

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par Alexandre Autrand, doctorant, Université de Limoges, école doctorale Gouvernance des Institutions et des Organisations, Observatoire des Mutations Institutionnelles et Juridiques

Le 26 Mars 2025

La Cour de cassation rappelle sa jurisprudence au sujet de l’articulation entre la radiation de l’affaire et la demande d’arrêt de l’exécution provisoire (V. Cass. civ. 2, 9 juillet 2009, n° 08-13.451 et n° 08-15.176 N° Lexbase : A7277EID). Elle considère que la radiation du rôle de l’affaire par un conseiller de la mise en état, en raison de l’inexécution par l’appelant de la décision attaquée, ne fait pas obstacle à ce que soit prononcé, postérieurement à cette sanction, l’arrêt de l’exécution provisoire.

Faits et procédure. M. G a interjeté appel du jugement d’un tribunal d’instance, qui est assorti de l’exécution provisoire. Au sein de cette décision, M. G a été condamné à verser des sommes à M. et Mme O. Par une ordonnance du 9 février 2021, un conseiller de la mise en état de la cour d’appel, a ordonné la radiation du rôle de l’affaire, en raison de l’inexécution de la décision de première instance par M. G. Le 4 novembre 2021, l’appelant a sollicité auprès du premier président de la cour d’appel, l’arrêt de l’exécution provisoire attachée au jugement pour lequel il a formulé un appel. Or, dans une ordonnance du 15 février 2022, le premier président refuse de faire droit à cette demande. M. G décide alors d’attaquer cette décision auprès de la Cour de cassation.

Pourvoi / Appel. Le demandeur au pourvoi fait grief à l’ordonnance de déclarer irrecevable, sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire attachée au jugement, qui le condamne à verser des sommes à M. et Mme O. Selon M. G, la radiation du rôle de l’affaire ne fait que suspendre l’instance, et elle ne fait pas obstacle à l’arrêt de l’exécution provisoire, dans les conditions prévues par l’article 524 du Code de procédure civile N° Lexbase : L2379MLP. Or, dans son ordonnance, le premier président considère que la demande d’arrêt de l’exécution provisoire est sans objet, lorsqu’elle intervient après que le conseiller de la mise en état ait décidé de radier du rôle l’affaire, en raison de l’inexécution par l’appelant de la décision attaquée. En statuant ainsi, le demandeur au pourvoi considère que le premier président a méconnu ses pouvoirs et qu’il a violé l’article 524 du Code de procédure civile.

Solution. Au visa des articles 524 et 526 N° Lexbase : L7263LEQ du Code de procédure civile, dans leur rédaction antérieure au décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, réformant la procédure civile N° Lexbase : L1923MYU, la Cour de cassation approuve l’argumentation de M. G. Après avoir rappelé la substance de ces articles et le raisonnement du premier président, la Haute juridiction précise que la radiation du rôle de l’affaire ne fait que suspendre l’instance. Dès lors, le prononcé de cette sanction, ne fait pas obstacle à ce qu’il soit ordonné ensuite, l’arrêt de l’exécution provisoire en application des dispositions de l’article 524 du Code de procédure civile.

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