Le Quotidien du 16 janvier 2025

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Droit pénal spécial

[Doctrine] La sidération dans les agressions sexuelles : une forme de contrainte ?

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N1476B33

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par Ségolène Simonnet, Docteure en droit privé, ATER à l’IUT Université Jean-Moulin Lyon 3

Le 16 Janvier 2025

Mots-clefs : sidération • agressions sexuelles • absence de consentement • surprise • contrainte

L’état de sidération d’une victime d’agressions sexuelles caractérise la contrainte dès lors que celle-ci est dans l’impossibilité de consentir à l’acte qu’elle subit, sans possibilité de fuir ou de se défendre.


 

La caractérisation de l’absence de consentement est la problématique centrale en matière d’agressions sexuelles. Cette démonstration est d’autant plus complexe qu’elle repose sur les agissements de l’auteur. Toutefois, elle dépend également des particularités de la victime et de son état, à titre d’illustration : la minorité, un endormissement ou un état de sidération.

Une décision récente consacre la notion de sidération dans les agressions sexuelles et semble la rattacher à la surprise [1]. En l’espèce, un oncle s’était livré à des attouchements sexuels sur sa nièce endormie puis réveillée, mais sidérée. La Cour de cassation valide l’argumentation délivrée par les juges de la cour d’appel en vertu de laquelle, l’absence de consentement de la victime se déduit de la surprise résultant de son endormissement et, ensuite, de l’état de sidération provoqué par la poursuite des actes de nature sexuelle lui ayant été infligés « en toute connaissance de cause » par le prévenu. Si la notion de surprise est au cœur de la décision, elle invite incidemment à s’intéresser à l’appréhension de l’état de sidération pour caractériser une agression sexuelle.

La surprise constitue un des éléments permettant de déceler l’absence de consentement nécessaire afin de caractériser l’infraction d’agressions sexuelles autres que le viol. La définition positive des agressions sexuelles prévoit que peuvent être qualifiées comme tel « toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ou, dans les cas prévus par la loi, commise sur un mineur par un majeur » en vertu de l’article 222-22 du Code pénal N° Lexbase : L2618L4Q. Ces quatre éléments, dont l’un seul d’entre eux suffit à caractériser l’infraction [2], permettent de démontrer que la victime n’a pas consenti à l’acte sexuel [3]. Ils sont communs à toutes les agressions sexuelles puisque cette qualification est entendue au sens large, incluant le viol ainsi que les agressions sexuelles autres que celui-ci. Il apparaît conformément à l’article 222-22 du Code pénal que « le défaut de consentement n’est donc pas pris en compte d’une manière générale. Il doit être prouvé dans des hypothèses particulières » [4].

Ainsi, « la difficulté pour le juge consiste à se demander dans quelle mesure le consentement de la victime a été capté, extorqué, trompé, surpris » [5] ou outrepassé et à rattacher le comportement de l’auteur à l’une des catégories suivantes : la violence, la menace, la contrainte ou la surprise, sous peine de voir sa décision censurée [6]. Si l’endormissement est traditionnellement rattaché à la surprise, la question de l’assimilation de la sidération à cette catégorie par la récente décision de la Cour de cassation [7], et subséquemment par la majorité des auteurs, interroge. La sidération qui signifie étymologiquement « action funeste des astres » [8], ou l’« “état de sidération” psychique se caractérise par une anesthésie physique et émotionnelle ; une incapacité totale à penser ou à se mouvoir, une incapacité à crier, se défendre ou fuir » [9]. De fait, « en cas d’exposition à un grand danger, le cerveau active spontanément des procédures d’urgence en vue de permettre au sujet d’assurer sa propre survie : fuir, se battre … ou ne rien faire » [10]. Telles sont les conséquences, en effet funeste, de l’état de sidération.

Dès lors, il est possible de se questionner sur l’appréhension de ce dernier dans la caractérisation de l’absence de consentement de la victime d’agressions sexuelles. Si cet état a été envisagé comme étant une forme de surprise, il s’avère possible d’envisager le rapprochement de celui-ci à une autre catégorie. Après la nécessaire distinction de la surprise et de la sidération (I), il semble davantage opportun de rattacher cette dernière à la contrainte (II).

I. La nécessaire distinction de la sidération et de la surprise

Il convient tout d’abord de définir la surprise. Cette dernière qui ne s’entend pas comme « la surprise exprimée » par la victime, qui « tomb[erait] des nues » [11], a été reconnue dans des hypothèses très restreintes. Tel est le cas, lorsqu’une personne s’introduit dans un lit conjugal obtenant de ce fait une relation sexuelle, car l’« épouse avait cru que l'auteur de la pénétration était son époux de retour » [12]. La surprise est également caractérisée en présence de « l'emploi d'un stratagème destiné à dissimuler l'identité et les caractéristiques physiques de son auteur pour surprendre le consentement d'une personne et obtenir d'elle un acte de pénétration sexuelle » [13]. Elle a en outre été retenue en raison d’une absence de conscience des faits [14] ou du très jeune âge des victimes « qui les rendait incapables de réaliser la nature et la gravité des actes qui leur étaient imposés » [15]. Précisons que dans cette décision de 2005, les juges n’ont pas vraiment tranché entre les deux catégories, ils visent « l’état de contrainte ou de surprise ». Il apparaît alors que la surprise intervient dans des hypothèses d’emploi de ruse, de stratagème ou lorsque l’auteur profite de l’impossibilité de l’individu de consentir de manière éclairée, car « la victime des actes sexuels, du fait de son état physique ou mental, ne peut en comprendre la nature et ne peut donc y consentir » [16]. Elle peut être retenue lorsque « la victime a certes consenti, mais ce consentement n’est pas juridiquement valable car il n’était pas lucide ou éclairé » [17]. Le consentement est « vicié » [18] par opposition au « consentement forcé » [19] dans les trois autres hypothèses : violence, menace et contrainte.

Or, sauf à l’identifier comme un « abus de vulnérabilité » de la victime [20], la sidération n’est pas provoquée par la surprise telle qu’usuellement définie par la Cour de cassation dans les infractions sexuelles. En effet, il apparaît que l’individu ne met pas en place « un procédé trompeur » [21], un stratagème pour ravir, surprendre le consentement de la victime, ni que la victime ne puisse comprendre la nature de l’acte. Il profite d’une réaction physique et psychique de la victime pour la soumettre à des actes sexuels. Le consentement n’est donc pas défaillant du fait de son absence « d’éclairage », il l’est, car il est impossible et contraint.

Notons toutefois que l’état de sidération peut être lié à la vulnérabilité de la victime, dont son très jeune âge, mais qu’il s’en distingue. Cet état semble provoqué par un traumatisme, un choc. Le corps ne répond plus, il se crispe. Il en résulte que le consentement n’est pas obtenu et que l’absence de consentement est dans l’impossibilité d’être verbalisé ou d’être activement manifesté sur le plan physique [22]. Ainsi, l’état de sidération s’éloigne des hypothèses où la surprise est traditionnellement admise, voire s’écarte de la ratio legis de la surprise qui « comporte une composante de déloyauté qui la singularise par rapport à la contrainte » [23]. Une déloyauté visant à surprendre le consentement, donc à obtenir un consentement qui n’est pas éclairé ou totalement libre.

Par ailleurs, le rattachement effectué par la Cour de cassation dans la décision du 11 septembre 2024 entre la surprise et la sidération semble découler des faits, puisque la victime était endormie avant de se réveiller et d’être en état de sidération. Or, cet état peut intervenir en dehors de tout endormissement, comme une réaction à l’atteinte subie par la victime. Par conséquent, si dans les faits ces deux états étaient consécutifs, il convient toutefois de les distinguer en raison de leur absence de corrélation de manière générale. En effet, la décision susmentionnée n’évoque l’état de sidération que de façon incidente. De plus, ce dernier peut survenir en dehors de l’hypothèse d’un endormissement.

En outre, concernant le consentement des très jeunes mineurs, c’est parce qu’il était « impossible » ou du moins non éclairé en raison de l’absence de possibilité de comprendre la nature des actes imposés, qu’il a été reconnu comme étant surpris avant de se voir rattaché franchement à la contrainte par la loi du 8 février 2010 [24]. Puis, le législateur a renoncé à effectuer un choix entre la contrainte et la surprise. Ainsi, la loi du 3 août 2018 N° Lexbase : L6141LLZ, modifiant notamment l’article 222-22-1 du Code pénal N° Lexbase : L2619L4R, indique que la contrainte ou la surprise peuvent résulter de la différence d’âge significative existant entre la victime mineure et l’auteur des faits et de l’autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur la victime, le terme « exerce » ayant été modifié par la loi du 21 avril 2021 [25]. La sidération semble suivre cette même trajectoire vacillante ou du moins fluctuante.

II. L’opportunité du rattachement de la sidération à la contrainte

Il apparaît toutefois que la sidération semblait à l’origine rattachée à la contrainte. Dans une décision du 3 mars 2021, la Cour de cassation avait confirmé la décision des juges du fond ayant retenu la contrainte en présence d’une personne pratiquant du « reiki » – une méthode thérapeutique japonaise traditionnelle – et qui avait « abusé de sa position de thérapeute pour exercer, sur sa patiente, des attouchements auxquels elle n’avait pas consenti, ce qui a été rendu possible par l’état de sidération dans lequel les faits dont elle a été victime l’ont plongée » [26]. Cette décision a par ailleurs été placée sous l’article 222-22 dans la catégorie de la contrainte dans le Code pénal édité par Dalloz [27], puis à la suite de la décision du 11 septembre 2024 une nouvelle catégorie autonome nommée « état de sidération » a été créée, tout en maintenant la décision du 3 mars 2021 dans la catégorie de la contrainte. Ainsi, la sidération est actuellement rattachée à la contrainte et à la surprise, comme l’était la contrainte morale résultant de la différence d’âge significative. Cette indication purement formelle, d’origine éditoriale et doctrinale, encourage le questionnement du rattachement de la sidération à la contrainte, et ce, d’autant plus que cette dernière « se distingue […] de la surprise en ce qu’elle est la marque de l’absence pure et simple de consentement de la victime » [28].

En vertu du premier alinéa de l’article 222-22-1 du Code pénal, la contrainte pouvant permettre de caractériser une agression sexuelle peut être physique ou morale. Si les alinéas suivants définissent la contrainte morale, aucune précision n’est apportée quant à la contrainte physique. Cette dernière « renvoie à l’exercice de la force physique pour obliger la victime à un acte auquel elle ne consent point » [29]. La jurisprudence a pu considérer que la contrainte physique était caractérisée par le fait de maintenir la tête d’une victime afin qu’elle exécute un acte sexuel [30]. Il s’agit d’une contrainte physique externe, qui est exercée par l’auteur sur la victime.

En outre, la contrainte est également étudiée au sein des causes de non-imputabilité de l’infraction et les développements qui y sont consacrés peuvent apporter quelques éclairages ou du moins quelques pistes de réflexion : « Les jurisconsultes distinguaient déjà la contrainte d’origine externe, physique ou morale, et la contrainte d’origine interne […]. Opprimant toujours identiquement la volonté, la contrainte présente deux formes : physique lorsqu’elle agit sur le corps de l’agent, elle devient morale lorsqu’elle pèse sur son esprit » [31]. La contrainte physique ne résultant pas d’un élément extérieur est interne. Cette dernière peut se définir comme une circonstance « non détachable de l’agent » [32]. La maladie ou la défaillance physique sont considérées comme constitutives de la contrainte physique interne envisagée sous le prisme de l’irresponsabilité subjective [33], donc en tant que cause de non-imputabilité. La sidération pourrait alors être considérée dans le cadre de la contrainte physique interne, puisqu’elle opère un blocage et prive la victime de sa capacité de résistance. Cette dernière est incapable physiquement de résister ou de manifester son consentement et la cause physique est d’origine biologique. La contrainte physique interne prouve nécessairement l’impossibilité de consentir à un acte de nature sexuelle de la victime, scellant l’intention de l’auteur d’outrepasser le consentement de la victime comme l’indique la décision du 21 septembre 2024 [34]. En effet, « la contrainte supprime la liberté » [35]. De plus, « la victime perd sa liberté de consentir à raison de la pression exercée par l’auteur » [36].

L’auteur exerce de surcroît une contrainte physique externe. En outrepassant le consentement de la victime, il la contraint à subir des actes de nature sexuelle qu’elle ne peut refuser ou auxquels elle ne peut échapper : il commet des actes positifs. Il semble alors opportun de rattacher la sidération à la contrainte : « La contrainte constitutive peut, en effet, ressortir de l’exploitation de la situation d’une personne qui n’est pas en mesure de s’opposer à l’acte sexuel voulu par l’agent, donc qui est confrontée à un acte qui lui est imposé » [37]. Ainsi, le rapprochement de l’état de sidération à la contrainte semble plus opportun et plus clair, dès lors que la victime est dans l’incapacité totale de consentir à l’acte et de s’en extirper, sa capacité de résistance étant réduite à néant. Cette distinction permet également de mieux redéfinir la frontière entre la contrainte et la surprise, frontière qui est souvent battue en brèche.

Au-delà, il est également possible de se demander si, à l’avenir, la sidération ne pourrait pas être détachée de la surprise ou de la contrainte, et être consacrée de façon autonome par le législateur. Une telle appréhension de la sidération serait d’autant plus envisageable, si le législateur décidait de modifier la définition actuelle des agressions sexuelles afin d’y inclure le terme « consentement » au titre des éléments constitutifs de l’infraction ou de redéfinir la notion d’absence de consentement, cette question étant au cœur de l’actualité en la matière.

 

[1] Cass. crim., 11 septembre 2024, n° 23-86.657, F-B N° Lexbase : A53365YB : A. Darsonville, Agression sexuelle par surprise : défaut de consentement et état de sidération, in Panorama rapide de l’actualité « Pénal » des semaines du 15 juillet au 9 septembre 2024, Dalloz actualité, 13 septembre 2024 [en ligne] ; P. Conte, Surprise par abus d’un état de sidération, Dr. pén., novembre 2024, n° 11, p. 16, comm. 182 ; P. Bonfils, Agression sexuelle : la surprise en cas de sommeil et de sidération de la victime, Dr. famille, novembre 2024, n° 12, p. 54, comm. 163 ; obs. R. Mésa, Agression sexuelle par surprise, mais sans stratagème, Gaz. Pal., octobre 2024, n° 32, p. 14 ; obs. S. Detraz, Le défaut de consentement dans le viol et dans le vol, Gaz. Pal., novembre 2024, n° 36, p. 58.

[2] Cass. crim., 30 septembre 1998, n° 97-86.532 N° Lexbase : A5758CKH : JCP, 1999, n° 4, 1361. V. A. Darsonville, « Viol », Rép. pén. Dalloz, février 2020, actualisation : octobre 2022, n° 24.

[3] V. not. : V. Malabat, Droit pénal spécial, Dalloz, coll. Hypercours, 10e éd., 2022, n° 326, p. 206.

[4] E. Dreyer, Droit pénal spécial, LGDJ Lextenso, coll. Manuels, 2e éd., 2023, n° 225, p. 146.

[5] X. Pin, Le consentement en droit pénal, thèse, LGDJ, coll. Thèses, t. 36, 2002, n° 210, p. 181.

[6] Cass. crim., 17 mars 1999, n° 98-83.799 N° Lexbase : A8430CHP : Y. Mayaud, Pas d'agression sexuelle sans violence, contrainte, menace ou surprise, D., 2000, n° 3, p. 32,  ; Dr. pén., 1999, 96, obs. Véron.

[7] Cass. crim., 11 septembre 2024, n° 23-86.657, précité.

[8] V.  « sidération », Dictionnaire de l’Académie française, site CNRTL [en ligne].

[9] M. Grenon, La sidération péritraumatique, Centre national de ressources et de résiliences, mai 2021 [en ligne].

[10] Idem.

[11] La Cour de cassation a cassé une décision ayant retenue que la jeune femme « était tombée des nues » après les avances poussées du prévenu, v. Cass. crim., 25 avril 2001, n° 00-85.467 N° Lexbase : A1203AWH : Dr. pén., 2001, 97, obs. Véron ; JCP, 2003, n°2, 100001, note Prothais ; Y. Mayaud, Le défaut de consentement en matière d'agressions sexuelles : précisions et rappels sur les notions de contrainte et de surprise, RSC, 2001, n° 4, p. 808.

[12] Cass. crim., 25 juin 1857 : Bull. crim., n° 240 ; S., 1857, 1, 711. Plus récemment, Cass. crim., 11 janvier 2017, no 15-86.680, F-P+B N° Lexbase : A0754S8G : Aggression sexuelle par surprise : erreur d’identification commise par la victime, D., janvier 2017, n° 4, p. 162 ; obs. S. Mirabail, Panorama : Droit pénal, D., décembre 2017, n° 43, p. 2501 ; Dr. pén., 2017, comm. 71, obs. Conte ; obs. S. Detraz, Agressions sexuelles : mauvaise surprise, Gaz. Pal., avril 2017, n° 16, p. 45.

[13] Cass. crim., 23 janvier 2019, n° 18-82.833, FS-P+B N° Lexbase : A3070YUA : E. Dreyer, Viol par tromperie sur l'apparence, D., février 2019, n° 6, p. 361 ; A. Darsonville, Précisions sur la définition du viol par surprise, AJ pénal, 2019, 153 ; Y. Mayaud, La relation sexuelle, une relation intuitu personae !, RSC, 2019, p. 88.

[14] Cass. crim., 24 novembre 2021, n° 21-80.968, F-D N° Lexbase : A51187DW : Dr. pén., 2022, n° 1, comm. 1, obs. Conte.

[15] Cass. crim., 7 décembre 2005, n° 05-81.316, FS-P+F+I N° Lexbase : A1215DMX : D., 2006, p. 175, obs. Girault ; D., 2006, Pan., p. 1655, obs. Garé ; AJ pénal, 2006, 81 ; Dr. pén., 2006, 31, obs. Véron ; RSC, 2006, 319, obs. Y. Mayaud.

[16] V. Malabat, Infractions sexuelles, Rép. pén. Dalloz, octobre 2002, actualisation : septembre 2024, n° 34.

[17] J.-C. Saint-Pau, L’agression sexuelle par surprise, in Mélanges en l’honneur du professeur Bernard Teyssié, Paris, Lexis Nexis, 2019, p. 531. L’auteur rapproche par ailleurs la surprise de la « théorie civile du dol ».

[18] E. Dreyer, Droit pénal spécial, LGDJ Lextenso, coll. Manuels, 2e éd., 2023, p. 147.

[19] J.-C. Saint-Pau, L’agression sexuelle par surprise, in Mélanges en l’honneur du professeur Bernard Teyssié, précité, p. 531 ; E. Dreyer, Droit pénal spécial, précité, p. 147.

[20] V. not. : J.-C. Saint-Pau, L’agression sexuelle par surprise constituée par l’exploitation de la vulnérabilité de la victime, JCP G., 2024, n°43-44, nous soulignons p. 1778-1781. Notons que la notion d’« abus de vulnérabilité » a été consacrée par le législateur par la loi n° 2018-703, du 3 août 2018 N° Lexbase : L6141LLZ, C. pén., art. 222-22-1, al. 3 N° Lexbase : L2619L4R, cependant le texte vise les victimes mineures de 15 ans. En outre, le texte dispose que l’abus de la vulnérabilité de la victime peut permettre de caractériser indistinctement la contrainte ou la surprise.

[21] V. Malabat, Droit pénal spécial, Dalloz, coll. Hypercours, 10e éd., 2022, n° 326, p. 206.

[22] M. Grenon, La sidération péritraumatique, Centre national de ressources et de résiliences, précité.

[23] P. Conte, Surprise par abus d’un état de sidération, Dr. pén., novembre 2024, n° 11, p. 16. Notons toutefois que l’auteur semble préférer la surprise en raison de la déloyauté de l’auteur.

[24] Loi n° 2010-121, du 8 février 2010, tendant à inscrire l’inceste dans le code pénal et à améliorer la détection et la prise en charge des victimes d’actes incestueux N° Lexbase : L5319IG4.

[25] Loi n° 2021-478, du 21 avril 2021, visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste N° Lexbase : L2442L49. Par ailleurs, cette loi a créé de nouvelles infractions d’agressions sexuelles détachées de la nécessité de démontrer l’absence de consentement pour les mineurs de 15 ans : C. pén., art. 222-23-1 N° Lexbase : L2624L4X et 222-29-2 N° Lexbase : L2631L49, ou pour les mineurs de 18 ans en cas d’inceste : C. pén., art. 222-23-2 N° Lexbase : L2621L4T, et 222-29-3 N° Lexbase : L2628L44.

[26] Cass. crim., 3 mars 2021, n° 19-87.139, F-D N° Lexbase : A00464KW : Gaz. Pal., 2021, 1567, obs. E. Dreyer.

[27] C. pén., sous art. 222-22 N° Lexbase : L2618L4Q, Dalloz, accessible en ligne, consulté le 29 novembre 2024.

[28] R. Mésa, Agression sexuelle par surprise, mais sans stratagème, précité, p. 16.

[29] A. Darsonville, Viol, Rép. pén. Dalloz, février 2020, actualisation : octobre 2022, n° 27.

[30] Cass. crim., 8 juin 1994, n° 94-81.376 N° Lexbase : A8745ABI.

[31] W. Jeandidier, Droit pénal général, Montchrestien, coll. Précis Domat, 2e éd., 1991, n° 356, p. 393.

[32] Y. Mayaud, Droit pénal général, PUF, coll. Droit fondamental, 7e éd., 2021, n° 483, p. 595-596.

[33] Cass. crim., 19 octobre 1922 : D. P., 1922, 1, 233, note Chesney, la contrainte physique interne a pu être retenue concernant le passager d’un train qui s’était endormi et qui avait de ce fait dépassé l’arrêt de chemin de fer où il devait descendre. 

[34] Cass. crim., 11 septembre 2024, n° 23-86.657, précité.

[35] J. Pradel, Droit pénal général, Cujas, 22e éd., 2019, n° 531, p. 462.

[36] J.-C. Saint-Pau, L’agression sexuelle par surprise constituée par l’exploitation de la vulnérabilité de la victime, JCP G., 2024, n° 43-44, p. 1780.

[37] R. Mésa, Agression sexuelle par surprise, mais sans stratagème, précité, p. 16.

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Actualité judiciaire

[Tribune] Un voyage de mille lieues commence toujours par un premier pas

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par Jean-Jacques Urvoas, ancien Garde des Sceaux, Professeur de droit public à l’Université de Brest

Le 08 Janvier 2025

Le commencement dit en général beaucoup de l’objectif. C’est pourquoi à partir des premiers pas de Gérald Darmanin, il est possible de dessiner ses ambitions pour le ministère dont il a maintenant la responsabilité.

Donner la priorité au pénal. « Mes objectifs [sont] les mêmes que ceux du peuple français, les mêmes que ceux des fonctionnaires du ministère de la Justice : détermination, sévérité et fermeté » [1], « Ma première solution, c'est de nettoyer les prisons françaises » [2], « Le but est de faire mal au narcobandits » [3]. À peine nommé, le ton est donné : la justice pénale sera sa préoccupation majeure.

Pourtant, c’est par le lent déclassement de la justice civile, « principal lieu de rencontre de la cité avec l’institution judiciaire » que débutait le rapport de clôture des États généraux de la Justice rendu en juillet 2022. Par la diversité des contentieux traités, ceux des affaires familiales, des conflits de voisinage ou commerciaux, ceux de la construction, des désordres bancaires ou encore les batailles de succession, cette justice du quotidien représente en effet 60 % de l’activité judiciaire. Or, ses « performances » ne cessent de se dégrader. En 2023 le nombre de ces procédures a augmenté de 8 % et leur délai moyen de traitement était de 12,1 mois.

Las, bien qu’elle soit omniprésente dans la vie de la société, la justice civile risque donc de continuer à rester invisible dans le débat public, entraînant de lourdes conséquences pour les citoyens concernés.

Privilégier le symbole. C’est ce que le Garde des Sceaux a lui-même baptisé « la technique de « l’appartement témoin » inspirée du domaine immobilier et voulant traduire « une démonstration par l'exemple ». Rien d’original puisqu’il ne s’agit que d’une reproduction de la méthode déclinée Place Beauvau : une omniprésence médiatique reposant sur une énergie inépuisable et un mode de pensée simplificateur.

Ainsi, le 12 juillet 2020, moins d’une semaine après son installation, il s’était rendu à Calais où il avait exigé le démantèlement d’un campement de migrants afin d’afficher la fermeté dont il comptait faire sa marque. Ces jours derniers, ce fut l’annonce trompétée d’un « isolement renforcé des 100 plus grands narcotrafiquants ». Un parler fort pour tenter de modifier le climat et pour persuader que le changement est engagé.

À l’évidence, l’homme est de l’époque dans laquelle il vit. Privilégier la simplicité aimante les feux des projecteurs mais peut aussi conduire à une vision manichéenne difficilement compatible avec le rôle de l’institution judiciaire : un organe régulateur ordonnant une société toujours plus complexe. La justice n’est en effet importante que dans sa relation avec cette dernière. Réduire à l’extrême revient à nier cette fonction essentielle et à affaiblir son rôle d'arbitre impartial. Accessoirement, cette logique de rationalité politique de court terme expose surtout son auteur à une tension croissante entre le dire et le faire. 

Rechercher l’efficacité de la « chaine pénale ». Le ministre a promis de travailler « main dans la main avec le ministère de l'Intérieur », de faire en sorte que leur « duo ne soit pas un duel ». Le Figaro a même présenté Gérald Darmanin et Bruno Retailleau comme « la chaine pénale de l’exécutif » au motif qu’ils seraient tous les deux partisans d’une sévérité accrue.  

Cette image de la chaîne pénale bien que régulièrement reprise dans le commentaire médiatique mérite cependant d’être querellée. Elle est née de la volonté de Nicolas Sarkozy alors ministre de l’Intérieur de neutraliser une indépendance judiciaire présentée comme un privilège corporatiste nocif et désuet. Elle repose pourtant sur un contresens majeur. Cette image qui s’affranchit à bon compte du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs en suggérant une similitude de tous les maillons et sous-entendant que seule la force de leur union permet l’efficacité. Or, en dépit des apparences, cette indifférenciation est, par essence, inadaptée en matière, par exemple, de lutte contre la délinquance. Dans une démocratie, la police et la gendarmerie ne font qu’interpeller, c’est la justice qui sanctionne. Ce sont deux fonctions distinctes. Le juge ne sera jamais un maillon parmi d’autres d’une politique globale de sécurité dont les orientations seraient naturellement fixées par le pouvoir exécutif.

De même, la référence implicite au taylorisme ou au fordisme se révèle-t-elle fort dangereuse. Les objectifs des forces de l’ordre et de l’autorité judiciaire ne peuvent être d’en faire davantage et plus vite. Les chiffres et les statistiques ne doivent pas les gouverner dans leur entier car leur mission est d’obtenir des résultats durables correspondant aux attentes de la population. Nul besoin dès lors de ce concept particulièrement confus. Le Code pénal et celui de procédure pénale constituent - en dépit de leur volume - en l’espèce des outils bien plus pertinents.

Au final, la promotion de cette notion de chaîne pénale ne fait qu’inciter à un véritable renversement des valeurs constitutives de l’État de droit, en érigeant la police en tant qu’autorité de contrôle de notre système judiciaire.

Tenir la trajectoire budgétaire. La loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023, d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 N° Lexbase : L2962MKW, destinée à renforcer le budget d’un ministère historiquement considéré comme un parent pauvre de l’État, prévoit de le porter en 2027 à près de 11 milliards d’euros. Cela permettrait de créer 1 500 postes de magistrats, 1 800 greffiers ou personnels de greffe et 1 100 attachés de justice. Initialement en 2025, environ 1 550 emplois devraient être créés mais l’épure récemment présentée par Michel Barnier intégrait une réduction de 250 millions par rapport à la prévision de la loi de programmation.

En ce domaine, l’ancien ministre de l’Intérieur jouit d’un indéniable savoir-faire puisqu’il avait su faire profiter les forces de l’ordre des fonds dégagés dans le cadre de l'appel à projets « France Relance » sur la rénovation des bâtiments publics en 2020 et surtout il avait obtenu en janvier 2023 un engagement budgétaire confortable de 15 milliards d'euros sur cinq ans avec la loi n° 2023-22, du 24 janvier 2023, d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur N° Lexbase : L6260MGX (« Lopmi »).

Même si l’argent ne suffit pas, cette expertise sera néanmoins précieuse car l’action du nouveau ministre sera par principe limitée dans le temps. Et celui-ci semble se raccourcir : pas moins de 12 Gardes des Sceaux en vingt ans ! Qu’il accepte donc de se comporter comme un jardinier et de planter des graines, dont seuls ses successeurs verront les arbres et récolteront les fruits. C’est le prix de l’intérêt général.

 

[1] Allocution lors de la passation de pouvoir, le 24 décembre 2024.

[2] Entretien au Parisien, 29 décembre 2024.

[3] Déplacement à Marseille, 2 janvier 2025.

newsid:491422

Intelligence artificielle

[Dépêches] IA générative et métiers du droit : le Sénat présente ses recommandations

Réf. : Rapport sénatorial sur l’intelligence artificielle et les professions du droit (18 décembre 2024)

Lecture: 2 min

N1478B37

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par Yann Le Foll

Le 15 Janvier 2025

Les deux sénateurs rapporteurs de la mission d’information « Intelligence artificielle et professions du droit » lancée par la commission des lois du Sénat, Marie-Pierre de La Gontrie, sénatrice socialiste de Paris, et Christophe-André Frassa, sénateur LR représentant les Français établis hors de France, ont rendu leur rapport le 18 décembre 2024.

Remarquant que le droit se révèle un domaine particulièrement propice au développement de l’intelligence artificielle générative, cette dernière se révélant encore néanmoins d’une fiabilité insuffisante en la matière, les rapporteurs indiquent que celle-ci se révèle comme une nouvelle opportunité pour les entreprises de la Legaltech. Celles-ci avaient d’ailleurs déjà investi ce champ avant l’apparition de ChatGPT.

Les rapporteurs indiquent que si l’intelligence artificielle générative peut permettre un accès facilité du plus grand nombre à l’information juridique, elle ne saurait néanmoins être assimilée à une consultation juridique, qui reste de l’apanage des professionnels. Ceux-ci devront néanmoins pouvoir l’utiliser pour se débarrasser des tâches répétitives et de faible intérêt pour pouvoir se concentrer sur des activités à haute valeur ajoutée, se démarquant ainsi des machines pour pouvoir démonter leur plus-value à la fois en matière de services mais aussi de rapports humains.

Le développement de cet outil pourrait d’ailleurs paradoxalement renforcer le besoin de consultation des professionnels du droit, d’autant que les droits français et européen interdisent la prise de toute décision juridique fondée exclusivement sur un traitement automatisé de données.

Ceux-ci ne sont pourtant pas tous égaux dans ce domaine, du fait des prix pratiqués par les entreprises leaders de l’intelligence artificielle. Les règles déontologiques applicables à chaque métier du droit devront également être réaffirmées. Le rapport souligne également le grave retard des juridictions administratives et judiciaires dans ce domaine, notamment en raison de la faiblesse des moyens alloués.

Le rapport insiste enfin sur la nécessaire formation des professionnels du droit et sur la nécessité de ne pas tomber dans le travers de la surréglementation pour que ceux-ci puissent sereinement s’emparer du bon usage de cette nouvelle technologie.

 

newsid:491478

Procédure pénale

[Dépêches] Action civile : falsification de K-bis et étendue de l’indemnisation de la société victime

Réf. : Cass. crim., 17 décembre 2024, n° 24-80.180, F-B N° Lexbase : A09886NW

Lecture: 1 min

N1437B3M

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par Pauline Le Guen

Le 29 Janvier 2025

► En matière d’indemnisation du préjudice, la Chambre criminelle rappelle qu’il est nécessaire pour les juges du fond d’établir que l’infraction a eu pour conséquence directe le préjudice subi par la victime. 

L’affaire concernait des faux et usage portant sur la falsification d’un K-bis d’une société sous-traitante. Le prévenu, reconnu coupable, a été condamné à payer à la société donneuse d’ordres des dommages et intérêts, dont le montant correspondait aux surfacturations résultant des chantiers obtenus. À cette occasion, la Cour de cassation est venue rappeler les principes fondamentaux en matière d’indemnisation, consacrés notamment à l’article 2 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9908IQZ.  

Elle souligne en effet qu’il ne résulte pas des motifs retenus par la cour d’appel que le préjudice de la société a été directement causé par les infractions de faux et usage dont le prévenu a été reconnu coupable. De même, il n’est pas établi que la falsification du K-bis a eu pour effet direct le montant des travaux, dont il n’est pas non plus démontré qu’ils ont été ni exécutés ni dans les règles de l’art. 

newsid:491437

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