Le Quotidien du 23 octobre 2024

Le Quotidien

Avocats/Formation

[Brèves] Accompagnement des jeunes avocats : le CNB adopte une modification du RIN

Réf. : CNB, AG, Résolution, 11 octobre 2024

Lecture: 3 min

N0714B3T

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par Marie Le Guerroué

Le 23 Octobre 2024

► Le 11 octobre 2024, l'assemblée générale du CNB a adopté une modification du RIN relative à l'accompagnement des jeunes avocats ; cette modification est notamment destinée à réglementer la désignation par le conseil de l'Ordre de l'avocat référent et à préciser ses missions.

L'article 85-2 du décret n° 91-1197, du 27 novembre 1991 N° Lexbase : L8168AID, créé par le décret n° 2023-1125, du 1er décembre 2023 N° Lexbase : L4654MKL et s'appliquant aux avocats accédant à la profession à compter du 1er janvier 2025, prévoit qu'au cours de leurs deux premières années d'exercice professionnel, les avocats titulaires du CAPA sont accompagnés par un avocat référent ayant exercé pendant au moins deux années. L'avocat référent est chargé de parfaire la formation pratique de l'avocat qu'il accompagne et de l'aider dans son parcours professionnel, conformément aux règles et usages définis par le Conseil national des barreaux. 

Lire sur le décret : J.-B. Thierry, L’œil, la poutre et la paille : le décret n° 2023-1125 du 1er décembre relatif à la formation professionnelle des avocats, Lexbase Avocats, janvier 2024 N° Lexbase : N7854BZW.

Le CNB propose d’ajouter dans le RIN N° Lexbase : L4063IP8 un titre septième intitulé « Accompagnement de l’avocat au cours de ses deux premières années d’exercice » destiné à réglementer la désignation par le conseil de l'Ordre de l'avocat référent. Celui-ci :

  • sera avocat en exercice du même barreau que l'avocat qu'il accompagne ;
  • n'exercera pas dans la structure de l'avocat qu'il accompagne, même par l'intermédiaire d'une filiale, société de moyens ou société de participations financières de professions libérales ; 
  • ne pourra être par ailleurs chargé de contrôler l'éventuel contrat de collaboration conclu avec l'avocat qu'il accompagne ou les éventuels contrats conclus par son collaborant avec d'autres collaborateurs, et ce, préalablement, pendant, et durant les deux années qui suivent la fin de l'accompagnement ; 
  • ne pourra être par ailleurs chargé de contrôler les conditions d'exécution des constats susvisés, et ce, préalablement, pendant, et au cours des deux années qui suivent la fin de l'accompagnement ; 
  • accompagnera un ou plusieurs avocats dont le nombre ne peut être supérieur à celui qui a été fixé par le conseil de l'Ordre.

Le conseil de l'Ordre pourra retirer sa désignation à tout moment durant les deux années de l'accompagnement et désigner un autre avocat référent au cours de cette période, notamment à la demande du Bâtonnier, de l'avocat accompagné ou de l'avocat référent (RIN, art. 22.1).

L'article 22.2 du RIN précise également la mission de l'avocat référent. Il doit s'abstenir de conseiller l'avocat qu'il accompagne dans l'approche juridique des dossiers dont il a la charge. La mission d'avocat référent est exercée à titre gratuit. L'avocat référent et l'avocat qu'il accompagne adhèrent à une charte encadrant leur relation. Le CNB a établi une charte-type.

Enfin, il est précisé à l'article 22.3 que tous les échanges entre l'avocat référent et l'avocat qu'il accompagne, verbaux ou écrits quel qu'en soit le support, sont par nature confidentiels. 

Le CNB va notifier cette décision à caractère normatif au conseil de l'Ordre de chacun des barreaux et à la Chancellerie afin qu'elle en assure la publication au Journal officiel de la République française.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La formation professionnelle des avocats, L'accompagnement par un avocat référent, in La profession d'avocat (dir. H. Bornstein), Lexbase N° Lexbase : E33043RS.

 

newsid:490714

Construction

[Brèves] Rappel : le point de départ du délai d’action contre le fabricant n’est pas le même que celui pour agir contre le constructeur

Réf. : Cass. civ. 3, 3 octobre 2024, n° 22-22.792, F-D N° Lexbase : A929358P

Lecture: 3 min

N0653B3L

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

Le 22 Octobre 2024

► Le point de départ du délai d’action du maître d’ouvrage contre le fabricant court à compter de la livraison des matériaux à l’entrepreneur ; s’applique ainsi le délai de prescription quinquennale à compter de cette date.

Même si la Cour de cassation tend, au fil de sa jurisprudence, à uniformiser les délais de prescription, ils dépendent, d’une part, de la nature du lien qui unit le débiteur au créancier (contractuel ou délictuel) et, d’autre part, de la qualité du débiteur. Autrement dit, en fonction de la qualité de l’un et de l’autre, les délais pour agir ne sont pas les mêmes. Le cas du fabricant est topique. Tout dépend de savoir si l’action est exercée sur le fondement de l’article 1792-4 du Code civil N° Lexbase : L5934LTX ou sur le droit commun. Tout dépend, également, de savoir si le créancier est le contractant du fabricant. La présente espèce est l’occasion de le rappeler.

En l’espèce, deux SCI ont entrepris la construction d’un groupe d’immeubles, constitué de deux résidences à destination de logements, commerces et bureaux, à vendre en l’état futur d’achèvement. Sont, notamment, intervenus à l’opération de construction, une entreprise incluant la fourniture et la pose des garde-corps et les lames brise-soleil ayant été fabriquées et fournies par une autre société.

Après la réception et la mise en place d’un régime de copropriété, le syndicat des copropriétaires, se plaignant d’un phénomène de dégradation affectant les garde-corps et des lames brise-soleil, assigne en référé-expertise notamment le constructeur et le fabricant, ainsi que l’assureur dommages-ouvrage. Cet assureur assigne, à la suite, au fond l’entreprise et le fabricant. Le syndicat des copropriétaires intervient volontairement à l’instance, mais la cour d’appel de Toulouse, dans un arrêt rendu le 12 septembre 2022, déclare son action contre le fabricant irrecevable pour être prescrite (CA Toulouse, 12 septembre 2022, n° 19/02165 N° Lexbase : A67818UP).

Le syndicat des copropriétaires forme un pourvoi en cassation qui est rejeté. La Haute juridiction reprend une jurisprudence désormais constante (pour exemple : Cass. civ. 3, 7 janvier 2016, n° 14-17.033, FS-P+B N° Lexbase : A3886N3C). Le délai de prescription de l’action contractuelle du maître d’ouvrage contre le fabricant, fondée sur le manquement au devoir d’information et de conseil, court à compter de la livraison des matériaux à l’entrepreneur.

La solution est sévère. D’une première part, cette date est, la plupart du temps, méconnue du maître d’ouvrage, qui n’a pas forcément copie des factures et autres bons de livraisons.

De deuxième part, il est parfois difficile d’établir avec certitude que les matériaux commandés ont bien été affectés sur le chantier en litige. L’entreprise a parfois des stocks.

Enfin et de troisième part, ce délai est bien plus court que le délai d’action du maître d’ouvrage à l’encontre du constructeur, de dix ans à compter de la réception, laquelle intervient souvent bien après la date de livraison des matériaux à l’entreprise.

newsid:490653

Droit Administratif Général

[Brèves] Un « think tank » n’est (à priori) pas un lobby

Réf. : CE, sect., 14 octobre 2024, n° 472123, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A877459T

Lecture: 3 min

N0724B39

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par Yann Le Foll

Le 23 Octobre 2024

► Les organismes de réflexion (« think tanks ») ne peuvent être considérés comme des représentants d'intérêt, sauf s’ils poursuivent la défense d'un « intérêt ».

Principe. Il résulte des articles 18-1 à 18-10 de la loi n° 2013-907, du 11 octobre 2013, relative à la transparence de la vie publique N° Lexbase : L3622IYS, que leurs dispositions s'appliquent, à l'exception des partis et groupements politiques, organisations syndicales de fonctionnaires, de salariés et d'employeurs, associations à objet cultuel, et associations représentatives des élus dans l'exercice des missions prévues dans leurs statuts, aux personnes mentionnées à l'article 18-2 qui représentent un intérêt au sens de la loi, à la condition qu'un ou plusieurs de leurs dirigeants, employés ou membres aient pour activité principale ou régulière d'influer sur la décision publique, notamment sur le contenu d'une loi ou d'un acte réglementaire, en entrant en communication avec des décideurs publics. 

Un organisme qui se consacre à une activité de réflexion, de recherche et d'expertise sur des sujets déterminés en vue de produire des travaux destinés à être rendus publics, ne saurait, à ce seul titre, être regardé comme un représentant d'intérêts.

Est sans incidence le fait qu'il entrerait régulièrement en contact avec les décideurs publics désignés par l'article 18-2 de la loi pour réaliser ses études ou travaux, faire part de ses conclusions ou promouvoir des propositions de réforme des politiques publiques qui pourraient en découler, une telle activité ne pouvant par elle-même être regardée comme poursuivant un intérêt au sens de la loi

Nuance. En revanche, si, eu égard aux conditions dans lesquelles il est financé, aux modalités de sa gouvernance et aux conditions dans lesquelles ses études et travaux sont menés, cet organisme de réflexion poursuit la défense d'un intérêt au sens des dispositions de l'article 18-2 de la loi du 11 octobre 2013, il doit alors être regardé comme relevant des dispositions de cette loi, et notamment des obligations déclaratives qu'elle a instituées, dès lors qu'il remplit, par ailleurs, la condition tenant à l'exercice d'une activité principale ou régulière d'influence sur la décision publique

Décision CE. Un document de portée générale de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) qualifiant de représentants d'intérêts les organismes de réflexion à la seule condition qu'ils exercent, à titre principal ou de façon régulière, des actions d'entrées en communication avec un responsable public méconnaît, dans cette mesure, le sens et la portée de l'article 18-2 de la loi du 11 octobre 2013.

Précisions rapporteur public. Dans ses conclusions suivies, Nicolas Agnoux indique ainsi que « l’activité des think tanks révèle davantage une capacité à influencer la sphère décisionnelle, plutôt que, pour reprendre les termes de l’article 18-2, à "influer sur la décision publique", c’est-à-dire à exercer une pression pour orienter la décision dans un sens déterminé. Dans les deux cas, on sensibilise, on alerte, on argumente ; mais dans le premier, pour suggérer, proposer, préconiser, dans le second pour demander, solliciter, revendiquer ».

newsid:490724

Fiscalité des particuliers

[Brèves] PLF 2025 : mise en place d'une contribution différentielle sur les hauts revenus

Réf. : Assemblée nationale, Projet de loi de finances pour 2025, n°324, 10 octobre 2024

Lecture: 1 min

N0613B34

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par Marie-Claire Sgarra

Le 22 Octobre 2024

Présenté en Conseil des ministres jeudi 10 octobre 2024 par Antoine Armand, ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, et par Laurent Saint Martin, ministre auprès du Premier ministre, chargé du Budget et des Comptes publics, le projet de loi de finances 2025 présente les choix fiscaux et budgétaires du Gouvernement pour l’année 2025.

Parmi les mesures fiscales, on notera l’instauration d’une contribution différentielle sur les hauts revenus.

Il est institué une contribution à la charge des contribuables domiciliés fiscalement en France au sens de l’article 4 B du CGI N° Lexbase : L6146LU8 dont le revenu du foyer fiscal est supérieur à :

  • 250 000 euros pour les contribuables célibataires, veufs, séparés ou divorcés ;
  • 500 000 euros pour les contribuables soumis à imposition commune.

Cette contribution vise à garantir que ces hauts revenus seront imposés à un taux moyen minimum de 20 %.

Elle s’appliquerait à compter de l’imposition des revenus de l’année 2024 et jusqu’à l’imposition des revenus de l’année 2026. Son rendement est estimé à 2 milliards d'euros.

Pour consulter le projet de loi, rendez-vous sur le site de l'Assemblée Nationale.

newsid:490613

Justice

[Brèves] « Seul le prononcé fait foi » : retour sur le discours de Didier Migaud, garde des Sceaux, ministre de la Justice, lors du séminaire pour le 10e anniversaire de la création du PNF

Réf. : Discours de Didier MIGAUD – Séminaire pour le 10e anniversaire de la création du PNF, 15 octobre 2024

Lecture: 3 min

N0685B3R

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par Pauline Le Guen

Le 22 Octobre 2024

► À l’occasion du séminaire célébrant le dixième anniversaire du parquet national financier (PNF), Didier Migaud, nouveau garde des Sceaux, en a profité, lors de son discours de clôture, pour rappeler l’importance de la lutte contre la grande délinquance économique et financière et évoquer les nouveaux dispositifs qu’il souhaite mettre en œuvre. 

Le PNF, institution luttant contre la grande délinquance économique et financière, fêtait mercredi son 10e anniversaire. L’occasion pour le nouveau ministre de la Justice de rappeler l’importance de lutter contre la corruption et les atteintes à la probité, qui « fragilisent les fondements de notre pacte démocratique ». Comme il le soulignait lors de son discours, « cette délinquance donne l’impression que certains profitent, quand d’autres peinent », et c’est le rôle de l’autorité judiciaire que « de mener cette lutte et de garantir aux citoyens que ceux qui trichent, qui fraudent et qui volent soient poursuivis, inlassablement ».

Toutefois, depuis dix ans, il est possible de constater une amélioration de la détection et du signalement de cette criminalité. Pour illustrer ses propos, le ministre a pu évoquer quelques chiffres : le nombre de mis en cause dans ses affaires d’atteinte à la probité a par exemple augmenté de 30 % depuis 2017 et les atteintes à la probité enregistrées dans les services de police et de gendarmerie ont augmenté de 28 % entre 2016 et 2021, avec une hausse de 46 % pour les seuls faits de corruption.

Il faut donc y voir un progrès, mais la route est encore longue. En effet, Didier Migaud considère que la lutte contre les atteintes à la probité « est une politique aujourd’hui dispersée » et mérite d’être « davantage identifiée, tant par les citoyens que par les responsables publics et les élus ». Si plusieurs réformes ont été adoptées ces dix dernières années (création de la HATVP, de l’AFA, OCLCIFF, allégement de la charge de la preuve avec la présomption de blanchiment, CJIP, etc.), le ministre met l’accent sur la nécessité de « pousser encore plus loin les réformes » entreprises jusqu’ici. 

Pour améliorer l’efficacité de cette lutte et disposer d’une véritable politique publique de prévention des atteintes à la probité, le ministre de la Justice souhaite que la France « se dote d’un nouveau plan national pluriannuel de lutte contre la corruption » et que la loi soit claire et prévisible. Par ailleurs, il souligne le besoin de « mener une réflexion sur le régime de responsabilité de décideurs publics » et sur l’infraction de prise illégale d’intérêts, afin de sécuriser davantage les élus et les responsables publics, mais également de prévenir efficacement les risques de conflit d’intérêts et de prise illégale d’intérêts. Enfin, concernant les outils mis à la disposition des enquêteurs et magistrats, le ministre indique qu'ils doivent évoluer, en même temps que ceux utilisés par les délinquants économiques et financiers évoluent eux aussi.

newsid:490685

Rupture du contrat de travail

[Brèves] Prescription et action en nullité du licenciement fondée sur la dénonciation d’un harcèlement moral

Réf. : Cass. soc., 9 octobre 2024, n° 23-11.360, F-B N° Lexbase : A290859L

Lecture: 6 min

N0677B3H

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par Marie-Noëlle Rouspide-Katchadourian, Maître de conférences à l'Université de Caen Normandie, Avocate associée, cabinet Fidal

Le 22 Octobre 2024

► Il résulte de la combinaison des articles L. 1471-1, L. 1152-1, L. 1152-2 du Code du travail et 2224 du Code civil que l'action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par cinq ans lorsqu'elle est fondée sur la dénonciation d'un harcèlement moral ; peu importe que cette dénonciation, rappelée dans la lettre de licenciement, ne soit pas érigée en grief.

Harcèlement moral : l’éviction des dispositions de l’article L. 1471-1. L’article L. 1471-1 du Code du travail N° Lexbase : L1453LKZ prévoit dans son alinéa 2 que « toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture ».

Toutefois, ce texte exclut expressément de son champ d’application les actions exercées sur le fondement de l’article L. 1152-1 du Code du travail N° Lexbase : L0724H9P, relatif au harcèlement moral. Ainsi, selon cette dernière disposition, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». L’article L. 1152-2 N° Lexbase : L0921MC4 ajoute qu’aucune personne ayant subi ou refusé de subir « des agissements répétés de harcèlement moral ou ayant, de bonne foi, relaté ou témoigné de tels agissements » ne peut faire l’objet d’un licenciement pour ce motif. L’article L. 1152-3 N° Lexbase : L0728H9T énonce, quant à lui, que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L.1152-1 et L. 1152-2 du Code du travail est nul.

Il en résulte qu’une action portant sur la nullité de la rupture du contrat de travail, fondée sur la dénonciation d’un harcèlement moral, échappe à la prescription édictée par l’article L. 1471-1 du Code du travail, en matière de rupture du contrat de travail. Dans ce cas, c’est l’article L. 2224 du Code civil N° Lexbase : L7184IAC selon lequel « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer » qui a vocation à s’appliquer. Autrement dit, une telle action est soumise à la prescription quinquennale de droit commun. C’est notamment ce que retient la Cour de cassation dans cet arrêt rendu le 9 octobre 2024.

Dénonciation de faits de harcèlement moral : application de la prescription quinquennale. Dans cette affaire, un salarié avait adressé à son employeur un courrier le 8 septembre 2016, afin de dénoncer des faits de harcèlement moral. Après avoir fait procéder à une enquête relative aux faits de harcèlement dénoncés, l’employeur a finalement licencié le salarié par une lettre du 18 octobre 2017, pour une cause réelle et sérieuse. Estimant avoir été licencié en raison de la dénonciation de faits de harcèlement moral, le salarié a saisi la juridiction prud’homale le 29 janvier 2020, en vue notamment de faire constater la nullité de son licenciement.

La cour d’appel a déclaré ses demandes irrecevables comme prescrites (CA Saint-Denis de la Réunion, 6 octobre 2022, n° 21/01356 N° Lexbase : A48838RB). Selon elle, il résultait de la lettre de licenciement que celui-ci avait « été prononcé pour refus d’accomplir les tâches qui lui étaient confiées, insubordination et comportement agressif mais, pas […] pour dénonciation de faits de harcèlement moral ». Elle relevait ainsi que « le simple rappel dans […] la lettre de licenciement du fait que le salarié avait informé son employeur de ce qu’il estimait être victime de faits constitutifs d’un harcèlement moral [n’érigeait] […] pas cette circonstance en grief invoqué par la société » pour justifier le licenciement du salarié. Dès lors, selon la cour d’appel, le licenciement n’était pas fondé sur la dénonciation d’un harcèlement moral ; la prescription de douze mois avait vocation à s’appliquer.

Mais la Cour de cassation ne partage pas cette analyse. Elle casse la décision de la cour d’appel, au visa des articles L. 1471-1, L. 1152-1 et L. 1152-2 du Code du travail et 2224 du Code civil. Elle retient que l’action du salarié en nullité du licenciement était fondée sur la dénonciation du harcèlement moral allégué, ce dont il résultait qu’elle était soumise à la prescription quinquennale prévue par l’article 2224 du Code civil.

Termes de la lettre de licenciement : une importance relative quant à la prescription. La solution doit être approuvée. Le fait que la lettre de licenciement ne mentionne la dénonciation de harcèlement moral qu’à titre de « simple rappel », et non comme constituant un grief reproché au salarié, ne saurait permettre d’exclure l’application des dispositions relatives à la prescription quinquennale. En effet, le licenciement peut - dans les faits - reposer sur la dénonciation d’un harcèlement moral, sans que la lettre de licenciement y fasse pour autant expressément référence.

D’ailleurs, l’employeur avisé s’abstiendra généralement d’en faire mention puisque l’énonciation d’un tel grief emporte à lui seul la nullité de plein droit du licenciement, dès lors que la mauvaise foi du salarié n’est pas alléguée (Cass. soc., 6 décembre 2011, n° 10-18.440, F-D N° Lexbase : A1956H49).

En l’espèce, l’action du salarié était donc recevable. En l’absence de grief reposant sur la dénonciation de harcèlement dans la lettre de licenciement, la cour d’appel de renvoi devra se prononcer sur l’éventuel lien entre le licenciement du salarié et la dénonciation de harcèlement moral. À cet effet, si elle retient que les faits invoqués dans la lettre de licenciement caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement, il appartiendra au salarié de démontrer que la rupture de son contrat de travail constitue une mesure de rétorsion à sa dénonciation de harcèlement moral. Si, à l’inverse, elle estimait le licenciement sans cause réelle et sérieuse, il reviendra à l'employeur de démontrer l'absence de lien entre la dénonciation par le salarié d'agissements de harcèlement moral et son licenciement (Cass. soc., 18 octobre 2023, n° 22-18.678, F-B N° Lexbase : A08301N3).

Si la solution retenue par la Cour de cassation s’avère cohérente, elle ne permet pas, pour autant, d’écarter tout risque d’instrumentalisation de la prescription. Un tel écueil est néanmoins inévitable, dès lors que s’entrecroisent divers délais de prescription.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Le harcèlement moral, Les définitions du harcèlement moral, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E0789GAH.

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Sûretés

[Brèves] Cautionnement : rappel des règles d’imputation

Réf. : Cass. com., 9 octobre 2024, n° 22-18.579, F-B N° Lexbase : A290559H

Lecture: 4 min

N0647B3D

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par Vincent Téchené

Le 22 Octobre 2024

► Lorsque le cautionnement ne garantit qu'une partie de la dette, il n'est éteint que lorsque cette dette est intégralement payée, les paiements partiels faits par le débiteur principal s'imputant d'abord, sauf convention contraire, non alléguée en l'espèce, sur la portion non cautionnée de la dette ;

Lorsque la banque n'a pas respecté son obligation d'information annuelle de la caution, pour le calcul des sommes restant dues, au titre du cautionnement d’un compte courant, il convient d'imputer sur le solde débiteur de ce compte le seul montant des intérêts portés à son crédit, pendant la période au cours de laquelle l'information due n'a pas été fournie, et non pas tous les paiements effectués par la société depuis la date de l'engagement de la caution.

Faits et procédure. Une banque a consenti à une société un prêt d'un montant de 10 000 euros. Une personne physique s'est rendue caution de tous les engagements de la société dans la limite de 36 000 euros en principal.

Par la suite, la banque a consenti à la société un prêt d'un montant de 22 000 euros, garanti par la même caution pour un montant de 11 000 euros en principal.

La société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a assigné la caution en paiement.

La cour d’appel (CA Amiens, 31 mars 2022, n° 21/00239 N° Lexbase : A95517R8) ayant condamné la caution à payer à la banque la somme de 47 000 euros, limite des engagements de caution donnés en garantie des concours consentis par la banque à la société, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 2 octobre 2017, la caution a formé un pourvoi en cassation.

Décision. En premier lieu, la Cour de cassation rappelle que selon l'article 1256, alinéa 1er, du Code civil N° Lexbase : L1373ABH, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, lorsque la quittance ne porte aucune imputation, le paiement doit être imputé sur la dette que le débiteur avait pour lors le plus d'intérêt d'acquitter entre celles qui sont pareillement échues.

Il en résulte, selon la Cour, que lorsque le cautionnement ne garantit qu'une partie de la dette, il n'est éteint que lorsque cette dette est intégralement payée, les paiements partiels faits par le débiteur principal s'imputant d'abord, sauf convention contraire, non alléguée en l'espèce, sur la portion non cautionnée de la dette. La cour d’appel est approuvée sur ce point.

La règle d’imputation des paiements est désormais prévue à l’article 1342-10 du Code civil N° Lexbase : L0683KZC, selon lequel « à défaut d'indication par le débiteur, l'imputation a lieu comme suit : d'abord sur les dettes échues ; parmi celles-ci, sur les dettes que le débiteur avait le plus d'intérêt d'acquitter […] ».

En second lieu, la Haute juridiction rappelle que le défaut d'accomplissement de l’obligation d’information annuelle de la caution emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement qui y est tenu, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette (C. mon. fin., art. L. 313-22, anc. N° Lexbase : L7564LBR). L’article 2302 du Code civil N° Lexbase : L0153L88, issu de la réforme du droit des sûretés (ordonnance n° 2021-1192, du 15 septembre 2022 N° Lexbase : L8997L7D), reprend la même solution.

Ainsi, en l'espèce, la banque n'ayant pas respecté son obligation d'information annuelle de la caution, la cour d’appel a prononcé la déchéance du créancier du droit aux intérêts au taux contractuel. Elle a alors exactement retenu que, pour le calcul des sommes restant dues, au titre du cautionnement du compte courant, il convenait d'imputer sur le solde débiteur de ce compte le seul montant des intérêts portés à son crédit, pendant la période au cours de laquelle l'information due n'a pas été fournie, et non pas tous les paiements effectués par la société depuis la date de l'engagement de la caution.

Le pourvoi est, en conséquence, rejeté.

Pour aller plus loin :

  • v. pour les cautionnements souscrits avant le 1er janvier 2022, ÉTUDE : L'extinction du cautionnement par voie principale, La libération de la caution par le paiement N° Lexbase : E9231AGY et ÉTUDE : Les effets du cautionnement entre le créancier et la caution, La sanction de l'obligation d'information annuelle N° Lexbase : E0892A8K, in Droit des sûretés (dir. G. Piette), Lexbase;
  • v. pour les cautionnements souscrits à compter du 1er janvier 2022, G. Piette, D. Nemtchenko, F. Julienne, V. Téchené, ÉTUDE : Le cautionnement, L’extinction du cautionnement par voie principale N° Lexbase : E9212B4X et Les obligations d’information pesant sur le créancier N° Lexbase : E8663B4M, in Droit des sûretés (dir. G. Piette), Lexbase.

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