Le Quotidien du 8 août 2024

Le Quotidien

Copropriété

[Jurisprudence] Mode de répartition de la cotisation au fonds de travaux

Réf. : Cass. civ. 3, 4 juillet 2024, n° 22-21.758, FS+B N° Lexbase : A68355M4

Lecture: 9 min

N0051B3B

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par Martine Dagneaux, Conseiller honoraire à la Cour de cassation

Le 02 Août 2024

Mots-clés : charges de copropriété • fonds de travaux • cotisation annuelle • budget prévisionnel • provisions • charges générales • charges spéciales

Les cotisations au fonds de travaux, prévues à l'article 14-2, II, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 doivent être réparties comme les charges relatives à la conservation, à l’entretien et à l’administration des parties communes.


 

Le copropriétaire d’un lot à usage de parking situé dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, divisé en quatre bâtiments, a contesté les modalités de répartition de la cotisation au fonds de travaux prévue par l'article 14-2, II, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 N° Lexbase : Z77289TI.

Ce fonds de travaux (communément appelé fonds « ALUR » par les copropriétaires) a été créé par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, dite loi « ALUR » N° Lexbase : L8342IZY (pour l'accès au logement et un urbanisme rénové). Son entrée en vigueur avait été fixée au 1er janvier 2017. Ce fonds est obligatoire dès lors que l'immeuble est soumis au statut de la copropriété et a fait l’objet d’une réception de travaux au moins cinq ans auparavant, sauf si l'immeuble comporte moins de dix lots, auquel cas le syndicat des copropriétaires peut décider de ne pas constituer de fonds de travaux. Mais cette décision doit être prise à l’unanimité (article 14-2, III).

Les fonds recueillis au titre de ce fonds de travaux doivent nécessairement être placés sur un compte rémunéré séparé du compte de gestion courante. Le plus souvent compte tenu du montant de ce fonds, les sommes sont placées sur un livret d’épargne. Mais ce livret est plafonné à 100 000 euros pour les copropriétés et si ce compte vient à dépasser cette somme, il faut trouver d’autres modes de placement.

La Cour de cassation précise que le texte applicable est l'article 14-2, II, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 N° Lexbase : L8700LM8, mais sur les modalités de répartition de ces cotisations le texte n’a pas varié avant et après la loi de 2018. C’est surtout la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 N° Lexbase : L6065L7R, applicable au 1er janvier 2023, qui a modifié considérablement la physionomie de ce fonds avec l'obligation d’élaborer un projet de plan pluriannuel de travaux et la création de l’article 14-2-1 N° Lexbase : Z67792TI qui énumère les dépenses que ce fonds de travaux est destiné à couvrir.

Reste à définir sur quelles bases ce fonds doit être alimenté. C’était tout l’enjeu du pourvoi dans lequel le copropriétaire, contestant la décision d'assemblée générale, soutenait que les cotisations ne pouvaient être calculées en fonction des tantièmes de charges générales et qu’il n’avait pas à participer à des charges entraînées par les services collectifs et les éléments d’équipement commun qui n’avaient aucune utilité pour son lot. Il reprochait à la cour d'appel de ne pas avoir recherché si le calcul de ces cotisations ne le faisait pas participer aux charges des bâtiments A,B,C dont les services collectifs et éléments d’équipement commun ne présentaient aucune utilité pour lui qui ne possédait qu’un garage situé dans le bâtiment D.

La cour d'appel avait, en se fondant sur l'article 10 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 N° Lexbase : Z77284TI,  confirmé le jugement qui avait estimé que « les cotisations pour le fonds de travaux ne pouvaient être calculées sur les mêmes bases que les charges provisionnelles ordinaires et que la délibération litigieuse, ayant décidé d'une répartition des cotisations en fonction des millièmes généraux, ne contrevenait ni à la loi, ni au principe de l'égalité de traitement entre les copropriétaires ».

L'article 14-2, II, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 disposait, en son alinéa 2 que le « fonds de travaux est alimenté par une cotisation annuelle obligatoire versée par les copropriétaires selon les mêmes modalités que celles décidées par l'assemblée générale pour le versement des provisions du budget prévisionnel. »

Et l’alinéa 5 ajoutait que « Le montant, en pourcentage du budget prévisionnel, de la cotisation annuelle est décidé par l'assemblée générale votant dans les conditions de majorité prévues aux articles 25 et 25-1. Ce montant ne peut être inférieur à 5 % du budget prévisionnel mentionné à l'article 14-1 ».

L'article 10 dans sa rédaction issue de la même loi prévoyait que « Les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipement commun en fonction de l'utilité que ces services et éléments présentent à l'égard de chaque lot. Ils sont tenus de participer aux charges relatives à la conservation, à l'entretien et à l'administration des parties communes et de verser au fonds de travaux mentionné à l'article 14-2 la cotisation prévue au même article, proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leurs lots, telles que ces valeurs résultent des dispositions de l'article 5. Le règlement de copropriété fixe la quote-part afférente à chaque lot dans chacune des catégories de charges. »

Cet article 10 de la loi du 10 juillet 1965 distingue donc deux sortes de charges : les charges relatives à la conservation, à l’entretien et à l’administration des parties communes, que l'on désigne sous le nom de charges générales et les charges entraînées par les services collectifs et les éléments d’équipement commun, que l'on qualifie généralement de charges spéciales.

Les charges relatives à la conservation, à l’entretien et à l’administration des parties communes sont par exemple, sans que cette liste soit exhaustive, pour la conservation de l’immeuble : les dépenses de réparation de la toiture, des façades, canalisations communes, pour l’entretien : les frais de nettoyage des parties communes, les produits nécessaires pour cet entretien, pour l’administration : les honoraires du syndic, la location d’une salle de réunion, les frais de convocation aux assemblées générales. Leur répartition se fait en principe sur la base des tantièmes de parties communes affectées à chaque lot. Ainsi l’ensemble des lots doit participer à ces charges, sans que leurs propriétaires puissent invoquer l’absence d’utilité pour eux de certaines parties communes (V. par exemple Cass. civ. 3,  12 juillet 1995 n° 93-20.414 N° Lexbase : A0884CSK).

Si l’immeuble comprend plusieurs bâtiments, les charges d'entretien et de conservation de l'immeuble ne peuvent, si le règlement de copropriété ne crée pas de parties communes spéciales, être réparties par bâtiment que si le règlement de copropriété le prévoit (Cass. civ. 3, 19 novembre 2015 n° 14-25.510 FS+P+B N° Lexbase : A5483NXD).

Pour mettre à la charge de certains copropriétaires seulement les charges d’entretien de parties communes, les juges doivent constater l’existence de parties communes spéciales (Cass. civ. 3, 8 octobre 2015 n° 14-13.100, F-D N° Lexbase : A0559NTU).

Désormais, depuis l'ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 N° Lexbase : Z955378U, l'article 10 prévoit que les copropriétaires « sont tenus de participer aux charges relatives à la conservation, à l'entretien et à l'administration des parties communes, générales et spéciales, et de verser au fonds de travaux mentionné à l'article 14-2-1 la cotisation prévue au même article, proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leurs lots, telles que ces valeurs résultent des dispositions de l'article 5 ». Et cet article 5 dispose que « Dans le silence ou la contradiction des titres, la quote-part des parties communes, tant générales que spéciales, afférente à chaque lot est proportionnelle à la valeur relative de chaque partie privative par rapport à l'ensemble des valeurs desdites parties, telles que ces valeurs résultent lors de l'établissement de la copropriété, de la consistance, de la superficie et de la situation des lots, sans égard à leur utilisation ». Enfin, en application des articles 6-2 N° Lexbase : L6784LNL, 6-3 N° Lexbase : L6785LNM et 6-4 N° Lexbase : L6786LNN de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, dans leur rédaction issue de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, la création de parties communes spéciales est indissociable de l’établissement de charges spéciales à chacune d’entre elles et leur existence est subordonnée à leur mention expresse dans le règlement de copropriété.

Les charges entraînées par les services collectifs et les éléments d’équipement commun sont, quant à elles, fixées en fonction de leur utilité objective.

M. Lafond avait fait observer qu’il y avait une contradiction entre l'article 14-2 qui conduisait à utiliser les clés de répartition de toutes les charges, en ce comprises les charges relatives aux services collectifs et équipements communs, exclusives des tantièmes généraux, et l'article 10 qui au contraire supposait une application des tantièmes généraux (obs. in chron., AJDI, 2016, p. 19. Il concluait que les deux hypothèses devraient être retenues et laissées à l’appréciation de l'assemblée générale.

La Cour de cassation ne voit pas dans ces textes une telle contradiction puisqu’elle retient que l'article 14-2 sert seulement à déterminer le rythme auquel la cotisation au fonds de travaux est appelée, tandis que l’article 10 définit la façon dont la cotisation est calculée, non à proportion des provisions du budget prévisionnel incombant à chaque copropriétaire mais comme les charges relatives à la conservation, à l’entretien et à l’administration des parties communes. Dès lors peu importe que certaines dépenses n’aient pas d’utilité pour un copropriétaire puisque ces charges générales sont indépendantes de cette utilité.

Cette solution a le mérite de la simplicité et va faciliter le travail des syndics qui depuis la loi du 24 mars 2014 précitée se posaient beaucoup de questions sur les éléments à prendre en compte pour le calcul de la cotisation au fonds de travaux.

À retenir. La cotisation au fonds de travaux est calculée comme les charges relatives à la conservation, à l’entretien et à l’administration des parties communes générales, c’est-à-dire en fonction des tantièmes de copropriété, de sorte qu’un copropriétaire ne peut arguer de l’absence d’utilité pour lui de certaines parties communes. Les dispositions issues de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ou de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 n’y changent rien puisque c’est toujours proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leurs lots, telles que ces valeurs résultent des dispositions de l'article 5, que ce calcul doit être fait.

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Douanes

[Brèves] Octroi de mer sur une activité d’assemblage de rhums : notion d’activité de production

Réf. : Cass. com., 4 avril 2024, n° 21-24.499, FS-D N° Lexbase : A360723Y

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N0115B3N

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par Marie-Claire Sgarra

Le 24 Juillet 2024

Une société qui modifie substantiellement les caractéristiques de la matière première livrée se livre à une activité de production par fabrication soumise à l’octroi de mer. Telle est la solution retenue par la Chambre commerciale dans un arrêt du 4 avril 2024.

Les faits. Le groupement d'intérêt économique (GIE) a pour activité, pour le compte de ses membres, l'assemblage de rhums de plusieurs distilleries et la réduction du degré d'alcool par adjonction d'eau. Le rhum issu de ce procédé d'assemblage-réduction est embouteillé et vendu sur le marché local sous la marque « Charrette ». Soutenant que le GIE se livrait à une activité de production, l'administration des douanes lui a notifié une infraction de manœuvre ayant eu pour résultat de le faire bénéficier indûment d'une exonération de l'octroi de mer pour les années 2010 à 2016, puis a émis plusieurs avis de mise en recouvrement.

Procédure. Après le rejet de sa contestation, le GIE a assigné l'administration des douanes en annulation de la procédure d'enquête douanière et en décharge des rappels d'octroi de mer.

Solution de la Chambre commerciale

Selon l'article 1er de la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004, alors applicable [LXB=], les opérations soumises à l'octroi de mer dans les régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La Réunion sont les importations de marchandises et les livraisons de biens faites à titre onéreux par des personnes qui y exercent des activités de production, la livraison d'un bien s'entendant du transfert du pouvoir de disposer d'un bien meuble corporel comme un propriétaire, les activités de production étant, selon l'article 2 du même texte, les opérations de fabrication, de transformation ou de rénovation de biens meubles corporels.

Après avoir énoncé que la fabrication d'un bien, au sens de cette loi, se définit comme l'obtention d'un bien nouveau différent des biens mis en oeuvre ou utilisés pour l'obtenir, l'arrêt relève que le GIE procède à une transformation physique entre une matière première, les rhums livrés par les distillateurs, qui présentent un taux d'alcool de 89 %, et un produit fini, le rhum mélangé avec de l'eau, au taux d'alcool réduit à 49 %, et retient que la fabrication de ce rhum exige, outre le mélange des produits livrés par les distilleries, l'ajout d'une quantité d'eau dans des proportions fines garantissant le bon niveau d'alcool pour le produit fini, modifiant ainsi substantiellement les caractéristiques de la matière première livrée. Il ajoute que ce processus de fabrication, qui ne peut être assimilé à une simple manipulation des matières premières, modifie les qualités gustatives du rhum brut et le rend commercialisable selon une recette propre à la marque « Rhum Charrette » déposée à l'INPI.

De ces constatations et appréciations souveraines, dont il résulte que le processus mis en oeuvre par le GIE modifie les qualités intrinsèques du produit, la cour d'appel a exactement déduit que ce dernier se livrait à une activité de production par fabrication.

Le pourvoi de la société est rejeté.

 

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Procédure pénale

[Brèves] Garde à vue : l’avis tardif à l’employeur, prévu à peine de nullité, nécessite la démonstration d’un grief

Réf. : Cass. crim., 26 juin 2024, n° 23-84.154, F-B N° Lexbase : A12485LS

Lecture: 2 min

N9783BZD

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par Pauline Le Guen

Le 02 Août 2024

► L’absence ou la tardiveté de l’avis donné à l’employeur, prévue à peine de nullité, nécessite la démonstration d’un grief par le demandeur, qui ne peut être établi que lorsque la méconnaissance des dispositions a empêché ou gêné l’exercice du droit à l’assistance d’un avocat.

Faits et procédure. Un homme fait l’objet de plaintes pour violences et harcèlement par conjoint ainsi que pour contravention pour violences. Placé en garde à vue, il demande en fin de journée à ce que son employeur soit avisé. Cette diligence sera effectuée le lendemain matin. Le prévenu a présenté des exceptions de nullité en raison de la tardiveté de cet avis. Le tribunal correctionnel a rejeté ces exceptions, l’a relaxé du chef de harcèlement aggravé, mais l’a déclaré coupable et condamné pour le surplus. L’intéressé, le ministère public et les parties civiles ont relevé appel de cette décision. 

En cause d’appel. La cour d’appel a condamné le prévenu pour violences aggravées et contravention de violence. Il a alors formé un pourvoi. 

Moyens du pourvoi. L’intéressé reproche à l’arrêt de rejeter ses exceptions de nullité, alors que l’employeur doit être prévenu par les enquêteurs dans les trois heures de la demande qui leur en est faite, sauf circonstances insurmontables, cette inobservation faisant nécessairement grief au gardé à vue. Or, pour écarter la nullité, la cour d’appel retient les circonstances selon lesquelles le prévenu avait initialement indiqué ne pas souhaiter faire prévenir son employeur lors de son placement en garde à vue, et que cette formalité n’était pas prévue à peine de nullité. 

Décision. La Chambre criminelle rejette le pourvoi. Si c’est à tort que la cour d’appel a jugé que cette formalité n’était pas prévue à peine de nullité, l’arrêt n’encourt pas la censure puisque l’annulation de la mesure, fondée sur la méconnaissance de l’article 63-2 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L2087MMA, suppose la démonstration d’un grief. Ce grief ne peut être établi, en ce qui concerne la tardiveté de l’avis donné à l’employeur, que lorsque la méconnaissance des dispositions a empêché ou gêné l’exercice du droit à l’assistance d’un avocat, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

Pour aller plus loin : C. Lanta de Bérard, ÉTUDE : La garde à vue et les auditionsin Procédure pénale (dir. J.-B. Perrier), Lexbase N° Lexbase : E46203C4.

Pour vous former : formation Lexlearning, Maîtrise et pratique de la garde à vue : assister efficacement son client (LXBEL148) (dir. J. Despeisse et S. Trifkovic).

 

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