Le Quotidien du 20 mai 2024

Le Quotidien

Actualité judiciaire

[A la une] Roman Polanski relaxé des accusations en diffamation portées par une comédienne qui l’accuse de viol

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par Vincent Vantighem

Le 17 Mai 2024

Pour la justice, il n’y a rien à dire. Pour l’opinion publique, c’est autre chose. Le réalisateur Roman Polanski a vécu une drôle de semaine de mai, à l’occasion de deux actualités que le hasard du calendrier a rapprochées. D’abord, l’actualité judiciaire qui a vu, mardi 14 mai, le tribunal correctionnel de Paris le relaxer des accusations en diffamation portées contre lui par l’actrice britannique Charlotte Lewis.

Accusé d’agressions sexuelles et de viols par plusieurs femmes, Roman Polanski avait qualifié « d’odieux mensonge » les dénonciations de Charlotte Lewis, dans une interview à Paris-Match d’il y a quelques années. Au passage, il avait laissé entendre que l’actrice était « folle » et qu’il serait bon qu’elle consulte un psychologue. Raisons pour lesquelles celle-ci avait porté plainte en diffamation. Après une audience électrique, le tribunal a donc donné raison au réalisateur dans ce litige.

Évidemment, les juges de la dix-septième chambre n’avaient pas à se prononcer pour déterminer si le réalisateur avait, ou non, violé l’actrice britannique peu avant le tournage du film Pirates en 1986, comme elle le prétend, mais seulement si le cinéaste avait fait un usage abusif de la liberté d’expression lors de sa fameuse interview de 2019. Pour les magistrats, la réponse est donc « non ». Les propos poursuivis relèvent « du jugement de valeur sur le caractère versatile de la partie civile », écrivent-ils dans leur jugement, le tribunal ayant constaté « un important décalage entre l’admiration et la reconnaissance de la comédienne à l’égard du réalisateur, dont elle a publiquement fait part jusqu’en 2010, et la dénonciation de la nature violente de leur relation au moment où elle a décidé de participer à la vindicte engagée contre lui ».

Autrement dit, il n’y avait dans les propos de Roman Polanski « aucun fait susceptible de porter atteinte à l’honneur et à la considération de la partie civile ».

Des manifestations devant les cinémas

L’affaire aurait pu s’arrêter à la porte du tribunal judiciaire, où Roman Polanski n’a pas eu l’honneur de se rendre. Mais l’ère #MeToo a depuis longtemps franchi les prétoires. Et le débat s’est invité, dès le lendemain, mercredi 15 mai, devant les salles de cinéma.

Parce que le hasard du calendrier a voulu que ce soit la date choisie pour la sortie du dernier film de Roman Polanski intitulé The Palace. Étrillé par la critique, ce nouveau long-métrage, qui raconte le passage à l’an 2000 depuis un hôtel suisse, a été programmé dans un nombre très restreint de salles (quatre-vingt en tout en France), tant la personnalité du cinéaste est désormais décriée. Mais les quelques rares qui avaient choisi de le diffuser ont eu la surprise de recevoir la visite de militantes féministes venues dénoncer la situation. Avec des pancartes sans équivoque : « Violanski ! » « Charlotte Lewis, on te croit ! »

Le « contexte étouffant de #MeToo »

Celle-ci a dû voir les images dans les médias et se consoler avec ce soutien populaire. En pleurs, mardi au tribunal judiciaire, elle avait fait part de sa tristesse : « C’est un jour très triste pour les femmes qui dénoncent leurs agresseurs », a-t-elle lâché, laissant entendre qu’elle ferait appel du jugement.

De son côté, Delphine Meillet, l’avocate de Roman Polanski, a salué une « décision importante », se félicitant d’avoir encore le droit de « mettre en doute la parole d’une accusation », dans le « contexte étouffant de #MeToo ».

Elle sait qu’elle n’en a pas encore fini avec son illustre client. Accusé par de nombreuses femmes depuis plus de dix ans maintenant, Roman Polanski a toujours contesté avec force les faits qui lui sont reprochés, tout en poursuivant une carrière qui l’a vu remporter une Palme d’or à Cannes et un Oscar pour le film Le Pianiste.

Mais désormais, il ne peut plus se déplacer sans être l’objet de violentes critiques. Des critiques qui l’attendent encore outre-Atlantique où il doit être jugé, l’an prochain, au civil, pour le viol d’une adolescente en 1973, qu’il conteste là aussi.

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Avocats/Institutions représentatives

[Brèves] Mise en ligne de l'annuaire national des avocats : le CNB a entièrement exécuté la décision d'injonction

Réf. : CE, 29 avril 2024, n° 474523 N° Lexbase : A7511293

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par Marie Le Guerroué

Le 03 Juin 2024

► En procédant à la mise en ligne de l'annuaire national tel qu'il existe, le CNB a entièrement exécuté la décision du 20 avril 2023 lui enjoignant de mettre en ligne cet annuaire dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé, conformément aux règles de droit commun régissant la publication en ligne des documents administratifs.

Procédure. Par une décision du 27 septembre 2022 N° Lexbase : A21348LM, le Conseil d'État, statuant au contentieux avait, sur la demande de l'association « Ouvre-boîte », annulé la décision du Conseil national des barreaux (CNB) refusant de mettre en ligne, dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé, le document administratif communicable à toute personne que constitue le fichier correspondant à l'annuaire national des avocats que ce Conseil a établi, conformément à l'article 21-1 de la loi n° 71-1130, du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques N° Lexbase : L6343AGZ, et enjoint à ce Conseil de mettre en ligne cet annuaire dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé, conformément aux règles de droit commun régissant la publication en ligne des documents administratifs, notamment celle résultant de l'article L. 300-4 du Code des relations entre le public et l'administration N° Lexbase : L4873LAQ.

Réponse du CE. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'annulation et de l'injonction prononcée par la décision du 20 avril 2023 N° Lexbase : A23459QW, le CNB a mis en ligne l'annuaire national des avocats existant, dans les conditions techniques requises par cette décision. Si l'association « Ouvre-boîte » soutient que la version mise en ligne ne comporte pas l'ensemble des informations mentionnées par cette décision et qui devraient figurer dans cette version pour la bonne exécution de celle-ci, il résulte de cette décision et de la décision du 27 septembre 2022, eu égard en particulier à la possibilité que donne l'article 21-1 de la loi du 31 décembre 1971 au CNB de modifier le contenu de cet annuaire, qu'en procédant à la mise en ligne de l'annuaire national tel qu'il existe, le CNB a entièrement exécuté cette décision. Par suite, la requête de l'association « Ouvre-boîte » tendant à ce que le Conseil d'État enjoigne sous astreinte au CNB d'exécuter sa décision du 27 septembre 2022 est rejetée.

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Bancaire

[Brèves] Appréciation de l’existence d’une anomalie apparente

Réf. : Cass. com., 2 mai 2024, n° 22-17.233, FS-B N° Lexbase : A885529T

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par Jérôme Lasserre Capdeville

Le 17 Mai 2024

► Le caractère illogique de demandes de rachat du livret d’épargne souscrit par l’intéressé, au regard des finalités de ce placement, ne constitue pas une anomalie apparente dès lors que le client est libre de disposer de ses actifs ;

De même, des demandes de virement faites par la même personne des comptes de sa société vers ses comptes personnels n’appellent pas, en dépit du montant inhabituel du dernier virement, une vigilance particulière dès lors qu’il en est le bénéficiaire économique.

L’application dans un même temps du droit bancaire et du droit des majeurs protégés peut donner lieu à des difficultés juridiques. Il arrive ainsi, parfois, qu’un banquier se voit reprocher un manquement à son devoir de vigilance. Cette question était au cœur de la décision sélectionnée.

Faits et procédure. Entre le 23 février et le 5 décembre 2017, M. U. avait ordonné cinq virements, pour un montant total de 1 950 000 euros, du compte ouvert dans les livres de la société Caisse de crédit mutuel de [Localité 6] par la société A., dont il était le gérant et l’associé unique, vers son compte personnel ouvert dans les livres de la société Caisse de crédit mutuel de [Localité 8]. Puis les 12 juillet et 12 octobre 2017, M. U. avait procédé au rachat du livret retraite qu’il détenait dans les livres de la société Caisse de crédit mutuel de [Localité 8], pour un montant de 320 000 euros.

Or, le 6 mars 2018, M. U. avait été placé sous sauvegarde de justice. Surtout, le 22 mars 2018, une information judiciaire avait été ouverte du chef d’escroquerie sur personne vulnérable. M. U. était finalement décédé en 2018, en laissant pour lui succéder sa fille unique, Mme U.

Les 7 et 9 février 2019, la société A., représentée par son administrateur provisoire, et Mme U. avaient assigné les sociétés Caisse de crédit mutuel de [Localité 8] et Caisse de crédit mutuel de [Localité 6] pour manquement à leur obligation de vigilance et obligations de teneur de compte.

La cour d’appel de Paris ayant, par une décision du 6 avril 2022, rejeté leurs demandes, la société A. et Mme U. avaient formé un pourvoi en cassation.

Décision. En premier lieu, les intéressés faisaient grief à l’arrêt d’avoir rejeté leurs demandes en restitution des sommes versées sur le compte personnel de M. U. Plusieurs arguments étaient opposés.

La Cour de cassation observe, pour sa part, qu’après avoir rappelé que les conditions générales de la convention du compte de la société et celles du compte à terme de M. U. stipulaient que, sauf accord entre les parties, les instructions seraient données par le payeur par écrit, et constaté que M. U. donnait régulièrement des ordres de virement oralement, l’arrêt de la cour d’appel avait relevé qu’il n’avait pas contesté les virements des 23 février et 5 décembre 2017, après qu’un préposé de la société Caisse de crédit mutuel de [Localité 6] lui avait demandé, par courriel du 2 février 2018, de signer les documents écrits qu’il lui adressait concernant ces virements.

La décision des juges du fond avait ajouté qu’après que la société Caisse de crédit mutuel de [Localité 6] se soit montrée réticente à accéder à ses demandes, M. U s’était rendu personnellement à l’agence bancaire le 6 février 2018 pour obtenir à nouveau des déblocages de fonds, sans davantage remettre en cause les virements antérieurs, que, le 13 février, un avocat se présentant comme son représentant avait écrit pour se plaindre de l’impossibilité d’effectuer certains virements importants et, enfin, qu’il avait disposé d’une partie des sommes virées sur son compte personnel, en opérant plusieurs retraits et en établissant divers chèques.

Dès lors, la cour d’appel, qui pouvait se fonder sur des éléments postérieurs aux virements pour apprécier si M. U. y avait consenti à la date où les ordres avaient été donnés, avait pu retenir que les opérations de paiement litigieuses avaient été autorisées. Le moyen n’est donc pas jugé fondé.

Cette solution emporte notre conviction. Il revient, en effet, aux juges du fond de déterminer, à la vue des circonstances de fait, si le payeur a consenti aux opérations de paiement en question. Ici, l’ensemble des circonstances permettait objectivement de penser que l’intéressé avait bien souhaité verser les sommes en question sur son compte personnel.

On soulignera que les magistrats paraissent considérer, en l’occurrence, qu’il importe peu que les règles de forme préalablement définies pour consentir aux opérations n’aient pas été scrupuleusement respectées, si d’autres circonstances sont de nature à démontrer la volonté du payeur.

En second lieu, Mme U. et la société A. faisaient grief à l’arrêt des juges parisiens d’avoir rejeté leurs demandes de dommages et intérêts dirigées contre la société Caisse de crédit mutuel de [Localité 8] et la société Caisse de crédit mutuel de [Localité 6]. Ils rappelaient, dans leur pourvoi, que le banquier est tenu d’un devoir de vigilance et doit engager sa responsabilité en procédant à des opérations sur un compte, malgré des anomalies apparentes.

La Cour de cassation observe alors qu’après avoir énoncé que le devoir de non-immixtion du banquier dans les affaires de son client ne cède, en vertu de son obligation de vigilance, qu’en cas d’anomalie apparente, l’arrêt de la cour d’appel avait retenu que le caractère illogique des demandes de rachat du livret d'épargne souscrit par M. U., au regard des finalités de ce placement, ne constituait pas une anomalie apparente, dès lors que le client est libre de disposer de ses actifs et que les demandes de virement faites par M. U. des comptes de la société, dont il était l'associé unique et le gérant, vers ses comptes personnels, n'appelaient pas, en dépit du montant inhabituel du dernier virement, une vigilance particulière dès lors qu’il en était le bénéficiaire économique.

Après avoir ensuite analysé les certificats médicaux et les témoignages des employés de la banque produits et relevé que le signalement adressé par la banque au ministère public sur l’état de santé de M. U. avait été concomitant de ceux émanant de la famille de ce dernier, l’arrêt des juges du fond avait encore retenu que, compte tenu de sa nature, faisant alterner des périodes de cohérence et des épisodes « excitatifs », l’affection dont souffrait M. U. ne permettait pas au banquier, tenu d’un devoir de non-ingérence, et qui avait évité certains paiements, de déterminer si les demandes émanant de son client étaient ou non en relation avec son trouble.

Pour la Cour de cassation, la cour d’appel avait pu retenir que les opérations de rachat et les ordres de virement ne comportaient, au moment de leurs réalisations, aucune anomalie apparente, qui aurait obligé les banques à procéder à des vérifications particulières. Le moyen n'est donc pas fondé.

Ici encore, la solution parait échapper à la critique. Le fait que l’intéressé ait été le bénéficiaire des opérations réalisées est, bien évidemment, une circonstance importante. Aucun détournement de la part de tiers n’apparaissait à la vue des circonstances de fait. La banque semblait donc devoir respecter son devoir général de non-ingérence.

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Collectivités territoriales

[Brèves] Octroi de subventions aux associations humanitaires : les collectivités ne doivent pas financer d’actions politiques

Réf. : CE, sect., 13 mai 2024, trois arrêts publiés au recueil Lebon, n° 474652 N° Lexbase : A35795B8, n° 472155 N° Lexbase : A35775B4 et n° 474507 N° Lexbase : A35785B7

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par Yann Le Foll

Le 02 Août 2024

► En subventionnant une association humanitaire menant une activité de sauvetage en mer de migrants, les collectivités territoriales ne doivent pas prendre parti dans un conflit de nature politique et toujours s’assurer que leurs subventions financent uniquement des activités réellement humanitaires.

Rappel. Aux termes de l’article L. 1115-1 du Code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige N° Lexbase : L4750L73 : « Dans le respect des engagements internationaux de la France, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent mettre en œuvre ou soutenir toute action internationale annuelle ou pluriannuelle de coopération, d’aide au développement ou à caractère humanitaire. / À cette fin, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, le cas échéant, conclure des conventions avec des autorités locales étrangères. Ces conventions précisent l’objet des actions envisagées et le montant prévisionnel des engagements financiers […] ».

Faits. La requête initiale tendait à l’annulation de la délibération du 30 juillet 2020, par laquelle le conseil municipal de Montpellier a décidé d’attribuer une subvention de 15 000 euros à l’association SOS Méditerranée France.

Position CE (arrêt n° 474652). Si l’activité de cette association est bien susceptible de relever d’une action internationale à caractère humanitaire au sens de l’article L. 1115-1 du Code général des collectivités, ses responsables ont toutefois pris publiquement des positions, critiquant tant le refus opposé par certains États membres au débarquement des personnes qu’elle a secourues, que les orientations de l’Union européenne incitant à privilégier le débarquement des personnes secourues en Libye, pays de départ des embarcations. Ils ont, plus généralement, plaidé pour une politique de sauvetage en mer plus volontariste et mieux coordonnée de la part de l’Union européenne et de ses États membres.

En outre, il ressort des pièces du dossier que la délibération en litige ne précise pas la destination de la subvention de 15 000 euros qu’elle accorde à l’association. En outre, si la convention signée par la commune de Montpellier et l’association pour encadrer l’utilisation de cette subvention stipule à son article 5 que l’association s’engage à utiliser la subvention conformément à l’objet défini à l’article 1er, ce dernier se borne à stipuler que la subvention a été sollicitée pour le fonctionnement de l’association, et à rappeler, sans autre précision, l’ensemble des buts énumérés par l’article 1er de ces statuts.

Ni cette convention, en l’absence de stipulations réservant exclusivement l’utilisation de la subvention allouée à l’action de sauvetage en mer de l’association, à l’exclusion du financement des autres activités à caractère politique conduites par cette association, ni aucun autre élément du dossier ne suffisent à établir que la commune se serait assurée, par les conditions qu’elle aurait posées et des engagements appropriés qu’elle aurait demandé à l’association de prendre, que son aide serait exclusivement destinée au financement de l’action internationale à caractère humanitaire qu’elle entendait soutenir.

Décision. La délibération attaquée est donc annulée.

Position CE inverse (arrêts n° 472155 et 474507). La subvention accordée par le conseil de Paris est exclusivement destinée à financer l'affrètement d'un nouveau navire, en vue de permettre à l'association de reprendre ses activités de secours en mer. En outre, la convention conclue entre la Ville de Paris et l'association, en application de cette délibération, stipule que l'utilisation de la subvention à d'autres fins entraîne la restitution de tout ou partie des sommes déjà versées, et que la Ville de Paris peut effectuer des contrôles, y compris sur pièces et sur place, pour s'assurer du respect de ces obligations. La destination de ce soutien est donc suffisamment encadrée et répond à l’ensemble des conditions de fond et de forme exigées par la loi (n° 472155).

Dans la dernière affaire, la Haute juridiction a estimé qu’il ne ressortait pas des pièces du dossier que la commission permanente du conseil départemental de l’Hérault aurait, en prenant la délibération litigieuse, entendu s’associer aux prises de position publiques de l’association bénéficiaire. Elle a ainsi rejeté la demande d'annulation d'attribution de la subvention à la même association (n° 474507).

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Droit rural

[Brèves] Droit de reprise du bailleur au profit d’un descendant : le juge doit vérifier si l’opération n’est pas soumise à déclaration préalable !

Réf. : Cass. civ. 3, 25 avril 2024, n° 22-12.247, F-D N° Lexbase : A522129A

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par Christine Lebel, Maître de conférences HDR à l’Université de Franche-Comté

Le 17 Mai 2024

► Lorsqu’il est saisi d’un litige relatif à un congé délivré par le bailleur pour reprise au profit d’un descendant majeur, sur le fondement de l’article L. 411-47 du Code rural et de la pêche maritime, le juge doit rechercher, lorsque cela lui a été demandé, si l’opération n’est pas soumise à une déclaration préalable, en application de l’article L. 331-2, II, du même code.

Par un arrêt rendu le 25 avril 2024, la Cour de cassation précise qu’en présence d’un congé pour reprise par le bailleur au profit d’un descendant majeur, la cour d’appel, doit, lorsque cela lui a été demandé, vérifier si l’opération de reprise est soumise ou non au régime dérogatoire de la déclaration préalable, au regard de la législation du contrôle des structures ; tout spécialement lorsque le bénéficiaire de la reprise est un exploitant pluriactif. En censurant la cour d’appel, la Haute cour indique que cette seule qualité ne l’exclut pas du champ d’application du régime dérogatoire de la déclaration préalable des opérations portant transmission familiale d’exploitations agricoles (C. rur., art. L. 331-2, II N° Lexbase : L4559I4M).

En l’espèce, les parcelles agricoles détenues par les membres d’une famille ont été données à bail rural. En raison du décès des bailleurs initiaux, la propriété de deux parcelles a été démembrée, ainsi l’usufruit était détenu en totalité pour l’une et en partie pour la seconde à un membre de la famille, la nue-propriété appartenant à deux autres personnes de la même famille. Parmi ces derniers, l’un est exploitant agricole pluriactif, car il exerce une autre activité professionnelle (chargé d'affaires agricoles) et est également propriétaire de deux parcelles, d’une superficie totale d’environ 30 hectares. Les consorts ont fait délivrer, le 30 mars 2015, un congé au preneur à effet du 30 septembre 2016, pour reprise au profit de l’un d’entre eux, agriculteur pluriactif et le preneur a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux aux fins de contestation de ce congé. Le tribunal a validé le congé des consorts et le preneur a interjeté appel.

Par un arrêt du 14 décembre 2021, la cour d’appel (CA Amiens, 14 décembre 2022, n° 19/08702 N° Lexbase : A08137G9) relève que le congé est valable dans sa forme. Toutefois, elle annule le congé au motif qu’en application de l’article L. 331-2, I, 3° du Code rural et de la pêche maritime, sont soumises à autorisation préalable, quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements, ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole, lorsque l'exploitant est un exploitant pluriactif remplissant les conditions de capacité ou d'expérience professionnelle dont les revenus extra-agricoles excèdent 3120 fois le montant horaire du salaire minimum de croissance, à l'exception des exploitants engagés dans un dispositif d'installation progressive au sens de l'article L 330-2 du même code.

Question. La question soulevée dans le pourvoi des bailleurs est de savoir quel est le régime applicable à la conclusion de baux ruraux portant sur des biens appartenant à un membre de la famille des bailleurs, lorsque le bénéficiaire du droit de reprise a la qualité d’exploitant pluriactif ?

Enjeu. Si le bénéficiaire du droit de reprise doit solliciter une autorisation d’exploiter et ne l’a pas fait, il ne peut valablement conclure un bail rural portant sur les parcelles reprises. En effet, l’article L. 331-6 du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L6546HHW précise que « si le preneur est tenu d'obtenir une autorisation d'exploiter en application de l'article L. 331-2, la validité du bail ou de sa cession est subordonnée à l'octroi de cette autorisation ». À défaut, la nullité du bail peut être prononcée.

Réponse de la Cour de cassation. La cour d’appel doit rechercher, lorsque cela lui a été demandé, si l’opération n’est pas soumise à une déclaration préalable, en application de l’article L. 331-2, II, du Code rural et de la pêche maritime. À défaut, sa décision n’a pas de base légale.

Concrètement, pour que le congé pour reprise du bailleur soit valable, depuis la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014, d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt N° Lexbase : L4151I4I, quatre conditions doivent être remplies :

  • capacité professionnelle (C. rur., art. L. 331-2, I, 3°) ;
  • biens libres de location (C. rur., art. L. 331-2, II), ce qui n’est pas le cas lorsqu’ils sont donnés à bail, expliquant pourquoi, en l’espèce, ils ont délivré un congé pour reprise ;
  • biens détenus par le parent ou allié concerné depuis neuf ans au moins ;

À noter. – Le parent ou allié jusqu’au troisième degré, auteur de la transmission du bien, doit l’avoir détenu depuis neuf ans au moins. Les faits de l’espèce ne précisent pas exactement depuis quand les consorts sont propriétaires des parcelles litigieuses. Toutefois, ils avaient délivré un premier congé pour reprise en 2002. Le congé litigieux ayant effet au 30 septembre 2016, les consorts devaient détenir les parcelles louées depuis le 30 septembre 2005. Étant propriétaires depuis 2002, la condition relative à la durée de détention était effectivement remplie.

En outre, il n’est pas exigé une détention par la même personne pendant toute la durée légale. La condition est remplie dès lors que les détenteurs successifs faisaient partie de la famille jusqu’au troisième degré inclus (Instr. Techn. DGPE/SDPE/2016-561 du 7 juillet 2016).

  • biens destinés à l’installation d’un nouvel agriculteur ou à la consolidation de l’exploitation du déclarant.

Cette quatrième condition a été ajoutée par la loi du 13 octobre 2014 précitée. Son but est d’éviter les agrandissements incontrôlés d’empires familiaux. Si l’opération est destinée à installer un nouvel agriculteur, le respect des trois premières conditions suffit pour se prévaloir du régime déclaratif. Dans le cas contraire, comme en l’espèce, lorsque les biens sont repris par une personne déjà exploitante, l’agrandissement ne doit pas avoir pour effet de lui faire dépasser le seuil de surface du SDREA déclenchant le régime d’autorisation (C. rur., art. L. 331-2, II). Au-delà, en effet, le candidat à la mise en valeur ne peut plus réclamer le bénéfice de la déclaration. En l’occurrence, le seuil de déclenchement du contrôle dans le SDREA de Picardie est de 90 hectares après réalisation de l’opération envisagée. En l’espèce, après validation du congé pour reprise, le bénéficiaire exploiterait 89 hectares et 39 centiares, par conséquent, le seuil de déclenchement précité n’était pas atteint.

Ainsi, la seule qualité d’exploitant pluriactif du bénéficiaire du droit de reprise ne lui fait pas perdre la possibilité de bénéficier du régime de la déclaration préalable de la législation du contrôle des structures, dès lors que les quatre conditions énoncées à l’article L. 331-2, II, du Code rural et de la pêche maritime sont effectivement remplies, comme en l’espèce.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Droit de reprise du bailleur à ferme, Interdiction de substitution du bénéficiaire mentionné dans le congé pour reprise, in Droit rural (dir. Ch. Lebel), Lexbase N° Lexbase : E9182E9X.

 

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