Réf. : Cass. soc., 27 mars 2024, n° 22-15.519, F-B N° Lexbase : A17972XT
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par Lisa Poinsot
Le 05 Avril 2024
► L’activité de transport sanitaire liée au transport assis professionnalisé par taxi conventionné par une CPAM n’entre pas dans le champ d’application de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950.
Faits et procédure. Une salariée, ayant démissionné, saisit la juridiction prud’homale aux fins de demande en paiement des repos compensateurs et congés payés afférents en soutenant que la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950
La cour d’appel (CA Montpellier, 9 février 2022, n° 18/0057 N° Lexbase : A79467MA) analyse le code APE. Elle retient que la mention du code APE 49.32Z portée sur les bulletins de paie de salaire de salariée, de 2023 à 2026, renvoyant à la sous-classe des transports de voyageurs par taxi qui ne comprend pas le transport par ambulance, n’est qu’indicative. En outre, il ressort du certificat d’inscription au répertoire Sirene que ce code APE a été modifié par l’Insee. Il est désormais celui des ambulances. Cela signifie que cet organisme considère que la société de taxis exerce une activité principale d’ambulance.
Par ailleurs, la société a bien une activité de transport sanitaire au regard de l’attestation de l’expert-comptable, d’extraits des grands livres de comptes ainsi que de la convention signée entre la CPAM et la société qui mentionne la salariée comme chauffeur, de même que le référentiel national des transporteurs recensant les taxis conventionnés.
Également, la cour d’appel relève des documents comptables produits que son chiffre d’affaires est essentiellement généré par le transport sanitaire.
Par tous ces éléments, l’activité principale de l’employeur au moment de la relation contractuelle avec la salariée est celle de transport sanitaire de sorte que la cour d’appel juge que la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 s’applique.
La salariée forme alors un pourvoi en cassation.
Solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule la décision de la cour d’appel en application de l’article L. 2261-2 du Code du travail
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Réf. : Cass. civ. 3, 29 février 2024, n° 22-24.558, FS-B N° Lexbase : A26212Q7
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par Martine Dagneaux, Conseiller honoraire à la Cour de cassation
Le 03 Avril 2024
Mots clés : syndic • quitus • responsabilité du syndic • recevabilité de l’action du copropriétaire ayant voté le quitus
Même s’il a voté en faveur de la résolution donnant quitus au syndic, un copropriétaire peut rechercher la responsabilité délictuelle du syndic.
Mme K, propriétaire d’un appartement dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, a assigné le syndic en indemnisation du préjudice financier et de jouissance qu’elle estime avoir subi du fait du retard pris par ce dernier à faire réaliser les travaux nécessaires pour l’étaiement et la remise en état de l'immeuble qui présentait de graves désordres de structure.
Le syndic a opposé à la demande, notamment, le fait que Mme K avait voté le quitus et ainsi renoncé à toute critique sur l'exécution du contrat de syndic.
Le tribunal d’instance de Dieppe a par jugement du 18 février 2021 n° 17/01108, condamné le syndic à indemniser Mme K de ses préjudices tant financier que de jouissance.
Sur appel du syndic, la cour d'appel de Rouen a, par arrêt du 12 octobre 2022 (CA Rouen, 12 octobre 2022, n° 21/01091 N° Lexbase : A71738PD), confirmé le jugement sur le principe de la responsabilité du syndic et le montant des dommages et intérêts pour le préjudice financier mais a réduit l’indemnisation du préjudice de jouissance.
Le syndic a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel au motif notamment que le quitus donné par l'assemblée générale interdisait tant au syndicat des copropriétaires qu’aux copropriétaires ayant voté ce quitus de rechercher la responsabilité du syndic à raison des faits portés à leur connaissance lors du vote.
La troisième chambre de la Cour de cassation a, par arrêt du 29 février 2024 (Cass. civ. 3, 29 février 2024, n° 22-24.558, FS-B N° Lexbase : A26212Q7), destiné tant à une publication au bulletin qu’à la lettre de la chambre, rejeté le pourvoi en retenant que le fait de voter le quitus n’interdit pas à un copropriétaire de rechercher la responsabilité délictuelle du syndic pour obtenir réparation du préjudice personnel né de la faute de ce dernier.
Cet arrêt marque une évolution dans la jurisprudence de la Cour de cassation qui, si elle affirmait clairement que le quitus empêchait le syndicat des copropriétaires de rechercher la responsabilité du syndic, sauf pour des faits qui n’auraient pas été portés à sa connaissance au moment du vote, n’avait pas eu, depuis une trentaine d’années, l’occasion de s’exprimer sur la possibilité pour les tiers au contrat de syndic, dont font partie les copropriétaires, d’agir en responsabilité contre le syndic, malgré le quitus, en réparation d’un préjudice personnel.
L’importance de cet arrêt est attestée par sa publication au bulletin des arrêts civils et à la lettre de la chambre. Cette lettre permet de diffuser au public des décisions qui portent, comme en l’espèce, sur des questions de la vie quotidienne.
Le quitus doit être distingué de l’approbation des comptes. Ils ont un objet différent et ne sauraient être votés dans une même résolution car chaque résolution proposée au vote de l'assemblée générale ne peut avoir qu’un seul objet (Cass. civ. 3, 14 janvier 2009, n° 08-10.624, FS-P+B N° Lexbase : A3542EC8). Ainsi, si seule la question de l’approbation des comptes figure à l'ordre du jour, la résolution votée à ce titre ne peut en même temps donner quitus (Cass. civ. 3, 6 juillet 1994, n° 89-16.212 N° Lexbase : A6239ABP).
La décision d’approbation des comptes ne se confondant pas avec celle sur le quitus de la gestion du syndic, l’annulation de la délivrance de ce quitus n’emporte pas annulation de la décision d’approbation des comptes (Cass. civ. 3, 17 mars 1999, n° 97-18.705 N° Lexbase : A7213CUP).
L’approbation des comptes, prévue à l'article 18, II, alinéa 3, de la loi du 10 juillet 1965 N° Lexbase : Z74302TK) entraîne seulement constatation de la régularité comptable et financière des comptes (Cass. civ. 3, 14 mars 2019, n° 17-26.190, FS-P+B+I N° Lexbase : A0105Y4N ; Cass. civ. 3, 22 octobre 2020, n° 19-22.278, F-D N° Lexbase : A86183YT ). L’approbation des comptes ne décharge donc pas le syndic de sa responsabilité. Elle ne vaut pas ratification des actes effectués par le syndic : par exemple elle ne saurait entraîner implicitement ratification de travaux exécutés en urgence par le syndic, qui n’a pas ensuite convoqué l'assemblée générale comme l’article 37, alinéa 1, du décret du 17 mars 1967 (décret n°67-223 du 17 mars 1967 N° Lexbase : L5532IGY) le lui impose (Cass. civ. 3, 1er février 2005, n° 03-19.787, F-D N° Lexbase : A6367DGW ; Cass. civ. 3, 17 janvier 2007, n° 05-17.119, FS-P+B+I N° Lexbase : A5718DTX).
Le quitus n’est en revanche pas expressément prévu dans la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 N° Lexbase : L5536AG7. Le syndic, qui est le mandataire du syndicat des copropriétaires, est tenu, comme tout mandataire, en vertu de l’article 1993 du Code civil N° Lexbase : L2216ABP, de rendre compte de sa gestion. D’où l’habitude qui avait été prise, à l’origine, par les syndics de soumettre la question du quitus à l'assemblée générale des copropriétaires. Cette pratique était, toutefois, peu à peu tombée en désuétude, compte tenu de la réticence de certains copropriétaires à délivrer quitus car ils craignaient de ne pouvoir ensuite rechercher la responsabilité du syndic. A défaut de réglementation expresse pour son vote, c’est la majorité prévue à l'article 24 de cette loi qui s’applique (majorité des voix des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance). A noter que le refus de donner quitus n’emporte ni révocation du mandat de syndic (Cass. civ. 3, 24 mai 1978, n° 77-11.553 N° Lexbase : A8339CIP ), ni exonération du paiement des honoraires du syndic.
Le quitus signifie que le syndic a rempli correctement sa mission de gestion de la copropriété. Il était traditionnellement admis que le quitus déchargeait le syndic de toute responsabilité dans sa gestion (Cass. civ. 3, 19 octobre 2011, n° 10-20.019, FS-D N° Lexbase : A8755HYW ; Cass. civ. 3, 27 mars 2012, n° 11-11.113, F-D N° Lexbase : A0077IHC). À tout le moins vis-à-vis du syndicat des copropriétaires qui est son seul cocontractant et pour les actes et faits connus des copropriétaires au moment où ils avaient émis leur vote (Cass. civ. 3, 23 juin 1999, n° 97-17.085 N° Lexbase : A2401CZX). Toute découverte ultérieure d’une irrégularité dans la gestion, qui n’était pas connue des copropriétaires ou dont les conséquences ne pouvaient être appréciées dans toute leur étendue, redonnait la possibilité au syndicat des copropriétaires d’agir en responsabilité contre le syndic. De la même façon la responsabilité du syndic pouvait être recherchée dès lors qu’il apparaissait que celui-ci avait donné des informations fausses afin de pouvoir obtenir quitus (Cass. civ. 3, 17 juin 2003, n° 02-11.928, F-D N° Lexbase : A8615C8L).
Dans un arrêt déjà un peu ancien, la Cour de cassation avait refusé aux copropriétaires d’agir à titre individuel en réparation de leur préjudice personnel contre le syndic qui avait reçu quitus pour sa gestion. Elle avait, en effet, estimé que la cour d'appel avait légalement justifié sa décision d’irrecevabilité de la demande en « ayant relevé que les demandes de condamnation du cabinet X. portaient sur ses actes d'administration et de gestion de la copropriété », et « retenu que les assemblées générales du 15 octobre 1990 et du 4 mars 1992 lui avaient donné quitus pour toute la période de son mandat » (Cass. civ. 3, 18 décembre 1996, n° 94-21.139 N° Lexbase : A7175CWN).
En revanche, des cours d'appel considéraient que le quitus n’empêchait pas les copropriétaires pris individuellement d’engager la responsabilité délictuelle du syndic pour le préjudice qu’ils subissent personnellement (CA Paris, 19e ch. B, 5 février 1998, D. 1999, p. 77 ; CA Basse-Terre, 1ere ch., 13 mars 2017, n° 15/00189 N° Lexbase : A0733T7B ; CA Nancy, 5 juillet 2018, n° 16/03404 N° Lexbase : A2671XWT).
Cette solution semblait logique car le quitus ne concerne que la gestion du syndic dans ses rapports avec le syndicat des copropriétaires, qui est son seul cocontractant et qui doit donc seul donner ou ne pas donner quitus. Dès lors, il n’existait pas de raison de considérer que ce quitus empêchait les copropriétaires d’agir en réparation d’un préjudice distinct de celui de la copropriété causé par les agissements du syndic.
Pour autant, ces décisions de cour d'appel ne tranchaient pas expressément la question de savoir si un copropriétaire qui avait voté en faveur du quitus pouvait ensuite agir en responsabilité contre le syndic.
Or telle était la question dont la Cour de cassation était précisément saisie dans l'arrêt commenté. Le pourvoi reprochait à la cour d'appel d’avoir considéré que le copropriétaire qui avait voté en faveur de ce quitus pouvait néanmoins agir en responsabilité pour les fautes du syndic en lien avec un préjudice distinct de celui de la copropriété.
La Cour de cassation commence par rappeler logiquement que le copropriétaire qui a voté en faveur d’une résolution ne peut ensuite solliciter l’annulation de celle-ci sur le fondement de l'article 42, alinéa 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 N° Lexbase : L4849AH3. Puis elle approuve la cour d'appel d’avoir considéré que le fait que Mme K ait voté en faveur du quitus ne l’empêchait pas d’agir contre le syndic pour obtenir réparation de son préjudice personnel.
Cette décision doit être approuvée car le quitus n’a d’effet que dans les relations syndic-syndicat des copropriétaires et ne peut valoir décharge de responsabilité que pour le préjudice éventuellement subi par la copropriété du fait des agissements du syndic. Le quitus ne peut avoir d’effet vis-à-vis des tiers dont font partie les copropriétaires. Dès lors le préjudice personnellement subi par un ou des copropriétaires ne peut être affecté par ce quitus.
Il faudra bien entendu que Mme K démontre la faute du syndic, la réalité du préjudice qu’elle subit et le lien de causalité entre ce préjudice et la faute du syndic. En l’espèce, elle invoquait les négligences du syndic qui avait tardé à mettre en œuvre les travaux de réfection de l'immeuble. Des décisions récentes retiennent effectivement la responsabilité du syndic liée à sa carence dans la prise en charge de travaux urgents (Cass. civ. 3, 24 mars 2015, n° 13-24.791, F-D N° Lexbase : A6738NEB ; Cass. civ. 3, 6 juillet 2017, n° 16-18.950, F-D N° Lexbase : A8345WLN) ou au fait de ne pas alerter le syndicat sur la nécessité d'une intervention et sur les conséquences prévisibles de toute carence (Cass. civ. 3, 17 juin 2014, n° 12-24.827, F-D N° Lexbase : A5958MR4 ; Cass. civ. 3, 25 février 2016, n° 14-29.434, F-D N° Lexbase : A4460QDK).
A retenir : les copropriétaires, qui sont souvent réticents à voter le quitus au syndic par crainte de ne pouvoir ensuite agir contre celui-ci pour les fautes commises dans sa gestion, devraient être désormais rassurés. En effet, si leur vote favorable les empêche de contester ensuite la résolution donnant quitus, sur le fondement de l’article 42, alinéa 2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, et de solliciter l’indemnisation du préjudice subi par la collectivité des copropriétaires, ils resteront recevables à agir pour tout agissement du syndic qui n’aurait pas été connu d’eux au moment du vote et surtout pourront désormais agir en indemnisation du préjudice qu’ils subissent personnellement. |
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newsid:488975
Réf. : Cass. civ. 3, 28 mars 2024, n° 22-16.473, FS-B N° Lexbase : A24012X9
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N8967BZ7
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par Anne-Lise Lonné-Clément
Le 04 Avril 2024
► Le bornage rend irrecevable toute nouvelle action tendant aux mêmes fins, sauf à ce que la limite séparative, du fait de la disparition de tout ou partie des bornes, soit devenue incertaine.
La solution n’est pas nouvelle, mais c’est la première fois à notre connaissance qu’elle est formulée aussi clairement en ces termes.
Pour rappel, l’article 646 du Code civil N° Lexbase : L3247ABU dispose que « Tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës. Le bornage se fait à frais communs ».
Il est de jurisprudence constante que l’action en bornage est irrecevable dès lors qu’une délimitation des fonds est déjà intervenue, soit par la voie amiable, soit par la voie judiciaire (v. Cass. civ. 3, 16 novembre 1971, n° 70-11344, publié au bulletin N° Lexbase : A7666CHE et Cass. civ. 3, 17 juillet 1972, n° 71-10.414, publié au bulletin N° Lexbase : A8827CHE : jugeant que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel a décidé qu'il n'y avait pas lieu d'accueillir la demande en bornage dès lors qu’elle constatait l’accord antérieur des parties sur la délimitation de leurs propriétés).
Dans un arrêt du 19 janvier 2011, elle a toutefois précisé qu’« une demande en bornage judiciaire n’est irrecevable que si la limite divisoire fixée entre les fonds a été matérialisée par des bornes » (Cass. civ. 3, 19 janvier 2011, n° 09-71.207, FS-P+B N° Lexbase : A2876GQL).
C’est donc dans la lignée de ces précédentes décisions, que la Haute juridiction vient préciser qu’il résulte de l'article 646 du Code civil que le bornage rend irrecevable toute nouvelle action tendant aux mêmes fins, sauf à ce que la limite séparative, du fait de la disparition de tout ou partie des bornes, soit devenue incertaine.
Tel n’était pas le cas en l’espèce.
La cour d'appel d’Orléans (CA Orléans, 16 mars 2022, n° 21/02116 N° Lexbase : A70617QL) avait, d'abord, constaté, par motifs propres et adoptés, qu'un bornage amiable avait été réalisé et des bornes implantées en mars 1984, avant l'acquisition des parcelles par les parties.
Elle a, ensuite, abstraction faite de motifs erronés mais surabondants critiqués par la première branche, souverainement retenu, au vu de l'analyse effectuée par un géomètre, d'une attestation et de photographies versées aux débats, que si les bornes avaient disparu, la limite résultant du bornage ne pouvait pas être regardée comme perdue, puisque les auteurs du propriétaire d’un des deux fonds (demandeur à l’action en bornage) l'avaient eux-mêmes consacrée en implantant sur l'emplacement de celle-ci, en 1989, une clôture grillagée que le propriétaire actuel avait ultérieurement remplacée pour partie par un mur.
Selon la Haute juridiction, ayant ainsi fait ressortir que la limite séparative n'était pas devenue incertaine, elle en avait, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, et sans méconnaître les dispositions de l'article 647 du Code civil relatives au droit de se clore, exactement déduit que l'action en bornage était irrecevable.
On relèvera que, précisément, dans un arrêt en date du 6 juillet 2022, la Cour de cassation a jugé que la présence d'une seule borne ne rend plus effective la matérialisation de la ligne séparative fixée lors d'un précédent bornage amiable, ce dont il résulte que la demande de bornage judiciaire était recevable (Cass. civ. 3, 6 juillet 2022, n° 21-17.217, F-D N° Lexbase : A51428AP).
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Réf. : CE, 2e-7e ch. réunies, 21 mars 2024, n° 472308, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A33982WR
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N8945BZC
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par Yann Le Foll
Le 03 Avril 2024
► Le membre de la fratrie d'un réfugié, placé sous sa tutelle, devenant majeur, n’est pas fondé à demander que soit maintenue sa propre qualité de réfugié, sauf circonstances particulières le mettant dans la dépendance de son tuteur.
Principe. La fin de la tutelle exercée, à la suite du décès de leurs parents, par un réfugié à l'égard d'un membre de sa fratrie mineur, qui intervient à la majorité de celui-ci en application des dispositions de l'article 393 du Code civil N° Lexbase : L1714KMG, constitue un changement dans les circonstances ayant justifié, au titre de l'unité de la famille, la reconnaissance de la qualité de réfugié au sens de l'article L. 511-8 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) N° Lexbase : L3398LZU et du 5 de la section C de l'article 1er de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 N° Lexbase : L6810BHP.
Les principes généraux du droit applicables aux réfugiés n'imposent pas que la qualité de réfugié soit maintenue à l'intéressé à sa majorité, hormis dans le cas où il continue d'être à la charge de son tuteur et où il existe des circonstances particulières, tenant notamment à sa vulnérabilité, le mettant dans une situation de dépendance à son égard.
Il appartient à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) puis, le cas échéant, à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), d'apprécier, compte tenu de ce changement et au regard de l'ensemble des circonstances de l'espèce, si l'intéressé doit continuer à bénéficier de la protection qui lui avait été accordée.
Position CNDA. La CNDA a relevé, d'une part, que le requérant ne pouvait continuer à bénéficier de la protection internationale au titre de l'unité de la famille en raison de la fin, à sa majorité intervenue le 2 avril 2010, du lien de droit qui l'unissait à son frère.
Elle a indiqué, d'autre part, que ni les pièces du dossier, ni les déclarations de l'intéressé, ne permettaient de tenir pour fondées les craintes personnelles et actuelles qu'il évoquait en cas de retour en Angola.
Décision CE. En statuant ainsi et alors que l’intéressé ne faisait état d'aucune circonstance particulière de nature à justifier le maintien de la protection qui lui avait été accordée, la Cour, qui a suffisamment motivé sa décision, n'a pas commis d'erreur de droit (voir pour la même solution concernant l’invocation inopérante pour les enfants de réfugié majeurs au moment de l'entrée en France de ce dernier, CE, 21 mai 1997, n° 172161 N° Lexbase : A9928AD3).
À ce sujet : lire C. Lantero, Le principe de l'unité familiale : un principe général du droit examiné d'office, Lexbase Public, juin 2016, n° 657 N° Lexbase : N2931BWH. |
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Réf. : Cass. com., 27 mars 2024, n° 22-16.136, F-B N° Lexbase : A17912XM
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N8935BZX
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par Perrine Cathalo
Le 09 Avril 2024
► Il résulte des articles L. 541-1, I et II, L. 544-1 et L. 550-1 du Code monétaire et financier, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-544, du 12 avril 2007, et 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, que le conseiller en investissement financier peut fournir un service de réception et de transmission d'ordres pour le compte d'un client auquel il fournit une prestation de conseil, le cas échéant par voie de démarchage, et qu'il est tenu alors à une obligation d'information et de conseil.
Faits et procédure. Un frère et une sœur ont confié en 2006 la gestion de leur patrimoine à une SAS, en qualité de conseiller en gestion de patrimoine et en investissements financiers.
En septembre 2012, un représentant de cette société s’est rendu à leur domicile pour leur présenter et leur remettre une plaquette décrivant le projet d'acquisition, par un groupe dont la société Vova était la filiale, d'une chaîne de restaurants. Le 13 décembre 2012, les frère et sœur ont souscrit à l'emprunt obligataire émis par cette dernière société pour financer l'opération.
Seul le premier intérêt obligataire a été payé fin 2013 et la société Vova a été mise en liquidation judiciaire en 2017. Le frère et les ayants droit de sa sœur, entre temps décédée (les consorts L.), ont assigné la SAS et ses assureurs en réparation du préjudice subi en raison de la perte de leur investissement.
Par arrêt du 28 février 2022, la cour d’appel (CA Paris, 5-10, 28 février 2022, n° 20/12380 N° Lexbase : A16657PD) a rejeté leurs demandes aux motifs que la remise par la SAS de la plaquette de l'opération n'engageait pas sa responsabilité en qualité de conseiller en investissements financiers du fait qu'elle n'avait pas été chargée de sa présentation et qu'elle était étrangère à sa conception.
Les consorts L. ont formé un pourvoi devant la Cour de cassation.
Décision. La Haute juridiction censure l’arrêt de la cour d’appel.
Selon elle, le conseiller en investissement financier peut fournir un service de réception et de transmission d'ordres pour le compte d'un client auquel il fournit une prestation de conseil, le cas échéant par voie de démarchage.
Dès lors, la cour d’appel, qui a relevé que le représentant de la société s'est rendu au domicile de ses clients pour leur remettre la plaquette de présentation de l'opération « Marmiton », a concrétisé la souscription par ses clients à l'acquisition d'obligations émises par la société Vova en transmettant leurs demandes et en faisant exécuter leurs ordres, puis que la société est intervenue, en qualité de conseiller en gestion de patrimoine et de conseiller en investissement financier auprès des consorts L., n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations.
Pour en savoir plus : v. J. Lasserre-Capdeville, ÉTUDE : Le droit des établissements de crédit prestataires de services d’investissement, Le service de conseil en investissement, in Droit bancaire (dir. J. Lasserre-Capdeville), Lexbase |
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par Félix Guinebretière, Avocat associé et Claudiane Jaffre, élève avocate, Cabinet Alkemist avocats
Le 04 Avril 2024
Mots-clés : performance • évaluation des salariés • management • ressources humaines • PIP • harcèlement moral • licenciement • insuffisance professionnelle • sanction
Encore peu connus il y a quelques années, les plans d’amélioration des performances sont aujourd’hui très répandus, notamment dans les start-ups et les entreprises de la « tech ». Conçu comme un outil visant à accompagner le salarié jugé peu performant, cet outil RH est souvent mis au service d’une autre finalité : pousser le salarié à quitter une entreprise qui ne veut plus de lui.
L’évaluation individuelle des salariés, et en particulier des cadres, a pris une place de plus en plus importante dans la gestion et le fonctionnement des entreprises. Ce « capital humain » est devenu un paramètre important de la performance de l’entreprise, conduisant les employeurs à récompenser individuellement les salariés [1], ou à leur enjoindre d’améliorer leurs résultats sous peine d’en subir les conséquences [2].
S’il ressort bien entendu du pouvoir de direction de l’employeur de donner des directives et d’en contrôler l’exécution, certaines pratiques d’évaluation plus ou moins brutales ont pu voir le jour notamment outre-Atlantique avant d’être importées en France [3].
Une méthode de gestion de la performance en particulier semble s’être durablement installée en France, notamment dans les start-ups et les entreprises de culture anglo-saxonne. Il s’agit des « performance improvement plan » ou plan d’amélioration des performances, connus sous l’abréviation « PIP » [4].
En l’absence de définition juridique de cet outil managérial, il convient de se référer à la pratique des ressources humaines qui présentent le PIP comme un plan d’action se divisant en une première phase d’évaluation de la performance et une seconde phase liée à la définition et à la mise en œuvre de mesures destinées à permettre au salarié d’améliorer ses résultats et de répondre aux objectifs qui lui sont fixés.
Cette procédure, d’apparence louable, a toutefois donné lieu à de nombreuses dérives et à une instrumentalisation au détriment des salariés.
Il est alors opportun de s’interroger, derrière le vernis managérial, sur le fonctionnement du PIP, ses conséquences juridiques et son appréciation par les juges. Bien que celui-ci soit présenté comme une main tendue vers les salariés (I.), il est souvent instrumentalisé afin de préparer le licenciement de ces derniers ou de les pousser à la démission (II.), et pourrait bien constituer une forme nouvelle de harcèlement moral managérial (III.). Il devient dès lors indispensable d’adopter les bons réflexes lors de la mise en place d’un PIP (IV.).
I. L’évaluation des salariés au centre du débat
Le PIP est un dispositif qui s’adresse aux salariés considérés par leur organisation comme sous-performants. L’identification d’un tel déficit suppose au préalable une évaluation de la performance. Que ce soit pour identifier l’insuffisance qui en est la cause ou pour suivre la progression du salarié dans l’atteinte des objectifs fixés, le PIP est avant tout un outil d’évaluation des salariés.
En tant que tel, il doit donc faire l’objet d’une consultation préalable du CSE à sa mise en place au sein de l’entreprise [5]. Les salariés doivent également être informés, au préalable, de la mise en place des méthodes et techniques d’évaluation professionnelle qui les concernent [6].
Par ailleurs, la méthode et les critères d’évaluation doivent être précis, objectifs, vérifiables et non discriminatoires.
C’est précisément lors de cette phase qu’une première dérive peut être observée.
En premier lieu, la notion de « performance » est très vague et laisse place à une évaluation totalement arbitraire si les objectifs du salarié sont abstraits, non quantifiables ou non mesurables, ce qui est le cas lorsqu’ils ont trait au comportement du salarié.
Il arrive par exemple que soient imposés au salarié des objectifs liés à des « soft skills », à grand renfort d’autres termes anglais : « company first mindset » [7], « change the mindset of your team » [8], « seeking learning through all available opportunities » [9], « think deep/decide fast and trust your guts » [10]. Loin d’être imaginaires ou caricaturaux, de tels objectifs sont régulièrement mis en avant pour justifier la « mise en PIP » de salariés.
Dans ces conditions, il est difficile d’imaginer qu’une évaluation objective puisse avoir lieu et que le salarié ne soit pas confronté à une décision arbitraire de son manager ou des ressources humaines.
De tels objectifs ont également tendance à déplacer les attentes au-delà de la simple exécution du contrat de travail en imposant au salarié d’adopter plus largement toutes les composantes de la philosophie de l’entreprise.
Or, un plan d’amélioration des performances ne peut être acceptable pour un salarié qu’à la condition de reposer sur des objectifs mesurables et une méthode d’évaluation clairement définie.
Une fois cette évaluation faite et le constat posé d’une difficulté, le plan d’amélioration des performances définit des mesures et un suivi du salarié lui permettant, en principe, d’améliorer ses performances.
Cette intention est parfaitement louable lorsque l’employeur met effectivement à la disposition du salarié des outils lui permettant d’améliorer ses résultats, qu’il s’agisse de formations et de nouveaux moyens mis à sa disposition, d’échanges réguliers et d’une assistance de ses supérieurs, d’une nouvelle organisation interne, d’une redistribution des tâches, etc.
Mais, en cela, l’employeur ne fait bien souvent que se conformer à ses obligations légales de formation des salariés et d’adaptation au poste [11], tout en se drapant d’un prétendu accompagnement spécifique du salarié. En pratique, de nombreux PIP n’intègrent pas de telles actions de formations. Leur sont substituées des actions de « coaching », consistant à fixer des objectifs spécifiques assortis d’une date limite au salarié, suivis de près par leur hiérarchie au cours d’entretiens réguliers. Ce qui devait être un outil permettant d’aider et d’accompagner le salarié en lui donnant les moyens d’améliorer ses résultats se transforme alors en une simple mise à l’épreuve assortie d’une pression hiérarchique constante qui, bien souvent, produit l’effet contraire…
S’opère alors un renversement des rôles où le salarié doit démontrer qu’il est capable de s’améliorer par lui-même et de s’adapter à son poste de travail, là où le Code du travail fait peser une telle obligation sur l’employeur [12].
II. L’avenir du salarié dans l’entreprise compromis par sa mise en PIP
Comme le disait Martine à Chrysale dans Les Femmes Savantes « qui veut noyer son chien l’accuse de la rage » [13]. Aussi, la mise en PIP d’un salarié n’est pas sans conséquence sur son avenir dans l’entreprise.
Tout d’abord, même s’il est souvent demandé au salarié s’il accepte d’entrer en PIP, son choix n’est pas véritablement libre et entraine un effet pervers. Un refus de sa part pourrait être synonyme de sanction disciplinaire dès lors qu’il pourrait lui être reproché de refuser volontairement d’améliorer la qualité de son travail. Pour autant, accepter le PIP pourrait signifier que le salarié marque son accord avec le constat de manque de performance posé par son employeur.
En outre, l’éventuel échec d’un salarié à un PIP laisse supposer que celui-ci ne serait pas parvenu à améliorer la performance qui lui faisait défaut.
L’employeur peut alors en tirer plusieurs conséquences.
D’une part, des objectifs non atteints par le salarié au terme de son PIP peuvent conduire l’employeur à le priver de sa rémunération variable et d’éventuels autres avantages réservés aux salariés performants [14]. Cela peut également conduire à priver le salarié d’une promotion ou d’une évolution de poste qui lui avait été annoncée.
D’autre part, l’échec du salarié peut conduire l’employeur à décider de le licencier pour insuffisance professionnelle.
Dans le cadre d’un PIP prévoyant des objectifs clairs, réalisables au regard des moyens mis à disposition du salarié et qui ferait ainsi état d’un véritable problème d’insuffisance professionnelle, le licenciement prononcé sur ce motif répondrait, en principe, aux conditions posées par la jurisprudence en la matière.
Mais, en pratique, les PIP sont souvent détournés de leur vocation initiale. Au lieu de constituer avant tout un dispositif d’accompagnement des salariés, les PIP peuvent être utilisés dans le but de placer le salarié dans une situation d’échec professionnel, afin de créer un dossier d’insuffisance professionnelle. Cela est particulièrement patent lorsque les objectifs fixés dans le cadre du PIP sont irréalistes ou inatteignables et/ou ne s’accompagnent d’aucun moyen et d’aucun suivi [15].
Le PIP permettrait ainsi de préconstituer des preuves de l’insuffisance professionnelle permettant à l’employeur de justifier un licenciement ultérieur et de limiter les risques en cas de contestation du salarié.
En effet, en cas de contentieux, la charge de la preuve de l’insuffisance professionnelle en cas de licenciement incombe à l’employeur, qui doit apporter des éléments de fait objectifs et imputables au salarié [16]. À ce titre, le PIP permet d’apposer une apparence d’objectivité à la décision de licencier le salarié, d’autant plus que le salarié est supposé avoir donné une forme de consentement à son entrée dans le PIP et au constat d’un manque de performance.
Il sera alors plus compliqué pour le salarié de remettre en cause cette présomption et de démontrer qu’il n’était pas dans une situation d’insuffisance professionnelle.
Malgré tout, le PIP ne saurait suffire à justifier à lui seul un tel licenciement. La jurisprudence sur l’insuffisance professionnelle parait à cet égard tracer certaines limites. En ce qui concerne les objectifs fixés, il est établi que les objectifs ou quotas demandés au salarié doivent avoir été raisonnables, réalistes, réalisables [17]. Par ailleurs, l’employeur ne peut pas se prévaloir des erreurs commises par le salarié s’il lui a demandé d’effectuer des tâches ne relevant pas de sa qualification, et étrangères à l’activité pour laquelle il a été embauché [18]. Enfin, le licenciement ne doit pas se fonder sur une défaillance passagère ne reflétant pas le passé professionnel du salarié [19]. Les carences présentées par le salarié doivent pour cela être durables et, à titre d’exemple, l’insuffisance présentée sur un mois ne suffit pas [20].
III. Quand le PIP dégénère en harcèlement moral
Le PIP peut également être instrumentalisé afin de pousser des salariés à quitter l’entreprise.
Certaines entreprises ne s’en cachent pas et vont même jusqu’à clairement indiquer aux salariés, au moment de leur mise en PIP, qu’ils ont deux options :
S’ils échouent à convaincre leur manager au terme de ce PIP, une nouvelle indemnité leur sera proposée avec un montant dégressif à chaque étape, pouvant conduire, en dernier lieu, à leur licenciement pour insuffisance professionnelle.
En proposant, dès l’entrée en PIP de quitter la société dans des conditions légèrement plus favorables que le minimum légal, il est difficile d’y voir autre chose que la volonté d’encourager le salarié à partir. Cela laisse également peu de doute quant à l’issue du PIP dès lors que l’intention de la société n’est pas que le salarié s’améliore, se mobilise et reprenne confiance en lui, sinon pourquoi l’inciter financièrement à quitter l’entreprise ?
Le message est clair et l’impact psychologique peut être violent : il est d’emblée décourageant pour le salarié de s’améliorer dans une entreprise dont il sait pertinemment qu’elle souhaite son départ.
In fine, cela revient à placer les salariés dans une situation d’échec professionnel sans leur laisser véritablement d’autre choix que de partir. À ce titre, l’on peut s’interroger sur le libre consentement du salarié à une rupture conventionnelle proposée dans ce contexte.
De manière encore plus violente, le PIP est parfois utilisé dans le but de pousser les salariés à démissionner, sans que la société n’ait à supporter les coûts et risques associés à un licenciement.
Des salariés interrogés rapportent ainsi que des PIP ont pu être mis en place avec l’intention de faire craquer les salariés et de provoquer leur démission, avec pour conséquence de nombreux arrêts maladie et rencontres avec le médecin du travail pour troubles psychosociaux [21]. Cela peut notamment se manifester par une surcharge de travail et un contrôle permanent imposés durant le PIP dans le but de faire pression sur les salariés qui refuseraient une rupture conventionnelle [22].
Ces situations peuvent s’apparenter à des cas de harcèlement moral managérial, caractérisé dès lors que les méthodes de gestion mises en œuvre par un supérieur hiérarchique répondent à la définition du harcèlement moral [23], c’est-à-dire des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entrainer une dégradation des conditions de travail du salarié susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel [24].
Les juges du fond ont déjà eu l’occasion de considérer que le recours au PIP pouvait être constitutif d’un harcèlement moral. Il en est ainsi du fait, pour l’employeur d’exercer une pression morale forte sur un ingénieur commercial en mettant en place un PIP, alors que celui-ci avait dépassé ses objectifs l’année précédente. Ce plan faisait suite à des échanges de mails dans lesquels le salarié se plaignait de la modification de son portefeuille client de nature à impacter défavorablement ses performances et donc sa rémunération variable alors que la majeure partie de sa rémunération provenait de ses commissions [25].
Plus récemment, a également été considérée comme telle la mise en œuvre précipitée d’un plan d’amélioration de performance pour les besoins du dossier de licenciement qui visait le salarié, couplé à une forte pression et une surcharge de travail, qui ont entraîné des répercussions sur sa santé [26]. Le PIP est dans ce cas susceptible d’entrainer la nullité du licenciement.
IV. Comment réagir face à un PIP ?
Compte tenu des conséquences d’une mise en PIP décrites ci-dessus, il est important de savoir comment réagir et de se protéger dans une telle situation.
Le premier réflexe à adopter est de vérifier si les objectifs fixés étaient clairs, vérifiables et réalisables et qu’ils ont été correctement évalués. Dans ce cadre, il convient de solliciter, par écrit, des précisions et des explications à votre employeur sur les raisons qui ont conduit à vous proposer d’intégrer un PIP.
Le cas échéant, si vous acceptez ce plan ou qu’il vous est imposé, il est impératif de signaler, par écrit et de manière détaillée, votre désaccord quant à l’appréciation de votre niveau de performance afin qu’il ne vous soit pas ensuite opposé que vous partagiez les constats dressés par votre employeur.
De la même manière, il ne faudra pas hésiter, dans le cadre du PIP à solliciter, par écrit, des précisions sur les objectifs fixés et à les remettre en cause s’ils ne sont pas clairs ou paraissent irréalisables et à demander des explications sur le suivi des objectifs fixés et les moyens mis à votre disposition pour y parvenir.
L’idée générale est de conserver une trace écrite des échanges avec votre employeur afin d’être en mesure, le cas échéant, de contester les mesures qui seraient prises à votre encontre à l’issue du PIP et de démontrer que la version présentée dans le cadre du PIP ne correspond pas nécessairement à la réalité.
Vous pouvez également faire appel à vos représentants du personnel afin de les alerter sur cette situation.
S’il estime que les PIP imposés par la Direction représentent un danger pour les droits des personnes, en constituant par exemple un harcèlement moral managérial, le CSE peut user de son droit d’alerte conformément à l’article L. 2312-59 du Code du travail N° Lexbase : L1771LRZ.
Les élus du CSE pourront également solliciter de l’employeur des explications sur l’utilisation des PIP dans l’entreprise afin de contrôler les éventuels abus : nombre de PIP proposés au cours de l’année, nombre de ruptures intervenues après un PIP, nombre d’arrêts maladie intervenus à l’occasion d’un PIP, etc. Cela peut également être l’occasion pour le CSE de formuler un avis sur le processus d’évaluation des salariés et l’application des PIP s’il n’a pas été consulté sur ce sujet auparavant.
Bien que les entreprises tendent à présenter le PIP comme un dispositif d’aide et d’accompagnement du salarié en déficit de performance, il est nécessaire de rester prudent face à leur utilisation, ceux-ci pouvant en réalité masquer un outil de gestion de la masse salariale et conduire à une forme de harcèlement managérial.
[1] Se traduisant par l’attribution de rémunération variable, de primes d’objectifs, de mécanismes de fidélisation des meilleurs éléments avec différents bonus de rétention, « long term incentive plan », « management package », etc.
[2] Pouvant se traduire par l’absence de versement de la rémunération variable pouvant représenter une part importante de la rémunération totale, éventuelle rétrogradation voire licenciement pour insuffisance professionnelle.
[3] Qu’il s’agisse par exemple du « forced ranking » (classement forcé) ou du « benchmark » des salariés qui sont des méthodes de gestion de la performance consistant à mesurer la performance d’un salarié en comparant ses résultats avec la moyenne de l’entreprise et en établissant un classement.
[4] Ils se sont notamment développés dans les grandes entreprises de la « Tech » américaine telles qu’Amazon avec des programmes intitulés « Pivot » et « Focus », ou bien encore Tesla, et tendent à se diffuser en France.
[5] Sans quoi le dispositif pourrait être suspendu par un juge sur le fondement du délit d’entrave au CSE comme cela a pu être jugé pour d’autres techniques d’évaluation (Voir not. C. trav., art. L. 2312-38 N° Lexbase : L8271LGG ; Cass. soc., 12 juillet 2010, n° 09-66.339, FS-P+B N° Lexbase : A6858E4R et Cass. soc., 10 avril 2008, n° 06-45.741, F-D N° Lexbase : A8779D7B).
[6] C. trav., art. L. 1222-3 N° Lexbase : L0811H9W : « le salarié est expressément informé, préalablement à leur mise en œuvre, des méthodes et techniques d'évaluation professionnelles mises en œuvre à son égard ».
[7] Attitude plaçant la société au premier plan.
[8] Changer l’état d’esprit de votre équipe.
[9] Recherche l’apprentissage en saisissant toutes les opportunités disponibles.
[10] Réfléchissez de manière profonde et décidez rapidement, faites confiance à votre instinct.
[11] Pour rappel, l’article L. 6321-1 du Code du travail N° Lexbase : L4193MLU met à la charge de l’employeur une obligation d’adaptation des salariés à leur poste de travail. Celui-ci doit ainsi veiller au maintien de la capacité de ces derniers à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations. L’article prévoit que cela puisse notamment passer par des actions de formation proposées par l’employeur au travers d’un plan de développement des compétences.
[12] C. trav., art. L. 6321-1 N° Lexbase : L4193MLU.
[13] Molière, Les Femmes Savantes, acte second, scène cinq.
[14] La constatation de la non-atteinte des résultats fixés par l’employeur qui étaient réalisables au regard des moyens mis à la disposition du salarié et en dépit des efforts de formation et d’adaptation au poste réalisés par l’employeur (v. not. Cass. soc., 16 mai 2018 n° 16-25.552, F-D N° Lexbase : A4650XNK)
[15] À titre d’exemple aux États-Unis, il a été établi qu’Amazon instrumentalisait les PIP afin d’atteindre un objectif de 6 % de salariés licenciés chaque année (lire K. A. Long, Internal Amazon documents shed light on how company pressures out 6 % of office workers, The Seattle Times, juin 2021 [en ligne]). En France, il a été rapporté par des salariés que les objectifs fixés dans le cadre des PIP auraient été irréalisables et fixés dans le but de justifier un licenciement pour insuffisance professionnelle (lire B. Berthelot, Mise à l’épreuve, pression, évaluation… le management implacable d’Amazon, Capital, 9 janvier 2018 [en ligne]).
[16] Cass. soc., 20 novembre 1996, n° 93-45.555 N° Lexbase : A9560ABP.
[17] Cass. soc., 13 janvier 2004, n° 01-45.931, publié N° Lexbase : A7787DAN ; Cass. soc., 22 juin 2011, n° 10-14.922, F-D N° Lexbase : A5341HUD ; Cass. soc., 19 janvier 2012, n° 09-69.680).
[18] Cass. soc., 2 février 1999, n° 96-44.340, F-D N° Lexbase : A1479IBE.
[19] Cass. soc., 22 mars 2011, n° 09-68.693, F-D N° Lexbase : A7645HIY.
[20] Cass. soc., 22 octobre 2008, n° 07-43.194, F-D N° Lexbase : A9516EAP.
[21] S. Hauraix, Dans les concessions Tesla, le management « à l’américaine » fait disjoncter les équipes, Mediapart, novembre 2023 [en ligne] : un salarié rapporte les propos de son responsable « tu vas mettre tes gars en PIP, tu vas voir, ils vont partir d’eux-mêmes ». Au sein de cette entreprise, 270 arrêts maladies ont été enregistrés sur le premier semestre 2022 sur environ 500 salariés.
[22] B. Berthelot, Mise à l’épreuve, pression, évaluation… le management implacable d’Amazon, Capital, 9 janvier 2018, préc.
[23] Cass. soc., 10 novembre 2009, n° 07-45.321, FS-P+B N° Lexbase : A1629ENN.
[24] C. trav., art. L. 1152-1 N° Lexbase : L0724H9P.
[25] CA Versailles, 11 février 2014, n° 12/04851 N° Lexbase : A9944MDN.
[26] CA Paris, 11 mai 2023, n° 20/07266 N° Lexbase : A94169UB.
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Réf. : Cass. civ. 1, 27 mars 2024, n° 22-13.041, FS-B N° Lexbase : A17922XN
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par Anne-Lise Lonné-Clément
Le 03 Avril 2024
► S'il résulte de l'article 4 du Code civil que le juge, auquel il incombe de trancher lui-même les contestations soulevées par les parties, ne peut se dessaisir et déléguer ses pouvoirs à un notaire liquidateur, ne méconnaît pas ce texte le juge qui, saisi de contestations au stade de l'ouverture des opérations de partage judiciaire, renvoie les parties devant le notaire afin d'en permettre l'instruction, dans l'intérêt du bon déroulement des opérations de partage.
Partage judiciaire complexe. La procédure de partage judiciaire dit complexe, prévue aux articles 1364 à 1376 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6318H77, comprend une phase au cours de laquelle le notaire désigné par le tribunal pour procéder aux opérations de partage sous la surveillance d'un juge commis, convoque les parties et demande la production de tout document utile pour procéder aux comptes entre elles et à la liquidation de leurs droits, avant de dresser un projet d'état liquidatif, conformément aux articles 1365 et 1368 du même code.
Selon les articles 1373, alinéas 1 et 2 N° Lexbase : L6327H7H, et 1375, alinéa 1, du même code N° Lexbase : L6329H7K, en cas de désaccord des copartageants sur le projet d'état liquidatif, le notaire est tenu d'en référer au juge commis, et c'est au tribunal qu'il revient de trancher les points de désaccord subsistants dont le juge commis lui a fait rapport.
Question. La question soulevée dans la présente affaire était celle de savoir si le juge saisi de contestations au stade de l'ouverture des opérations de partage judiciaire, peut renvoyer les parties devant le notaire afin d'en permettre l'instruction, dans l'intérêt du bon déroulement des opérations de partage, alors qu’il résulte de l'article 4 du Code civil N° Lexbase : L2229AB8 que le juge, auquel il incombe de trancher lui-même les contestations soulevées par les parties, ne peut se dessaisir et déléguer ses pouvoirs à un notaire liquidateur.
Évolution de la jurisprudence. Dans son arrêt rendu le 27 mars 2024, la Cour de cassation décide de faire évoluer sa jurisprudence, ainsi qu’elle l’explique aux termes d’une motivation enrichie. Elle rappelle qu’elle jugeait, depuis de nombreuses années, que constitue une violation de l'article 4 du Code civil le fait, pour le juge saisi d'une demande d'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage, de s'abstenir de trancher les contestations soulevées par les parties et de renvoyer celles-ci devant le notaire liquidateur pour apporter les justificatifs de leurs demandes (Cass. civ. 1, 2 avril 1996, n° 94-14.310, publié au bulletin N° Lexbase : A9814AB4 ; Cass. civ. 1, 21 juin 2023, n° 21-20.323, F-D N° Lexbase : A422694B).
Cependant, elle explique que cette jurisprudence, dans sa rigueur, ne tient pas compte de la spécificité de la procédure de partage judiciaire dit complexe prévue aux articles 1364 à 1376 du Code de procédure civile, qui comprend une phase au cours de laquelle le notaire désigné par le tribunal, pour procéder aux opérations de partage sous la surveillance d'un juge commis, convoque les parties et demande la production de tout document utile pour procéder aux comptes entre elles et à la liquidation de leurs droits, avant de dresser un projet d'état liquidatif, conformément aux articles 1365 et 1368 du même code.
D'abord, dans une telle procédure, c'est en principe par cette phase notariée que commencent les opérations de partage. Il est rappelé à l'article 1372 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6326H7G qu'en application de l'article 842 du Code civil N° Lexbase : L9983HN3, les copartageants peuvent à tout moment abandonner les voies judiciaires et poursuivre le partage à l'amiable, si les conditions en sont réunies. Il est dès lors conforme à l'esprit de ce dispositif de permettre l'instruction par le notaire des désaccords relatifs aux comptes, à la liquidation et au partage, afin d'en favoriser le règlement amiable.
Ensuite, si le traitement anticipé par le juge des différends opposant les copartageants peut parfois favoriser le bon déroulement des opérations de partage en permettant, notamment, l'établissement de la qualité d'héritier ou de légataire ou la détermination en amont de la loi applicable au litige ou des éléments actifs et passifs de la masse à partager, il peut également présenter des inconvénients. Ainsi, en présence de demandes portant sur l'évaluation de biens objets du partage ou de créances calculées au profit subsistant, une décision immédiate sera dépourvue de l'autorité de la chose jugée si elle ne fixe pas la date de jouissance divise (Cass. civ. 1, 3 mars 2010, n° 09-11.005, F-P+B N° Lexbase : A6550ESE ; Cass. civ. 1, 21 juin 2023, n° 21-24.851, FS-B N° Lexbase : A983793Q), laquelle doit être la plus proche possible du partage et ne saurait, en principe, être fixée dès l'ouverture des opérations.
Aussi, l'opportunité d'un traitement préalable d'une difficulté dépendant des circonstances propres à chaque procédure de partage, il apparaît nécessaire de permettre au juge de l'apprécier.
Enfin, selon les articles 1373, alinéas 1 et 2, et 1375, alinéa 1er, du Code de procédure civile, en cas de désaccord des copartageants sur le projet d'état liquidatif, le notaire est tenu d'en référer au juge commis, et c'est au tribunal qu'il revient de trancher les points de désaccord subsistants dont le juge commis lui a fait rapport. Il s'ensuit que ne délègue pas ses pouvoirs le juge qui, saisi de contestations au stade de l'ouverture des opérations de partage judiciaire, renvoie les parties devant le notaire afin d'en permettre l'instruction, dans l'intérêt du bon déroulement des opérations de partage.
Ces considérations conduisent la Cour à juger désormais que ne méconnaît pas son office le juge qui, saisi de demandes au stade de l'ouverture des opérations de partage, estime qu'il y a lieu de renvoyer les parties devant le notaire afin d'en permettre l'instruction.
Dès lors, en l’espèce, après avoir relevé que les avis versés aux débats, relatifs aux taxes foncières des années 2014, 2015 et 2016, étaient au nom des deux parties, et retenu qu'ils ne permettaient pas de savoir laquelle avait réglé ces taxes, c'est sans méconnaître son office que la cour d'appel a décidé qu'il appartiendrait à l’indivisaire de justifier du paiement de ces taxes devant le notaire pour fonder son droit à créance, à défaut de quoi aucune créance ne serait fixée à son bénéfice à ce titre.
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Réf. : Cass. com., 13 mars 2024, n° 22-15.438, F-B N° Lexbase : A05052UA
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par Stéphane Piédelièvre, Professeur à l’Université de Paris-Est
Le 03 Avril 2024
Mots-clefs : sûretés • cautionnement • garantie autonome • qualification • indépendance par rapport à la dette.
Dès lors qu’un engagement a pour objet la dette du débiteur garanti, on se trouve en présence d’un cautionnement et non d’une garantie autonome.
L’autonomie de la volonté permet de recourir à une sûreté non accessoire, comme la garantie autonome. Cette volonté doit être certaine et clairement exprimée. Or, on s’aperçoit que, pratiquement, de nombreux actes suscitent des difficultés d’analyse, en raison d’ambiguïté dans leur rédaction. Le plus fréquemment, les garants, recherchant la garantie la moins contraignante, soutiennent que leur engagement doit être qualifié de cautionnement, alors que, selon les bénéficiaires, il s’agit d’une garantie à première demande.
Par un arrêt du 13 mars 2024, la Cour de cassation a été une nouvelle fois confrontée à une difficulté de qualification et à cette occasion, elle a rappelé aux juges du fond certains principes importants.
En l’espèce, il suffit de retenir qu’une société. A. avait été mise en redressement judiciaire. Un plan de redressement par voie de continuation avait été adopté en sa faveur. Deux sociétés avaient signé un acte aux termes duquel elles se sont engagées « irrévocablement et inconditionnellement à régler directement auprès du commissaire à l'exécution du plan, à première demande de sa part et dans la limite du montant des échéances du plan non honorées par la société A. le tout à hauteur d'un montant maximum de 725 193,86 euros ». Ultérieurement, la résolution du plan de redressement avait été prononcée et la société A. avait été mise en liquidation judiciaire. L’administrateur et le mandataire judiciaire ont alors demandé aux deux sociétés garantes, elles-mêmes soumises à un redressement judiciaire, d’exécuter leur engagement.
La question s’est alors posée de la nature de l’engagement souscrits par les deux garants. Les juges du second degré ont considéré que l’on se trouvait en présence d’une garantie autonome. Outre l’intitulé de garantie à première demande, ils ont considéré que les garants se sont engagés « irrévocablement et inconditionnellement, d'ordre et pour le compte de la société A. (débiteur garanti), sans pouvoir faire valoir d'exception, d'objection ou de contestation, à régler directement auprès du commissaire à l'exécution du plan désigné, à première demande de sa part et dans la limite du montant des échéances du plan de redressement par voie de continuation non honorées par la société A., le tout à hauteur d'un montant maximum de 725 193,86 euros » et que « ce montant maximum garanti sera réduit d'année en année à chaque date anniversaire de la date d'homologation du plan ».
Ce mode de raisonnement ne convainc pas la Cour de cassation. Après avoir rappelé la définition de la garantie autonome prévue par l’article 2321, alinéa 1er, du Code civil N° Lexbase : L1145HIA, elle censure les juges du fond aux motifs que l’engagement des deux garants avait le même objet que celui du débiteur principal. La conséquence en était alors nécessairement que l’on se trouvait en présence d’un cautionnement.
Cette décision s’insère dans une importante lignée jurisprudentielle. On ne peut nier qu’il existe une certaine proximité entre le cautionnement et la garantie autonome qui appartiennent à un même genre, celui des sûretés personnelles, ce qui explique les difficultés de qualification. En application des principes généraux du droit des contrats, le juge possède le pouvoir, par le biais de l’interprétation, de donner à l’acte qui lui est soumis la qualification lui semblant en harmonie avec la volonté réelle des parties [1]. Il n’est pas tenu par les formules employées, certaines étant parfois pour le moins obscures, comme le démontrent les expressions de « cautionnement payable sans élever de discussion » ou de « cautionnement à première demande » [2] . Ce pouvoir des juges du fond s’exerce sous le contrôle de la Cour de cassation. Ils peuvent recourir aux règles prévues par l’article 1188 du Code civil N° Lexbase : L0905KZK, selon lequel le contrat s’interprète d’après la commune intention des parties plutôt qu’en s’arrêtant au sens littéral de ses termes, mais à condition de ne pas dénaturer la réalité de la volonté des parties.
Mais, proximité ne signifie pas pour autant identité. L’article 2288 du Code civil N° Lexbase : L0129L8B définit le cautionnement, comme « le contrat par lequel une caution s'oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci ». De son côté, l’article 2321, alinéa 1er, définit la garantie autonome comme « l'engagement par lequel le garant s'oblige, en considération d'une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant les modalités convenues ».
Même si la définition de la garantie autonome se révèle ambigüe, l’objet de l’engagement souscrit apparaît primordial pour trancher une difficulté de qualification. Si le garant souscrit une dette distincte de celle du débiteur principal, on se trouve en présence d’une garantie autonome. Si à l’inverse, le garant couvre la dette du débiteur principal, on se trouve alors nécessairement en présence d’une cautionnement. Les intitulés figurant dans l’acte deviennent plus accessoires.
La jurisprudence a posé assez rapidement ce critère de démarcation. Par un arrêt du 10 mai 1994, la Cour de cassation avait censuré des juges du fond qui avaient qualifié de garantie autonome un engagement au motif « qu’il était stipulé que Mlle M. garantissait à la banque le “remboursement de sa créance envers [le débiteur]” et qu’elle s’engageait à régler “toutes les sommes dues par le débiteur comme décrit ci-dessus”, ce dont il résultait qu’en dépit de l’intitulé de l’acte et de la mention, même manuscrite, de paiement à première demande, l’engagement litigieux, ayant pour objet la propre dette du débiteur principal, n’était pas autonome » [3] . Elle réitère régulièrement cette solution [4].
Ce critère de démarcation, en apparence simple, est souvent difficile à mettre en œuvre, parce que les contrats de garantie autonome font toujours références au contrat couvert. Ce dernier, puisque la cause a disparu, constitue la raison d’être de la garantie. Une référence au contrat couvert n’est pas exclue, si elle sert seulement à identifier la sûreté, avec comme conséquence qu’elle ne remet pas en cause le caractère autonome. Comme l’a indiqué la Cour de cassation, « de telles garanties ne sont pas privées d’autonomie par de simples références au contrat de base, n’impliquant pas appréciation des modalités d’exécution de celui-ci pour l’évaluation des montants garantis ou pour la détermination des durées de validité » [5]. La portée de l’engagement du garant ne résulte pas de l’étendue des obligations du débiteur garanti.
Dans la présente espèce, visiblement les juges d’appel s’étaient arrêtés à une simple analyse de certains des termes employés dans le contrat litigieux, à savoir engagement « irrévocable et inconditionnelle » ou « sans pouvoir faire valoir d’exception, d’objection ou de contestation ». Selon eux, ces éléments étaient de nature à établir que l’on se trouvait en présence d’une garantie autonome. Mais ils occultaient également le fait que la garantie jouait « dans la limite du montant des échéances du plan de redressement par voie de continuation non honorées par la société A ». Ce faisant, ils avaient omis les éléments les plus pertinents. La garantie présentait alors incontestablement un caractère accessoire, puisque la référence à l’obligation garantie influe sur le régime de la garantie, puisque cela débouche sur sa subordination au contrat couvert. Le prétendu garant pouvait réclamer toutes les sommes dues au titre du plan de redressement avec un montant maximum.
L’existence de certaines stipulations relatives au contrat couvert ne disqualifie pas en soi l’engagement autonome. Tel est le cas pour les garanties dites sur demande justifiée. On s'était parfois demandé si cette obligation de justifier la demande mise en jeu de la garantie ne disqualifie pas l'engagement pour le faire retourner dans la catégorie des engagements accessoires [6]. Il s'agit d'une modalité relevant de la liberté contractuelle : le garant, lorsqu'il souscrit une telle garantie, prend un engagement personnel et non pas l'engagement de payer la dette d'autrui. Une remarque similaire peut être faite pour les garanties à extinction progressive, encore dites garanties glissantes. Ces garanties s'éteignent progressivement au fur et à mesure de l'exécution du contrat couvert. Cette clause oblige, d'une certaine façon, le garant à s'immiscer dans l'exécution de l'opération couverte, ce qui est contraire à son rôle. Cependant, à raison, la Cour de cassation a indiqué que cette clause ne disqualifiait pas la garantie sur demande [7].
On relèvera une nouvelle fois l’imprécision, peut-être parfois voulue d’ailleurs, qui préside à la rédaction de certains contrats de garanties qui comportent des clauses difficilement conciliables entre elles. Le recours au juge devient alors nécessaire. Ici, le contrat était particulièrement mal rédigé et a entraîné faussement la cour d’appel vers la qualification de garantie autonome. Les parties doivent être attentives à la clarté de leurs stipulations, surtout compte tenu des enjeux de cette qualification. De même, certains juges du fond doivent parfois faire preuve de plus de rigueur dans leur qualification.
[1] Cass. com., 19 mai 1992, , n° 90-16.784, publié N° Lexbase : A4237ABK, RTD com., 1992, 657, obs. M. Cabrillac et B. Teyssié.
[2] V. de manière contestable, CA Paris, 5 avril 1994, JCP, éd. E, 1994, II, 603, note S. Piédelièvre.
[3] Cass. com., 10 mai 1994, n° 92-10.212, publié N° Lexbase : A6716ABD.
[4] Par ex. Cass. com., 12 décembre 2018, F-D N° Lexbase : A6998YQA, RD bancaire, 2019 n° 13, obs. D. Legeais – Cass. com., 24 mars 2021, n° 19-14.082, F-D, N° Lexbase : A67404ML, LEDB, mai 2021, p. 7, obs. S. Piédelièvre ; Gaz. Pal., 2 novembre 2021 30, obs. S. Piédelièvre ; JCP, 2021 1218, n° 12, obs. Ph. Simler.
[5] Cass. com. 18 mai 1999, 95-21.539, publié N° Lexbase : A5061AWD, JCP, 1999 II 10199, note J. Stoufflet ; D., 2000, 112, note Y. Picod ; RTD com., 1999, 734, obs. M. Cabrillac ; RD bancaire, 1999, 127, obs. M. Contamine-Raynaud – v. également, Cass. com. 30 janvier 2001, n° 98-22.060, publié N° Lexbase : A8844AQM, JCP, 2001, II, 10552, note J.-P. Rémery ; Defrénois, 2001, 1319, note S. Piédelièvre ; JCP E, 2001, 568, note D. Legeais ; Banque et droit, mai-juin 2001 50, obs. A. Prüm ; D., 2001, somm. 3426, obs. A. Honorat ; RTD com., 2001, 763, obs. A. Martin-Serf .
[6] Cass. com., 12 juillet 2005, n° 03-20.365, FS-P+B N° Lexbase : A9213DI3, JCP E, 2005, 1860, no 10, obs. Ph. Simler.
[7] Cass. com., 5 décembre 1989, n° 88-14.174, inédit N° Lexbase : A2246CNI, D, 1990 somm. 207, obs. M. Vasseur.
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Réf. : CE, 9°-10° ch. réunies, 11 mars 2024, n° 463413, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A92802TU
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par Olivier Savignat, Avocat associé, Valians avocats et Gustave Barthélémy, juriste
Le 03 Avril 2024
Mots clés : permis modificatif • mesure de régularisation • autorisation d'urbanisme • économie générale du projet • nature du projet
Dans un arrêt mentionné aux tables du recueil, le Conseil d’État a rappelé que le caractère régularisable d’un vice entachant une autorisation d’urbanisme doit s’apprécier, d’une part, au regard de la réglementation d’urbanisme en vigueur à la date à laquelle il statue et, d’autre part, en tenant compte de la possibilité pour le pétitionnaire de faire évoluer son projet et d'en revoir, le cas échéant, l'économie générale sans en changer la nature.
Au préalable, rappelons qu’aux termes de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L0034LNL, le juge administratif sursoit à statuer lorsque, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation d’urbanisme, et après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, il estime qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé par un permis modificatif (mesure de régularisation).
La mise en œuvre de ce mécanisme, qui permet au bénéficiaire de l’autorisation querellée de sauver son projet en obtenant un permis modificatif le régularisant, ne constitue plus, pour le juge, une simple faculté [1] mais bien une obligation.
En effet, depuis l’adoption de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique N° Lexbase : L8700LM8, dès lors que le vice apparaît comme étant régularisable, le juge doit, en application de l’article L. 600-5-1 du Code de l'urbanisme, surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation, sauf à ce qu'il fasse le choix de recourir à une annulation partielle, mécanisme prévu par l'article L. 600-5 du Code de l'urbanisme N° Lexbase : L0035LNM, ou bien que le pétitionnaire refuse de régulariser son projet [2].
En outre, lorsque les défendeurs prennent l’initiative de demander au juge, à titre subsidiaire, de surseoir à statuer sur leur projet, le refus opposé par ce dernier doit nécessairement être motivé.
Ainsi, le juge administratif est régulièrement amené à s’interroger sur le caractère régularisable ou non des vices entachant la légalité d’une autorisation d’urbanisme. Il en allait ainsi dans l’espèce ici commentée.
Dans les faits, le maire de Nouméa a délivré à la SCI Fly 2018 un permis de construire ayant pour l’objet l’aménagement d’une piscine ainsi que l’édification d'un bloc sanitaire avec vestiaire et débarras, le tout sur un terrain situé au sein d’un lotissement et comportant déjà une villa.
Ce projet avait ceci de particulier qu’il prévoyait, pour la piscine, un usage tant privatif que collectif. Ainsi, des cours de natation devaient y être dispensés. Comme soulevé par un syndicat de copropriétaires voisins dans le cadre d’un recours formé contre l’arrêté délivrant le permis de construire, la construction projetée aurait alors dû être assimilée à un établissement recevant du public.
Or, l’article UB 12 du plan local d’urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur exigeait, pour de tels établissements, un minimum d’une place de stationnement par 10 mètres carrés de surface accessible au public. Au regard de la superficie de la piscine, le permis de construire aurait donc dû prévoir cinq places de stationnement, là où il n’en prévoyait que quatre. Par suite, la cour administrative d’appel de Paris a annulé l’autorisation en litige.
Elle a en outre refusé d’ouvrir la porte à une régularisation du projet, en dépit de ce que la commune lui avait demandé, à titre subsidiaire, de faire application des articles L. 600-5 ou L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme. Selon elle en effet, le vice affectant le permis de construire, tiré de la méconnaissance de l’article UB 12 précité, n’était pas régularisable.
En annulant cet arrêt sur ce point, le Conseil d’État a apporté des éclaircissements utiles sur les éléments que le juge administratif doit prendre en compte pour apprécier le caractère régularisable ou non d’un vice entachant une autorisation d’urbanisme.
I. Le juge doit tenir compte des règles d'urbanisme applicables à la date à laquelle il se prononce
Au premier chef, le Conseil d’État relève que la cour administrative d’appel de Paris a commis une erreur de droit en ne prenant pas en compte la circonstance que les dispositions de l’article UB 12 du plan d’urbanisme directeur de Nouméa avaient évolué durant l’instance.
En principe, un vice entachant une autorisation d’urbanisme peut être régularisé par un permis modificatif si la règle relative à l'utilisation du sol qui était méconnue par le permis initial a été entretemps modifiée [3]. Par suite, le juge administratif apprécie le caractère régularisable des vices au regard des dispositions en vigueur au moment où il statue.
Sauf à commettre une erreur de droit, le juge doit donc prendre en compte les éventuelles évolutions de la réglementation d’urbanisme intervenue au cours de l’instance. Il est en effet possible que les dispositions dont la méconnaissance entache d’illégalité l’autorisation querellée disparaissent, ou à tout le moins évoluent dans un sens plus favorable au bénéficiaire.
Le cas échéant, une régularisation doit être envisagée par le juge et, sous réserve que le pétitionnaire sollicite et obtienne une mesure de régularisation [4] et que celle-ci soit légale, le recours contre l’autorisation peut être rejeté.
Ainsi, et à titre d’exemple, un permis de construire autorisant un dépassement de l’emprise au sol maximale résultant du coefficient d’occupation des sols (COS) peut être considéré comme régularisable dès lors qu’est intervenue, au cours de l’instance, une révision du plan local d’urbanisme supprimant ledit COS [5].
Dans le même sens, et comme rappelé par Olivier Fuchs dans ses conclusions sur l’avis du 2 octobre 2020, le terrain d’assiette rendu inconstructible du fait d’une servitude pourrait devenir constructible au gré d’une révision du plan local d’urbanisme supprimant ladite servitude, permettant ainsi la régularisation du projet par le biais d’un simple permis modificatif [6].
Au cas d’espèce, les dispositions relatives au stationnement avaient été modifiées à la suite d’une révision du plan d’urbanisme directeur intervenue le 13 février 2020.
Aux termes de cette dernière, une nouvelle catégorie « autres destinations » a été créée, à laquelle le projet de piscine autorisé devait être assimilé.
Dorénavant, il incombe au pétitionnaire de proposer un nombre d’aires de stationnement à réaliser, à charge pour lui de démontrer que celui-ci sera suffisant pour répondre à la demande en joignant à la notice du projet un exposé détaillé et argumenté.
Or, si la cour administrative d’appel de Paris a bien relevé cette circonstance, elle n’en a pas pour autant tiré les conséquences.
Comme le souligne Laurent Domingo dans ses conclusions sur cette affaire, elle aurait dû se demander « non pas si cinq places de stationnement étaient réalisables, mais si le pétitionnaire était susceptible de déposer une demande de permis de construire comportant un exposé argumenté sur le nombre de stationnement qu’il estime nécessaire au bon fonctionnement de son projet ».
Ainsi, l’assouplissement de la règlementation en vigueur aurait dû amener le juge à envisager l’hypothèse d’une régularisation. Or, en l’occurrence, une régularisation était tout à fait envisageable.
II. Le juge doit tenir compte de la possibilité pour le pétitionnaire de faire évoluer son projet sans pour autant étudier en détail la faisabilité de cette évolution
Pour juger le contraire, la cour administrative d’appel de Paris a considéré que, d’une part, « compte tenu de la taille contrainte du terrain d’assiette du projet et de la nécessité d’y prévoir des espaces plantés (…), il ne paraît pas que celui-ci puisse accueillir des places supplémentaires de nature à répondre aux besoins de fonctionnement de la piscine » et que, d’autre part, la commune de Nouméa « n’apporte aucune précision sur la possibilité de réaliser des places de stationnement dans l’environnement immédiat du projet ».
Le Conseil d’État a sanctionné cette appréciation, et a partiellement annulé l’arrêt attaqué en tant qu’il rejette les conclusions de la commune tendant à l’application des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 [7].
D’une part, et comme relevé par le rapporteur public, c’est à tort que « la cour a examiné la possibilité de mettre en œuvre l’article L. 600-5-1 en ne raisonnant qu’à partir du projet en litige ».
En effet, la cour administrative d’appel de Paris s’est bornée à considérer que, dans les limites de sa configuration initiale, le projet ne pouvait pas évoluer dans un sens lui permettant de répondre aux exigences du règlement en matière d’aires de stationnement, dès lors que la norme des espaces plantés s’y opposait.
Or, et comme proclamé par l’avis du 2 octobre 2020 précité, la mesure de régularisation peut modifier le projet jusqu’à en revoir l’économie générale, du moment qu’il n’en modifie pas la nature même.
Il s’ensuit que « le juge doit seulement rechercher si le vice est régularisable eu égard à sa nature et compte tenu des possibilités de faire évoluer le projet et non pas seulement si le vice entachant le projet qu’il a examiné est régularisable à projet constant ».
Ainsi, et à titre d’exemple, le vice tiré de la méconnaissance des dispositions interdisant l’abattage d’arbres existants est régularisable dès lors qu’il apparaît qu’une diminution de l’ampleur du projet peut être envisagée [8].
Le juge qui s’abstient de réaliser cette recherche et se borne à affirmer que la configuration du projet ne peut faire l’objet d’une régularisation sans en bouleverser la conception générale commet une erreur de droit [9].
Au cas d’espèce, la SCI Fly 2018 pouvait certainement faire évoluer son projet sans pour autant en revoir la nature, à savoir la construction d’une piscine. Par exemple, il pouvait revenir sur son idée de dispenser des cours de natation. Le cas échéant, le projet serait alors en conformité avec les règles relatives aux aires de stationnement.
En refusant d’envisager que le pétitionnaire puisse faire évoluer son projet, la cour administrative d’appel de Paris a donc commis une erreur de droit.
D’autre part, c’est également à tort que la cour a exigé de la commune qu’elle apporte des précisions sur la possibilité d’aménager une cinquième aire de stationnement dans l’environnement immédiat du projet.
En effet, il n’appartient pas au juge de contrôler, à ce stade de la procédure, la faisabilité des mesures pouvant être envisagées pour régulariser le projet. Pour reprendre la formule du rapporteur public, le contrôle du juge doit « se placer très en amont, en s’interrogeant seulement sur la possibilité de régulariser ».
Par la suite, le juge aura tout le loisir de contrôler la légalité de la mesure de régularisation une fois celle-ci notifiée. En attendant, il ne peut exiger du pétitionnaire ou de la commune qu’ils fournissent des éléments permettant d’établir avec certitude que le projet peut être régularisé en évoluant dans un sens donné.
En conclusion, cette décision illustre bien le « juste milieu » que doit rechercher le juge administratif lorsqu’il s’interroge sur le caractère régularisable d’un vice entachant une autorisation d’urbanisme : envisager la possibilité de faire évoluer le projet sans pour autant étudier les modalités de cette évolution. In fine, son seul rôle est de donner une chance au pétitionnaire de sauver son projet, à charge pour ce dernier de trouver une solution viable et régulière, dont la légalité sera contrôlée par le juge dans sa décision qui mettra fin au litige.
[1] Ainsi qu’il en allait auparavant, v. en ce sens CE, 28 décembre 2017, n° 402362 N° Lexbase : A7908W9R.
[2] V. pour le principe CE, avis, 2 octobre 2020, n° 438318 N° Lexbase : A72343WT.
[3] CE, 7 mars 2018, n° 404079 N° Lexbase : A2823XGN.
[4] CE 4 mai 2023, n° 464702 N° Lexbase : A87719SN.
[5] CE, 3 juin 2020, n° 420736 N° Lexbase : A70113MM.
[6] V. CE, 7 mars 2018, n° 404079, préc.
[7] V. CE, 22 février 2018, n° 389518 et n° 389651 N° Lexbase : A4621XEU.
[8] CE, 22 juin 2022, n° 456477 N° Lexbase : A205178H.
[9] V. par ex. CE, 10 mars 2022, n° 447415 N° Lexbase : A38477QK.
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