Réf. : Cass. civ. 3, 26 octobre 2023, n° 22-20.183, FS-B N° Lexbase : A42881PI
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N7326BZD
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par Anne-Lise Lonné-Clément
Le 08 Décembre 2023
► Il résulte de l'article 3-2 de la loi n° 89-462, du 6 juillet 1989 que, lorsque les parties n'ont pas été convoquées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au moins sept jours à l'avance, celle qui a pris l'initiative de faire établir l'état des lieux par un huissier de justice ne peut obtenir le remboursement de la moitié de son coût.
Le deuxième alinéa de l’article 3-2 de la loi n° 89-462, du 6 juillet 1989 N° Lexbase : Z00049UY prévoit en effet que, « si l'état des lieux ne peut être établi dans les conditions prévues au premier alinéa [c’est-à-dire à l’amiable], il est établi par un commissaire de justice [anciennement huissier de justice], sur l'initiative de la partie la plus diligente, à frais partagés par moitié entre le bailleur et le locataire et à un coût fixé par décret en Conseil d'État. Dans ce cas, les parties en sont avisées par le commissaire de justice au moins sept jours à l'avance, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ».
Dans son arrêt rendu le 26 octobre 2023, la troisième chambre civile de la Cour de cassation déduit de ces dispositions la solution précitée, autrement dit la sanction du non-respect du formalisme ainsi prévu, et en l’occurrence le non-respect du délai de convocation : la partie ayant pris l’initiative de faire établir l’état des lieux par huissier de justice devra en assumer seule les frais.
Aussi, en l’espèce, elle approuve la décision rendue par la cour d’appel d’Aix-en-Provence qui, ayant constaté que les locataires avaient été avisés moins de sept jours à l'avance de la date à laquelle les opérations de constat seraient réalisées, en avait exactement déduit que la demande de remboursement de la moitié du coût de l'établissement de l'état des lieux de sortie devait être rejetée.
On relèvera que la solution peut interpeller dans la mesure où la sanction pèse sur la partie à l’initiative de la démarche de faire établir l’état des lieux par commissaire de justice, en cas de non-respect d’obligations dont elle n’est pas débitrice, et qu’elle ne peut donc maîtriser, puisque c’est le commissaire de justice qui est débiteur des formalités de convocation.
Par ailleurs, en l’espèce, le bailleur, au soutien de son pourvoi, faisait valoir que la méconnaissance de cette exigence n'avait causé aucun grief (l’un des colocataires était présent lors du constat d’état des lieux). Mais l’argument ne trouve pas écho auprès de la Cour de cassation qui s’en tient à une interprétation stricte des textes.
Quoi qu’il en soit, on rappellera que la responsabilité de l’une ou l’autre des parties quant à l'absence d’établissement d'un état des lieux à l’amiable peut être retenue pour justifier que l’entièreté des frais soit mis à sa charge (Cass. civ. 3, 15 février 2023, n° 21-24.024, F-D N° Lexbase : A46669D8 : ayant constaté que la bailleresse, qui avait seule mandaté l'huissier de justice, n'avait procédé à l'état des lieux de sortie qu'après le départ de la locataire à l'expiration du délai de préavis, en dépit des sollicitations en temps utile de celle-ci, la cour d'appel a pu en déduire que sa demande de partage des frais d'établissement de l'état des lieux devait être rejetée).
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
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Réf. : Cass. com., 25 octobre 2023, n° 21-20.156, F-B N° Lexbase : A42901PL
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N7267BZ8
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par Perrine Cathalo
Le 08 Novembre 2023
► En l'absence de clause expresse et sauf exceptions prévues par la loi, la cession d'un fonds de commerce n'emporte pas de plein droit celle des obligations dont le vendeur pouvait être tenu en vertu d'engagements initialement souscrits par lui.
Faits et procédure. Contestant la légitimité du licenciement pour faute lourde qui lui avait été notifié le 11 mai 2012 par son employeur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, un salarié a saisi un conseil de prud’hommes puis formé appel du jugement ayant rejeté ses demandes.
Déclarant venir aux droits de l’employeur à la suite de la cession du fonds de commerce ayant pris effet le 1er janvier 2015, une SAS est intervenue volontairement à l’instance devant la cour d’appel, qui a déclaré recevable l’intervention et condamné le salarié à lui payer une certaine somme en réparation du préjudice causé par la faute lourde à l’origine de son licenciement (CA Amiens, 17 juin 2021, n° 17/03051).
Le salarié licencié a formé un pourvoi devant la Cour de cassation.
Décision. La Haute juridiction censure l’appel au visa des articles 1690 du Code civil N° Lexbase : L1800ABB et L. 141-5 du Code de commerce N° Lexbase : L0094L8Y.
Pour ce faire, la Chambre commerciale énonce la solution précitée et constate que, si le contrat de cession prévoit que le cessionnaire reprenne tous les actifs et tout le passif du cédant, aucune clause ne stipule expressément la cession des obligations dont le vendeur pouvait être tenu en vertu d’engagements initialement souscrits par lui ou des créances qu’il détenait antérieurement à la cession, de sorte que ce dernier reste tenu des créances prétendument détenues contre le salarié licencié en exécution du contrat de travail.
Par conséquent, la Cour conclut que la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations.
Observations. Cette solution appelle à la vigilance lors de la rédaction du contrat portant cession de fonds de commerce : si la vente d’un fonds de commerce emporte transfert obligatoire et automatique de tous les contrats de travail en cours au jour de la cession sans qu’aucun formalisme soit nécessaire (C. trav., art. L. 1224-1N° Lexbase : L0840H9Y), la transmission des obligations résultant de l'exécution du contrat de travail d'un salarié licencié antérieurement à la date de la cession n'intervient que sur stipulation expresse dans l'acte de cession du fonds de commerce.
Pour en savoir plus :
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Réf. : Cass. com., 4 octobre 2023, n° 22-15.685, F-B N° Lexbase : A17151KQ
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N7333BZM
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par Philippe Grignon, Maître de conférences HDR en droit privé à la faculté de droit de Montpellier, Membre de l’Institut des Usages.
Le 09 Novembre 2023
Mots-clés : contrats et obligations • usages professionnels • applicabilité • invocabilité • opposabilité
Il résulte de l'article 1194 du Code civil que les usages élaborés par une profession ont vocation à régir, sauf convention contraire, non seulement les relations entre ses membres, mais aussi celles de ces derniers avec des personnes étrangères à cette profession dès lors qu'il est établi que celles-ci, en ayant eu connaissance, les ont acceptées.
Par cette motivation, la Chambre commerciale de la Cour de cassation semble faire évoluer la jurisprudence en matière d’opposabilité des usages dans les relations entre professionnels de secteurs différents. Le professionnel avisé tant de l’existence d’usages relevant du domaine d’activité de son partenaire, que des modalités de leur consultation, est présumé en connaître le contenu. Dès lors qu’il a accepté le principe de leur applicabilité, ces usages pourront valablement lui être opposés.
En novembre 2017, en vue de la construction d’une plate-forme logistique, la société Delisle acceptait un devis établi par la société d’armatures spéciales (Société SAS) portant sur la fabrication spécifique et la pose d’armatures en acier, dont la totalité du montant fut réglé en décembre 2017. Un nouveau devis pour le même chantier était émis par la société SAS en janvier 2018 pour des quantités et des prix différents, mais n’était pas accepté par la société Delisle. Estimant que les conditions du contrat avaient été unilatéralement modifiées par la société SAS, la société Delisle informait la société SAS de sa résiliation et demandait à cette dernière le remboursement des sommes déjà versées. En réponse, cette dernière adressait à Delisle un courrier recommandé l’informant de sa prise d’acte de « l’annulation » de la commande. Ce même courrier l’informait de la retenue d’une indemnité forfaitaire égale à 80% du prix du devis accepté, en application de l’article 4.6 des Usages professionnels et conditions générales de fabrication d’armatures de bêton édités par l’association professionnelle des armaturiers (APA), accompagné d’un chèque d’un montant égal à 20% du prix payé par Delisle. Estimant que ces usages professionnels lui étaient inopposables, la société Delisle assignait la société SAS en remboursement de la somme retenue.
La cour d’appel de Rouen [1] déboutait la société Delisle de l’ensemble de ses demandes, estimant que les usages professionnels de l’APA lui étaient opposables.
Au soutien de son pourvoi contre cette décision, la société Delisle faisait valoir que « les usages professionnels ne sont opposables à une partie que lorsque celle-ci est un commerçant ou professionnel du secteur d'activité concerné ». Elle en concluait :
- d’une part, que « le seul fait qu'une société holding acquière des connaissances techniques sur ce secteur d'activité pour les besoins de l'opération contractuelle litigieuse ne suffit pas à la qualifier de professionnel dudit secteur d'activité » ;
- d’autre part, que lorsque la partie n’est pas un commerçant ou professionnel du secteur d’activité concerné, « le professionnel doit établir qu'il a remis à son client les usages et conditions générales qu'il entend lui opposer et que ce dernier les a acceptés ». Aussi, en se bornant à constater, pour caractériser cette remise, que les devis et factures mentionnaient en bas de chaque page que toute commande était soumise « aux Usages professionnels et conditions générales 2017 de l'Association Professionnelle des Armaturiers déposés au Tribunal de commerce de Paris » et que, la société Delisle étant une société commerciale, elle « savait comment consulter le document », la cour d'appel avait violé selon elle la règle énoncée, ainsi que l’article 1119 nouveau du Code civil N° Lexbase : L0835KZX.
Son pourvoi est rejeté par la Chambre commerciale de la Cour de cassation qui, se fondant sur l’article 1194 du Code civil N° Lexbase : L0910KZQ, juge que « les usages élaborés par une profession ont vocation à régir, sauf convention contraire, non seulement les relations entre ses membres, mais aussi celles de ces derniers avec des personnes étrangères à cette profession dès lors qu'il est établi que celles-ci, en ayant eu connaissance, les ont acceptées » [2].
Pour approuver la cour d’appel d’avoir estimé que la société Delisle avait accepté que sa commande soit soumise aux usages professionnels et conditions générales de l’APA, la Haute juridiction observait :
- non seulement que « l’arrêt avait retenu que bien que l'objet social de la société Delisle ne soit pas spécifique aux armatures, celle-ci avait commandé personnellement 50 tonnes d'armatures après avoir pris connaissance d'un devis laissant expressément à sa charge des prestations telles que le traçage des axes, le repiquage éventuel du béton et le redressage des armatures après un éventuel repiquage, les interventions sur les armatures de deuxième phase, de reprise ou sur élément préfabriqué, ce dont il ressortait que cette société disposait d'une compétence certaine en matière d'armatures »,
- mais également que « l’arrêt énonce que les parties ont la possibilité de soumettre leur contrat à des usages professionnels particuliers et relève que le devis du 15 novembre 2017, comme la facture pro-forma du 27 novembre suivant, rappellent que le contrat est soumis aux usages professionnels et conditions générales de l'APA, et mentionnent que ceux-ci ont été déposés au greffe du tribunal de commerce de Paris. Il retient, enfin, que la société Delisle, société commerciale immatriculée depuis 1991, disposant de dix établissements et réalisant un chiffre d'affaires important, savait comment consulter le document de l'APA et qu'elle avait effectué le paiement de la facture du 27 novembre 2017 sans avoir fait aucune observation sur la soumission du contrat à ces conditions générales ».
Compte tenu du contenu de l’alinéa troisième de l’article 4.6 des Usages professionnels et conditions générales de l’APA disposant que « Tout écart de tonnage de 20% en moins par rapport à la commande donnera lieu au règlement d’une indemnité forfaitaire de 80 % du prix des tonnes en moins », l’enjeu de l’espèce était très important ! Si les usages professionnels de l’APA étaient opposables à la société Delisle, sa décision d’annuler sa commande emportait la conservation de 80 % du prix total, d’ores et déjà versé à la société SAS.
C’est poser la question que certains appellent, de manière très générale : « l’invocabilité » des usages [3]. Mais que d’autres dénomment : « l’opposabilité » des usages, le terme « opposabilité » s’attachant « davantage à son application à des tiers à la communauté » [4]. En fait, tout dépend du repère retenu. À prendre le prisme du contrat, le terme « invocabilité » s’impose plus dans l’espèce sous étude, celui « d’opposabilité » ne concernant que les tiers à la relation. À retenir, au contraire, le prisme de la communauté, c’est le terme « d’opposabilité » qui s’impose en l’espèce, les parties au contrat n’appartenant pas à la même. Les moyens du pourvoi retenant ce dernier terme, nous le retiendrons aussi par commodité dans les lignes qui suivent.
À quelles conditions les usages professionnels d’un secteur d’activité pourront-ils être opposés par une partie à l’encontre de l’autre ? La Cour de cassation, en jugeant que « de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire que la société Delisle avait accepté que sa commande soit soumise aux usages professionnels et conditions générales 2017 de l'APA », érige le consentement en pierre angulaire de l’opposabilité des usages professionnels (I). Toutefois, on aurait tort de conclure que ce dernier est toujours requis (II).
I. L’opposabilité des usages professionnels subordonnée au consentement
Entre deux professionnels de secteurs d’activité différents, un reflexe pavlovien conduit le juriste à penser que l’opposabilité d’usages professionnels nécessite une stipulation expresse dans la convention des parties pour les rendre applicables.
Cependant, la solution n’est pas aussi évidente que cela au regard du nouvel article 1194 du Code civil N° Lexbase : L0910KZQ qui dispose que « les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l'équité, l'usage ou la loi » [5]. En effet, aucune référence n’étant faite dans le texte à l’existence préalable d’un consentement, une partie ou le juge aurait ainsi la possibilité de compléter le contenu contractuel par des usages professionnels nonobstant le silence gardé sur ces derniers par le contrat. Un arrêt récent illustre cette possibilité [6] : dans cette espèce, une société d'expertise comptable avait fait appel à une société spécialisée dans l'informatique pour réaliser la transition numérique du cabinet. Outre des prestations d'ingénierie informatique, le cabinet avait passé commande au même prestataire de très nombreux scanners et écrans. Si ces derniers furent bien livrés, ils ne furent ni installés, ni ne firent l'objet de la moindre explication de mise en route. Pour s'exonérer de toute responsabilité, la société d'informatique soutenait que le devis ne faisait nullement mention de prestations d'installation et de formation. La cour d'appel de Rennes demeura insensible à cet argument, motivant sa solution sur le fondement de l'article 1194 du Code civil N° Lexbase : L0910KZQ : « En vertu des dispositions de l'article 1194 du code civil, les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé mais encore à toutes les suites que leur donnent l'équité, l'usage ou la loi. En l'espèce, quand le client d'un prestataire informatique acquiert directement auprès de lui du matériel, il est d'usage que ce matériel fasse l'objet d'une installation et d'une formation minimale par le prestataire ». De même, c’est en visant le contenu de l’ancien article 1135 du Code civil N° Lexbase : L1235ABD que la cour d’appel de Lyon a pu décider qu’« il est constant que l'architecte assume à l'égard de son client une obligation de renseignement et de conseil qui trouve son fondement dans sa compétence professionnelle de locateur d'ouvrage ; que cette obligation procède de la loi, des usages et de l'équité et qu'elle est en dehors de toute mission précise » [7]. La Cour de cassation, également, cassait au seul visa de l’article 1135 l’arrêt qui avait rejeté la demande d’indemnisation d’un chirurgien-anesthésiste dont le contrat d’exercice avait été rompu par la clinique. Les juges d’appel avaient estimé « qu'en l'absence de convention écrite, il n'est pas possible d'inférer des contrats d'exercice libéraux conclus entre la clinique et d'autres praticiens, exerçant dans d'autres spécialités, la commune intention des parties quant au principe, aux conditions et aux modalités de calcul d'une indemnité de rupture ». Pour la Haute juridiction : « en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le versement d'une indemnité de rupture aux chirurgiens ne correspondait pas à un usage établi au sein de la clinique ou à un usage professionnel, dès lors qu'une telle rupture lui était imputable, la cour d'appel a violé le texte susvisé » [8].
La clause d’usage, seule, garantirait cette opposabilité dans la mesure où abritée par le contrat, elle aurait recueilli le consentement de toutes les parties. Encore qu’il faille nuancer cette présentation.
Car son contenu est susceptible de divers degrés. On pourrait ainsi imaginer, idéalement, que la clause recense expressément les usages professionnels qui seront applicables à la relation des parties, ou qu’elle renvoie à une annexe du contrat les inventoriant précisément : en ce cas, il ne fait pas de doute que les usages pourront être opposés par le professionnel du secteur dont ils sont issus à l’encontre d’un partenaire commercial relevant d’un autre domaine d’activité. Car non seulement ce dernier y a consenti, mais aussi a pu prendre connaissance de leur teneur.
Mais quid si, d’aventure, la clause se borne à indiquer que les usages professionnels et conditions générales de l’une des parties seront applicables à la relation contractuelle ? En pareil cas, nous ne pensons pas que les usages pourront être opposés à l’encontre du cocontractant par la partie relevant du secteur professionnel d’où ces usages sont issus. Car même si elle a accepté le principe de leur application, elle n’a pas, pour autant, eu connaissance de leur teneur. Ainsi en a décidé la cour d’appel d’Amiens dans une relation où un imprimeur se prévalait, en raison d’un renvoi au verso de ses factures, des usages et conditions générales en vigueur dans le secteur de l'industrie graphique à l’encontre d’un éditeur : « ce renvoi général alors que les usages auxquels il est fait référence ne sont pas annexés ne permet pas de déterminer un accord sur des conditions et des prix » [9]. En revanche, le cocontractant extérieur au secteur concerné par les usages pourrait, selon nous, valablement s’en prévaloir à l’encontre du professionnel qui en relève [10].
Confessons-le : la jurisprudence demeure difficile à cerner pour l’interprète... Ainsi, dans un litige pour non paiement des factures opposant un agriculteur italien ayant acheté des pommes de terre à une société française, le Comité français des Règles et usages du commerce intereuropéen des pommes de terre (RUCIP), statuant comme juridiction arbitrale, avait condamné l'agriculteur au paiement. Pour justifier son recours en annulation contre la sentence, l’acheteur faisait valoir l'irrégularité de la composition du tribunal arbitral pour non-respect des articles 3.3 et 3.4 du règlement d'arbitrage RUCIP, au motif que le secrétariat du Comité ne lui avait pas transmis toutes les versions du RUCIP. La cour d’appel de Paris rejetait l’argument par cette motivation : « les parties ayant contracté conformément aux règles et usages en vigueur dans le domaine du commerce de la pomme de terre, elles sont présumées en connaître la teneur » [11]. Or, au cas d’espèce, la seule référence au RUCIP se trouvait dans les confirmations de livraisons éditées par le courtier par l’entremise duquel le contrat de vente avait été conclu, mais non signées par l’acheteur italien. Y figurait la mention : « Toute contestation découlant du présent contrat et survenant soit entre le vendeur et l'acheteur, soit entre l'une des parties et nous-mêmes, sera soumise à l'arbitrage de la commission d'arbitrage RUCIP de Paris qui sera seule compétente au premier et au second degré ». Même si l’article 3.2 du RUCIP dispose qu’« une affaire conclue verbalement doit être confirmée par écrit au moins par une des parties contractantes » et que « la confirmation établie par un intermédiaire est valable lorsqu’aucune des parties ne confirme elle-même », nous semble discutable le fait que l’agriculteur soit présumé connaître la teneur du RUCIP, et spécialement le contenu de son règlement d’arbitrage. Car même en admettant que les parties aient contracté « conformément aux règles et usages » du RUCIP et que donc toutes aient consenti à leur application, ce n’est qu’en supposant que la Cour ait pu estimer qu’un agriculteur et une société spécialisée dans commerce de pommes de terres appartiennent au même domaine professionnel que l’on puisse comprendre sa décision que l’agriculteur soit présumé connaître les règles et usages dans le commerce de pommes de terre. Or, cela ne nous semble pas évident. Comment expliquer en effet qu’un imprimeur ne puisse se prévaloir, à l’encontre d’un éditeur, des usages de l’industrie graphique au motif qu’ils ont été visés, mais pas annexés au contrat, alors qu’une société ayant pour activité la vente de pomme de terres puisse le faire, dans les mêmes circonstances, à l’encontre d’un agriculteur ? Plutôt que de procéder par ellipse, il serait bienvenu que les juges du fond précisent systématiquement dans leur motivation que les deux parties relèvent du même secteur professionnel lorsqu’ils décident qu’un code d’usages ou que des usages professionnels ont vocation à s’appliquer à une relation contractuelle. Si cela n’entraînerait pas nécessairement plus de cohérence entre les décisions de justice [12], a minima y aurait-t-il plus de données livrées a l’analyse de l’interprète.
Qu’en était-il dans l’espèce sous étude où les parties au contrat ne relevaient pas du même secteur professionnel ? La solution générale que « les usages élaborés par une profession ont vocation à régir, sauf convention contraire [...] celles de ces derniers avec des personnes étrangères à cette profession dès lors qu'il est établi que celles-ci, en ayant eu connaissance, les ont acceptées » n’appelle aucune critique. Elle ne constitue, en effet, que le rappel de la solution classique qu’il faille caractériser non seulement l’acceptation de l’applicabilité des usages à la relation contractuelle mais aussi leur connaissance par le professionnel étranger à la communauté qui les a vus naître.
Ce qui interroge toutefois, au cas particulier, n’est pas la caractérisation de cette acceptation, mais plutôt celle de la connaissance des usages par le professionnel profane. S’agissant, en effet, de la caractérisation de l’acceptation par la société Delisle de l’application des usages de l’APA, elle ne semblait faire aucun doute. Dès lors que « l’acceptation est la manifestation de volonté de son auteur d’être lié dans les termes de l’offre » (C. civ., art. 1118 al. 1er N° Lexbase : L0836KZY), et que la société Delisle avait non seulement validé le devis, mais aussi intégralement payé la facture correspondante sans formuler d’objections particulières sur ces deux documents faisant expressément référence (en bas de chaque page) aux usages et conditions générales de l’APA, il était possible de retenir qu’elle avait, au moins implicitement, consenti à leur application.
En revanche, la société avait-elle eu, effectivement, connaissance des usages élaborés par la profession d’armaturier ? Il n’est pas inutile de rappeler la solution de principe de la Cour de cassation : « Il résulte de l’article 1194 du Code civil que les usages élaborés par une profession ont vocation à régir, sauf convention contraire, non seulement les relations entre ses membres, mais aussi celles de ces derniers avec des personnes étrangères à cette profession dès lors qu'il est établi que celles-ci, en ayant eu connaissance [13], les ont acceptées ». De quelle connaissance s’agit-il donc ? De celle, seule, de leur existence (ce qui était indiscutable compte tenu de leur mention expresse dans les documents contractuels adressés à l’acheteur) ? Ou de celle, plus en aval, de leur contenu (ce qui inclut nécessairement la connaissance de leur existence) ? La question se pose au moins à deux égards :
- d’abord, compte tenu de la généralité de la motivation de la Cour de cassation, qui ne précise pas entre les deux degrés de connaissance ;
- ensuite, en raison de sa conclusion finale qui approuve la juridiction d’appel d’avoir pu déduire « que la société Delisle avait accepté que sa commande soit soumise aux usages professionnels et conditions générales 2017 de l'APA », mais sans prendre la peine d’y mentionner, formellement, que la cour d’appel de Rouen avait pu, par ces « constatations et appréciations » pour reprendre la même formule de la Cour, caractériser aussi une « connaissance » (au sens large) des usages des armaturiers.
On comprend toutefois de la validation de la motivation de l’arrêt par la Cour de cassation que c’est de la connaissance du contenu des usages par l’acheteur dont il est question. En effet, la Cour approuve les juges d’inférer cette connaissance présumée de la teneur des usages : non seulement de leur consultation aisée pour ce dernier (société commerciale de plus de trente ans d’expérience et possédant une dizaine d’établissements en France) informé de leur dépôt au greffe du Tribunal de commerce de Paris ; mais également de sa « compétence certaine » en matière d’armatures puisqu’il était supposé se charger d’accomplir, après réception de cinquante tonnes d’armatures, divers travaux spécifiques (traçage des axes, repiquage éventuel du béton et redressage des armatures après un éventuel repiquage, interventions sur les armatures de deuxième phase, de reprise ou sur élément préfabriqué).
L’argument de la connaissance des usages du secteur en raison d’une « compétence certaine » de l’acheteur en matière d’armatures peine à convaincre [14]. Ce n’est pas, en effet, parce que l’on disposerait de compétences techniques sur tel ou tel matériau que l’on connaîtrait nécessairement les usages de la profession concernée. En outre, ce n’est pas parce que le devis laisserait, à la charge de l’acheteur, certaines prestations que cela démontrerait qu’il compte nécessairement les accomplir personnellement. Déduire ses aptitudes techniques en armatures de cette seule mention dans un devis se relève, à l’évidence, de l’ordre du divinatoire.
En revanche, l’argument que l’acquéreur était informé, par les documents remis, tant de l’existence, que du dépôt au greffe du tribunal de commerce de Paris, d’usages et conditions générales de vente spécifiques au secteur d’activité de son vendeur nous paraît plus intéressant à discuter. Créé à l’initiative du président de ce tribunal à la fin de l’année 1981, le bureau de dépôt des usages professionnels (devenu depuis le service des Expertises et des Usages professionnels) demeure, hélas, bien méconnu des professionnels et des juristes. Son activité demeure des plus confidentielle en raison de l’absence de site web dédié, et par conséquent de publicité. Sauf à se rendre physiquement sur place, aucune liste des usages déposés par les professions n’est accessible sur Internet. Certes, certains syndicats ou associations de professionnels font l’effort de les publier en les mettant - gratuitement (ou pas !) - en ligne, tout en précisant (ou pas !) - leur dépôt au greffe. Certes, l’institut des Usages, créé à l’initiative de notre collègue P. Mousseron, s’efforce de les recenser sur son site Internet [15]. Mais tout cela relève de l’artisanat ... Pourtant, ce dépôt qui n’est encadré par aucune règlementation et dont on peine à cerner les effets [16], se révèle être, en définitive, au cœur de la solution de la Cour de cassation. On doute en effet très fortement que la solution eût été la même si les usages et conditions générales en question n’avaient pas été consultables au greffe par l’acheteur avisé. En outre, le site de L’institut des usages les référençait, en renvoyant au site de l’APA qui les avait, également, publiés en ligne. De sorte qu’ils étaient facilement accessibles pour l’acheteur qui voulait se donner la peine d’en connaître le contenu.
N’empêche ! La décision de la Cour de cassation semble marquer une évolution de la jurisprudence : là où hier il fallait une clause ou une annexe au contrat inventoriant le contenu des usages, désormais être informé de l’existence d’usages dans le secteur professionnel du cocontractant présume celle de leur teneur pour peu que l’on soit avisé des modalités de leur consultation [17]. Sans se confondre, la solution se rapproche de celle applicable entre deux professionnels d’un même secteur d’activité.
II. L’opposabilité des usages professionnels disjointe du consentement
Lorsque les parties au contrat relèvent du même secteur professionnel, ses usages ont vocation à régir les relations des parties, ainsi que le rappelle l’arrêt de la Cour de cassation.
Cela ne constitue qu’un rappel dans la mesure où la solution, à de maintes reprises, a été édictée par le passé. Ainsi, dans une espèce où la question était de déterminer à qui revenait la propriété de filières nécessaires à la fabrication de profilés, la chambre commerciale décidait que le concepteur de l’outillage en demeurait propriétaire et non son client, car « les deux parties au contrat étaient des professionnels exerçant dans le même secteur d'activité », et que les filières constituant un outil, son fabricant en demeure propriétaire « selon les usages établis par les attestations de la Chambre des métiers de la Gironde et du Groupement des lamineurs et fileurs d'aluminium » [18]. Nul besoin de consentement dans ce scénario. Nul besoin de rechercher si le professionnel du secteur concerné connaissait la teneur des usages de son milieu. Car tout simplement : il doit les connaître. La présomption de connaissance, ici, est irréfragable. Même solution d’absence de recherche du consentement dans le secteur de l’agriculture où la Cour de cassation reconnaît « l’usage en matière agricole qui autorise les parties à conclure verbalement les ventes d’aliments pour le bétail » [19], quand bien même la transaction dépasse le seuil de 1500 euros [20]. La solution est aussi identique dans le secteur de l’automobile, où est retenu le principe « qu'il [est] d'usage entre professionnels, que le vendeur ne transmette que dans les quinze jours de la vente à l'acheteur, les documents administratifs afférents aux véhicules vendus » [21].
En dehors de toute spécialité professionnelle, la solution de présomption irréfragable de connaissance prévaut, également, lorsque les usages jouissent d’une universalité corporative. Peut ici être pris l’exemple du prix entre commerçants. Faut-il l’entendre hors-taxe ou toutes taxes comprises ? La Cour de cassation a pris parti : « selon un usage constant entre commerçants, les prix s'entendent hors taxes, sauf convention contraire » [22]. Peut être également pris, en droit social, l’exemple de la rémunération du salarié : la cour d’appel de Toulouse a ainsi pu juger « qu’il est d’usage dans un contrat de travail de mentionner un salaire brut et non un salaire net » [23].
L’absence d’exigence de consentement est, en outre, observée à propos du dispositif de la rupture brutale de relation commerciale établie. Depuis la réforme intervenue en 2019 [24], l’article L. 442-1, II du Code de commerce N° Lexbase : L3427MHE dispose : « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l'absence d'un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels...». Libérés du carcan des accords interprofessionnels dans lesquels le législateur les avait enfermés depuis 1996 mais dont la jurisprudence n'hésitait pas à s'émanciper du fait de leur très faible nombre [25], les délais d’usage, par renvoi exprès de la loi, constituent donc (comme notamment l’ancienneté des relations), un délai minimal de préavis à respecter. Nul besoin, ici encore, mais en raison du caractère d’ordre public de cette législation, de rechercher l’existence d’un consentement des parties pour pouvoir valablement rendre les usages opposables au cocontractant.
Bien évidemment, lorsque les usages sont applicables en vertu d’une loi impérative comme celle précédemment évoquée, la mise à l’écart conventionnelle des usages ne pourra pas s’envisager. Hors cette exception, et comme le précise la Cour de cassation dans l’arrêt sous étude, une clause d’exclusion des usages est possible, qu’il s’agisse ou non d’une relation entre professionnels d’un même secteur d’activité. À l’inverse, lorsque les parties souhaitent les rendre applicables, elles prendront garde d’en reproduire le contenu dans une annexe du contrat.
[1] CA Rouen, ch. civ. et com., 3 mars 2022, n° 20/02032 N° Lexbase : A37187PE, JCP E 2022, 1181, obs. P. Mousseron.
[2] Cass. com., 4 octobre 2023, n° 22-15.685, , F-B N° Lexbase : A17151KQ ; obs. A.-L. Lonné-Clément, Lexbase Droit privé, n° 960, 12 octobre 2023 N° Lexbase : N7081BZB ; D. 2023, p. 1796 ; D. Actualité, 10 octobre 2023, obs. C. Hélaine ; JCP G 2023, act. 1197, comm. E. Araguas ; P. Mousseron, obs. à paraître au JCP E 2023. V. plus généralement : « Les usages devant la Cour de cassation », colloque de la Cour de cassation, jeudi 22 juin 2023 : https ://www.courdecassation.fr/agenda-evenementiel/les-usages-devant-la-cour-de-cassation ».
[3] M. Bourdeau, L’invocabilité des usages professionnels en matière contractuelle, RJDA 2011, p. 459 et s. ; K. Magnier-Méran, L’invocabilité variable des usages en matière bancaire, in Les usages en Droit bancaire, dir. J. Lasserre-Capdeville et K. Magnier-Méran, Revue de droit bancaire et financier, juillet-Août 2020, p. 56 et s., spéc. n° 10 et s..
[4] P. Mousseron, Droit des usages, Lexisnexis, 2ème éd., 2023, n° 367.
[5] Le dispositif pourrait s’avérer plus accueillant que celui de l’ancien article 1135. Même s'il a pu être écrit que son contenu avait été quasi intégralement repris, exception faite du terme « convention » remplacé par celui de « contrat » (Rapp. au Président de la République : JO 11 février 2016), cela n'est pas totalement vrai. Car l'on est passé, pour être précis, des « suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature », à celles que donnent, au contrat, l'équité, l'usage ou la loi. Cela n'est donc pas, quasi intégralement, la même chose. Désormais : le contrat, et point seulement l'obligation querellée, servira de point de départ à l'interprète pour suppléer le silence des parties quant aux effets attendus, notamment par application de la boussole des usages.
[6] CA Rennes, ch. com., 25 octobre 2022, n° 20/05465 N° Lexbase : A63188RG, JCP E 2023, 1178, n° 4, obs. Ph. Grignon.
[7] CA Lyon, 6ème ch., 7 janvier 2016, n°13/07935 N° Lexbase : A2269N3G. Adde Cass. civ. 1, 2 juillet 2014, n° 13-10.076 N° Lexbase : A2633MTP retenant, au visa de l’article 1135 du Code civil, une obligation d’information et de conseil du prestataire informatique envers ses clients profanes ; CA Paris, Pôle 5, ch. 11, 9 janvier 2015, n° 12/17974 N° Lexbase : A0600M94, relevant l’usage, en matière de prestations informatiques de Tierce Maintenance Applicative, de respecter une phase dite de prise de connaissance, c'est-à-dire une phase de transmission d'apprentissage sur chacun des logiciels, sous la forme d'un binôme composé d'un opérationnel de la société prestataire et d'un opérationnel de la société cliente.
[8] Cass. civ. 1, 11 mai 2022, n° 20-21.297, F-D N° Lexbase : A10467XZ.
[9] CA Amiens, 2 juillet 2015, n° 12/02376 N° Lexbase : A3611NMP, JCP E 2015, 1528, n° 7 obs. M. Bourdeau. Comp. avec Cass. civ. 1, 19 février 2002, n° 97-21.604 N° Lexbase : A0283AY7 ; Contrats, conc., consom. 2002, comm. 91, note L. Leveneur : appliquant, dans le silence du contrat, le code des usages en matière d’illustration photographique à une relation liant un photographe à un éditeur.
[10] Rappr. avec CA Paris, 12 octobre 2022, n° 20/13522 N° Lexbase : A71138P7, JCP E 2023, 1178, n° 8, obs. A. Brès, qui valide l’application des usages du courtage dans une relation entre l’assuré et la compagnie d’assurances, alors que le courtier soutenait que ces usages n’étaient applicables qu’entre professionnels du même secteur.
[11] CA Paris, Pôle 1, ch. 1, 10 janvier 2017, n° 15/13466 N° Lexbase : A5973S4Y, JCP E 2017, 1253, n° 4, obs. M. Bourdeau.
[12] V. en ce sens : M. Bourdeau, art. préc., n° 21 : « Aucun critère dont l'application générale permettrait de caractériser une identité de secteur d'activité ne peut être inféré de l'analyse de la jurisprudence. L'examen des décisions démontre même l'existence de solutions contradictoires. Ainsi, alors qu'un courtier en vins et un négociant sont considérés, au même titre qu'un fabricant de filières et un vendeur de profilés , comme des professionnels relevant du même secteur d'activité, un industriel en alimentation pour le bétail est censé appartenir à un secteur distinct de celui de son fournisseur de grains. Force est donc de constater que l'appréciation de l'appartenance des parties à un même secteur s'opère in concreto. Même lorsqu'elles paraissent justifiées, les solutions retenues demeurent donc d'espèce, condamnant ainsi toute possibilité d'en tirer une règle générale ».
[13] Nous soulignons.
[14] V. dans le même sens : C. Hélaine, obs. préc..
[16] Cf. en ce sens P. Mousseron, Le renouveau dans la preuve des usages : des parères aux opinions de coutume, Journal des sociétés, novembre 2011, p. 20 et s.
[17] V., anticipant cette solution mais la critiquant : M. Bourdeau, art. préc., spéc. n° 6 : « reconnaître cette présomption reviendrait à conférer au dépôt des usages un rôle identique à celui dévolu à la publication de la loi. Or, créé sur la seule initiative du Président du tribunal de commerce de Paris, le dépôt facultatif des usages professionnels est dépourvu de toute portée contraignante contrairement à la loi dont la publication en conditionne l'entrée en vigueur. La clause mentionnant le dépôt d'un code d'usages sans indication de leur contenu apparaît donc insuffisante pour que la partie dont ils régissent l'activité puisse s'en prévaloir à l'égard de son cocontractant étranger à ce secteur ».
[18] Cass. com., 9 janvier 2001, n° 97-22.668, publié au bulletin N° Lexbase : A4159ARH ; RTD civ. 2001, p. 870, obs. J. Mestre et B. Fages ; D. 2001, p. 551, note A. Lienhard ; Contrats, conc., consom. 2002, comm. 70, 2ème espèce, note L. Leveneur ; Cass. civ. 1, 19 février 2002, n° 97-21.604, préc. N° Lexbase : A0283AY7 : appliquant, dans le silence du contrat, le code des usages en matière d’illustration photographique à une relation liant un photographe à un éditeur. Comp. avec CA Amiens, 2 juillet 2015, préc., refusant d’appliquer les usages et conditions générales en vigueur dans le secteur de l'industrie graphique à l’encontre d’un éditeur.
[19] Cass. com., 22 mars 2011, n° 09-72.426, F-P+B N° Lexbase : A7686HII ; CA Grenoble, 1re ch. civ., 28 mai 2019, n° 18/02086 N° Lexbase : A6479ZCX ; JCP E 2019, 1482, n°6, obs. P. Alfrédo ; CA Riom, 1ère ch. civ., 19 janvier 2021, n° 19/01115 N° Lexbase : A96164C7, JCP E 2021, 1238, n°8, obs. Ph. Grignon.
[20] C. civ., art. 1359 al. 1er N° Lexbase : L1007KZC et Décret n° 80-533 du 15 juillet 1980, art. 1er N° Lexbase : L7457AIZ.
[21] Cass. com., 24 avril 2007, n° 05-17.778, FS-P+B N° Lexbase : A0188DWU ; JCP G 2007, I, 197, n° 2, obs. H. Périnet-Marquet ; D. 2007, p. 824, obs. X. Delpech ; RTD com. 2007, p. 824, obs. B. Bouloc. La solution est différente lorsque l’acheteur n’est pas un professionnel de l’automobile : CA Toulouse, 3ème ch., 19 janvier 2023, n° 21/00804 N° Lexbase : A646589C, JCP E 2023, 1178, n° 13, obs. Ph. Grignon.
[22] Cass. com., 9 janvier 2001, n° 97-22.212 N° Lexbase : A4158ARG ; Contrats, conc., consom. 2001, comm. 70, 1ère espèce, note L. Leveneur. Cette décision opère un revirement de jurisprudence par rapport à : Cass. com., 8 octobre 1991, n° 89-15.193, inédit au bulletin N° Lexbase : A8439CPA Contrats, conc., consom. 1992, comm. 1, note L. Leveneur, exigeant un consentement exprès pour l’application de cet usage. Rappr., dans le secteur bancaire, avec Cass. com., 23 mai 1989, n° 87-19.231, publié au bulletin N° Lexbase : A7820AGQ : usage bancaire constant dispensant le banquier escompteur, lorsque des lettres de change sont rendues acceptées par une personne morale, d'exiger la justification des pouvoirs de la personne qui a apposé la signature d'acceptation.
[23] CA Toulouse, 8 novembre 2012, n° 10/04443 N° Lexbase : A5381IW9.
[24] Ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 N° Lexbase : L0386LQD, JO 25 avril 2019, texte n° 16 ; JCP E 2019, act. 304, M. Chagny ; Ph. Grignon, Usages et nouveau dispositif de la rupture brutale des relations commerciales établies, JCP E 2019, 1482, n° 10.
[25] V. Ph. Grignon, Usages et préavis, AJ Contrat 2018, p. 356 et s.
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par François Taquet, Professeur de Droit social (IESEG, Skema BS), Avocat, spécialiste en Droit du travail et protection sociale, Directeur scientifique du réseau d’avocats GESICA
Le 08 Novembre 2023
Mots-clés : avis de contrôle • contrôle URSSAF • lettre d'observations • rapport de contrôle • mise en demeure • travail dissimulé
La revue Lexbase Social vous propose de retrouver, tous les deux mois, le panorama d’actualités jurisprudentielles de François Taquet, Professeur et avocat, en matière de cotisations sociales et plus spécialement relatif au contentieux du recouvrement.
Sommaire
I. Avis de contrôle
1. CA Paris, 6-12, 15 septembre 2023, n° 19/08392
2. CA Amiens, 21 septembre 2023, n° 21/05563
II. Déroulement du contrôle
3. CA Aix-en-Provence, 8 septembre 2023, n° 21/15417
4. CA Amiens, 12 septembre 2023, n° 22/01030
5. CA Toulouse, 14 juin 2023, no 21/00325
III. Lettre d’observations
6. CA Nouméa, 12 octobre 2023, n° 21/00037, 21/00034, 21/00033
IV. Rapport de contrôle
7. CA Amiens, 22 septembre 2023, n° 21/05563
V. Mise en demeure
8. TJ de Vesoul, Social, 8 septembre 2023, RG n° 23/00077
9. TJ d’Épinal, Social, 20 septembre 2023, n° 23/00038
10. CA Nîmes, 28 septembre 2023, n° 21/02959
11. CA Montpellier, 19 septembre 2023, n° 23/00634
12. CA Angers, 21 septembre 2023, n° 21/00282
13. CA Rennes, 27 septembre 2023, n° 21/04458
VII. Travail dissimulé
14. CA Rouen, 29 septembre 2023, n° 21/01483
15. CA Rouen, 29 septembre 2023, n° 21/01483
16. CA Colmar, 7 septembre 2023, RG n° 20/03019
17. CA Rouen, 22 septembre 2023, n° 21/00187
I. Avis de contrôle
1. CA Paris, 6-12, 15 septembre 2023, n° 19/08392 N° Lexbase : A11651M4 : l'inobservation de la formalité de l'avis de contrôle entraîne la nullité du contrôle et du redressement subséquent sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.
On sait que c’est le décret n° 99-434 du 28 mai 1999 N° Lexbase : L2814G8Q qui a rendu obligatoire l’envoi d’un avis de contrôle avant toute vérification, sauf en cas de travail clandestin. Dans sa version actuelle, l’article R. 243-59, I du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L4373MHG précise que « tout contrôle effectué en application de l'article L. 243-7 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L2550MGK est précédé, au moins trente jours avant la date de la première visite de l'agent chargé du contrôle, de l'envoi par l'organisme effectuant le contrôle des cotisations et contributions de sécurité sociale d'un avis de contrôle.
Toutefois, l'organisme n'est pas tenu à cet envoi dans le cas où le contrôle est effectué pour rechercher des infractions aux interdictions mentionnées à l'article L. 8221-1 du Code du travail N° Lexbase : L3589H9S. Dans ce dernier cas, si l'organisme entend poursuivre le contrôle sur d'autres points de la réglementation, un avis de contrôle est envoyé selon les modalités définies au premier alinéa ».
Les termes sont ici très clairs : hormis le cadre du travail dissimulé, l’URSSAF doit obligatoirement envoyer, avant le contrôle, un avis de passage sans que soit exigée la preuve d'un préjudice pour le cotisant (CA Paris, 6-12, 5 juin 2014, n° 11/07373 N° Lexbase : A1345MQU).
2. CA Amiens, 21 septembre 2023, n° 21/05563 N° Lexbase : A64261MX : l'avis de contrôle mentionne in fine : « Je vous informe qu'un document intitulé "Charte du cotisant", dont le modèle est fixé par arrêté du ministre chargé de la Sécurité sociale, est consultable sur le site http://www.urssaf.fr. À votre demande, cette charte peut vous être adressée. Ce document vous présente la procédure de contrôle et les droits dont vous disposez pendant son déroulement tels qu'ils sont définis par le Code de la Sécurité sociale ». L'adresse transmise, qui est celle du site internet de l'URSSAF, permet de consulter la Charte du cotisant contrairement à ce que soutient l'appelante, et ce conformément aux dispositions de l’article R. 243-59 du Code de la Sécurité sociale qui n'exige pas un renvoi direct au document mais l'adresse d'un site où il est consultable.
Une société est-elle en mesure de consulter la charte du cotisant contrôlé dès lors que les termes utilisés dans l’avis de contrôle sont les suivants : « un document intitulé « Charte du cotisant contrôlé » dont le modèle est fixé par arrêté du ministre chargé de la Sécurité sociale, est consultable sur le site http://www.urssaf.fr. À votre demande, cette charte peut vous être adressée. » ? Non, selon la cour d’appel de Rouen (CA Rouen, 14 décembre 2022, n° 20/02180 N° Lexbase : A358783A). Oui, suivant la cour d’Aix-en-Provence : dès lors qu'il n'est pas démontré, ni même invoqué, que l’équipement informatique n'a pas permis à la société d'accéder à la charte, le cotisant a été mis en mesure d'accéder à ladite charte avant l'ouverture des opérations de contrôle et l'URSSAF a bien respecté son obligation d'information (CA Aix-en-Provence, 27 avril 2023, n° 21/10602 N° Lexbase : A00179TS). L’arrêt de la Cour d’Amiens va dans cette deuxième direction.
II. Déroulement du contrôle
3. CA Aix-en-Provence, 8 septembre 2023, n° 21/15417 N° Lexbase : A67981HA : dès lors qu’à la suite d’un premier contrôle, une URSSAF avait annulé les lettres d’observations, pour reprendre ladite vérification le jour même, l’organisme avait en conséquence procédé à un second contrôle de la société sur la même durée et les mêmes points de redressement ayant déjà fait l'objet d'une vérification, de sorte que celui-ci et, partant, la lettre d'observations étaient irréguliers.
Cette position n’est pas contestable. Avant 2012, le principe dégagé par la jurisprudence était que l’URSSAF ne pouvait revenir sur une période antérieurement vérifiée. Ce principe connaissait toutefois trois exceptions : l’organisme avait émis des réserves lors du précédent contrôle, l’existence de fraudes ou de faits nouveaux avaient été découverts (V. ainsi : Cass. soc., 27 novembre 1975, n° 74-12.181, publié au bulletin N° Lexbase : A2544CKG ; Cass. soc., 8 juillet 1985, n° 83-15.961, publié au bulletin N° Lexbase : A5424AA7), une décision d’assujettissement avec effet rétroactif de la CPAM était devenue définitive (V. ainsi : Cass. soc., 27 novembre 1975, n° 74-12.181, préc. et cass. soc., 8 juillet 1985, n° 83-15.961, préc.).
Désormais, l’article L. 243-12-4 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L5714ISG, issu de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 N° Lexbase : L5099ISN, dispose qu’« il ne peut être procédé une nouvelle fois à un contrôle portant, pour une même période, sur les points de la législation applicable ayant déjà fait l’objet d’une vérification, sauf en cas de réponses incomplètes ou inexactes, de fraude, de travail dissimulé ou sur demande de l’autorité judiciaire ».
Logiquement donc, dans la présente affaire, la lettre d'observations du deuxième contrôle et la mise en demeure devaient être annulées, dès lors que l’URSSAF avait procédé à une nouvelle vérification portant sur la même période, et qu’elle ne justifiait ni de réponses incomplètes ou inexactes, ni de fraude ou de travail dissimulé ni de demande de l'autorité judiciaire (V. dans le même sens : CA Grenoble, 12 mai 2023, n° 21/03040 N° Lexbase : A70919U8).
4. CA Amiens, 12 septembre 2023, n° 22/01030 N° Lexbase : A92181GI : les premiers juges ont constaté que l'URSSAF a sollicité à plusieurs reprises le cabinet d'expertise comptable, ce que l'organisme ne conteste au demeurant pas, et sans qu'il ne soit justifié ni de l'accord de l'employeur, ni d'un mandat donné par celui-ci au cabinet pour le représenter. Il n'est produit en appel aucun élément de nature à remettre en cause cette constatation. Dès lors, le contrôle doit être tenu pour irrégulier et partant le redressement et la mise en demeure annulés.
Rappelons que le seul interlocuteur de l’inspecteur est le cotisant. On mentionnera ainsi une décision de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 20 mars 2008 (Cass. civ. 2, 20 mars 2008, n° 07-12.797, FS-P+B N° Lexbase : A4918D7B) suivant laquelle « si les dispositions de l’article R. 243-59 du Code de la Sécurité sociale ne font pas obstacle à ce que l’inspecteur du recouvrement, à réception de la réponse de l’employeur dans le délai de trente jours, puisse demander des justificatifs complémentaires et, tenant compte des éléments recueillis relatifs à un chef de redressement notifié dans la lettre d’observations, lui indiquer que ceux-ci conduisaient à une minoration du redressement envisagé sans envoyer une nouvelle lettre d’observations, elles n’autorisent pas l’agent chargé du contrôle à solliciter d’un tiers à l’employeur [en l’occurrence un expert-comptable] des documents qui n’avaient pas été demandés à ce dernier ».
Dès lors, doivent logiquement être annulés les redressements effectués sur la base de renseignements sollicités directement auprès de tiers (Cass. civ. 2, 31 mars 2016, n° 15-14.683, F-D N° Lexbase : A1604RBZ. V. dans le même sens : CA Douai, 21 décembre 2012, n° 11/00504 N° Lexbase : A8672IZ9 - CA Douai, 31 janvier 2013, n° 10/02416 N° Lexbase : A8591I8P - CA Paris, 6-12, 4 février 2016, n° 13/02512 N° Lexbase : A7220Q8W - CA Toulouse, 15 juin 2016, n° 16/00317 N° Lexbase : A9929RSK).
5. CA Toulouse, 14 juin 2023, no 21/00325 N° Lexbase : A333193R : c’est au cotisant à prouver l’emport de documents lors du contrôle. En outre, s’il résulte des mentions de la lettre d’observations remise à l’issue du contrôle que le salarié d’une société tierce à la société contrôlée, a transmis des fichiers Excel à l’inspecteur du recouvrement, il n’est en revanche pas établi que ce salarié ait ainsi agi à la demande de l’Urssaf plutôt qu’à celle de la société contrôlée. C’est au cotisant qui invoque une telle irrégularité de la prouver.
Si les prétentions de la société sont ici rejetées, il est clair que la cour d’appel de Toulouse ne remet pas en cause les garanties des cotisants sur ces deux points fondamentaux que sont l’emport de documents et la communication de pièces. Et comment le pourrait-elle ? En effet, « les dispositions qui confèrent aux agents de contrôle des pouvoirs d’investigation sont d’application stricte » (Cass. soc., 28 novembre 1991, n° 89-11.287 N° Lexbase : A1610AAU - Cass. civ. 2, 10 mai 2005, n° 04-30.046, F-D N° Lexbase : A2429DIS - Cass. civ. 2, 19 septembre 2019, n° 18-19.929, F-P+B+I N° Lexbase : A8475ZN9) ; qui plus est, ces pouvoirs excluent toute possibilité, pour l’assuré et les organismes de Sécurité sociale, d’aménager à leur guise leurs rapports juridiques (TJ de Lyon, 6 mai 2020, n° 14/02654 - TGI de Lyon, 13 septembre 2019, n° 16/03412, positions confirmées par : CA Lyon, 18 janvier 2022, n° 20/03748 N° Lexbase : A72717I7). Et puis, il n’est guère inutile de rappeler que ces principes n’ont guère pour objectif de brider les pouvoirs (déjà très importants) de URSSAF, mais de garantir le principe du contradictoire dans le cadre de la vérification. Or, ce respect de la procédure contradictoire se décline en deux phases : un débat contradictoire pendant le contrôle et des échanges contradictoires après le contrôle. Et même si cette notion de débat contradictoire semble moins présente dans le Code de la sécurité sociale, que dans le livre des procédures fiscales (V art. L. 55 du Livre des procédures fiscales et s. N° Lexbase : L5685IEB), elle est inscrite au sein de la Charte du cotisant contrôlé dont les dispositions « sont opposables aux organismes effectuant le contrôle » (CSS, art. R. 243-59, I al 4). Il appartient donc au juge de contrôler le respect de ces principes.
III. Lettre d’observations
6. CA Nouméa, 12 octobre 2023, n° 21/00037, 21/00034, 21/00033 N° Lexbase : A80431MT : s’agissant de l’absence de signature des deux agents de contrôle et leur habilitation, il est constant qu’un des agents n'exerçait plus ses fonctions lors de la clôture des opérations de sorte qu'il ne saurait être fait grief à l’organisme que celui-ci n'ait pas signé la lettre d’observations.
La jurisprudence est connue des professionnels : lorsque plusieurs inspecteurs participent aux opérations d’un même contrôle, la lettre d’observations doit comporter la signature de chacun d’entre eux. À défaut, la lettre d’observations est irrégulière (Cass. civ. 2, 6 novembre 2014, n° 13-23.990, F-P+B N° Lexbase : A9183MZ7 - CA Reims, 1er juillet 2015, n° 13/02069 N° Lexbase : A2172NME - CA Aix-en-Provence, 1er avril 2016, n° 14/18986 N° Lexbase : A2197RBY - CA Paris, 6-12, 3 novembre 2016, n° 15/12887 N° Lexbase : A6024SET - CA Paris, 6-12, 20 avril 2017, n° 15/11268 et 15/11270 N° Lexbase : A0722WAY - CA Montpellier, 20 septembre 2017, n° 16/03460 N° Lexbase : A4533WSP - CA Besançon, 20 novembre 2018, n° 18/00659 N° Lexbase : A2967YMT). Cette position vaut également en matière de travail dissimulé (CA Versailles, 14 janvier 2016, n° 13/03299 et 13/03403 N° Lexbase : A6479N3D : suivant l’article R. 243-59 du Code de la Sécurité sociale la lettre d’observations établie à l’issue du contrôle doit être signée de tous les agents ayant participé à ce contrôle, sous peine de nullité ; or, en l’espèce, la lettre d’observations établie et signée par l’inspecteur du recouvrement, seul, suite au contrôle effectué et portant sur du travail dissimulé ne comportait que la signature de son rédacteur, alors qu’il n’est pas contesté que l’intéressé n’avait pas procédé seul à ce contrôle). Que décider toutefois lorsqu’un des inspecteurs ayant participé au contrôle n’est plus présent dans l’organisme au moment de l’établissement de la lettre d’observations ? On se souvient que la cour de Versailles avait décidé que si ladite lettre d'observations devait, être signée par l'ensemble des inspecteurs du recouvrement ayant participé au contrôle, la règle doit être écartée dès lors qu'au moment de la signature du document, l'un des inspecteurs n'avait plus qualité ou n'était plus compétent pour intervenir, ce qui est le cas lorsque cet inspecteur a cessé ses fonctions au sein de l'organisme contrôleur (CA Versailles, 16 décembre 2021, n° 21/00821 N° Lexbase : A50447GW). La cour de Nouméa confirme logiquement cette position.
IV. Rapport de contrôle
7. CA Amiens, 22 septembre 2023, n° 21/05563 N° Lexbase : A64261MX : aucun texte n'impose la communication du rapport de contrôle par l'organisme au cotisant y compris pendant la phase judiciaire. En considération de ce qui précède, il y a lieu de débouter l'appelant de sa demande de nullité de la procédure de contrôle pour défaut de communication du rapport de contrôle.
Suivant l’article R. 243-59, IV, alinéa 1, du Code de la Sécurité sociale, « À l'issue de la période contradictoire, afin d'engager la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement, l'agent chargé du contrôle transmet à l'organisme effectuant le recouvrement le rapport de contrôle faisant état des échanges prévus au III ». Or, il peut être intéressant pour le cotisant d’obtenir ce rapport afin de connaître la manière concrète dont le contrôle a été conduit (ainsi, y a-t-il eu utilisation de clés USB, interrogatoires de tiers à la société, demande de documents à des organismes bancaires ou à des administrations ou tout simplement à des tiers… ? …toutes précisions qu’il peut être indispensable pour le cotisant d’obtenir dans le cadre d’un éventuel contentieux). Le problème, c’est que dans un arrêt du 31 octobre 2000 (Cass. soc., 31 octobre 2000, n° 99-13.322, inédit au bulletin N° Lexbase : A9082C7I), la Cour de cassation a décidé que l’absence de transmission du procès-verbal à l’employeur n’avait pas d’incidence sur la régularité des opérations de contrôle puisque ce document avait une simple vocation d’information de l’autorité hiérarchique (V dans le même sens : CA Nancy, 10 juin 2015, n° 11/01456 N° Lexbase : A5539NKD - CA Lyon, 24 mars 2015, n° 14/03723 N° Lexbase : A2452NEK - CA Aix-en-Provence, 12 juin 2013, n° 11/14816 - CA Aix-en-Provence, 19 février 2014, n° 12/18279 N° Lexbase : A5122MEG - CA Paris, 6-12, 31 mars 2016, n° 15/05573 N° Lexbase : A0588RBE). De même, la cour d’appel de Paris a statué que s’il est prévu une communication du procès-verbal de contrôle et des réponses, c’est à destination de l’URSSAF et non de l’employeur (CA Paris, 18 janvier 2019, n° 16/03858 N° Lexbase : A5663YTW).
Récemment, la Cour de cassation a réduit encore la portée de ce document en décidant que dès lors que la mise en recouvrement du redressement avait été engagée après que l'inspecteur du recouvrement ait adressé sa réponse à la société cotisante, la nullité de la procédure de contrôle n'était pas encourue, la circonstance que le rapport de contrôle, destiné seulement à informer l'organisme chargé de la mise en recouvrement, ait été établi avant l'envoi de cette réponse n'ayant pas d'incidence sur la régularité des opérations de contrôle (Cass. civ. 2, 7 septembre 2023, n° 21-20.524, F-B N° Lexbase : A81901E3).
On peut toutefois se demander si cette décision de la cour d’Amiens est toujours d’actualité. En effet, le décret n° 2016-941 du 8 juillet 2016 N° Lexbase : L2678K93 a ajouté à l’article R. 243-59 un V suivant lequel les documents mentionnés à l’article R. 243-59 (avis de contrôle, lettre d’observations…) sont adressés à la personne contrôlée selon les mêmes modalités que l’avis de contrôle (au siège social pour une personne morale, au domicile de la personne physique). Il semble donc que l’envoi de ce rapport doive être fait systématiquement… Affaire à suivre !
V. Mise en demeure
8. TJ de Vesoul, Social, 8 septembre 2023, RG n° 23/00077 N° Lexbase : A65851RC : la mise en demeure se contente d’indiquer, dans un espace prévu à cet effet, la mention « Le directeur (ou son délégataire) » sans préciser son nom ou apposer sa signature. Ainsi, il doit être constaté que le cotisant ne peut connaître l’identité du décisionnaire de la mise en demeure. Dès lors, le document doit être déclaré irrégulier.
Il suffit de rappeler ici deux éléments :
▪ suivant l’article L. 100-3 du Code des relations entre le public et l’administration N° Lexbase : L1766KNQ, on entend par « Administration : les administrations de l’État, les collectivités territoriales, leurs établissements publics administratifs et les organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d’une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale ». Cette simple disposition signifie, sauf exception, que les relations URSSAF/cotisants entrent dans le champ d’application du CRPA et lui sont donc soumises.
▪ selon l’article L. 212-1 du Code des relations entre le public et l’administration N° Lexbase : L1194LDL, « toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ». Pour le Conseil d’État, « la présence de ces mentions dans une décision administrative constitue une formalité substantielle, quand bien même cette décision, prise au terme d’un recours préalable obligatoire, se serait substituée à une première décision qui répondait à ces exigences » (CE, 21 juillet 2009, n° 315961 N° Lexbase : A1103EK3).
Si l’on rattache ces deux éléments, on ne peut donc qu’être étonné, de la position des juridictions judiciaires, sans cesse répétée, suivant laquelle aucun texte ne prévoit une obligation de signature, les dispositions de l’article R. 244-1 du Code de la sécurité sociale prévoyant seulement que la mise en demeure doit préciser la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, les majorations et pénalités qui s’y appliquent ainsi que la période à laquelle elles se rapportent (Cass. civ. 2, 5 juillet 2005, n° 04-30.196, F-P+B N° Lexbase : A9028DI9. V. également Cass. QPC, 1er juillet 2021, n° 20-22.473, F-D N° Lexbase : A19894YC, 20-22.474 N° Lexbase : A19994YP, 20-22.477 N° Lexbase : A20554YR et 20-22.476 N° Lexbase : A21004YG – CA Pau, 5 novembre 2020, n° 17/02078 N° Lexbase : A626633H et 17/02013 N° Lexbase : A6745339 – CA Saint-Denis de la Réunion, 27 octobre 2020, n° 18/02073 N° Lexbase : A324837G et 18/02071 N° Lexbase : A3377379 – CA Saint-Denis de la Réunion, 15 décembre 2020, n° 19/02358 N° Lexbase : A23764LL – CA Amiens, 10 mai 2021, n° 19/06109 N° Lexbase : A41704RU – CA Rennes, 23 novembre 2022, n° 19/00154 N° Lexbase : A24948WB – CA Toulouse, 14 juin 2023, n° 22/03274 N° Lexbase : A332593K – CA Nîmes, 15 juin 2023, n° 21/00924 N° Lexbase : A824593R – CA Bordeaux, 6 juillet 2023, n° 21/05492 N° Lexbase : A787899N – CA Amiens, 22 septembre 2023, n° 22/03241 N° Lexbase : A32531IC – V. également : CA Rouen, 6 octobre 2023, n° 22/03298 N° Lexbase : A53681LE : l'absence de signature de la mise en demeure n'en affecte pas la validité dès lors que l'organisme qui la délivre y est mentionné).
Franklin Roosevelt aimait dire que « la répétition ne transforme pas un mensonge en vérité ». Le tribunal judiciaire de Vesoul va à l’encontre de jurisprudence. Ce jugement est incontestablement à marquer d’une pierre blanche.
9. TJ d’Épinal, Social, 20 septembre 2023, n° 23/00038 N° Lexbase : A65871RE : il n’est pas fait mention dans la mise en demeure ni dans la contrainte, de la qualité de gérant de l’EURL pour laquelle le cotisant est affilié à l’URSSAF. Dès lors, ni la mise en demeure ni la contrainte ne pouvaient permettre au cotisant d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation de sorte que la mise en demeure et la contrainte doivent être annulées.
Selon l’article L. 244-2, alinéa 2, du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L6932LN3, le contenu de la mise en demeure « doit être précis et motivé ». Tel n’était pas le cas en l’espèce. Dans le même sens, on relèvera que l'indication dans la mise en demeure d'une « absence ou insuffisance de versement » n’est pas de nature à renseigner le cotisant sur la cause ou l'origine de la dette (Cass. civ. 2, 30 juin 2011, n° 10-20.416, F-D N° Lexbase : A6646HUP. V. dans le même sens : CA Orléans, 29 juin 2021, n° 18/00789 N° Lexbase : A93764XK et 18/00792 – CA Versailles, 28 novembre 2019, n° 18/01531 N° Lexbase : A9617Z3L – TGI Paris, 3 septembre 2019, n° 18/00257 ; de même, la mention au titre de la nature des cotisations : « employeur de personnel salarié » serait-elle considérée insuffisante : TJ de Strasbourg, Social, 7 juin 2023, n° 22/00515 N° Lexbase : A65861RD).
10. CA Nîmes, 28 septembre 2023, n° 21/02959 N° Lexbase : A98781IP : la mise en demeure, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation. À cette fin, il importe qu'elle soit, à peine de nullité, notifiée au débiteur des cotisations réclamées, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice. La mise en demeure doit en conséquence être adressée à la personne qui est tenue, en sa qualité d'employeur, aux obligations afférentes au paiement des cotisations et contributions qui font l'objet du contrôle. Dans les entreprises comportant plusieurs établissements, il appartient aux juges du fond de rechercher si le destinataire de la mise en demeure est la personne à laquelle incombe, en sa qualité d'employeur, le paiement des cotisations et contributions.
Cet arrêt n’est pas sans rappeler une décision de la cour d’appel de Nancy suivant laquelle la mise en demeure qui constitue la décision de redressement et fait suite à l'avis préalable et la lettre d'observations, doit être adressée exclusivement à la personne qui est tenue, en sa qualité d'employeur, aux obligations afférentes au paiement des cotisations et contributions qui font l'objet du contrôle. En effet, l'avis préalable et la lettre d'observations doivent être adressés exclusivement à la personne qui est tenue, en sa qualité d'employeur, aux obligations afférentes au paiement des cotisations et contributions qui font l'objet du contrôle, en sorte que la mise en demeure qui leur fait suite et peut se référer aux énonciations de la lettre d'observations, doit en conséquence être adressée à la même personne (CA Nancy, 13 avril 2021, n° 20/01750 N° Lexbase : A32874PG).
VI. Commission de recours amiable
11. CA Montpellier, 19 septembre 2023, n° 23/00634 N° Lexbase : A77261HM : les réclamations portées devant les juridictions du contentieux général contre les décisions prises par les organismes de Sécurité sociale et de mutualité sociale agricole doivent être soumises, préalablement à la saisine de la juridiction, à la commission de recours amiable de l’organisme.
Suivant l’article R. 142-1 du Code de la Sécurité sociale, les réclamations, relevant du contentieux général de la Sécurité sociale et de la mutualité sociale agricole et formées contre les décisions prises par les organismes de Sécurité sociale et de la mutualité sociale agricole de salariés et de non-salariés, sont soumises à une commission de recours amiable composée et constituée au sein du conseil d’administration de chaque organisme. Il ressort clairement de cet article que le cotisant, qui souhaite contester le redressement opéré par l’URSSAF, « doit » (CSS, art. R. 142-1, al. 2 N° Lexbase : L1326LKC) préalablement saisir la commission de recours amiable. Il s’agit là d’une disposition d’ordre public, ainsi, que le confirme une jurisprudence constante (Cass. civ., 20 juin 1958, Bull. civ. II, n° 454 – Cass. civ., 19 mars 1969, Bull. civ. V, n° 197 – 11 février 1981, Bull. civ. V, n° 130 – CA Paris, 26 septembre 2013, n° 12/06256 N° Lexbase : A7399KLM – CA Riom, 28 avril 2015, n° 14/01015 N° Lexbase : A3746NH9 – CA Caen, 27 septembre 2013, n° 11/03546 N° Lexbase : A5825ZN3 – CA Versailles, 11 octobre 2012, n° 10/03765 N° Lexbase : A2612IUB – CA Paris, 30 mars 2018, n° 14/09633 N° Lexbase : A7576XIG).
VII. Contrainte et opposition à contrainte
12. CA Angers, 21 septembre 2023, n° 21/00282 N° Lexbase : A26711MU : un acte de signification de contrainte pour un montant différent de celui figurant sur la contrainte elle-même, sans comporter d'élément permettant d'expliquer cette différence (versement d'acompte par exemple) est de nature à justifier l'annulation de la signification de la contrainte.
Il n’est pas inutile de rappeler cette orientation de la jurisprudence (Cass. civ. 2, 15 juin 2017, n° 16-10.788, F-P+B N° Lexbase : A2220WI3 – CA Toulouse, 25 octobre 2019, n° 18/02525 N° Lexbase : A6130ZST – CA Toulouse, 20 décembre 2019, n° 18/03582 N° Lexbase : A0668Z9M – CA Amiens, 7 décembre 2020, n° 19/02656 N° Lexbase : A0819399 ; CA Toulouse, 18 décembre 2020, n° 19/02786 N° Lexbase : A35964AG – CA Nancy, 9 février 2021, n° 20/00279 N° Lexbase : A16224G8, CA Rouen, 14 avril 2021, n° 18/05448 N° Lexbase : A44094PY – CA Toulouse, 9 avril 2021, n° 19/04528 N° Lexbase : A05684PQ – CA Grenoble, 21 septembre 2021, n° 19/03097 N° Lexbase : A991444X).
13. CA Rennes, 27 septembre 2023, n° 21/04458 N° Lexbase : A80121IL : l’organisme de recouvrement conserve la possibilité de décerner une contrainte si la commission de recours amiable n'a pas reconnu le bien-fondé du recours engagé devant elle dans le délai de deux mois. En l'espèce, force est de constater que la commission n'a rendu aucune décision dans le délai de deux mois du recours. L'organisme était donc parfaitement fondé à délivrer une contrainte malgré la saisine du tribunal des affaires de Sécurité sociale par la cotisante.
Cette position n’est pas nouvelle même s’il est intéressant de la répéter (Cass. soc., 31 mai 2001, n° 99-14.622, inédit au bulletin N° Lexbase : A5139ATI ; Cass. civ 2, 3 avril 2014, n° 13‑15.136 ; Cass. civ. 2, 1er décembre 2022, n° 21-17.379, F-D N° Lexbase : A42118XA ; CA Aix-en-Provence, 14 avril 2023, n° 21/17040 N° Lexbase : A47649QI). Ceci étant, cette position est difficilement assimilable par les cotisants. Comment peuvent-ils comprendre que dès lors qu’ils ont saisi la commission de recours amiable, l’URSSAF peut malgré tout décerner une contrainte et que faute d’opposition dans le délai de 15 jours, la créance de l’URSSAF est définitive ?
VII. Travail dissimulé
14. CA Rouen, 29 septembre 2023, n° 21/01483 N° Lexbase : A23931KT : s'il procède du constat d'infraction de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, le redressement a pour objet exclusif le recouvrement des cotisations afférentes à cet emploi, sans qu'il soit nécessaire d'établir l'intention frauduleuse de l'employeur.
15. CA Rouen, 29 septembre 2023, n° 21/01483 : l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ne s'attache qu'aux décisions des juridictions de jugement qui sont définitives et qui statuent sur le fond de l'action publique, si bien que la société n'est pas fondée à l'invoquer pour une décision de classement sans suite.
V. dans le même sens, CA Paris, 6-13, 17 mars 2023, n° 18/02689 N° Lexbase : A52739KI : il est constant que s'il résulte du constat d'infraction de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, le redressement a pour objet exclusif le recouvrement des cotisations afférentes à cet emploi, sans qu'il soit nécessaire d'établir l'intention frauduleuse de l'employeur.
Un éventuel classement sans suite n'a pas pour effet d'empêcher un redressement pour travail dissimulé (CA Rouen, 24 mars 2023, RG n° 20/03359 N° Lexbase : A62839LB).
16. CA Colmar, 7 septembre 2023, RG n° 20/03019 N° Lexbase : A29351GS : il est jugé de manière constante que le procès-verbal constatant le délit de travail dissimulé à l'origine du redressement opéré par l'URSSAF n'a pas à figurer dans les documents communiqués à l'employeur par l'organisme de recouvrement à l'issue du contrôle, aucune disposition ne faisant obligation à cet organisme de le lui transmettre. De plus, les dispositions réglementaires ne prévoient pas l'indication dans la lettre d'observations de la référence, soit du numéro de procès-verbal constatant le délit de travail dissimulé.
Il s’agit d’une position maintenant constante (mais contestable) de la Cour de cassation : l’organisme de recouvrement est certes tenu de produire le procès-verbal devant la juridiction de sécurité sociale en cas de contestation de l’existence ou du contenu de ce document (Cass. civ. 2, 8 avril 2021, n°19-23.728 et 20-11.126), mais pas au stade de la lettre d’observations.
VIII. Solidarité financière
17. CA Rouen, 22 septembre 2023, n° 21/00187 N° Lexbase : A32381IR : la lettre d'observations prévue par l'article R. 243-59 du Code de la Sécurité sociale doit, pour assurer le caractère contradictoire du contrôle et la garantie des droits de la défense à l'égard du donneur d'ordre dont la solidarité financière est recherchée, préciser année par année le montant des sommes dues. En l'espèce, la lettre indique notamment que le sous-traitant est redevable d'un montant de 271 982 euros de cotisations et de contributions sociales et que celui-ci travaillant uniquement pour la société, elle est solidairement responsable de la globalité des sommes dont il est redevable. Elle ne comporte cependant aucune indication du montant des sommes dues année par année, de sorte qu'il y a lieu de constater son irrégularité et par suite la nullité de la procédure de recouvrement, peu important que la société ait été informée du détail des sommes réclamées année par année dans la lettre en réponse à ses observations.
Il s’agit ici d’une confirmation de jurisprudence (Cass. civ. 2, 13 février 2020, n° 19-11.645, F-P+B+I N° Lexbase : A37633E4).
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
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Réf. : Cons. const., décision n° 2023-166 du 27 octobre 2023 N° Lexbase : A62371PP
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par Yann Le Foll
Le 08 Novembre 2023
► Les modalités de stockage en couche géologique profonde des déchets radioactifs, dès lors qu’elles ne compromettent pas la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins, sont bien conformes à la Constitution.
Objet QPC. L’article L. 542-10-1 du Code de l’environnement N° Lexbase : L5043K9N, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-1015 du 25 juillet 2016 N° Lexbase : L4666K9P, fixe le régime applicable à la création et à l’exploitation d’un centre de stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs. Les dispositions contestées de cet article (deuxième et troisième alinéa, troisième et quatrième phrases du quatorzième alinéa de ce même article) prévoient que le stockage de déchets radioactifs dans un tel centre est soumis à une exigence de réversibilité, mise en œuvre selon des modalités précises et pendant une durée minimale.
Position du Conseil constitutionnel. Il découle de l’article 1er de la Charte de l’environnement (loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005, relative à la Charte de l'environnement N° Lexbase : O4198ARW, éclairé par le septième alinéa de son préambule, que, lorsqu’il adopte des mesures susceptibles de porter une atteinte grave et durable à un environnement équilibré et respectueux de la santé, le législateur doit veiller à ce que les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne compromettent pas la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins, en préservant leur liberté de choix à cet égard.
Les Sages relèvent que :
Décision. De l’ensemble de ces motifs, le Conseil constitutionnel déduit que, compte tenu de ces garanties, les dispositions contestées ne méconnaissent pas les exigences de l’article 1er de la Charte de l’environnement tel qu’interprété à la lumière du septième alinéa de son préambule. Il les déclare donc conformes à la Constitution.
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par Jérôme Mazeres, Fiscaliste - Diplômé en gestion de patrimoine, Les fourmis du patrimoine
Le 07 Novembre 2023
Mots-clés : plus-values professionnelles • plus-values immobilières • immeubles • société de personnes • exonération
1.- Les immeubles inscrits au bilan d’une entreprise individuelle ou d’une société de personnes exerçant une activité professionnelle, et affectés à celle-ci, sont susceptibles de bénéficier en cas de cession d’un régime d’exonération des plus-values professionnelles.
Parmi les régimes d’exonération applicable, il est possible de citer le régime d’exonération en fonction du chiffre d’affaires ou bien le régime d’exonération des plus-values immobilières professionnelles à long terme.
2.- Ces deux régimes qui sont susceptibles de se cumuler, nécessitent de remplir, chacun plusieurs conditions.
Pour l’application de l’article 151 septies du Code général des impôts N° Lexbase : L4192LI4, pour le monde agricole, il est notamment nécessaire que les conditions suivantes soient remplies :
3.- L’article 151 septies B du Code général des impôts N° Lexbase : L1142IEZ permet de bénéficier d’un abattement à hauteur de 10 % par an, au-delà de la cinquième année de détention, sur les plus-values à long terme.
Ainsi, après de 15 ans de détention, la plus-value immobilière à long terme est intégralement exonérée.
4.- Cependant, la rédaction actuelle de ces deux dispositifs écarte les terrains à bâtir.
L’article 151 septies B du Code général des impôts précise : « Les biens mentionnés au I du A de l'article 1594-0 G ne sont pas considérés comme affectés à l'exploitation de l'activité ».
L’article 151 septies du même code précise également : « Les plus-values de cession soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies, à l'exception de celles afférentes aux biens entrant dans le champ d'application du A de l'article 1594-0 G, et réalisées dans le cadre d'une des activités mentionnées au I sont, à condition que l'activité ait été exercée pendant au moins cinq ans ».
On relèvera que la rédaction de ces deux textes n’est pas tout à fait identique. Cependant, les deux textes se cantonnent au champ d’application, et n’invite pas à aller se perdre dans les conditions d’application du 1594-0 G, A N° Lexbase : L2858KIP visées au II.
5.- L’article 151 septies du Code général exclut de son application les biens bénéficiant du régime d’exonération visé à l’article 1594-0 G, A du Code général des impôts.
L’article 1594-0 G, A du Code général des impôts vise la vente d’immeuble à une personne assujettie à la TVA qui a pris l’engagement d’effectuer dans un délai de quatre ans, des travaux conduisant à la production d’un immeuble neuf ou nécessaire pour terminer un immeuble inachevé.
6.- La doctrine administrative [1] concernant l’application de l’article 151 septies du CGI est également en ce sens, celle-ci précise : « Les terrains à bâtir s'entendent des biens qui entrent dans le champ d'application du A de l'article 1594-0 G du CGI.
Il est précisé que les terrains expropriés qui ne remplissent pas les conditions mentionnées aux a et b du 1° du II de l'article L. 13-15 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ne sont pas considérés, pour le présent dispositif, comme des biens entrant dans le champ d'application du A de l'article 1594-0 G du CGI ».
7.- La doctrine administrative [2] concernant l’application de l’article 151 septies B du CGI précise également : « Les terrains à bâtir sont réputés ne pas être affectés à l’exploitation. Par conséquent, les plus-values résultant de la cession de tels biens sont systématiquement exclues de l’abattement pour durée de détention prévu à l'article 151 septies B du CGI, qu’ils soient détenus directement ou dans une structure juridique interposée ».
8.- Le juge de l’impôt a également été amené à s’interroger sur la notion de terrain à bâtir pour l’application de ces régimes d’exonération. La cour administrative d’appel de Douai [3] a également eu l’occasion de prendre position sur l’application de l’article 151 septies B du Code général des impôts.
Dans le cadre de cette affaire, des terres étaient inscrites au bilan d’une exploitation. L’acte de vente était conclu au profit d’une SCI. Celui-ci précise que le terrain cédé est destiné à recevoir une construction à usage d’habitation. Cependant, il ne comportait pas d’engagement de l’acquéreur de réaliser les travaux dans un délai de quatre ans. Cet engagement n’avait également pas été souscrit dans le cadre d’un acte séparé.
La cour administrative d’appel de Douai a ainsi considéré que les terres n’entraient pas dans le champ d’application du A de l’article 1594-0 G du Code général des impôts.
Dès lors, celles-ci étant affectées à l’exploitation, l’article 151 septies B du Code général des impôts était ainsi susceptible de s’appliquer.
9.- C’est dans ce contexte que le tribunal administratif de Montpellier [4] vient de rendre un jugement concernant l’application des régimes d’exonération précédemment cités au cas de terrain à bâtir.
Dans cette affaire, des parcelles inscrites au bilan d’une exploitation agricole ont été cédées en juin 2018. Le notaire a fait application du régime des plus-values immobilières. Le cédant a tenté dans le cadre d’une réclamation précontentieuse de revenir sur cette qualification et le versement de l’impôt y afférent. Il souhaitait pouvoir bénéficier du régime d’exonération prévue à l’article 151 septies du Code général des impôts. Dans cette affaire, la société cessionnaire soumise à la TVA, a pris l’engagement de revendre le bien dans les 5 ans, et a déposé une déclaration relative à la constructibilité du bien.
10.- L’administration fiscale a rejeté la réclamation précontentieuse. Le cédant tentait de justifier l’application du régime des plus-values professionnelles et des mécanismes d’exonération en faisant valoir :
11.- Le tribunal administratif de Montpellier, dans le cadre d’un jugement peu didactique, écarte l’application du régime des plus-values professionnelles. Celui-ci considère que le cédant n’apporte pas la preuve de l’affectation à l’exploitation des biens inscrits au bilan. Ensuite, le tribunal administratif de Montpellier considère qu’en se plaçant sous le régime de l’article 1115 du Code général des impôts N° Lexbase : L4880IQS, que la cession entre le I du A de l’article 1594-0 G du même Code. Pour ce même motif, l’article 151 septies B du Code général des impôts n’est pas applicable. En ce qui concerne l’application de la doctrine administrative visée au BOI-BIC-PVMV-20-40-30, le tribunal administratif considère qu’elle n’apporte pas une lecture différente du Code général des impôts.
12.- Ce jugement est susceptible d’interroger sur plusieurs points, et notamment en ce qui concerne le champ d’application de l’article 1594-0 G du Code général des impôts.
L’article 1594-0 G, A du CGI vise différents cas d’exonération des droits de mutation à titre onéreux : « Les acquisitions d'immeubles réalisées par une personne assujettie au sens de l'article 256 A, lorsque l'acte d'acquisition contient l'engagement, pris par l'acquéreur, d'effectuer dans un délai de quatre ans les travaux conduisant à la production d'un immeuble neuf au sens du 2° du 2 du I de l'article 257, ou nécessaires pour terminer un immeuble inachevé ».
13.- Pour entrer dans le champ d’application de l’article 1594-0 G, A-I du Code général des impôts, il convient d’être en présence de plusieurs éléments :
14.- Les conditions d’application sont visées à l’article1594-0 G, A-II du Code général des impôts. Ici, effectivement, l’article 1115 du même Code, qui concerne l’obligation de revendre, est visé par le texte.
Il semble important de signaler qu’à nos yeux, il n’est plus ici question de champ d’application, mais de conditions d’application, ce qui n’est pas la même chose. Pour parler de conditions, il faut déjà entrer dans le régime, ce qui implique l’existence d’un engagement de construire, visiblement absent dans cette affaire.
Ensuite, la mise en œuvre de l’engagement de revendre dans le cadre de ce dispositif est visée dans plusieurs situations :
15.- Enfin, il nous semble que les champs d’application des articles 1594-0G, A et 1115 du Code général des impôts sont distincts, et que faute d’engagement de construire pris lors de la cession, le contribuable ne rentre pas dans le champ du premier, même si des passerelles existent entre les deux dispositifs afin de maintenir leur portée, c’est-à-dire l’exonération des droits de mutation à titre onéreux.
Il nous semble ici qu’il pourrait éventuellement être intéressant dans le cadre d’un appel de discuter d’une éventuelle erreur de droit, notamment à l’aune de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Douai.
17.- On attendra avec intérêt de voir si ce jugement fait l’objet d’un appel.
[1] BOI-BIC-PVMV-40-10-10-10, n° 310 à 330 N° Lexbase : X6643ALM.
[2] BOI-BIC-PVMV-20-40-30, n° 260 N° Lexbase : X5185ALM.
[3] CAA de Douai, 11 décembre 2018, n° 18DA00611 N° Lexbase : A4819YSB.
[4] TA de Montpellier, 13 juillet 2023, n° 2103957 N° Lexbase : A70311BZ.
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Réf. : Directive (UE) n° 2023/2226, du Conseil du 17 octobre 2023, modifiant la Directive n° 2011/16/UE relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal N° Lexbase : L9397MIU
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par Marie-Claire Sgarra
Le 07 Novembre 2023
► La Directive « DAC 8 », relative à la coopération fiscale entre les autorités nationales a été publiée au JOUE du 24 octobre 2023.
Pour rappel, l'objectif de ce texte est de renforcer le cadre législatif existant en élargissant le champ d'application des obligations d'enregistrement et de déclaration et de la coopération administrative générale entre les administrations fiscales.
Les modifications portent principalement sur la déclaration et l'échange automatique d'informations sur les revenus tirés de transactions sur cryptoactifs et sur les décisions fiscales anticipées pour les personnes à fort enjeu. Pour aller plus loin, G. Loukili, Fiscalité des cryptoactifs : les propositions de la Commission européenne (projet DAC 8), Lexbase fiscal, juin 2023, n° N° Lexbase : N5859BZZ. |
Pour l’essentiel le texte prévoit que :
Les cryptoactifs compris dans le texte :
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Réf. : CE, 5°-6° ch. réunies, 29 septembre 2023, n° 460160, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A57121IE
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par Benjamin Cottet-Emard, Avocat au Barreau de Lyon
Le 08 Novembre 2023
Mots clés : mise en demeure • mémoire complémentaire • désistement d’office • dépôt de la requête • délai supplémentaire
À peine de désistement d’office, le délai imparti par le tribunal au requérant pour produire son mémoire complémentaire annoncé à l’occasion du dépôt de sa requête sommaire est impératif et ne souffre d’aucune exception. Et ce, même si le requérant a sollicité, avant l’expiration de ce délai initial, un délai supplémentaire pour produire ce mémoire.
C’est la conclusion, sévère, à laquelle est parvenue le Conseil d’État, qui, sur conclusions contraires de son rapporteur public [1], a tiré les conséquences d’une application stricte de l’article R. 612-5 du Code de justice administrative N° Lexbase : L3130ALI, lequel dispose que : « Devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, si le demandeur, malgré la mise en demeure qui lui a été adressée, n'a pas produit le mémoire complémentaire dont il avait expressément annoncé l'envoi (…) il est réputé s'être désisté ».
Véritable chausse-trappe procédurale, l’annonce de la production d’un mémoire complémentaire à l’appui d’une requête sommaire implique donc de maitriser parfaitement le calendrier de procédure pour éviter un cruel désistement d’office. En la matière, il n’existe aucune session de rattrapage, ce qui a de quoi donner quelques sueurs froides aux requérants et à leurs avocats.
Bref rappel des faits et petites astuces pour éviter le couperet.
I. L’annonce d’un mémoire complémentaire et l’impitoyable désistement d’office
Dans le cas soumis au Conseil d’État, on relèvera que le tribunal administratif de Rennes a été saisi, le 19 mai 2017, d’une requête en annulation d’une décision d’un centre hospitalier. Cette requête annonçait expressément la production d’un mémoire complémentaire.
Le 1er août 2017, en plein cœur de l’été, le tribunal administratif de Rennes a mis en demeure la requérante de produire ce mémoire complémentaire et ce, dans le délai d’un mois.
Dans le délai imparti, le Conseil de la requérante avait sollicité une demande tendant à la prolongation du délai pour produire son mémoire complémentaire. Demande à laquelle le tribunal n’a pas répondu.
Le 18 juillet 2018, un mémoire complémentaire a fini par être produit, lequel a été communiqué à la partie en défense qui a pu y répliquer. Une audience a été fixée.
Tout laissait donc croire que l’affaire serait jugée au fond.
Toutefois, et par un jugement du 16 janvier 2020, le tribunal administratif de Rennes a finalement décidé de donner acte du désistement d’office de la requérante, lequel serait intervenu en septembre 2017, après l’expiration de la mise en demeure de produire un mémoire complémentaire.
Plus de deux ans et demi d’instruction pour ça ? On comprend aisément la surprise de la requérante [2] !
Mais le mécanisme du désistement d’office est impitoyable.
En effet, le Conseil d’État, confirmant l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes, a jugé que :
- dès lors qu’une requête annonçait expressément la communication d’un mémoire complémentaire, le tribunal ou la cour peuvent mettre en demeure le requérant de produire un tel mémoire ;
- cette mise en demeure doit laisser au requérant un délai suffisant pour y répondre et l’informer des conséquences d’un défaut de réponse dans ce délai ;
- si ce mémoire n’est pas produit dans ce délai ouvert par la mise en demeure, et peu importe qu’une demande de délai supplémentaire ait été formulée avant l’expiration de ce délai, le requérant est réputé s’être désisté d’office.
Cet arrêt sévère s’inscrit d’ailleurs à la suite d’un autre arrêt rendu sur le sujet par le Conseil d’État au début de l’année 2023 qui avait jugé que, dans le cas où le requérant sollicite une demande de prolongation du délai pour produire son mémoire complémentaire et que le juge y fait droit, mais que cette demande de prolongation a été présentée après l'expiration du délai fixé initialement par la mise en demeure, le requérant est toutefois déjà réputé s'être désisté d'office de sa requête du seul fait de l'expiration de ce premier délai. La circonstance que le juge ait accordé un délai supplémentaire après l’expiration du délai initial pour produire un mémoire complémentaire ne change donc rien à l’intervention d’un désistement d’office [3].
II. Sécuriser sa procédure et éviter le désistement d’office
Il est toujours plus facile, après coup, de tirer les leçons d’une décision qui nous paraît excessivement sévère pour les requérants, mais voici quelques pistes de réflexion pour sécuriser au maximum sa procédure contentieuse contre le désistement d’office et autres pièges procéduraux liés.
A. Ne pas annoncer la production d’un mémoire complémentaire dans le cadre de sa requête
Le déclenchement de la mécanique infernale du désistement d’office de l’article R. 612-5 du Code de justice administrative dépend du requérant lui-même lorsqu’il indique expressément dans sa requête qu’elle fera l’objet d’un « mémoire complémentaire ».
Bien entendu, il est des cas où l’avocat est saisi du dossier quelques jours avant l’expiration du délai de recours contentieux, voire le jour même. Dans cette hypothèse, il n’aura d’autres choix que de produire, in extremis, une requête sommaire annonçant l’intention du requérant de produire un mémoire complémentaire, et ce, pour éviter un autre piège procédural : l’ordonnance de tri, fondée sur le 7° de l’article R. 222-1 du Code de justice administrative N° Lexbase : L2796LPA, faute de précision suffisante de la requête ou pour absence manifeste de bien-fondé [4].
Les avocats qui pratiquent le droit des étrangers sont d’ailleurs souvent confrontés à de telles urgences et, outre les délais de recours spéciaux et raccourcis en la matière, notons que le législateur est allé encore plus loin en prévoyant qu’une requête sommaire dirigée contre une obligation de quitter le territoire français (OQTF 30 jours), annonçant l'intention du requérant de présenter un mémoire complémentaire doit parvenir dans un délai de 15 jours, après quoi il est réputé s’est désisté [5]. Le greffe du tribunal ou de la cour n'a donc même plus à adresser de mise en demeure formelle au requérant, le délai de production du mémoire complémentaire étant fixé par la loi.
La production d’une requête sommaire et l’annonce de l’intention du requérant de produire un mémoire complémentaire doivent donc, autant que possible, être évitées.
En toute hypothèse, si l’avocat dispose d’ores et déjà de quelques moyens de légalité interne et externe, et qui nécessitent une instruction contradictoire pour être tranchés (par ex. l’existence, la validité et la publication d’une délégation de signature), il vaut mieux déposer une requête ordinaire, quitte à la compléter plus tard.
Attention toutefois à la cristallisation des moyens qui peut être prononcée par le juge pendant l’instruction [6], et, en matière d’urbanisme, à la cristallisation automatique des moyens deux mois après la communication du premier mémoire en défense [7].
B. Ne pas compter sur une demande de prolongation du délai initialement imparti pour produire le mémoire complémentaire
Il sera rappelé que le juge n’a aucune obligation de faire droit à une demande de délai supplémentaire formulée par une partie pour produire un mémoire hormis le cas où des motifs tirés des exigences du débat contradictoire l'imposeraient. Il n’a pas davantage à motiver le refus qu'il oppose à une telle demande [8].
Par ailleurs, et comme on l’a vu, en cas de demande de délai formulée après le délai initialement fixé pour produire un mémoire complémentaire, même si le juge accorde un tel délai supplémentaire, cette circonstance ne s’oppose pas à l’intervention d’un désistement d’office sur le fondement de l’article R. 612-5 du Code de justice administrative [9].
Même solution pour la demande de délai formulée avant le délai initialement fixé pour produire un mémoire complémentaire lorsque le juge ne répond pas formellement à cette demande (cf. arrêt ici commenté).
La demande de délai supplémentaire ne présente donc aucune garantie au requérant contre l’intervention d’un désistement d’office et il est conseillé de ne pas compter sur une telle demande pour repousser la date fatidique du désistement d’office.
Enfin, pour rappel et en matière de délais, la « technique de l’autruche » ne fonctionne pas non plus puisque qu’en vertu de l’article R. 611-8-6 du Code de justice administrative N° Lexbase : L4423LYH, les parties sont réputées avoir reçu notification des communications de la juridiction effectuées par voie électronique dès qu'elles consultent le document ou, à défaut, dans un délai de deux jours ouvrés à la suite de sa mise à disposition.
Quoiqu’il arrive, le délai de mise en demeure de produire un mémoire complémentaire partira donc, au plus tard, deux jours après sa mise à disposition sur l’application Télérecours.
C. Cas désespéré : Renoncer au mémoire complémentaire ou produire à nouveau sa requête initiale
Pour toute une série de raison, l’avocat peut connaître toutes les peines du monde à réunir les éléments lui permettant de compléter utilement sa requête sommaire. Que ce soit en raison d’un client absent et/ou peu coopératif, d’une administration qui refuse de communiquer les pièces nécessaires à l’instruction du dossier ou pour des raisons personnelles, le Code de justice administrative ne connaît malheureusement aucune exception : l’heure c’est l’heure.
Par conséquent, et dans les cas extrêmes où, à quelques heures de la fin du délai initial imparti pour produire un mémoire complémentaire, il n’est matériellement pas possible de produire un mémoire complémentaire, il est possible :
- soit d’informer le juge que le requérant entend renoncer à la production d’un mémoire complémentaire sans pour autant se désister [10] : la requête sommaire doit alors être regardée comme une requête ordinaire ;
- soit de réitérer dans un « mémoire complémentaire » (nommé ainsi pour la forme) le contenu de sa requête initiale [11].
Néanmoins, et si cette « astuce » permet, jusqu’à ce jour, d’éviter le constat d’un désistement d’office sur le fondement de l’article R. 612-5 du Code de justice administrative, elle ne permet pas d’évacuer le risque de se voir notifier une ordonnance de tri sur le fondement du 7° de l’article R. 222-1 du Code de justice administrative dont le mécanisme prend le relai « après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire ».
Il s’agit donc d’une réponse précaire et temporaire qui permet seulement et au mieux de gagner quelques jours, le temps que le mémoire complémentaire ou le courrier soit transmis et analysé par le magistrat rapporteur. Et en cas d’ordonnance de tri sur le fondement de ces dispositions, seul un recours en cassation est ouvert, ceci étant précisé que le contrôle du Conseil d’État est extrêmement limité [12].
Face au désistement d’office, et plus largement, face au risque de voir sa requête faire l’objet d’une ordonnance de tri, il n’existe donc malheureusement pas de recettes miracles.
Les avocats sont donc conduits et contraints, par ces mécanismes de tri, mais aussi au regard de leur responsabilité civile professionnelle, de développer au maximum leurs requêtes initiales dans lesquelles l’on retrouve désormais une "flopée" de moyens qui, pour certains, finissent par nuire à la qualité du débat contradictoire.
[1] Voir les conclusions détaillées de Monsieur Florian Roussel sur Arianeweb.
[2] Pour un résumé précis de l’affaire par la CAA de Nantes, lire l’arrêt CAA Nantes, 3e ch., 5 novembre 2021, n° 20NT01026 N° Lexbase : A41557BI.
[3] CE, 13 janvier 2023, n° 452716 N° Lexbase : A1662883.
[4] Le tribunal ou la cour peut en effet, prendre une ordonnance aux fins de : « 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. »
[5] CJA, art. R. 776-12 N° Lexbase : L8141LAR.
[6] CJA, art. R. 611-7-1 N° Lexbase : L2815LPX.
[7] C. urb., art. R. 600-5 N° Lexbase : L9491LP9.
[8] CE, 3°-8° ch. réunies, 19 septembre 2016, n° 383781 N° Lexbase : A3350R3H.
[9] CE, 13 janvier 2023, n° 452716, préc.
[10] CE, 26 juillet 1996, n° 160269 N° Lexbase : A0429APL.
[11] CE, 19 juillet 1997, n° 179047 N° Lexbase : A1034AEZ.
[12] CE, 5 octobre 2018, n° 412560 N° Lexbase : A5180YEL.
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Réf. : Cass. crim., 25 octobre 2023, n° 23-84.999, F-D N° Lexbase : A89881QX
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par Adélaïde Léon
Le 22 Novembre 2023
► Lorsque le débat contradictoire devant le JLD est réalisé par visioconférence et que l’avocat se trouve auprès du détenu dans les locaux de détention, portent atteinte aux droits de la défense : l’absence de mise à disposition d’une copie de l’intégralité du dossier alors que deux mois se sont écoulés depuis le dernier envoi de copie aux avocats et que de nombreuses pièces manquent au dossier et le défaut de communication des réquisitions du ministère public et de l’ordonnance de saisine du JLD en vue de la prolongation de la détention provisoire.
Rappel de la procédure. Un individu est mis en examen des chefs d’escroqueries, blanchiment, aggravés, association de malfaiteurs et usage de faux et placé en détention provisoire le 8 décembre 2022.
Cette mesure de détention a été prolongée par ordonnance du juge des libertés et de la détention (JLD) du 25 juillet 2023.
L’intéressé a fait appel de cette ordonnance de prolongation.
En cause d’appel. La chambre de l’instruction a confirmé l’ordonnance du JLD et rejeté le moyen de nullité présenté par le mis en examen, tiré du défaut de mise à disposition du dossier à la maison d’arrêt le 25 juillet 2023.
Selon les magistrats, il n’était pas établi que l’absence de mise à disposition de la procédure actualisée à la maison d’arrêt à l’avocat avait fait obstacle à une préparation efficace de la défense de son client.
Or, la cour avait au préalable relevé que l’avocat du mis en examen avait reçu copie de la procédure le 17 mai 2023, qui n’avait pas été actualisée, et estimé que les actes intervenus postérieurement à cette remise n’avaient porté que sur les codes de déverrouillages, l’interrogatoire du mis en examen (dont son avocat avait nécessairement eu connaissance) et celui d’un autre mis en examen qui n’avait apporté aucun élément nouveau à la procédure.
S’agissant des réquisitions du procureur aux fins de prolongation du 11 juillet 2023 et de l’ordonnance de saisine du JLD aux fins de prolongation du 18 juillet 2023, lesquelles n’avaient pas été communiquées à l’avocat, la cour retenait que les moyens invoqués au soutien de cette demande étaient identiques à ceux développés à l’occasion du précédent débat sur la détention intervenu le 28 mars 2023.
La cour d’appel a donc considéré que l’absence de certaines pièces dans le dossier transmis à l’avocat n’avait pas porté atteinte aux droits du mis en examen.
L’intéressé a formé un pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction.
Moyens du pourvoi. Il était fait grief à la chambre de l’instruction d’avoir rejeté le moyen de nullité tiré du défaut de mise à disposition de l’avocat d’une copie complète de la procédure alors que conformément aux dispositions de l’article 706-71 du Code de procédure pénale, lorsqu’il est recouru à un moyen de télécommunication audiovisuelle pour le débat contradictoire prévu pour la prolongation de la détention provisoire d’une personne assistée par un avocat qui se trouve auprès de son client, une copie de l’intégralité du dossier doit être mise à la disposition de ce professionnel dans les locaux de détention sauf si une copie de ce dossier lui a déjà été remise (al. 6).
Décision. La Cour de cassation casse l’arrêt de la chambre de l’instruction au visa de l’article 706-71 du Code de procédure pénal que prévoit que lorsque le débat contradictoire devant le JLD est réalisé par visioconférence alors que l’avocat se trouve auprès du détenu dans les locaux de détention, une copie de l’intégralité du dossier doit être mise à sa disposition.
En l’espèce, l’avocat du détenu avait reçu communication d’une copie du dossier le 17 mai 2023.
Des actes étant intervenus entre temps, des pièces manquaient au dossier et n’avaient donc été communiquées au mis en examen ainsi qu’à son avocat afin que ceux-ci soient à même d’en apprécier l’intérêt.
En outre, les réquisitions du ministère public et l’ordonnance de saisine du JLD en vue de prolongation de la détention provisoire n’avaient pas été communiquées.
L’ensemble de ces manquements ont porté atteinte aux droits de la défense.
On notera que par le passé, dans des circonstances similaires, la Chambre criminelle avait, malgré l’absence de mise à la disposition de l’avocat du dossier, estimé qu’il n’avait pas été porté atteinte aux droits de la défense soit parce qu’une communication du dossier avait été faite lors d’un acte précédent, peu de temps avant le débat contradictoire (Cass. crim., 22 juin 2010, n° 10-82.510, F-D N° Lexbase : A5126E8D) soit parce que l’avocat du mis en examen n’avait pas averti en temps utile le JLD de sa présence dans les locaux de détention pour assister son client (Cass. crim., 6 décembre 2017, n° 17-85.716, F-P+B N° Lexbase : A0713W9B).
En revanche, lorsque le conseil a averti le JLD en temps utile de sa présence, l’absence de mise à disposition d’une copie de l'intégralité du dossier dans les locaux de procédure et ce alors que l’avocat n’a pas reçu de copie actualisée de l’entier dossier depuis plusieurs mois, porte atteinte aux droits de la défense (Cass. crim., 16 octobre 2019, n° 19-84.773, FS-P+B+I N° Lexbase : A1968ZRC).
Pour aller plus loin :
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Réf. : Cass. crim., 13 septembre n° 22-86.404, F-D N° Lexbase : A47911GK
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par Matthieu Hy, Avocat au Barreau de Paris, ancien secrétaire de la Conférence
Le 09 Novembre 2023
Mots-clés : non-restitution • saisie pénale • prescription acquisitive
Aux termes de l’article 41-4, alinéa 3, du Code de procédure pénale, lorsque la dernière juridiction saisie a épuisé sa compétence sans statuer sur le sort d’un bien placé sous main de justice, son propriétaire dispose d’un délai de six mois pour en demander restitution. À l’expiration de ce délai, la propriété du bien est transférée à l’État. Selon la Chambre criminelle, ce mécanisme de prescription acquisitive ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect des biens. En outre, le moyen tiré du caractère disproportionné de l’atteinte portée au droit de propriété et au droit à un procès équitable par la mise en œuvre de ce mécanisme est inopérant.
Contexte : Cass. crim., 15 février 2011, n° 10-90.124, F-P+B N° Lexbase : A7439GZK ; Cons. const., décision n° 2014-406 QPC, du 9 juillet 2014 N° Lexbase : A0585MU9. |
Par jugement contradictoire et définitif, une société a été condamnée du chef d’escroquerie à la peine de 10 000 euros d’amende avec sursis. Le tribunal correctionnel n’ayant pas statué sur le sort d’un bien immobilier appartenant à la société, le procureur de la République a, plus de trois ans après le jugement, dit n’y avoir lieu à restitution de ce bien.
En effet, l’article 41-4, alinéa 3, du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7474LPI donne notamment compétence au procureur de la République ou au procureur général pour décider d’office ou sur requête de la restitution d’un bien placé sous main de justice lorsque la juridiction saisie a épuisé sa compétence sans avoir statué sur la restitution dudit bien.
La société a déféré cette décision de non-restitution à la chambre de l’instruction de la cour d’appel. Le président de la chambre de l’instruction a rejeté la requête de la société, faisant valoir que celle-ci n’avait pas sollicité la restitution dans le délai légal de six mois, de sorte que le bien était devenu propriété de l’État. La société s’est pourvue en cassation.
L’alinéa 3 de l’article 41-4 du Code de procédure pénale prévoit en effet un mécanisme de prescription acquisitive au profit de l’État [1] lorsque la restitution du bien saisi n’a pas été demandée ou décidée dans un délai de six mois à compter « de la décision par laquelle la dernière juridiction saisie a épuisé sa compétence ».
Devant la Chambre criminelle, la société soutenait notamment que le mécanisme de prescription acquisitive au profit de l’État résultant de la simple absence de demande de restitution dans un délai de six mois à compter du jugement portait une atteinte disproportionnée au droit de propriété, en violation de l’article premier du Protocole additionnel n°1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, et au droit au procès équitable.
Sans surprise, la Haute juridiction refuse une nouvelle fois toute remise en cause d’un mécanisme pourtant particulièrement contestable.
En premier lieu, elle assure que le mécanisme même de prescription acquisitive résultant du délai de forclusion de 6 mois « ne porte pas au droit au respect des biens une atteinte disproportionnée ».
À l’appui de cette affirmation, la Chambre criminelle relève d’une part que les dispositions de l’article 41-4, alinéa 3, du Code de procédure pénale « poursuivent les buts légitimes, conformément à l'intérêt général, de bonne administration de la justice et de bon emploi des deniers publics, en permettant une gestion efficace des biens saisis et la clôture des dossiers ». À l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité, la Haute juridiction avait eu l’occasion de justifier ce mécanisme par « l’objectif à valeur constitutionnelle d’une bonne administration de la justice » et « plus précisément, la nécessité d’éviter l’encombrement des services des scellés des juridictions par des objets dont la propriété n’est pas revendiquée, laissant aux parties au procès pénal un délai raisonnable pour revendiquer la propriété des objets saisis » [2]. Un écho à cette formulation se trouve dans une décision rendue trois ans plus tard par le Conseil constitutionnel [3] qui, pour estimer que les dispositions susmentionnées ne portaient « pas au droit de propriété une atteinte disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi », faisait valoir qu’elles visaient « à permettre une gestion efficace des scellés dans les juridictions et à permettre la clôture des dossiers » poursuivant ainsi « les objectifs de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice et de bon emploi des derniers publics ».
Le passage du terme « scellés » en 2011 et 2014 à celui de « biens saisis » dans l’arrêt commenté est loin d’être anodin. En effet, à l’époque, étaient concernés les « scellés », objets de taille variable encombrant matériellement les services de scellés des juridictions après avoir été appréhendés notamment au cours de perquisitions. Les saisies pénales spéciales, applicables notamment à des sommes inscrites au crédit de comptes bancaires, aux instruments financiers, aux biens immobiliers ou à tout bien saisi sans dépossession, n’étaient alors qu’embryonnaires [4]. Il s’agit là d’un changement de circonstances qui pourrait rendre recevable une nouvelle question prioritaire de constitutionnalité, identique à celle de 2014, pour au moins trois raisons.
Tout d’abord, sans qu’il s’agisse d’une règle absolue, l’enjeu financier pour le justiciable est souvent infiniment supérieur en matière de saisie spéciale qu’en matière de scellés. En l’espèce, il est particulièrement notable que la société ne se voit condamnée qu’à une peine d’amende avec sursis tout en perdant, sans qu’aucune juridiction de jugement ne l’ait décidé, la propriété d’un bien immobilier dont la valeur est aisément imaginable.
Ensuite, si l’encombrement d’un service des scellés peut se révéler coûteux pour l’institution judiciaire, y compris lorsqu’il s’agit d’un petit objet, la saisie pénale immobilière ne met aucun frais à la charge de l’État, le bien restant entre les mains du propriétaire. Les produits d’épargne restent bloqués sur les comptes de l’établissement bancaire, à l’exception des sommes inscrites au crédit d’un compte bancaire, qui sont transférées à la Caisse des Dépôts et Consignations, lesquelles génèrent cependant des intérêts. Si la gestion efficace des biens saisis et la clôture des dossiers demeurent des objectifs applicables aux saisies pénales spéciales, elles ne justifient pas la brièveté du délai. Il doit toutefois être noté que la chambre criminelle de la Cour de cassation a rejeté un pourvoi formé contre un arrêt d’une chambre de l’instruction affirmant l’objectif de bonne gestion des scellés et de bon emploi des deniers publics ne se réduisait pas « à une question de surface et de volume d’objets saisis » mais affectait « aussi l’administration de ces saisies », de sorte que la nature immobilière du bien saisi était indifférente quant à l’application du délai de six mois [5].
Enfin, le délai de six mois vient sanctionner l’inertie du propriétaire qui, laissant plusieurs mois s’écouler sans demander la restitution de son bien, démontre son désintérêt pour celui-ci. Or, cet argument est inopérant s’agissant notamment d’un bien immobilier dont le justiciable n’a, à aucun moment de la procédure, été dépossédé. N’ayant par ailleurs pas été condamné à la peine de confiscation, il peut légitimement ignorer qu’il doit entamer des diligences auprès du ministère public dans un délai d’autant plus court que le jugement écrit peut lui parvenir longtemps après l’expiration du délai de six mois. Il est permis d’ajouter qu’il n’est nullement informé des dispositions de l’article 41-4 du Code de procédure pénale par la juridiction de jugement au moment où elle rend son délibéré. En pratique, il arrive même qu’il ait été induit en erreur par des praticiens du droit, avocats comme magistrats, lui ayant annoncé que l’absence de prononcé de la peine de confiscation suffisait à lui rendre la pleine propriété de son bien.
À ce stade, l’unique concession jurisprudentielle concerne le point de départ du délai. En effet, celui-ci ne court pas à compter de la décision par laquelle la dernière juridiction saisie a épuisé sa compétence si cette décision n’a pas été portée à la connaissance du propriétaire dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure [6]. S’agissant des parties, il court à compter du jugement contradictoire [7].
En second lieu, la Chambre criminelle juge inopérant « le moyen pris du caractère disproportionné de l’atteinte au droit de propriété et au droit à un procès équitable par la mise en œuvre des dispositions » susmentionnées. Elle rappelle que le transfert de propriété à l’État « constitue un effet de la loi qui est seulement constaté par les juges ».
Si le principe de proportionnalité peut s’appliquer au refus de restitution fondé sur un des motifs de l’alinéa 2 de l’article 41-4 du Code de procédure pénale [8], il ne s’applique donc pas au refus fondé sur l’expiration du délai de six mois.
[1] L’article L. 1125-1 du Code général de la propriété des personnes publiques N° Lexbase : L5447I37 dispose également que « les objets placés sous main de justice qui ne sont pas restitués sont acquis par l'État selon les règles fixées aux troisième et dernier alinéas de l'article 41-4 du code de procédure pénale ».
[2] Cass. crim., 15 février 2011, n° 10-90.124, F-P+B N° Lexbase : A7439GZK.
[3] Cons. const., décision n° 2014-406 QPC, du 9 juillet 2014 N° Lexbase : A0585MU9.
[4] Les saisies pénales spéciales ont été créées par la loi n° 2010-768, du 9 juillet 2010, visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale N° Lexbase : L7041IMQ.
[5] Cass. crim., 19 octobre 2022, n° 21-87.450, F-D N° Lexbase : A50138QQ : dans ce même arrêt, la Chambre criminelle affirme que l’article 41-4, alinéa, 3 du Code de procédure pénale « est conforme à l'article 8 de la directive n° 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 concernant le gel et la confiscation des instruments et des produits du crime dans l'Union européenne qui, laisse au droit national le soin de fixer les conditions ou règles de procédure de restitution », ce qui signifie également qu’il n’a nullement été imposé par le droit de l’Union européenne.
[6] Cons. Const., décision n° 2014-406 QPC, du 9 juillet 2014, préc.
[7] Cass. crim., 19 octobre 2022, n° 22-80.271, F-D N° Lexbase : A50418QR ; Cass. crim., 19 octobre 2022, n° 21-87.450, préc.
[8] Sur l’application du contrôle de proportionnalité au refus de restituer l’instrument de l’infraction : Cass. crim., 18 mars 2020, n° 19-82.978, F-P+B+I N° Lexbase : A49563KR ; sur son application au refus de restituer un bien dont la restitution comporterait un danger pour la sécurité des personnes : Cass. crim., 21 mai 2019, n° 18-84.004, FS-P+B+I N° Lexbase : A9117ZBB.
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Réf. : Cass. civ. 1, 25 octobre 2023, n° 21-25.051, F-B N° Lexbase : A33481PP.
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N7325BZC
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par Anne-Lise Lonné-Clément
Le 10 Novembre 2023
► Pour apprécier le caractère lésionnaire du partage, la créance détenue par un indivisaire sur l'indivision au titre de travaux effectués sur l'immeuble indivis doit être évaluée selon les modalités prévues par l’article 815-13 du Code civil, et non selon le montant nominal des dépenses faites retenu par les parties dans le partage litigieux.
Les textes. Il résulte des articles 887, alinéa 2 N° Lexbase : L3528ABB, et 890 N° Lexbase : L3531ABE du Code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2006-728, du 23 juin 2006 que, pour apprécier le caractère lésionnaire d'un partage, il convient d'avoir égard à la liquidation et au règlement d'ensemble des droits des copartageants, en reconstituant, à la date de l'acte litigieux, la masse à partager dans tous ses éléments actifs et passifs estimés suivant leur valeur à l'époque du partage (v. désormais, C. civ., art. 889 N° Lexbase : L0030HPS : « pour apprécier s’il y a eu lésion, on estime les objets suivant leur valeur à l’époque du partage »).
Selon l’article 815-13, alinéa 1er, du Code civil N° Lexbase : L1747IEG, lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage.
Question. Les textes sont clairs : pour apprécier le caractère lésionnaire du partage, il convient de tenir compte de la valeur des biens au jour du partage. Mais les parties peuvent-elles stipuler, dans l’acte de partage, qu’elles s’en tiennent, pour fixer la créance d’un indivisaire sur l’indivision, à la valeur nominale de dépenses donnant lieu à cette créance, en s’abstenant ainsi de rechercher la valeur du bien à la date du partage ?
Décision CA. La cour d’appel l’avait admis. En l’espèce, à la suite d’un divorce, les ex-époux avaient, en 2003, conclu un acte de partage stipulant l'attribution de l'immeuble indivis à l’ex-époux, moyennant le paiement d'une soulte à Mme et la reconnaissance par celle-ci d'une créance de celui-là envers l'indivision au titre du financement de travaux de réhabilitation de l'immeuble au moyen de ses deniers personnels. L'immeuble ayant été cédé un an plus tard pour une somme supérieure à celle retenue à l'acte de partage, Madame avait assigné son ex-époux en lésion.
Pour décider que le caractère lésionnaire du partage litigieux devait s'apprécier à l'aune de la créance de Monsieur, telle que fixée dans l'acte du 28 octobre 2003, soit à un montant de 129 582 euros, et constater que Madame avait été lésée de ses droits de plus d'un quart, la cour d’appel avait retenu, par motifs adoptés, que les parties avaient mentionné expressément dans l'acte que, s'agissant de la créance de Monsieur au titre des travaux de réhabilitation effectués sur l'immeuble indivis, elles s'abstenaient de rechercher si ceux-ci avaient permis d'augmenter la valeur du bien, s'en tenant ainsi à la valeur nominale des dépenses faites.
Cassation. Mais la Cour suprême censure : pour apprécier le caractère lésionnaire du partage, la créance détenue par l’époux sur l'indivision devait être évaluée selon les modalités prévues à l'article 815-13 du Code civil.
Il faut comprendre que les règles ainsi édictées sont d’ordre public, ainsi que le soutenait l’époux, auteur du pourvoi.
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Réf. : Cass. soc., 25 octobre 2023, n° 23-14.147, FS-B N° Lexbase : A33471PN
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N7257BZS
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par Lisa Poinsot
Le 19 Novembre 2023
► Est renvoyée devant le Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative aux dispositions de l’article L. 3326-1 du Code du travail qui ne permettent pas la remise en cause par les salariés et leurs représentants du montant du bénéfice net et celui des capitaux propres à l’entreprise à l’occasion d’un litige, telles qu’interprétées par la Chambre sociale de la Cour de cassation.
Faits et procédure. Plusieurs sociétés ont conclu un accord de participation de groupe régissant la participation des salariés aux résultats de l’entreprise.
Au sein de cet accord, les clauses de rémunération des contrats de façonnage et de commissionnaire conclues par ces sociétés avec une autre permettent à cette dernière de fixer de manière arbitraire les bénéfices revenant aux sociétés de façonnage et de distribution. En outre, ces clauses, qui prédéterminent le bénéfice de ces sociétés, ont pour conséquence de réduire l’assiette de participation des salariés aux résultats de l’entreprise.
La délégation du personnel du comité d’entreprise (désormais CSE) d’une des sociétés ainsi que plusieurs syndicats ont saisi le tribunal judiciaire aux fins de :
La cour d’appel déclare irrecevable leur action sur le fondement de l’article L. 3326-1 du Code du travail.
À l’occasion du pourvoi qu’ils ont formé, il est demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée : « l’article L. 3326-1 du Code du travail méconnaît-il les droits et libertés que la Constitution garantit, notamment les articles 4 N° Lexbase : L1368A9K et 16 N° Lexbase : L1363A9D de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 et les articles 6 et 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, en ce qu’il interdit de remettre en cause le bénéfice net d’une entreprise après l’attestation du commissaire aux comptes ou de l’inspecteur des impôts, même en cas de fraude, et qu’il prive ainsi les salariés ou leurs représentants de toute voie de recours permettant de contester utilement le calcul de la réserve de participation et qu’il conduit au surplus à neutraliser les accords passés au sein de l’entreprise dans le cadre de la détermination de la réserve de participation ? ».
La Cour de cassation s’est principalement penchée sur le caractère sérieux de la QPC portant sur l’article L. 3326-1 du Code du travail tel qu’il est interprété par sa jurisprudence. Selon cette dernière, le montant du bénéfice net qui a été certifié par une attestation du commissaire aux comptes de la société, dont les syndicats ne contestent pas la sincérité, ne peut être remis en cause dans un litige relatif à la participation, quand bien même l’action des syndicats est fondée sur la fraude invoquée à l’encontre des actes de gestion de la société.
La solution. La Chambre sociale de la Cour de cassation décide de transmettre cette QPC au Conseil constitutionnel. Elle estime que cette disposition légale pourrait être considérée comme portant une atteinte substantielle au droit à un recours juridictionnel effectif.
Pour aller plus loin :
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Réf. : Cass. soc., 25 octobre 2023, n° 22-18.303, FS-B N° Lexbase : A33441PK
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N7266BZ7
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par Laïla Bedja
Le 08 Novembre 2023
► Il résulte des articles L. 4624-7 et R. 4624-42 du Code du travail, dans leur rédaction applicable au litige, que le juge saisi d'une contestation de l'avis d'inaptitude peut examiner les éléments de toute nature sur lesquels le médecin du travail s'est fondé pour rendre son avis ; il substitue à cet avis sa propre décision après avoir, le cas échéant, ordonné une mesure d'instruction ; méconnaît l'étendue de ses pouvoirs la cour d'appel qui annule l'avis du médecin du travail déclarant le salarié inapte à son poste, alors qu'il lui appartenait de substituer à cet avis sa propre décision après avoir, le cas échéant, ordonné une mesure d'instruction.
Les faits et procédure. Une salariée de la société Z., engagée en qualité de gommeuse-masseuse en 2013, a été affectée à un emploi de responsable hygiène des locaux et coordinatrice « qualité des soins », par un avenant du 4 février 2020. Après un examen médical le 2 juin 2021 et une étude de poste réalisée le 11 juin 2021, la salariée a été déclarée inapte au poste de gommeuse le 1er juillet suivant, le médecin du travail précisant, aux termes de l'avis : « l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».
La salariée a saisi la juridiction prud’homale pour contester cet avis selon la procédure accélérée au fond le 16 juillet 2021. Sa demande a été rejetée par le conseil des prud’hommes le 25 août 2021 et elle a été licenciée pour inaptitude le 31 août 2021.
La cour d’appel. Pour annuler l'avis du médecin du travail du 1er juillet 2021 déclarant la salariée inapte au poste de gommeuse, l'arrêt retient que compte tenu de la référence erronée au poste occupé portée par le médecin du travail sur son avis d'inaptitude et de l'absence d'élément pertinent dans la réponse qu'il apporte aux interrogations de la salariée en éludant toute référence à la nature de l'emploi occupé ayant fait l'objet de l'étude de poste, l'avis d'inaptitude litigieux est manifestement irrégulier.
L’employeur a alors fait grief à l’arrêt d’annuler l’avis du médecin du travail et formé un pourvoi en cassation.
La décision. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel sur un moyen relevé d’office tiré de l’application de l’article L. 4624-7, III, du Code du travail N° Lexbase : L4459L7B. Il appartenait aux juges du fond de substituer à cet avis sa propre décision après avoir, le cas échéant, ordonné une mesure d’instruction (v. déjà Cass. soc., 7 décembre 2022, n° 21-23.662, FS-B N° Lexbase : A85248XY, lire le commentaire de R. Olivier et K. Benkirane N° Lexbase : N3983BZK).
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : L’inaptitude médicale au poste de travail du salarié à la suite d’une maladie professionnelle, Les recours contre l’avis d’inaptitude du médecin du travail, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E3272ETD |
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Réf. : Cass. civ. 2, 19 octobre 2023, n° 21-20.366, F-B N° Lexbase : A65071NC
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N7286BZU
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par Bernard Saintourens - Professeur émérite de l’Université de Bordeaux et Philippe Duprat - Avocat à la cour - ancien Bâtonnier et chargé d’enseignement à l’Université de Bordeaux
Le 13 Novembre 2023
Mots-clés : société d’exercice libéral • bénéfice • revenus d’activité non salariée (oui) • dividendes • société de participations financières de profession libérale • cotisations sociales (oui)
Les dividendes de la société d’exercice libéral revêtent la nature de revenus d’activités non salariées au sens du Code la Sécurité sociale, de sorte qu’ils entrent dans l’assiette des cotisations sociales, alors même qu’ils sont distribués à la société de participations financières de profession libérale qui détient son capital social.
La publication des arrêts au Bulletin de la Cour de cassation est le signe de l’importance que la Haute juridiction souhaite donner aux décisions qu’elle rend.
Tel est le cas de l’arrêt rendu le 19 octobre 2023 par la deuxième chambre civile, qui ne manquera pas de susciter de vives réactions dans le milieu des professions libérales. Dans la présente décision, la Haute juridiction a considéré, au regard de l’article L. 131-6 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L5949MAL, dans sa version applicable au litige dont elle était saisie, que les bénéfices de la SEL, au sein de laquelle le travailleur indépendant exerce son activité, « constituent le produit de son activité professionnelle et doivent entrer dans l’assiette des cotisations de Sécurité sociale dont il est redevable, y compris lorsque ces bénéfices sont distribués à la société de participations financières de profession libérale qui détient le capital de la société d’exercice libéral ».
La portée et les conséquences de cette décision intéresseront tous les professionnels libéraux qui cherchent, par le biais de l’ingénierie juridique, à minimiser soit l’assiette des prélèvements sociaux, soit l’impact de la fiscalité, soit les deux en même temps.
Les faits qui sous-tendent la décision rendue reflètent une pratique très usuelle, ce qui est de nature à conforter la portée de la position adoptée. Un chirurgien-dentiste, exerçant seul son art, fait le choix de le faire dans le cadre d’une société d’exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL). Cette dernière n’a que deux associés : le chirurgien-dentiste et une société de participations financières de professions libérales (SPFPL), laquelle est détenue à égalité par le praticien et son épouse.
Sur demande de la Caisse Autonome des Chirurgiens-Dentistes et des Sages-Femmes chargée de gérer le régime de retraite des professions concernées, la cour d’appel d’Aix-en-Provence décide, dans un arrêt du 11 juin 2021 [1], d’assujettir à cotisations les dividendes versés par la SELARL à la SPFPL.
Critiquant cette décision, le chirurgien-dentiste forme un pourvoi contre l’arrêt en soutenant, pour l’essentiel, que les dividendes versés par la société d’exercice à sa holding soumise à l’impôt sur les sociétés ne constituent pas des revenus d’activité perçus par le travailleur indépendant, mais de simples revenus du capital, échappant à l’assiette des cotisations sociales. Le praticien voyait dans la décision attaquée une violation combinée de l’article L. 131-6 du Code de la Sécurité sociale et des articles 108 N° Lexbase : L2059HLT, 205 N° Lexbase : L3748HLE et 206 du Code général des impôts N° Lexbase : L8067MHA.
La Cour de cassation reste totalement hermétique à la critique du chirurgien-dentiste. Elle rejette son pourvoi et considère, d’une part, que les bénéfices de la SEL constituent le produit de l’activité professionnelle du travailleur indépendant et, d’autre part, que ce dernier était le seul associé de la SEL pour détenir, avec son conjoint, l’intégralité du capital de la SPFPL, de sorte que ces dividendes correspondent à la rémunération d’un travail, plutôt qu’à des revenus d’un patrimoine.
L’importance de l’arrêt doit être appréciée en le resituant dans le contexte – tant jurisprudentiel que législatif – dans lequel il s’insère, ce qui conduit à devoir relever que, s’il confirme la position actuelle s’agissant de la soumission aux cotisations sociales des bénéfices réalisés dans le cadre de la SEL (I), il procède surtout à une innovation en retenant l’extension de cette position lorsque les bénéfices sont versés à la SPFPL (II), faisant naître ainsi de délicates interrogations quant à l’avenir du montage reposant sur le recours à une SPFPL (III).
I. La confirmation : la soumission aux cotisations sociales des bénéfices réalisés par la SEL
L’exercice des professions libérales a longtemps souffert de l’absence d’un réel statut juridique, permettant tout à la fois de protéger le professionnel libéral contre la mauvaise fortune d’un exercice libéral déficitaire et contre la concurrence de tous ceux qui, sans avoir toujours sa compétence technique, disposent néanmoins de capitaux suffisants pour financer des activités concurrentes.
Avec le temps, la situation s’est notablement améliorée. Schématiquement, trois étapes sont à distinguer. La société civile professionnelle a constitué, dans le temps, la première forme sociale de l’exercice d’une profession libérale. Elle a assuré un progrès certain par rapport à l’exercice individuel. Néanmoins, la simplicité de son fonctionnement cache assez mal ses faiblesses sociales et fiscales, au point d’en faire, à cet égard, une structure très onéreuse. Dans une deuxième étape, afin d’améliorer l’exercice commun des professions libérales, le législateur a pris des dispositions, objet de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales N° Lexbase : L3046AIN [2]. Depuis cette date, les professionnels libéraux sont autorisés à exercer dans des structures juridiques de sociétés commerciales, initialement réservées à certaines professions (experts-comptables et conseils juridiques notamment). Le droit applicable aux sociétés d’exercice libéral présente une double caractéristique. Il est tout d’abord soucieux d’adapter le droit commun des sociétés aux particularités des professions libérales qui peuvent y recourir. Il tient, par ailleurs, compte de la réglementation propre à chaque profession libérale.
Au fil du temps, le législateur – souvent sous l’influence des professionnels – a fait évoluer le statut général de la société d’exercice libéral en lui permettant d’adopter la forme d’une société unipersonnelle [3] ou d’une société par actions simplifiée [4]. En 2001, par la loi n° 2001-1168 du 11 décembre [5], le législateur a enrichi le dispositif par la création des sociétés de participations financières des professions libérales (SPFPL).
Enfin récemment, dernière étape, l’ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023 [6] a procédé à un toilettage des dispositions antérieures pour favoriser la création et la croissance des structures juridiques. Ces dispositions, qui entreront en vigueur au 1er septembre 2024, n’apportent toutefois aucun élément nouveau sur les points de droit en discussion dans l’arrêt rapporté.
L’évolution législative et réglementaire a, dans bien des hypothèses, favorisé l’imagination des professionnels qui se sont alors livrés à des opérations d’ingénierie juridique dont le but premier était d’optimiser leur situation fiscale et sociale d’ensemble, se traduisant par une moindre taxation tant sur le plan social (cotisations de Sécurité sociale et de retraite) que sur le plan fiscal (imposition des revenus).
On a donc vu fleurir des montages par lesquels la constitution d’une SEL permettait au professionnel libéral, lequel en était majoritairement ou seul associé – ce qui est possible avec les SEL unipersonnelles – de se faire racheter, par la structure nouvellement créée, sa propre clientèle ; l’emprunt souscrit par la SEL étant alors fiscalement intégralement déductible.
Au cas d’espèce, le montage était différent : la SEL était détenue par une SPFPL, elle-même détenue par le professionnel et son conjoint, ce qui devait permettre de soustraire à l’assujettissement des cotisations retraite la plus grande partie des revenus de son travail, puisqu’une part importante des bénéfices réalisés par la SEL remontaient par voie de distribution dans la holding financière. Au résultat, seule la fiscalité, au niveau de la holding, vient taxer les bénéfices qui échappent à l’assiette des cotisations sociales.
C’est ce schéma que la Cour de cassation remet en cause.
Reprenant en cela une précédente position adoptée en 2008 [7], la deuxième chambre civile affirme que les bénéfices de la société d’exercice libéral au sein de laquelle le travailleur indépendant exerce son activité constituent le produit de son activité, servant, dès lors, d’assiette au calcul des cotisations sociales. Alors même que cette position suscite bien des réserves, sa réaffirmation témoigne de l’attachement de la Cour de cassation avec une telle approche.
Sans reprendre ici l’ensemble des réactions suscitées par cette position, on relèvera qu’elle apparaît contestable au regard du cadre normatif. En effet, selon l’article 38, 1° du Code général des impôts N° Lexbase : L5626MAM, le bénéfice net d’une société s’entend d’après les résultats d’ensemble des opérations de toute nature effectuée pour l’entreprise et selon l’article 39 du même code N° Lexbase : L4100MGX, « le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges ». Toujours selon le même texte, « […] les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu ».
En conséquence, la rémunération constitue la rétribution du travail, sous condition d’être proportionnée au service rendu, et elle est une charge fiscalement déductible. Par opposition, les dividendes sont les sommes distribuées par une société à ses associés, au titre de leur participation aux bénéfices. Les dividendes rétribuent le capital, en proportion des droits de chacun des associés.
La distinction rémunération/bénéfices revêt donc une importance majeure puisqu’elle génère deux régimes distincts de taxation. Le Code de la Sécurité sociale n’ignore pas cette distinction puisque, selon l’article 131-6, les cotisations d'assurance maladie et maternité, d'allocations familiales et d'assurance vieillesse des travailleurs indépendants non agricoles, autres que ceux mentionnés à l'article L. 613-7 N° Lexbase : L7467MDW, sont assises sur leur revenu d'activité non salarié. Le Code de la Sécurité sociale retient donc comme assiette des cotisations la rémunération de l’activité perçue par le travailleur indépendant.
La Cour de cassation a cependant eu une lecture différente puisque pour elle, en 2008 comme en 2023, les cotisations sociales – en l’occurrence de retraite – ont pour assiette les produits de l’activité professionnelle, réalisée dans le cadre de la SEL.
Témoignant du caractère pour le moins discutable de la position en cause, on rappellera que, de son côté, le Conseil d’État, dans une décision du 14 novembre 2007 [8], avait considéré que les dividendes versés aux associés d’une société de capitaux étaient des revenus du patrimoine, relevant de la catégorie fiscale des revenus de capitaux mobiliers, excluant donc que les dividendes versés aux associés d’une SEL puissent être regardés comme devant être assujettis aux cotisations sociales.
C’est au regard de ce contexte jurisprudentiel que le législateur était intervenu, par la loi du 17 décembre 2008 [9], en procédant à l’adjonction à l’article L. 131-6 du code de la Sécurité sociale d’un troisième alinéa aux termes duquel, pour les SEL, se trouve incluse dans l’assiette des cotisations sociales une partie (part des revenus supérieure à 10 % du capital social et des primes d’émission versées en compte courant) des dividendes et des produits des comptes courants perçus par le professionnel associé en exercice au sein de la société, mais aussi par son conjoint partenaire auquel il est lié par un PACS ainsi que par ses enfants mineurs non émancipés. Validée par le Conseil constitutionnel [10], cette loi a donc fixé le cadre normatif pour les SEL à l’égard duquel l’arrêt analysé se trouve en cohérence.
Depuis lors, le Conseil d’État juge que les revenus distribués, qui ont en principe le caractère de revenus de capitaux mobiliers passibles de la contribution sociale sur les revenus du patrimoine, doivent être regardés, pour leur assujettissement aux prélèvements sociaux, lorsqu’ils proviennent d’une SEL, comme des revenus d’activité pour leur fraction excédant 10 % du capital social et des primes d’émission ainsi que des sommes versées en compte courant. Cette fraction, qui entre ainsi dans le champ des contributions portant sur les revenus d’activité, ne saurait être soumise à celles assises sur les revenus du patrimoine [11].
II. L’innovation : la soumission aux cotisations sociales des bénéfices distribués à la SPFPL
L’apport spécifique du présent arrêt est à rechercher au regard du montage, assez habituel, par lequel une société de participations financières de professions libérales détient une part du capital de la SEL. C’est sur ce point que se situe l’innovation, puisque la Haute juridiction juge que les bénéfices réalisés dans le cadre de la SEL doivent entrer dans l’assiette des cotisations sociales « y compris lorsque ces bénéfices sont distribués à la société de participations financières de profession libérale qui détient le capital de la société d’exercice libéral ».
Une telle approche suppose que l’on mette de côté la personnalité morale spécifique de la SPFPL et son propre objet social. La cour d’appel avait estimé à ce propos « qu’il importe peu qu’au regard de la réglementation applicable, la société de participations financières soit dotée d’une personnalité morale distincte et soit soumise à l’impôt sur les sociétés et non à l’impôt sur le revenu » et la Haute juridiction valide cette approche en rejetant le pourvoi qui contestait une telle position.
Cette conception du rôle des SPFPL ne manquera pas de susciter des réactions tant elle apparaît discutable sur le terrain juridique et préjudiciable au regard du montage patrimonial en cause. On rappellera que, selon les termes de l’article 31-1 de la loi n° 90-1258, les SPFPL ont « pour objet la détention de parts ou d’actions de sociétés mentionnées au premier alinéa de l’article 1er » (les SEL). Ces sociétés ne peuvent donc servir de cadre à l’exercice d’une profession, elles sont l’habit juridique d’un placement strictement financier ou patrimonial [12]. Considérer que les dividendes qu’elles perçoivent « correspondent à la rémunération d’un travail plutôt qu’à des revenus d’un patrimoine », comme cela est mentionné dans l’arrêt sous examen, peut apparaître comme une contradiction flagrante avec le statut juridique des SPFPL. Au-delà, c’est en quelque sorte nier leur singularité et, par voie de conséquence, pour partie, leur raison d’être. La doctrine avait clairement relevé cet intérêt spécifique du montage faisant intervenir une SPFPL, en mentionnant que « les dividendes distribués par la SEL à la SPFPL sont exonérés de charges sociales » [13]. C’est cette conception du rôle des SPFPL qui se trouve anéantie.
La position adoptée par la deuxième chambre civile va donc bien au-delà de la reprise de celle adoptée en 2008 à propos des SEL. Il s’agit d’une approche, bien sûr respectable en ce qu’elle émane de la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire, mais qui manque toutefois de convaincre de sa pertinence et qui est de nature à provoquer un bouleversement dans la pratique observée jusqu’alors. Elle fait naître de nombreuses et délicates interrogations auxquelles il n’est pas certain de pouvoir apporter, en l’état du droit, des réponses sûres.
III. L’interrogation : quel avenir pour le montage SEL/SPFPL ?
L’arrêt rapporté suscite, en premier lieu, la question de savoir si la solution retenue par la Cour de cassation demeurera cantonnée au schéma de l’espèce qui lui était soumise, ou s’il faut y voir une solution de principe aux conséquences sociales et fiscales plus larges, qui seraient alors préoccupantes pour les professionnels libéraux.
Dès lors que l’affaire ne concernait pas ce type de société, l’arrêt ne permet pas de dire si la règle doit désormais être la même au sein de la SASU, autre forme de société unipersonnelle très pratiquée à raison notamment de la souplesse contractuelle qui préside à sa constitution et à son fonctionnement. Il est cependant à craindre que, les mêmes causes produisant les mêmes effets, on ne juge, lors d’un contentieux futur concernant cette forme de société, que l’activité professionnelle de l’associé unique, président de la société, génère seule le bénéfice de la société, ce qui devient suffisant pour inclure les dividendes dans l’assiette des charges sociales. Il est également à craindre que la détention du capital de la SASU par une SPFPL soit toute aussi inefficace qu’elle l’a été dans l’hypothèse de l’arrêt sous examen.
L’interrogation sur la portée de la décision concerne, au-delà des sociétés unipersonnelles, l’ensemble des SEL pluripersonnelles qui auraient recours au montage consistant en la détention du capital par une SPFPL. Le fait que, dans la motivation de son arrêt, la Cour de cassation relève que le chirurgien-dentiste « est le seul associé professionnel en exercice au sein de la SARL et le seul à générer des revenus » pourrait faire penser que la position adoptée, consistant à intégrer dans l’assiette des cotisations sociales les dividendes distribués à la SPFPL, est réservée à cette situation d’associé unique. Pour autant, on peut aussi estimer que le même raisonnement pourrait être tenu lorsque les revenus réalisés au niveau de la SEL résultent de l’activité des associés et qui constituent ainsi « la rémunération d’un travail plutôt que les revenus d’un patrimoine », pour reprendre les termes de l’arrêt. En définitive, on peut penser (craindre ?) que la position retenue à propos des dividendes remontés au niveau de la SPFPL soit appliquée à l’égard de toute SEL, pluripersonnelle comme unipersonnelle.
L’arrêt examiné pourrait, en outre, engendrer une conséquence désastreuse pour le professionnel libéral. Le caractère rétroactif de toute jurisprudence ne va-t-il pas ouvrir droit, au profit des organismes sociaux, à la remise en cause, sur le temps de la prescription, de situations que l’on pensait à l’abri de toute incertitude ? L’effet serait à l’évidence financièrement désastreux pour le professionnel concerné. Il n’est cependant pas acquis qu’il ne se produise pas.
De la même manière, l’arrêt, en énonçant que les bénéfices de la SEL au sein de laquelle le travailleur indépendant exerce son activité doivent entrer dans l’assiette des cotisations sociales, car ils constituent le produit de son activité professionnelle, crée une zone d’incertitude s’agissant de la mise en réserve. On sait que la réserve est constituée d’une partie des bénéfices réalisés, mais non distribués, soit parce qu’il y a lieu de constituer la réserve légale (C. com., art. L. 232-10 N° Lexbase : L6290AIS), soit toute autre réserve statutaire. Or, dès lors que la réserve est juridiquement constituée d’une partie du bénéfice, lequel provient de l’activité du professionnel libéral, celui-ci s’exposerait, à raison de l’arrêt analysé, à devoir acquitter des cotisations sociales sur des sommes qu’il ne perçoit pas. Les conséquences de l’arrêt seraient alors plus strictes que ne le laisse penser la solution retenue par les Hauts magistrats.
Une dernière interrogation mérite d’être posée : comment conciliera-t-on la position adoptée avec les clauses d’un pacte d’associés qui auraient décidé de répartir inégalement des dividendes entre associés. Si les associés peuvent choisir de se répartir les dividendes sans respecter le pourcentage de capital détenu par chacun, sous réserve, bien sûr, des dispositions de l’article 1844-1, alinéa 2, du Code civil N° Lexbase : L2021ABH relatif aux clauses léonines, comment déterminera-t-on l’assiette exacte des revenus de l’activité libérale soumise aux charges sociales ? Devra-t-on tenir compte de la répartition statutaire comme étant contenue dans un acte soumis à publicité ou bien faire application des clauses du pacte d’associés, lequel n’est cependant pas public ?
C’est pourquoi, au-delà de ces remarques sur le terrain du droit des sociétés, on peut également s’interroger sur les suites que pourrait avoir le présent arrêt sur le terrain législatif, en ce qu’il se prononce à propos d’une SPFPL, comme cela avait été le cas à propos des SEL consécutivement au prononcé de l’arrêt de 2008, comme exposé ci-dessus. Afin d’éviter toute contestation par des contentieux successifs, le législateur pourrait estimer opportun d’intégrer dans le Code de la Sécurité sociale la position retenue par le présent arrêt. Au-delà, sans doute serait-il souhaitable que le législateur intervienne une bonne fois pour toutes pour définir clairement le régime d’imposition et de taxation des rémunérations des dirigeants et associés, alors que le projet de loi de finances pour 2024 [14] vient encore de modifier le régime applicable au gérant.
[1] CA Aix-en-Provence, 11 juin 2021, n° 20/09464 N° Lexbase : A85394US.
[2] Pour un commentaire d’ensemble, v. B. Saintourens, Sociétés d’exercice libéral, Répertoire Droit des sociétés, Dalloz.
[3] Loi n° 99-515, du 23 juin 1999, renforçant l’efficacité de la procédure pénale N° Lexbase : L2004ATE.
[4] Loi n° 2001-420, du 15 mai 2001, relative aux nouvelles régulations économiques N° Lexbase : L8295ASZ.
[5] Loi n° 2011-1168, du 11 décembre 2001, portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier N° Lexbase : L0256AWE.
[6] Ordonnance n° 2023-77, du 8 février 2023, relative à l’exercice en société des professions libérales réglementées N° Lexbase : L7738MGP.
[7] Cass. civ. 2, 15 mai 2008, n° 06-21.741, FS-P+B+R N° Lexbase : A5228D87, JCP E, 2008, 2112, note G. Vachet ; Revue Sociétés, 2008, note Th. Tauran ; JCP S, 2008, 1381, note D. Piau ; adde. D. Davodet, G. Kesztenbaum et C. Terrenoire, Le traitement social des dividendes de SELARL, JCP E, 2008, 2347 ; A. Lebescond, Soumission des dividendes perçus par les associés des sociétés d’exercice libéral aux cotisations sociales : entretien avec Jean-Yves Mercier, avocat associé du cabinet CSM Bureau Francis Lefebvre, Lexbase Social, janvier 2009, n° 332 N° Lexbase : N2252BIA.
[8] CE, 1°-6° s.-sect. réunies, 14 novembre 2007, n° 293642, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A5808DZ7, Dr. soc., 2008, p. 195, note J. Barthélémy.
[9] Loi n° 2008-1330, du 17 décembre 2008, de financement de la sécurité sociale pour 2009 N° Lexbase : L2678IC8, art. 22.
[10] Cons. const., décision n° 2010-24 QPC, du 6 août 2010 N° Lexbase : A9232E73, Bull. Joly Sociétés, 2010, p. 829, note B. Saintourens.
[11] CE, 8°-3° ch. réunies, 20 octobre 2021, n° 440375, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A650249P.
[12] V. M. Cozian, A. Viandier, Fl. Deboissy, Droit des sociétés, 36ème éd., LexisNexis, n° 2201.
[13] B. Brignon, Les sociétés d’exercice libéral, LexisNexis, 2016, n° 234.
[14] Projet de loi de finances pour 2024 [en ligne].
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