Jurisprudence : TA Besançon, du 20-09-2022, n° 1902114

TA Besançon, du 20-09-2022, n° 1902114

A46238LS

Référence

TA Besançon, du 20-09-2022, n° 1902114. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/88478644-ta-besancon-du-20092022-n-1902114
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Références

Tribunal Administratif de Besançon

N° 1902114

1ère chambre
lecture du 20 septembre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 1er décembre 2019 et 8 avril 2021, la commission de protection des eaux de Franche-Comté, représentée par son président en exercice, demande au tribunal :

1°) d'annuler la décision implicite de refus née du silence conservé par le préfet de la Haute-Saône sur sa demande formulée par un courrier du 29 juillet 2019 tendant à ce que M. B soit mis en demeure de déposer un dossier de demande de dérogation au titre de la destruction des espèces protégées et de leurs habitats prévoyant des mesures de nature à réparer les effets des travaux réalisés par l'intéressé afin de convertir des prairies en champs de céréales sur des terrains situés sur le territoire des communes de Quers, Dambenoît-lès-Colombe et Adelans-et-le-Val-de-Bithaine ainsi qu'un dossier d'évaluation des incidences Natura 2000 au titre des parcelles concernées,

2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Saône, à titre principal, de prescrire à M. B, après l'avoir invité à présenter ses observations, les mesures de réparation et de compensation appropriées, en application des dispositions des articles L. 162-11 et L. 163-1 du code de l'environnement, dans le délai maximal de deux mois suivant la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Saône, à titre subsidiaire, de mettre en demeure M. B, sur le fondement de l'article L. 171-7 du code de l'environnement, de déposer un dossier de demande de dérogation au titre des espèces protégées et de leurs habitats en application du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 990 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le préfet de la Haute-Saône a commis une erreur d'appréciation en refusant de mettre en œuvre les mesures demandées, prévues aux articles L. 162-7, L. 162-9 ou L. 163-1 du code de l'environnement pour que soient réparées les destructions d'espèces protégées et de leurs habitats commises par les travaux qui ont supprimé des haies, bosquets et arbres et transformé des prairies en un espace de monoculture céréalière dans un secteur concerné par un site Natura 2000, un arrêté de protection de biotope et des espèces d'oiseaux protégées par l'arrêté ministériel du 29 octobre 2009, en méconnaissance de l'article L. 411-1 du code de l'environnement ;

- le préfet de la Haute-Saône a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation en ne mettant pas en demeure l'auteur de ces travaux de déposer un dossier de demande de dérogation au titre du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement ;

- le préfet de la Haute-Saône a méconnu, par son inaction en présence de ces travaux irréguliers, les dispositions de l'article L. 110-1 du code de l'environnement ;

- elle a fait appel du jugement du tribunal correctionnel de Vesoul qui a relaxé M. B des atteintes commises à l'environnement sur le site en cause ;

- le préfet avait nécessairement connaissance des travaux en cause au moins depuis la réception de son courrier du 29 juillet 2019, reçu le lendemain par les services préfectoraux, et alors que le procès-verbal dressé par les services de l'office national de la chasse et de la faune sauvage au mois de février 2013 lors de la constatation de l'arrachage des haies et buissons avait notamment été transmis au directeur départemental des territoires de la Haute-Saône.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er décembre 2020, le préfet de la Haute-Saône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- à titre principal, les services de l'Etat, qui n'ont pas eu connaissance des travaux en cause avant l'introduction de l'instance contentieuse, en l'absence de dépôt d'un dossier de demande de dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées et de leurs habitats, n'ont pas été en mesure de prescrire les éventuelles mesures d'évitement, de réduction ou de compensation requises et ne sauraient se voir reprocher une quelconque inaction ;

- en l'absence de dossier déposé, la nature et l'ampleur de l'atteinte portée à l'environnement par les travaux en cause ne sont pas connues par les services de l'Etat ;

- une procédure administrative a été engagée afin d'obtenir de l'auteur des travaux en cause un dossier de régularisation, circonstance qui rend sans objet les conclusions aux fins d'injonction de la requête.

Par un mémoire, enregistré le 1er avril 2021, M. C B, représenté par Me Lagarrigue, a présenté ses observations au soutien du rejet de la requête.

Il soutient que, poursuivi pour avoir détruit des sites de repos et de reproduction d'oiseaux d'espèces protégées en faisant disparaître irrégulièrement des buissons, arbustes, haies et prairies, il a été relaxé par le tribunal correctionnel de Vesoul par un jugement du 7 novembre 2019.

Par un courrier du 26 juillet 2022, le préfet de la Haute-Saône a été invité à informer le tribunal, dans le délai de quinze jours, des démarches engagées à la suite de sa saisine par la commission de protection des eaux de Franche-Comté le 30 juillet 2019 et à produire les justificatifs correspondants.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages ;

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté du 29 octobre 2009 fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Guitard, première conseillère,

- les conclusions de M. Poitreau, rapporteur public,

- et les observations de M. A, représentant la commission de protection des eaux de Franche-Comté.

Considérant ce qui suit :

1. En 2012 et 2013, M. B, agriculteur, a engagé des travaux sur des parcelles situées sur le territoire des communes de Quers, Dambenoît-lès-Colombe et Adelans-et-le-Val-de-Bithaine afin de convertir des prairies en champs de céréales. Il a, ce faisant, supprimé plusieurs centaines de mètres linéaires de haies et de nombreux bosquets et arbres en alignement ou isolés qui constituaient des aires de repos et de reproduction de plusieurs espèces d'oiseaux protégées au titre des articles L. 411-1 et suivants du code de l'environnement par l'arrêté ministériel du 29 octobre 2009, situés, d'une part, dans une zone nord comprise en grande partie dans le périmètre du site Natura 2000 intitulé " Vallée de la lanterne ", aux lieux-dits " Champs Saint-Laurent ", " Faux d'Angles " et " les Graviers " et, d'autre part, dans une zone sud à hauteur des lieux-dits " les Lauchères " et " en Couillard ", et à proximité du ruisseau le Bauvier, protégé par un arrêté préfectoral de biotope. Par un courrier du 29 juillet 2019, reçu le lendemain par le préfet de la Haute-Saône, l'association Commission de protection des eaux de Franche-Comté a demandé que l'auteur de ces travaux soit mis en demeure, sur le fondement de l'article L. 171-7 du code de l'environnement, de déposer, sous un mois maximum, un dossier de demande de dérogation au titre de la destruction d'espèces protégées et de leurs habitats prévoyant des mesures de nature à compenser les effets de ces travaux ainsi qu'un dossier d'évaluation des incidences Natura 2000 au titre des parcelles concernées. L'association a saisi le tribunal administratif du refus implicite né du silence conservé par le préfet de la Haute-Saône sur sa demande.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : / 1° La destruction ou l'enlèvement des ufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; () 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ; () ". Aux termes de l'article L. 411-2 du même code : " I. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : () 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : () Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; () ". En application de l'article R. 411-6 du code de l'environnement : " Les dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 sont accordées par le préfet, sauf dans les cas prévus aux articles R. 411-7 et R. 411-8. () ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 110-1 du code de l'environnement : " I. - Les espaces, ressources et milieux naturels terrestres et marins, les sons et odeurs qui les caractérisent, les sites, les paysages diurnes et nocturnes, la qualité de l'air, la qualité de l'eau, les êtres vivants et la biodiversité font partie du patrimoine commun de la nation. Ce patrimoine génère des services écosystémiques et des valeurs d'usage. () II. - Leur connaissance, leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état, leur gestion, la préservation de leur capacité à évoluer et la sauvegarde des services qu'ils fournissent sont d'intérêt général et concourent à l'objectif de développement durable qui vise à satisfaire les besoins de développement et la santé des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Elles s'inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, des principes suivants : () 2° Le principe d'action préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement, en utilisant les meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable. Ce principe implique d'éviter les atteintes à la biodiversité et aux services qu'elle fournit ; à défaut, d'en réduire la portée ; enfin, en dernier lieu, de compenser les atteintes qui n'ont pu être évitées ni réduites, en tenant compte des espèces, des habitats naturels et des fonctions écologiques affectées ; / Ce principe doit viser un objectif d'absence de perte nette de biodiversité, voire tendre vers un gain de biodiversité ; / 3° Le principe pollueur-payeur, selon lequel les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur ; () ".

4. Aux termes de l'article L. 170-1 du code de l'environnement : " Le présent titre définit les conditions dans lesquelles s'exercent les contrôles des installations, ouvrages, travaux, opérations, objets, dispositifs et activités régis par le présent code ainsi que les sanctions applicables en cas de manquement ou d'infraction aux prescriptions prévues par le présent code. / Les dispositions particulières relatives aux contrôles et aux sanctions figurant dans les autres titres du présent livre et dans les autres livres du présent code dérogent à ces dispositions communes ou les complètent. " L'article L. 171-7 du même code prévoit que : " I.- Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, lorsque des installations ou ouvrages sont exploités, des objets et dispositifs sont utilisés ou des travaux, opérations, activités ou aménagements sont réalisés sans avoir fait l'objet de l'autorisation, de l'enregistrement, de l'agrément, de l'homologation, de la certification ou de la déclaration requis en application du présent code, ou sans avoir tenu compte d'une opposition à déclaration, l'autorité administrative compétente met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine, et qui ne peut excéder une durée d'un an. / Elle peut, par le même acte ou par un acte distinct, suspendre le fonctionnement des installations ou ouvrages, l'utilisation des objets et dispositifs ou la poursuite des travaux, opérations, activités ou aménagements jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la déclaration ou sur la demande d'autorisation, d'enregistrement, d'agrément, d'homologation ou de certification, à moins que des motifs d'intérêt général et en particulier la préservation des intérêts protégés par le présent code ne s'y opposent. / L'autorité administrative peut, en toute hypothèse, édicter des mesures conservatoires aux frais de la personne mise en demeure. / L'autorité administrative peut, à tout moment, afin de garantir la complète exécution des mesures prises en application des deuxième et troisième alinéas du présent I : / 1° Ordonner le paiement d'une astreinte journalière au plus égale à 1 500 applicable à partir de la notification de la décision la fixant et jusqu'à satisfaction de ces mesures. L'astreinte est proportionnée à la gravité des manquements constatés et tient compte notamment de l'importance du trouble causé à l'environnement. Les deuxième et dernier alinéas du 1° du II de l'article L. 171-8 s'appliquent à l'astreinte ; / 2° Faire procéder d'office, en lieu et place de la personne mise en demeure et à ses frais, à l'exécution des mesures prescrites. / II.- S'il n'a pas été déféré à la mise en demeure à l'expiration du délai imparti, ou si la demande d'autorisation, d'enregistrement, d'agrément, d'homologation ou de certification est rejetée, ou s'il est fait opposition à la déclaration, l'autorité administrative ordonne la fermeture ou la suppression des installations ou ouvrages, la cessation de l'utilisation ou la destruction des objets ou dispositifs, la cessation définitive des travaux, opérations, activités ou aménagements et la remise des lieux dans un état ne portant pas préjudice aux intérêts protégés par le présent code. / Elle peut faire application du II de l'article L. 171-8 aux fins d'obtenir l'exécution de cette décision. / III.- Sauf en cas d'urgence, et à l'exception de la décision prévue au premier alinéa du I du présent article, les mesures mentionnées au présent article sont prises après avoir communiqué à l'intéressé les éléments susceptibles de fonder les mesures et l'avoir informé de la possibilité de présenter ses observations dans un délai déterminé. ".

5. Aux termes de l'article L. 160-1 du code de l'environnement : " Le présent titre définit les conditions dans lesquelles sont prévenus ou réparés, en application du principe pollueur-payeur et à un coût raisonnable pour la société, les dommages causés à l'environnement par l'activité d'un exploitant () ". L'article L. 162-1 du même code précise que : " Sont prévenus ou réparés selon les modalités définies par le présent titre : 1° Les dommages causés à l'environnement par les activités professionnelles dont la liste est fixée par le décret prévu à l'article L. 165-2, y compris en l'absence de faute ou de négligence de l'exploitant ; 2° Les dommages causés aux espèces et habitats visés au 3° du I de l'article L. 161-1 par une autre activité professionnelle que celles mentionnées au 1° du présent article, en cas de faute ou de négligence de l'exploitant ". Aux termes de l'article L. 161-1 du code de l'environnement : " I. - Constituent des dommages causés à l'environnement au sens du présent titre les détériorations directes ou indirectes mesurables de l'environnement qui : () 3° Affectent gravement le maintien ou le rétablissement dans un état de conservation favorable : / a) Des espèces visées au 2 de l'article 4, à l'annexe I de la directive 79/409/ CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages et aux annexes II et IV de la directive 92/43/ CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ; / b) Des habitats des espèces visées au 2 de l'article 4, à l'annexe I de la directive 79/409/ CEE du Conseil, du 2 avril 1979, précitée et à l'annexe II de la directive 92/43/ CEE du Conseil, du 21 mai 1992, précitée ainsi que des habitats naturels énumérés à l'annexe I de la même directive 92/43/ CEE du Conseil, du 21 mai 1992 ; / c) Des sites de reproduction et des aires de repos des espèces énumérées à l'annexe IV de la directive 92/43/ CEE du Conseil, du 21 mai 1992, précitée ; () ". Aux termes de l'article R. 162-3 de ce code : " Les associations de protection de l'environnement mentionnées à l'article L. 142-1, ainsi que toute personne directement concernée ou risquant de l'être par un dommage ou une menace imminente de dommage au sens du présent titre, qui disposent d'éléments sérieux en établissant l'existence peuvent en informer l'autorité administrative compétente. Elles peuvent également lui demander de mettre ou de faire mettre en œuvre les mesures de prévention ou de réparation définies aux articles L. 162-3 à L. 162-12. La demande est accompagnée des informations et données pertinentes. ". Aux termes de l'article R. 162-4 du même code : " Lorsque l'autorité administrative compétente considère que la demande mentionnée à l'article précédent révèle l'existence d'un dommage ou d'une menace imminente de dommage au sens du présent titre, elle recueille les observations de l'exploitant concerné et, le cas échéant, l'invite à se conformer aux dispositions des articles L. 162-3 à L. 162-12. / Dans tous les cas, l'autorité administrative compétente informe par écrit le demandeur de la suite donnée à sa demande d'action en lui indiquant les motifs de sa décision. ". Aux termes de l'article L. 162-6, figurant à la sous-section 2 consacrée aux mesures de réparation des dommages causés à l'environnement, du code de l'environnement : " L'autorité visée au 2° de l'article L. 165-2 procède à l'évaluation de la nature et des conséquences du dommage. Elle peut demander à l'exploitant d'effectuer sa propre évaluation. ". En application de l'article L. 162-11 du code de l'environnement : " Après avoir mis l'exploitant en mesure de présenter ses observations, l'autorité visée au 2° de l'article L. 165-2 lui prescrit, par une décision motivée, les mesures de réparation appropriées. ". En vertu de l'article L. 163-1 du code de l'environnement : " I. - Les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité sont les mesures prévues au 2° du II de l'article L. 110-1 et rendues obligatoires par un texte législatif ou réglementaire pour compenser, dans le respect de leur équivalence écologique, les atteintes prévues ou prévisibles à la biodiversité occasionnées par la réalisation d'un projet de travaux ou d'ouvrage ou par la réalisation d'activités ou l'exécution d'un plan, d'un schéma, d'un programme ou d'un autre document de planification. / Les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité visent un objectif d'absence de perte nette, voire de gain de biodiversité. Elles doivent se traduire par une obligation de résultats et être effectives pendant toute la durée des atteintes. Elles ne peuvent pas se substituer aux mesures d'évitement et de réduction. Si les atteintes liées au projet ne peuvent être ni évitées, ni réduites, ni compensées de façon satisfaisante, celui-ci n'est pas autorisé en l'état. / II. - Toute personne soumise à une obligation de mettre en œuvre des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité y satisfait soit directement, soit en confiant, par contrat, la réalisation de ces mesures à un opérateur de compensation défini au III du présent article, soit par l'acquisition d'unités de compensation dans le cadre d'un site naturel de compensation défini à l'article L. 163-3. Lorsque la compensation porte sur un projet, un plan ou un programme soumis à évaluation environnementale, la nature des compensations proposées par le maître d'ouvrage est précisée dans l'étude d'impact présentée par le pétitionnaire avec sa demande d'autorisation. / Dans tous les cas, le maître d'ouvrage reste seul responsable à l'égard de l'autorité administrative qui a prescrit ces mesures de compensation. / Les modalités de compensation mentionnées au premier alinéa du présent II peuvent être mises en œuvre de manière alternative ou cumulative. / Les mesures de compensation sont mises en œuvre en priorité sur le site endommagé ou, en tout état de cause, à proximité de celui-ci afin de garantir ses fonctionnalités de manière pérenne. Une même mesure peut compenser différentes fonctionnalités. / Les mesures de compensation sont mises en œuvre en priorité au sein des zones de renaturation préférentielle identifiées par les schémas de cohérence territoriale en application du 3° de l'article L. 141-10 du code de l'urbanisme et par les orientations d'aménagement et de programmation portant sur des secteurs à renaturer en application du 4° du I de l'article L. 151-7 du même code, lorsque les orientations de renaturation de ces zones ou secteurs et la nature de la compensation prévue pour le projet le permettent. Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent alinéa. ".

6. Il résulte de l'instruction qu'au cours des années 2012 et 2013, M. B a arraché plusieurs centaines de mètres de haies, buissons et arbustes pour transformer des prairies situées notamment aux lieux-dits " Faux d'Angles " et " les Graviers " sur la commune de Quers, en champs de culture céréalière. Des parcelles en cause sont situées à l'intérieur du site Natura 2000 intitulé " la vallée de la Lanterne ". Ces faits ont été constatés par un agent assermenté de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) en avril et mai 2012 et reconnus par M. B qui s'est prévalu de son ignorance du classement de ces parcelles en site Natura 2000. Il résulte encore de l'instruction et en particulier des investigations menées par les services de l'ONCFS, que ces arrachages de haies, réalisés en période de reproduction des oiseaux présents sur le site, ont été de nature à détruite l'habitat, les nids et ufs de plusieurs espèces d'oiseaux protégées au titre de l'arrêté ministériel du 29 octobre 2009 qui nichent dans les haies et buissons et dont la présence sur place a été constatée par l'agent de l'ONCFS au cours de ses investigations au mois de mai 2012. Le jugement du 7 novembre 2019, par lequel le tribunal correctionnel de Vesoul a relaxé M. B des fins de la poursuite des chefs d'altération ou de dégradation et de destruction de l'habitat d'une espèce animale protégée non domestique, au demeurant non définitif du fait de l'appel interjeté par la commission de protection des eaux, n'est pas revêtu d'une autorité de la chose jugée qui s'opposerait à ce que les atteintes à l'environnement reprochées à M. B soient tenues pour établies.

7. En application des dispositions combinées des articles 3 et 5 de l'arrêté ministériel du 29 octobre 2009 fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection, la destruction intentionnelle ou l'enlèvement des ufs et des nids des espèces d'oiseaux listées par cet arrêté, de même que la destruction, l'altération ou la dégradation des sites de reproduction et des aires de repos de ces animaux sont interdits, sauf dérogation accordée dans les conditions prévues au 4° de l'article L. 411-2 et aux articles R. 411-6 à R. 411-14 du code de l'environnement, dont M. B ne disposait pas.

8. Il résulte de l'instruction que les services de la direction départementale des territoires de la Haute-Saône ont été informés dès le mois de février 2013 par l'ONCFS par la transmission des résultats de ses constatations et investigations, de l'arrachage par M. B de haies, arbustes et buissons et du labour de pâtures en vue de leur mise en culture, et que le préfet de la Haute-Saône a été saisi par l'association commission de protection des eaux, le 30 juillet 2019, des dommages causés à l'environnement par les travaux réalisés par M. B. Par suite, il appartenait au préfet de la Haute-Saône de mettre en demeure ce dernier de solliciter la dérogation au titre de la destruction des espèces protégées et de leurs habitats prévue au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement dans un délai déterminé ne pouvant excéder une durée d'un an ou, et à défaut de dérogation accordée, de mettre en œuvre les mesures de prévention ou de réparation nécessaires définies aux articles L. 162-3 à L. 162-12 du code de l'environnement, après avoir recueilli les observations de M. B et procédé ou fait procéder par l'intéressé à l'évaluation de la nature et des conséquences du dommage. En se bornant à affirmer, dans ses écritures enregistrées devant le tribunal le 1er décembre 2020, qu'une procédure administrative a été engagée après l'introduction de la requête pour obtenir de M. B un dossier de réparation des dommages causés aux habitats d'espèces protégées mais que les services de l'Etat n'ont pas encore eu communication d'une étude d'évaluation de la nature et des conséquences du dommage, circonstance qui ne lui permet pas d'apprécier l'atteinte portée à l'environnement, le préfet de la Haute-Saône ne peut pas être regardé comme justifiant avoir mis en œuvre les pouvoirs qu'il détient des articles R. 162-4, L. 162-6 et L. 162-11 du code de l'environnement. Par suite, et compte tenu des délais écoulés depuis que les faits en cause ont été portés à la connaissance des services de l'Etat dans le département de la Haute-Saône, le préfet de la Haute-Saône a méconnu ces dispositions.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

9. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ". Le juge de l'injonction est tenu de statuer sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative en tenant compte de la situation de droit et de fait existant à la date de son jugement.

10. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Haute-Saône de faire mettre en œuvre par M. B les mesures de réparation définies aux articles L. 162-3 à L. 162-12 du code de l'environnement, au vu de l'évaluation de la nature et des conséquences du dommage et après avoir mis M. B en mesure de présenter ses observations, dans le délai de trois mois suivant la notification du présent jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Sur les frais liés au litige :

11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 990 euros que l'association commission protection des eaux de Franche-Comté demande en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il est enjoint au préfet de la Haute-Saône de faire mettre en œuvre par M. B les mesures de réparation définies aux articles L. 162-3 à L. 162-12 du code de l'environnement, dans le délai de trois mois suivant la notification du présent jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Article 2 : L'Etat paiera la somme de 990 (neuf cent quatre-vingt-dix) euros à l'association commission de protection des eaux de Franche-Comté en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la commission de protection des eaux de Franche-Comté, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à M. C B et au préfet de la Haute-Saône.

Délibéré après l'audience du 30 août 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Trottier, président,

- Mme Guitard, première conseillère,

- Mme Diebold, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 septembre 2022.

La rapporteure,

F. GuitardLe président,

T. Trottier

La greffière,

E. Cartier

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière

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Article, L110-1, C. envir. Article, L911-1, CJA Article, L411-1, C. envir. Article, L411-2, C. envir. Article, L171-7, C. envir. Article, R411-6, C. envir. Article, L162-6, C. envir. Article, L162-9, C. envir. Article, L160-1, C. envir. Article, L161-1, C. envir. Article, L163-1, C. envir. Article, L170-1, C. envir. Article, L162-11, C. envir. Article, L141-10, C. urb. Directive, 92/43/CEE, annexe IV, conseil Arrêté ministériel, 29-10-2009 Article, L162-7, C. envir. Directive, 79/409/CEE, annexe I, conseil Directive, 92/43/CEE, annexe II, conseil Directive, 92/43/CEE, annexe I, conseil Article, R162-3, C. envir. Article, 3, arrêté ministériel, 29-10-2009 Article, 5, arrêté ministériel, 29-10-2009 Article, 411-6 à R411-14, C. envir. Article, L162-3 à L, C. envir. Article, R162-4, C. envir. Article, L162-3 à L162-12, C. envir. Décision de refus implicite Espèce protégée Parcelles concernées Délai à compter de la notification du jugement Erreur d'appréciation Services de l'etat Dossiers déposés Aires de repos Espèces d'oiseaux Association de protection Patrimoine naturel Conservation du site Organismes extérieurs Intérêt public Satisfaction des besoins Atteinte à l'environnement Compensation des atteintes Prévention Poursuites pénales Enregistrement Intérêt général Mesure conservatoire Manquements constatés Expiration du délai Suppression Texte législatif ou réglementaire Projets de travaux Sites naturels Évaluation environnementale Maître d'ouvrage Étude d'impact Modalités de compensation Schéma de cohérence territoriale Agent assermenté Classement d'une parcelle Autorité d'une chose jugée Personne morale de droit public Service public Mesure d'exécution Partie condamnée

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