CONSEIL D'ETAT
Statuant au contentieux
N°
346685
M. et Mme RÖDEL
Mme Cécile Isidoro, Rapporteur
Mme Claire Legras, Rapporteur public
Séance du 20 mars 2013
Lecture du
8 avril 2013
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 février et 29 avril 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Rödel, demeurant Rue de l'Abbaye du Val à Mériel (95630) ; M. et Mme Rödel demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 09VE00079 du 2 décembre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté leur requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0408219 en date du 23 octobre 2008 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 1999 et, d'autre part, à la décharge de ces cotisations ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Isidoro, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Odent, Poulet, avocat de M. et Mme Rödel,
- les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Odent, Poulet, avocat de M. et Mme Rödel ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'EURL Rödel, qui a été constituée le 20 octobre 1990 par M. Rödel, a pour objet social la détention de parts de sociétés en participation (SEP) exploitant des investissements hôteliers en Guadeloupe ; que le 20 janvier 1993, M. Rödel a cédé 499 des 500 parts qu'il détenait de l'EURL Rödel à la société anonyme Soprapor ; que le 28 juin 1996, cette dernière a cédé à M. Rödel 498 des parts précédemment acquises auprès de lui et la 499ème part à son épouse ; que le 30 juin 1997, Mme Rödel a cédé à son mari l'unique part qu'elle détenait dans l'entreprise Rödel, de sorte que la totalité des parts de l'EURL Rödel ont de nouveau été concentrées entre les mains de M. Rödel ;
2. Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de l'EURL Rödel, soumise au régime fiscal des sociétés de personnes, l'administration fiscale a notamment remis en cause la déduction du revenu global de M. et Mme Rödel des déficits résultant de l'activité commerciale exercée par cette entreprise, à travers la détention des parts de deux sociétés en participation, au titre des années 1997 à 1999 ; que, par l'arrêt attaqué du 2 décembre 2010, la cour administrative d'appel de Versailles a confirmé le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise rejetant leur demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 1999 en conséquence de ces redressements ;
3. Considérant que, pour confirmer le bien fondé des redressements opérés par l'administration, la cour s'est fondée sur ce que M. Rödel aurait cédé 499 des 500 parts qu'il détenait dans des SEP exploitant des investissements hôteliers en Guadeloupe et que, dès lors, ces parts n'auraient pas été détenues de manière continue par l'EURL Rödel dont l'activité commerciale avait de ce fait été interrompue ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que M. Rödel avait uniquement cédé les parts qu'il détenait dans l'EURL Rödel sans que celle-ci ne se sépare des parts de SEP qu'elle détenait, la cour administrative d'appel de Versailles a dénaturé les faits de l'espèce ; que son arrêt doit, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, être annulé ;
4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
5. Considérant que si les époux Rödel soutiennent que la procédure d'imposition est irrégulière au motif qu'ils n'auraient pas reçu de notification de redressements à leur nom, il résulte de l'instruction que l'administration a produit en défense une copie de la notification, datée du 25 mai 2001 et libellée à leur nom, qu'ils ont reçue à leur domicile le 29 mai 2001 ; que, par suite, ce moyen doit être écarté ;
Sur le bien-fondé des impositions :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 156 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé (.) sous déduction : I. Du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus ; si le revenu global n'est pas suffisant pour que l'imputation puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur le revenu global des années suivantes jusqu'à la cinquième année inclusivement. / Toutefois, n'est pas autorisée l'imputation : (.) 1° bis Des déficits provenant, directement ou indirectement, des activités relevant des bénéfices industriels ou commerciaux lorsque ces activités ne comportent pas la participation personnelle, continue et directe de l'un des membres du foyer fiscal à l'accomplissement des actes nécessaires à l'activité. Il en est ainsi, notamment, lorsque la gestion de l'activité est confiée en droit ou en fait à une personne qui n'est pas un membre du foyer fiscal par l'effet d'un mandat, d'un contrat de travail ou de toute autre convention. (.) Les dispositions du premier alinéa (.) sont applicables au déficit ou à la fraction du déficit provenant d'activités créées, reprises, étendues ou adjointes à compter du 1er janvier 1996 (.) " ;
7. Considérant que constitue une reprise d'activité, au sens de ces dispositions, l'acquisition ou la souscription par le contribuable ou l'un des membres de son foyer fiscal de parts d'une entreprise soumise au régime fiscal des sociétés de personnes exploitant une activité industrielle ou commerciale ; que c'est par suite à bon droit que l'administration a estimé que, du fait de l'acquisition par M. Rödel, les 28 juin 1996 et 30 juin 1997, de 499 des 500 parts sociales de l'entreprise Rödel qu'il avait préalablement cédées à la société Soprapor en 1993, les déficits provenant de l'activité commerciale exercée par cette entreprise à travers les SEP dont elle détenait des parts provenaient d'une activité reprise par les contribuables postérieurement au 1er janvier 1996 ; que l'administration en a déduit à bon droit que les époux Rödel, qui ne soutenaient pas participer de manière personnelle, continue et directe à l'accomplissement des actes nécessaires à cette activité commerciale, ne pouvaient prétendre à l'imputation sur leur revenu global des déficits provenant de l'activité d'exploitation hôtelière, nonobstant la circonstance que, d'une part, l'EURL Rödel aurait elle-même détenu les parts des SEP depuis la création de l'activité en 1990 et que, d'autre part, M. Rödel aurait détenu une participation majoritaire dans la société Soprapor ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les époux Rödel ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande ;
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, le paiement de la somme demandée par M. et Mme Rödel ;
D E C I D E :
Article 1er : L'arrêt du 2 décembre 2010 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.
Article 2 : La requête d'appel des époux Rödel ainsi que leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme RODEL et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré dans la séance du 20 mars 2013 où siégeaient : M. Jacques Arrighi de Casanova, Président adjoint de la Section du Contentieux, présidant ; M. Thierry Tuot, M. Jean-Pierre Jouguelet, Présidents de sous-section ; M. Marc Perrin de Brichambaut, M. Alain Christnacht, M. Jean-François Mary, M. Philippe Josse, M. Pierre Collin, Conseillers d'Etat et Mme Cécile Isidoro, Maître des Requêtes-rapporteur.