SOC.
PRUD'HOMMES I.K
COUR DE CASSATION
Audience publique du 26 février 2002
Cassation partielle
M. MERLIN, conseiller doyen faisant fonctions de président
Pourvoi n° C 00-40.758
Arrêt n° 774 F P
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par
1°/ l'association AGS, dont le siège est Paris,
2°/ l'UNEDIC CGEA de Chalon-sur-Saône, en qualité de gestionnaire de l'AGS, dont le siège est Chalon-sur-Saône,
en cassation d'un arrêt rendu le 30 novembre 1999 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), au profit
1°/ de Mme Sophie X, demeurant Macon,
2°/ de Mme Françoise W, demeurant Macon,
3°/ de Mme Catherine V, demeurant Macon,
4°/ de Mme Rosa U, demeurant Montceau les Mines,
5°/ de Mme Annie T, demeurant Macon,
6°/ de Mme Olga S, demeurant Macon,
7°/ de Mme Jocelyne R, demeurant Chalon-sur-Saône,
8°/ de Mme Khammoui Q, demeurant Belleville,
9°/ de M. P, mandataire liquidateur de la société Manufacture de confection maconnaise, domicilié Chalon-sur-Saône,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 15 janvier 2002, où étaient présents M. Merlin, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Soury, conseiller référendaire rapporteur, M. Finance, conseiller, Mme Duval-Arnould, conseiller référendaire, M. Kehrig, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Soury, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'association AGS et de l'UNEDIC CGEA de Chalon-sur-Saône et de M. P, ès qualités, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que Mme X et sept autres salariées ont été engagées par la Manufacture de confection mâconnaise en qualité de mécaniciennes en confection ou de plieuses dans le cadre de contrats à durée déterminée de 2 ans ; qu'à la suite de la liquidation judiciaire de l'entreprise, leurs contrats ont été rompus par lettre du 18 novembre 1997 ; que les salariées ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la fixation de leurs créances au titre de dommages-intérêts pour rupture anticipée de leurs contrats à durée déterminée et d'indemnités de précarité ; que l'AGS est intervenue à l'instance pour solliciter la requalification des contrats de travail en contrats à durée indéterminée ;
Sur le moyen unique, en tant qu'il concerne Mmes U et R
Attendu que l'AGS fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande de requalification des contrats de travail alors, selon le moyen
1°/ que doit être requalifié en contrat à durée indéterminée le contrat initiative-emploi, conclu pour une durée déterminée, qui ne comporte pas l'objet précis de son motif ; qu'en décidant que les contrats initiative-emploi conclus pour une durée déterminée n'avaient pas à préciser leur motif, en vertu de l'article L. 322-4-4 du Code du travail, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, les dispositions de ce texte et, par refus d'application, celles de l'article L. 122-3-1 du Code du travail ;
2°/ que le contrat initiative-emploi conclu pour une durée déterminée doit être requalifié en contrat à durée indéterminée lorsqu'il n'a pas pour objet de faciliter l'insertion professionnelle durable de certaines catégories de personnes sans emploi ; qu'en ne recherchant pas si le contrat initiative-emploi avait été conclu au titre des dispositions législatives et réglementaires destinées à favoriser l'embauche desdites personnes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-2, L. 122-3-13 et L. 322-4-2 du Code du travail ;
Mais attendu qu'il résulte des mentions de l'arrêt que l'AGS s'est désisté de son appel à l'encontre du jugement fixant les créances de Mmes U et R au titre de la rupture de leurs contrats initiative-emploi à durée déterminée ; que le moyen, qui ne critique pas le chef de l'arrêt donnant acte à l'AGS de ce désistement, n'est pas recevable ;
Mais sur le moyen unique en tant qu'il concerne Mme T
Vu les articles L.122-3-1 et L.122-3-13 du code du travail ;
Attendu que pour rejeter la demande de requalification du contrat de travail de Mme T, l'arrêt énonce que l'indication du recours à un contrat initiative-emploi n'est pas impérative aux termes de l'article L. 322-4-4 du Code du travail ; que les conventions conclues entre l'employeur et l'Etat n'ont pas été critiquées ; que les contrats initiative-emploi ne sont pas affectés par le fait qu'ils n'ont pas été expressément intitulés "contrat initiative-emploi", l'article L. 322-4-4 du Code du travail imposant seulement un écrit et le dépôt du contrat auprès des services du ministère du travail ;
Attendu, cependant, que les contrats initiative-emploi à durée déterminée, qui sont des contrats conclus au titre du 1° de l'article L. 122-2 du Code du travail, doivent, en application du 1er alinéa de l'article L. 122-3-1, être établis par écrit et comporter la définition précise de leur motif, à défaut de quoi ils sont réputés conclus pour une durée indéterminée ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que le contrat de travail à durée déterminée de Mme T ne mentionne pas qu'il s'agit d'un contrat initiative-emploi, ce dont il résulte qu'il ne comporte pas la définition précise de son motif, peu important l'existence de la convention de droit public passée entre l'employeur et l'Etat, et qu'il devait être, en conséquence, réputé conclu pour une durée indéterminée, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les textes susvisés ;
Et sur le moyen unique en tant qu'il concerne Mmes X, W, V, S et Q
Vu les articles L. 122-2, L.122-1-2, L.122-3-1 et L.122-3-13 du Code du travail ;
Attendu que pour rejeter la demande de requalification des contrats de travail de Mmes X, W, V, S et Q, l'arrêt énonce que l'indication du recours à un contrat initiative-emploi n'est pas impérative aux termes de l'article L. 322-4-4 du Code du travail ; que les conventions conclues entre l'employeur et l'Etat n'ont pas été critiquées; que les contrats initiative-emploi ne sont pas affectés par le fait qu'ils n'ont pas été expressément intitulés "contrat initiative-emploi", l'article L. 322-4-4 du Code du travail imposant seulement un écrit et le dépôt du contrat auprès des services du ministère du travail ;
Attendu, cependant, qu'un contrat initiative-emploi ne peut être valablement motivé que par référence aux dispositions de l'article L.122-2 du Code du travail, peu important l'existence d'une convention de droit public passée entre l'employeur et l'Etat ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors d'une part, que le motif de recours au contrat à durée déterminée mentionné dans les contrats des salariées était le remplacement d'un salarié absent et que ce motif, qui fait référence, non pas aux dispositions de l'article L. 122-2 du Code du travail, mais à celles du 1° de l'article L.122-1-1 du même code, ne peut justifier le recours à un contrat initiative-emploi, et alors, d'autre part, que ces contrats, qui relevaient du droit commun des contrats à durée déterminée, avaient été conclus pour une durée supérieure à 18 mois en violation de l'article L. 122-1-2 du code du travail et qu'ils devaient, en conséquence, être requalifiés en contrats à durée indéterminée par application de l'article L. 122-3-13 de ce même code, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de l'AGS tendant à la requalification des contrats de travail de Mmes T, X, W, V, S et Q en contrats à durée indéterminée, l'arrêt rendu le 30 novembre 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;
Laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille deux.