Par déclaration du 4 juillet 2022, la société Pinus Cembra Limited a fait appel de ce jugement.
Par conclusions en date du 10 mai 2023, la société Pinus Cembra Limited demande à la cour d'appel de :
infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté la demande tendant à l'annulation de l'assignation et des actes de procédure subséquents,
Statuant à nouveau,
In limine litis,
ordonner le sursis à statuer jusqu'au jugement à intervenir dans le cadre de la procédure d'inscription de faux qu'elle a formée par remise au greffe du tribunal judiciaire de Paris,
A titre principal,
juger que le procès-verbal de saisie-vente est irrégulier,
juger que la saisie-vente réalisée dans ses locaux le 9 novembre 2021 est inutile et abusive et en ordonner la mainlevée,
condamner, au visa de l'
article L.121-2 du code des procédures civiles d'exécution🏛, la Selas CVML au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour abus de saisie,
condamner, au visa de l'
article 1382 [1240] du code civil🏛, la Selas CVML et Me [W], conjointement et solidairement, à la dédommager du préjudice subi du fait de cette saisie frauduleuse à hauteur de 252 euros en remboursement de la facture du serrurier et à hauteur de 15.000 euros chacun au titre de son préjudice moral,
A titre subsidiaire,
ordonner la distraction de meubles figurant dans le procès-verbal de saisie-vente du 9 novembre 2021 à son profit,
En tout état de cause,
débouter la Selas CVML et Me [W] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
condamner la Selas CVML et Me [W] aux entiers dépens, ainsi qu'au paiement de la somme de 5.000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 28 avril 2023, la Selas CVML demande à la cour de :
infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande tendant à l'annulation de l'assignation et des actes de procédure subséquents,
Statuant à nouveau,
prononcer la nullité de l'assignation délivrée par exploit d'huissier du 8 décembre 2021 à la demande de la société Pinus Cembra Limited, ainsi que tous les actes de procédure subséquents signifiés pour le compte de cette société,
subsidiairement, confirmer le jugement pour le surplus,
En tout état de cause,
débouter la société Pinus Cembra Limited, si tant est qu'elle existe, de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
condamner la société Pinus Cembra Limited, si tant est qu'elle existe, à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
condamner la société Pinus Cembra Limited, si tant est qu'elle existe, au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, dont distraction, pour ceux d'appel, au profit de Me Etevenard en application de l'
article 699 du code de procédure civile🏛.
Par conclusions du 9 mai 2023, Me [F] [W], commissaire de justice, demande à la cour de :
confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté la demande tendant à l'annulation de l'assignation et des actes de procédure subséquents,
Y ajoutant,
condamner la société Pinus Cembra Limited à lui payer une somme complémentaire de 12.000 euros à titre de dommages-intérêts tous préjudices confondus, au visa de l'article 1240 du code civil et de l'
article 32-1 du code de procédure civile🏛,
la condamner au paiement d'une somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens.
L'affaire a été plaidée à l'audience du 8 juin 2023.
Le 16 juin 2023, la cour adressé aux avocats des parties le message suivant :
« La cour vous prie de bien vouloir trouver ci-joint les notes d'audiences prises par le greffier du juge de l'exécution dans l'affaire dont appel, s'agissant d'une procédure orale en première instance, et vous invite à présenter vos observations sur la recevabilité de la demande de sursis à statuer au vu de ces pièces.
Par ailleurs, s'agissant de la demande de distraction, les intimés rappellent à juste titre que le débiteur doit être mis en cause, mais sans tirer les conséquences de l'absence d'intimation deAaM. [E], pourtant assigné en intervention forcée devant le JEX. La cour invite donc les parties à présenter leurs observations éventuelles sur la fin de non-recevoir, qu'elle entend soulever d'office, tirée de l'application de l'
article 553 du code de procédure civile🏛.
Dans les deux cas, vos observations doivent parvenir à la cour, par le RPVA, au plus tard jeudi 22 juin 2023. »
La cour a reçu sept notes en délibéré au total.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la nullité de l'assignation
La Selas CVML fait valoir qu'aucune pièce ne permet d'établir la capacité, en vertu de la législation birmane, de la société Pinus Cembra Limited à ester en justice, et qu'en l'absence de production des statuts de la société et de la loi birmane applicable, aucune pièce ne permet d'établir la capacité ni le pouvoir du gérant, U [D] [M] [D] [R], de représenter cette société et d'engager une action judiciaire en France, de sorte que l'assignation est nulle en application des
articles 117 à 120 du code de procédure civile🏛🏛.
La société Pinus Cembra Limited expose qu'elle est une société immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Yangon en Birmanie sous le numéro 122910768 et représentée par son gérant, M. [D] [M] [H] [D] [R], habilité à la représenter en justice, de sorte qu'elle est parfaitement recevable à agir en justice.
L'article 117 du code de procédure civile dispose :
« Constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte :
Le défaut de capacité d'ester en justice ;
Le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice ;
Le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice. »
La société Pinus Cembra Limited produit :
-son certificat d'immatriculation et sa traduction en langue française, qui établissent qu'elle est une société par actions de droit birman (private limited company) immatriculée sous le numéro 122910768,
-sa fiche profil émanant de la même autorité birmane et sa traduction, qui établissent qu'elle a son siège social au [Localité 5] et a pour gérant M. [D] [M] [H] [D] [R],
-un pouvoir donné à son gérant de la représenter en justice en date du 1er décembre 2021,
-la copie du passeport de son gérant,
-un certificat de coutume du 9 mai 2023 émanant d'un avocat birman et sa traduction en langue française, dont il ressort qu'elle est représentée par son gérant en exercice, M. [D] [M] [H] [D] [R], que le droit birman permet au gérant d'une private limited company d'ester en justice pour le compte de la société qu'il représente, non seulement en Birmanie mais aussi dans n'importe quelle juridiction en dehors de la Birmanie, notamment en France, sans qu'aucune formalité ne soit nécessaire concernant sa capacité à ester en justice, et que M. [D] [M] [H] [D] [R] est donc parfaitement habilité en droit birman à représenter la société Pinus Cembra Limited devant une juridiction française, sans qu'aucune formalité ne soit nécessaire concernant sa capacité à ester en justice.
Il en résulte que la société Pinus Cembra Limited justifie parfaitement de sa capacité à agir en justice dans le présent litige et du pouvoir de son gérant, M. [D] [M] [H] [D] [R], de la représenter en justice, y compris en France.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité de l'assignation, laquelle mentionne avec exactitude le numéro d'immatriculation de la demanderesse, sa forme sociale, l'adresse de son siège social en Birmanie et le nom de son gérant.
Sur la demande de sursis à statuer
La société Pinus Cembra Limited fait valoir que sa demande de sursis à statuer est fondée sur l'
article 313 du code de procédure civile🏛 qui prévoit, en cas d'inscription de faux incidente, un sursis à statuer jusqu'au jugement sur le faux ; que contrairement à ce qu'a retenu le juge de l'exécution, elle a bien fait état de sa déclaration d'inscription de faux dans son assignation ; qu'elle en a justifié, ainsi que la signification de celle-ci dans le délai d'un mois, de sorte qu'elle n'est pas caduque ; que le juge de l'exécution n'a pas compétence pour statuer lui-même sur le faux et doit donc surseoir à statuer, de même que la cour d'appel statuant avec les mêmes pouvoirs ; qu'il s'agit d'une défense au fond et non d'une exception de procédure, de sorte que les
articles 74 et suivants du code de procédure civile🏛 ne sont pas applicables ; que le juge de l'exécution, qui a violé l'article 313 du code de procédure civile et fait une fausse application de l'article 74, devait nécessairement, à défaut d'écarter des débats la pièce arguée de faux, surseoir à statuer.
Me [W] explique que la déclaration d'inscription de faux contre le procès-verbal de saisie-vente dont faisait état la société Pinus Cembra Limited dans son assignation du 8 décembre 2021 n'a été transmise au tribunal judiciaire que le 16 décembre 2021 et a été dénoncée plus d'un mois après, soit le 17 janvier 2022 ; que ce n'est que par conclusions notifiées pour l'audience du 20 avril 2022 qu'elle a sollicité un sursis à statuer, de sorte que le juge de l'exécution a, à bon droit, estimé cette demande irrecevable pour n'avoir pas été formulée avant toute défense au fond. Il souligne que la société Pinus Cembra Limited ne justifie toujours pas de la saisine du tribunal judiciaire.
La société CVML n'a pas conclu sur la demande de sursis à statuer.
L'article 313 du code de procédure civile, relatif à l'inscription de faux incidente, dispose :
« Si l'incident est soulevé devant une juridiction autre que le tribunal judiciaire ou la cour d'appel, il est sursis à statuer jusqu'au jugement sur le faux à moins que la pièce litigieuse ne soit écartée du débat lorsqu'il peut être statué au principal sans en tenir compte.
Il est procédé à l'inscription de faux comme il est dit aux articles 314 à 316. L'acte d'inscription de faux doit être remis au greffe du tribunal judiciaire dans le mois de la décision de sursis à statuer, faute de quoi il est passé outre à l'incident et l'acte litigieux est réputé reconnu entre les parties. »
Il résulte des
articles 211-3-26 et L.213-6 du code de l'organisation judiciaire🏛 et 286 du code de procédure civile que le tribunal judiciaire, et non le juge de l'exécution, a compétence exclusive en matière d'inscription de faux contre les actes authentiques. L'article 313 du code de procédure civile est donc bien applicable devant le juge de l'exécution, qui doit alors surseoir à statuer dans l'attente du jugement du tribunal judiciaire sur le faux. En revanche, il ne l'est pas devant la cour d'appel, même lorsqu'elle statue avec les pouvoirs du juge de l'exécution.
Cependant, selon l'article 74 du code de procédure civile, les exceptions de procédure doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, et ce même si la règle invoquée est d'ordre public.
Si l'incident de faux est une défense au fond et non une exception de procédure, il n'en est pas de même de la demande de sursis à statuer. Il résulte en effet de l'
article 73 du même code🏛 que la demande de sursis à statuer est une exception de procédure en ce qu'elle tend à suspendre le cours de la procédure. Elle doit donc, à peine d'irrecevabilité, être formée in limine litis, et ce même si elle se rapporte à une inscription de faux incidente qui oblige le juge à surseoir à statuer.
En l'espèce, il ressort de l'assignation devant le juge de l'exécution en date du 8 décembre 2021 que la société Pinus Cembra Limited demandait la nullité du procès-verbal de saisie-vente et des dommages-intérêts pour abus de saisie, et à titre subsidiaire, la distraction des meubles saisis. Mais elle n'a formé aucune demande de sursis à statuer, alors même qu'elle indique dans son assignation qu'une déclaration d'inscription de faux a été déposée au greffe du tribunal judiciaire de Paris. Il est constant que l'inscription de faux a, en réalité, été déposée au tribunal judiciaire le 16 décembre 2021 et notifiée à la société CVML et à Me [W], huissier de justice, le 17 janvier 2022.
Il convient dès lors de déterminer si la société Pinus Cembra Limited a, en cours d'instance, présenté sa demande de sursis à statuer in limine litis.
S'agissant d'une procédure orale devant le juge de l'exécution, la cour a sollicité les notes de d'audience du greffier, qui priment sur les conclusions déposées par les parties, et les a obtenues. Il en résulte qu'aucune demande n'a été formulée lors des deux premières audiences et qu'à la troisième audience du 20 avril 2022 lors de laquelle l'affaire a été plaidée, le greffier a noté s'agissant de la demanderesse :
« L.121-2 CPCE
Demande mainlevée saisie-vente
Biens saisis : n'appartiennent pas tous au demandeur.
Requête en inscription de faux : A.313 CPC
Soulève cet élément in limine litis.
Demande de sursis à statuer dans l'attente du jugement à titre principal sur l'inscription de faux.
[...]»
Contrairement à ce que soutiennent les intimés, il s'agit bien d'une inscription de faux incidente et non d'une inscription de faux principale, en ce que l'acte vise l'
article 306 du code de procédure civile🏛 et se réfère à la procédure engagée devant le juge de l'exécution en contestation de la saisie-vente. La mention « à titre principal » figurant sur les notes d'audience ne se rattache vraisemblablement pas à l'inscription de faux mais à la demande de sursis à statuer et le greffier a bien mentionné le fondement de la demande de sursis à statuer, à savoir l'article 313 du code de procédure civile, relatif à l'inscription de faux incidente.
En revanche, contrairement à ce qui a été soutenu à l'audience, et a été noté scrupuleusement par le greffier, et contrairement à ce que soutient l'appelante, la demande de sursis à statuer n'a pas été formulée in limine litis, puisque la note du greffier débute par les demandes au fond et se poursuit par ce qui concerne l'inscription de faux et le sursis à statuer.
C'est donc à juste titre que le premier juge a estimé irrecevable la demande de sursis à statuer. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Cependant, à hauteur d'appel, l'article 313 du code de procédure civile n'est pas applicable, puisque la cour d'appel peut examiner elle-même les inscriptions de faux incidentes, de sorte qu'il n'y a pas lieu pour la cour de surseoir à statuer. Et force est de constater que la société Pinus Cembra ne demande pas à la cour de statuer sur le faux.
Sur la recevabilité des demandes de nullité, de mainlevée et de dommages-intérêts
Me [W] fait valoir que la société Pinus Cembra Limited est irrecevable en sa contestation de la régularité de la saisie-vente, cette action n'étant ouverte qu'au débiteur, Aa. [E] ; que l'article L.121-2 du code des procédures civiles d'exécution est également inapplicable ; que la seule action ouverte aux tiers est la distraction des objets saisis en application de l'
article R.221-51 du code des procédures civiles d'exécution🏛 ; et qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge de l'exécution de se prononcer sur une action en responsabilité formée par un tiers à la saisie.
La société CVML soutient également qu'en vertu de l'
article R.221-54 du code des procédures civiles d'exécution🏛 et de la jurisprudence de la Cour de cassation, seul le débiteur peut alléguer des vices de forme ou de fond, de sorte que la société Pinus Cembra Limited, tiers aux poursuites, n'est pas recevable à invoquer la nullité de la saisie-vente, ni le caractère abusif de la saisie.
La société Pinus Cembra Limited répond que, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, les dispositions de l'article L.121-2 du code des procédures civiles d'exécution peuvent être invoquées par toute personne qui y a intérêt, en particulier celui qui se voit saisir ses meubles par le prétendu créancier de son bailleur alors que la saisie-vente est irrégulière, puisqu'il n'existe aucune restriction légale pour les tiers, de sorte que sa demande de mainlevée est recevable.
Il n'est pas contestable, et plus vraiment contesté à hauteur d'appel, que seul le débiteur saisi a qualité pour invoquer la nullité de la saisie-vente. Le tiers à la saisie, qui se prétend propriétaire des meubles saisis, dispose d'une action en distraction en vertu de l'article R.221-51 du code des procédures civiles d'exécution, mais n'a pas qualité pour demander l'annulation de la saisie. La seule action en nullité de la saisie-vente ouverte au tiers, notamment au locataire, est celle fondée sur l'insaisissabilité des biens compris dans la saisie en application des
articles R.221-53 et R.221-54 du même code🏛, mais les différents moyens de nullité invoqués par l'appelante (irrégularité de la signification à M. [Aa] du titre exécutoire, du commandement et du procès-verbal de saisie-vente) sont sans rapport avec le caractère saisissable ou non des biens saisis et ne peuvent être soulevés que par le débiteur.
C'est donc à bon droit que le juge de l'exécution a estimé irrecevable la contestation de la régularité du procès-verbal de saisie-vente.
Aux termes de l'article L.121-2 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts.
Les termes généraux de ces dispositions ne sauraient permettre à la société Pinus Cembra Limited, tiers à la saisie, de les invoquer, puisque d'une part, le code des procédures civiles d'exécution régit avant tout les rapports entre créanciers et débiteurs et les tiers n'y sont visés qu'à titre exceptionnel, d'autre part, les moyens allégués par l'appelante à l'appui de ses demandes de mainlevée et de dommages-intérêts pour saisie abusive sont strictement identiques à ceux tendant à l'annulation de la saisie. Force est de constater que la société Pinus Cembra Limited, consciente de ce qu'elle est irrecevable à invoquer l'irrégularité de la saisie-vente, tente néanmoins de faire examiner ses moyens de nullité par le juge de l'exécution, puis la cour d'appel, en vue d'obtenir la mainlevée de la saisie sur le fondement erroné de l'article L.121-2. En outre, c'est à juste titre que le premier juge a retenu que la demande indemnitaire formée sur le même fondement n'était qu'accessoire à la demande de mainlevée, de sorte qu'elle devait subir le même sort.
Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de mainlevée et de dommages-intérêts de la société Pinus Cembra Limited.
Sur la recevabilité de la demande de distraction
Sur la fin de non-recevoir soulevée d'office par la cour, la société Pinus Cembra Limited fait valoir que l'article 553 du code de procédure civile ne s'applique pas en l'espèce, car M. [Aa], qui n'est pas mentionné sur la décision, n'était pas partie au jugement, et que selon l'article 547 du même code, seuls sont intimés ceux qui étaient parties en première instance.
La société CVML répond que le jugement mentionne que M. [Aa] a été assigné en intervention forcée pour satisfaire aux dispositions de l'article R.221-51 du code des procédures civiles d'exécution.
M. [W] soutient que la demande de distraction est irrecevable en ce que M. [Aa], débiteur, n'a pas été intimé.
L'article R.221-51 du code de procédure civile dispose :
« Le tiers qui se prétend propriétaire d'un bien saisi peut demander au juge de l'exécution d'en ordonner la distraction.
A peine d'irrecevabilité, la demande précise les éléments sur lesquels se fonde le droit de propriété invoqué.
Le créancier saisissant met en cause les créanciers opposants. Le débiteur saisi est entendu ou appelé. »
Il résulte de l'alinéa 3 qu'il existe, en matière de distraction des biens saisis, un lien d'indivisibilité entre toutes les parties, de sorte qu'en application de l'article 553 du code de procédure civile, l'appel de l'une des parties à l'instance devant le juge de l'exécution doit être formé contre toutes les autres, à peine d'irrecevabilité de la demande de distraction.
En l'espèce, il résulte du jugement dont appel que M. [Aa], débiteur saisi, a été assigné en intervention forcée pour satisfaire aux prescriptions de l'article R.221-51, et n'a pas comparu. Le fait que le greffier ait omis de le mentionner parmi les parties sur la première page du jugement ne change rien au fait qu'ayant été assigné devant le juge de l'exécution, M. [Aa] était nécessairement partie à l'instance, et ce même si, d'après l'appelante, le délai de comparution n'a pas été respecté le concernant, s'agissant d'une partie demeurant à l'étranger et cité à parquet.
Or il est constant que M. [Aa] n'a pas été intimé devant la cour d'appel.
La demande de distraction est donc irrecevable devant la cour.
Sur les dommages-intérêts
1) Sur la demande de dommages-intérêts de la société Pinus Cembra Limited
La société Pinus Cembra Limited sollicite la condamnation de la société CVML et de Me [W] au paiement de la somme de 252 euros en remboursement de la facture du serrurier et 15.000 euros chacun au titre de son préjudice moral, sur le fondement de l'article 1240 du code civil.
Toutefois, elle ne donne aucune explication sur cette demande dans le corps de ses conclusions, et n'explicite donc ni ses préjudices personnels ni les fautes qui seraient à l'origine des préjudices allégués.
Il convient donc de la débouter de cette demande.
2) Sur la demande de dommages-intérêts de la société CVML
La société CVML demande la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société Pinus Cembra Limited à lui payer la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et sollicite en outre à hauteur d'appel la somme de 10.000 euros à ce titre, faisant valoir que l'action de celle-ci ne vise qu'à faire obstacle à l'exécution de la décision rendue à l'encontre de M. [Aa], avec lequel il existe une collusion frauduleuse et qui cherche à organiser son insolvabilité.
Pour statuer ainsi, le juge de l'exécution s'est référé à ses motifs sur le rejet de la demande de distraction, à savoir le caractère fictif du contrat de location et du contrat de vente des meubles.
Le premier juge a fait une exacte appréciation de la cause en retenant le caractère fictif du bail conclu entre M. [Aa] et la société Pinus Cembra Limited, laquelle ne démontre pas l'occupation effective du local et ne peut donc bénéficier de la présomption de l'article 2276 du code civil, et en déniant toute force probante au contrat de vente de meubles prétendument conclu entre M. [Aa] et la société Pinus Cembra Limited en 2019, dont il a été fait état seulement dans les dernières conclusions de la demanderesse, alors qu'elle invoquait initialement l'application de la présomption de propriété mobilière et ne prouve pas qu'elle a payé le prix et que les biens font partie de ses actifs.
Ainsi, les demandes de la société Pinus Cembra Limited ne sont pas seulement irrecevables ou mal fondées, elles revêtent un caractère abusif en ce qu'elles reposent sur des éléments mensongers et tendent uniquement à faire échec à l'exécution de la décision visant M. [Aa], alors qu'en vertu de l'
article 123-1 du code des procédures civiles d'exécution🏛, les tiers ne peuvent faire obstacle aux procédures engagées en vue de l'exécution.
En outre, la société CVML apporte la preuve de ce que M. [Aa], qui est avocat, a été omis du barreau de Paris depuis 2019, mais qu'il s'est néanmoins présenté à l'audience de référé du premier président, saisi d'une demande de sursis à exécution du jugement dont appel, comme étant l'avocat de la société Pinus Cembra Limited, ce qui confirme de plus fort la collusion existant entre eux.
Dans ces conditions, il convient de confirmer la condamnation prononcée par le juge de l'exécution et de condamner la société Pinus Cembra Limited à payer au créancier une somme supplémentaire de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.
3) Sur la demande de dommages-intérêts de Me [W]
Me [W], commissaire de justice, demande la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société Pinus Cembra Limited à lui payer la somme de 3.500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et sollicite à hauteur d'appel la somme complémentaire de 12.000 euros à ce titre, faisant valoir qu'il est manifeste que la société Pinus Cembra Limited plaide non pas pour son intérêt personnel mais pour celui du débiteur, qui cherche par tous moyens à se soustraire à ses obligations, notamment en l'injuriant, le menaçant et l'accusant de falsifier des déclarations dans son acte, ce qui porte atteinte à son honneur et à sa probité.
Le premier juge a retenu très justement que la mise en cause de cet officier ministériel n'était nullement nécessaire à la solution du litige relativement à la propriété des biens saisis et que sa probité avait été critiquée sans preuve, de sorte que l'action dirigée contre lui, qui présentait un caractère inutile et vexatoire, était abusive. La condamnation de la société Pinus Cembra Limited au paiement de la somme de 3.500 euros à titre de dommages-intérêts est parfaitement justifiée et sera confirmée.
L'appelante, plutôt que d'intimer M. [Aa], débiteur saisi, à l'appui de sa demande de distraction, a préféré intimer l'huissier de justice et persister, à hauteur d'appel, dans ses calomnies inutiles, sans réitérer toutes les critiques outrancières relevées par le juge de l'exécution, mais en ajoutant des moqueries désobligeantes et injustifiées (au sujet de l'article publié par Me [W] à la Gazette du Palais en 2013).
L'attitude de la société Pinus Cembra Limited, qui en sa qualité de tiers devrait s'abstenir de tout commentaire sur la régularité de l'acte d'huissier signifié à M. [Aa] et ne défendre que ses intérêts propres, abuse encore, devant la cour, de son droit d'ester en justice par ses accusations vexatoires et inutiles envers l'officier ministériel, justifie de la condamner au paiement d'une somme complémentaire de 1.500 euros à titre de dommages-intérêts.
Sur les demandes accessoires
L'issue du litige commande de confirmer les condamnations accessoires de la société Pinus Cembra Limited et de la condamner aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de l'avocat du créancier, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'équité justifie de condamner l'appelante à payer à chacun des intimés la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.