Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 25 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens conformément à l'
article 455 du code de procédure civile🏛, Mme [Aa] épouse [D], appelante, demande à la cour de :
infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre le 10 mai 2019, en ce qu'il a rejeté l'intégralité des demandes par elle présentées, l'a condamnée aux dépens ainsi qu'à payer aux consorts [S] la somme de 1 000 euros au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
Et statuant à nouveau :
A titre principal,
constater l'existence de contrats de prêts octroyés par elle à M. [Ab] [S], M. [N] [Z] [S] et Mme [C] [S],
juger qu'elle a dûment fourni des commencements de preuves par écrit desdits prêts,
juger qu'elle s'est trouvée dans l'impossibilité morale de se procurer un écrit relatif auxdits prêts,
juger l'absence d'intention libérale de sa part,
juger le remboursement de M. [S] d'un montant de 1 500 euros le 13 août 2014,
En conséquence,
condamner solidairement M. [Ab] [S] et Mme [C] [S], en leur nom propre, au paiement de la somme de 107 172,09 euros à son profit, en remboursement desdits prêts,
A titre subsidiaire,
Vu l'enrichissement injustifié,
condamner solidairement M. [Ab] [S] et Mme [C] [S], en leur nom propre, au paiement de la somme de 107 172,09 euros au titre d'indemnisation de leur enrichissement injustifié corrélatif à son appauvrissement,
En tout état de cause,
condamner solidairement M. [Ab] [S] et Mme [C] [S], en leur nom propre à lui verser la somme de 65 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et du préjudice financier par elle subis depuis l'année 2013,
assortir le montant des condamnations de l'intérêt au taux légal à compter du 6 janvier 2016,
juger que les intérêts correspondants seront productifs d'intérêts par anatocisme, dans un délai de dix jours compter de la signification de l'arrêt à intervenir, conformément aux dispositions de l'
article 1154 (ancien) du code civil🏛,
condamner solidairement M. [Ab] [S] et Mme [C] [S], en leur nom propre, à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'
article 700 du code de procédure civile🏛,
condamner solidairement M. [Ab] [S] et Mme [C] [S], en leur nom propre, au paiement des entiers dépens conformément aux dispositions de l'
article 699 du code de procédure civile🏛, dont le montant sera recouvré par Maître Mélina Pedroletti.
Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe le 29 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens conformément à l'
article 455 du code de procédure civile🏛, M. [Ab] [S] et Mme [C] [S], intimés, demandent à la cour de :
déclarer irrecevable l'appel de Mme [Aa] épouse [D] en raison de la non régularisation de la présente procédure auprès des héritiers de M. [N] [Z] [S],
confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 10 mai 2019,
débouter Mme [Aa] épouse [D] de l'ensemble de ses demandes,
condamner Mme [Aa] épouse [D] à payer la somme de 3 000 euros au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 et aux entiers dépens conformément à l'
article 699 du code de procédure civile🏛.
A l'issue de l'audience, l'affaire a été mise en délibéré au 17 novembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, sur l'étendue de la saisine de la cour
La cour rappelle qu'en application des dispositions de l'
article 954 du code de procédure civile🏛, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions, pour autant qu'elles sont soutenues par des moyens développés dans la discussion, et qu'elle ne répond aux moyens que pour autant qu'ils donnent lieu à une prétention correspondante figurant au dispositif des conclusions.
Elle rappelle également que les « dire et juger » et les « constater » qui sont des rappels des moyens invoqués à l'appui des demandes, ne conférant pas -hormis les cas prévus par la loi- de droit à la partie qui les requiert, ne sont pas des prétentions.
Sur l'irrecevabilité de l'appel
Les intimés considèrent que l'appel de Mme [Aa] épouse [D] est irrecevable, faute pour cette dernière d'avoir, en suite de la constatation par le conseiller de la mise en état de l'interruption de l'instance du fait du décès de M. [N] [Z] [S], régularisé la procédure auprès de tous ses héritiers, et ce alors que dans le cadre de l'incident qu'elle a introduit pour avoir communication des éléments concernant les héritiers de M. [N] [Z] [S], elle s'est vu remettre l'acte d'état civil du Liban de la famille [S], d'où il ressort l'existence de quatre enfants : [M], [A], [T] et [Y]. Ils estiment que l'abandon de ses demandes à leur encontre en leur qualité d'héritiers qu'elle a formulé dans ses dernières conclusions constitue un subterfuge procédural, et n'a pas à être pris en compte, car leur portant préjudice. En effet, Mme [Aa] leur demande de supporter ce que les héritiers doivent supporter, ce qui n'a aucun sens selon eux.
Selon Mme [Aa] épouse [D], aucune irrecevabilité n'est encourue.
C'est du fait du comportement des intimés, soutient-elle, qu'il lui a été impossible, en dépit de toutes les démarches qu'elle a effectuées, de mettre en cause tous les héritiers de M. [N] [Z] [S]. M. [Ab] [S] et Mme [C] [S] ne lui ont en effet communiqué, malgré ses demandes, qu'un extrait de registre d'état civil de la famille, datant du 30 novembre 1984, mentionnant l'existence de 3 autres enfants en sus de M. [Ab] [S], et ont refusé de lui donner leurs adresses, qui sont possiblement situées en dehors du territoire français, au prétexte à l'évidence mensonger qu'ils n'en avaient pas connaissance. En toute hypothèse, ajoute-t-elle, ces poursuites seraient vaines, puisque d'après les explications données par les intimés, la succession M. [N] [Z] [S] n'a en fait jamais été ouverte. Dans ces conditions, elle ne maintient plus ses demandes qu'à l'encontre de M. [Ab] [S] et de Mme [C] [S] personnellement, poursuivant, en cause d'appel, les demandes qu'elle a dirigées à leur encontre, personnellement, en première instance, et qui ne sont en rien affectées par le décès de M. [N] [Z] [S], observation faite que les sommes qu'elle a versées aux parents de M. [Ab] [S] constituent bien des dettes personnelles de Mme [C] [S], eu égard d'une part, au fait qu'elle a joui personnellement de ces sommes, et d'autre part, à la solidarité des dettes ménagères existant entre les époux.
Il est rappelé que Mme [Aa] épouse [D], appelante, a intimé Mme [C] [S], M. [Ab] [S] et M. [N] [Z] [S].
La notification du décès de ce dernier a interrompu l'instance d'appel, au profit de ses héritiers, jusqu'à sa reprise par leur mise en cause.
La validité de la reprise de l'instance n'étant pas, dans la présente instance, conditionnée à une reprise à l'encontre de tous les ayants cause à titre universel, la reprise pouvait valablement être opérée contre une partie seulement des héritiers de M. [N] [Z] [S], et en tout état de cause, la partie appelante a renoncé à toute prétention à l'encontre de M. [N] [Z] [S], donc, désormais, des héritiers de celui-ci.
L'interruption de l'instance résultant du décès de M. [N] [Z] [S] est sans effet sur la poursuite de la procédure à l'égard des autres parties, soit M. [Ab] [S] et Mme [C] [S], qui ont été intimés en leur nom personnel, avant d'être assignés en reprise d'instance en leur qualité d'héritiers, étant précisé que contrairement à ce que soutient la partie intimée, il convient de distinguer la mise en cause à titre personnel de celle ès qualités d'ayant-droit d'une partie décédée.
Le fait que tous les héritiers de M. [N] [Z] [S] n'aient pas été appelés dans la cause ne rend en rien l'appel de Mme Mme [Aa] épouse [D] à l'encontre de M. [Ab] [S] et de Mme [C] [S] irrecevable.
Il sera seulement constaté qu'aucune demande n'est plus formulée à l'encontre de M. [N] [Z] [S], et en conséquence à l'encontre de ses ayant-droits.
Sur l'existence des prêts
Mme [Aa] épouse [D] soutient qu'elle a prêté à M. [Ab] [S] et à sa famille plusieurs sommes, selon des modalités diverses, et en réclame le remboursement à hauteur 107 172,09 euros, après déduction d'un premier remboursement de 1 500 euros effectué dit-elle par M. [Ab] [S]. Aux termes de ses explications, ces sommes résultent :
d'un retrait de son coffre de 19 000 euros,
de versements effectués au profit de Direct Energie, pour un montant total de 487 euros, en règlement de l'électricité des parents de M. [Ab] [S], à qui elle avait fourni ses codes d'accès afin de le laisser procéder à des virements automatiques depuis son compte bancaire,
d'une avance directe de 4 000 euros,
des intérêts et frais, à hauteur de 5 251,15 euros, occasionnés par un emprunt Sofinco qu'elle a souscrit au mois de juillet 2013, pour pouvoir financer les demandes répétées de M. [Ab] [S], qui s'était vu refuser un crédit,
de chèques, pour un montant total de 61 624,01 euros, établis, par M. [Ab] [S] lui-même, à son profit, au profit de Clamart Habitat en règlement de ses loyers, au profit de Ad. [Z] [S], son fils, au profit de son père et au profit de sa mère,
de divers retraits effectués dans des distributeurs, avec sa carte bancaire, soit par elle-même soit par M. [Ab] [S], pour un montant total de 3 800 euros,
de retraits effectués aux guichets, pour un montant total de 8 500 euros,
de divers paiements effectués pour un montant total de 6 009,93 euros par M. [Ab] [S] à qui elle avait prêté sa carte bancaire.
La remise de fonds, fait-elle valoir, est pleinement établie par les messages qu'elle a échangés avec M. [Ab] [S] du 28 janvier 2013 au 3 juin 2015, et est en tout état de cause expressément reconnue par les intimés dans leurs écritures. Elle n'avait nullement l'intention de donner ces sommes litigieuses, soutient-elle, et l'absence d'intention libérale de sa part ressort très clairement et explicitement de ces mêmes messages, comme il en ressort également tout aussi clairement que M. [Ab] [S] lui avait promis à de nombreuses reprises de les lui rembourser. Des attestations de ses proches, au surplus, insistent sur le fait qu'au regard de son train de vie, il était impossible de considérer les sommes prêtées comme des dons, ces transferts d'argent ayant pour effet de la ruiner totalement.
Mme [Aa] épouse [D] déclare disposer de plusieurs commencements de preuve par écrit : à savoir un chèque de 1 500 euros, déposé le 13 août 2014, émanant de M. [Ab] [S], au titre d'un premier remboursement des sommes prêtées, obtenu sur son insistance, ainsi que de nombreux messages relatifs à des demandes d'argent et des demandes de restitution. Au surplus, elle soutient qu'elle était dans l'impossibilité morale de se procurer un écrit relatif aux différents prêts qu'elle a consentis à M. [Ab] [S] et à ses parents.
La relation amoureuse qu'elle a entretenue pendant plus de deux années avec celui-ci a impliqué explique-t-elle une très grande intimité, et une confiance certaine de sa part, et il est donc 'avéré et évident' que cette relation ne lui a pas permis de faire établir des écrits relatifs aux prêts consentis, d'autant que s'y ajoutaient des engagements répétés de remboursement de la part de M. [Ab] [S]. Des attestations qu'elle verse aux débats, confirment, dit-elle, qu'elle s'est trouvée dans une situation de faiblesse par rapport à l'emprise sentimentale, voire violente, qu'exerçait M. [Ab] [S] à son égard, ce qui l'a empêchée d'obtenir une quelconque reconnaissance de dette de sa part. S'agissant des parents de M. [Ab] [S], elle estime que le tribunal s'est contredit dans sa motivation, en se fondant, pour rejeter l'impossibilité morale de se procurer un écrit de leur part sur le fait qu'elle ne les avait jamais rencontrés : il aurait dû en effet en déduire qu'elle était dans l'impossibilité matérielle de se procurer un écrit. En outre, soutient-elle, elle était bien dans une impossibilité morale solliciter un écrit de leur part, compte tenu de la relation qu'elle entretenait avec leur fils, qui était le lien entre eux.
Les intimés objectent que si Mme [Aa] épouse [D] a, durant leur relation, fait don à plusieurs reprises de certaines sommes d'argent à M. [Ab] [S], et si elle a également réglé quelques factures à ses parents, qu'elle voulait à cette époque considérer comme ses beaux-parents, il n'est pas prouvé que M. [Ab] [S] est effectivement à l'origine de tous les actes qu'elle invoque ( utilisation de la carte bleue, chèques au profit de fournisseurs, retraits aux distributeurs automatiques, virements au profit de la société Direct Energie).
En outre, Mme [Aa] épouse [D], qui prétend avoir prêté plus de 100 000 euros à Ab. [Y] [S], et qui ne présente aucun document écrit attestant le prêt de ces sommes, n'a à aucun moment laissé entendre qu'elle en attendait le remboursement, ni formulé, explicitement ou implicitement, que ces libéralités étaient en réalité des prêts, ce qu'elle n'a fait que lorsque la relation s'est dégradée. Le prétendu remboursement de 1 500 euros s'inscrit dans les relations entre les deux parties, Mme [Aa] épouse [Ac] ayant demandé un soutien financier, quant aux SMS apportés par l'appelante, ils ne rendent pas vraisemblables les faits allégués : aucun des SMS en provenance de M. [Ab] [S] ne laisse envisager qu'il y avait entre les protagonistes un quelconque prêt. Par ailleurs, la prétendue impossibilité morale de passer un acte écrit dont elle se prévaut n'est pas démontrée.
Ceci étant exposé, le tribunal a parfaitement rappelé les règles applicables à la preuve du contrat de prêt, à savoir que :
En application de l'
article 1315 du code civil🏛 dans sa rédaction antérieure à l'
ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016🏛, applicable à l'espèce, eu égard à la date à laquelle les prêts, à les supposer établis, ont été consentis par l'appelante, et de l'
article 1892 du même code🏛, il appartient à celui qui se prévaut de l'existence d'un prêt, et agit en restitution de la somme prêtée, d'établir, d'une part, la remise de la chose, en l'occurrence des fonds, et d'autre part, l'intention de prêter, rappel étant fait que l'absence d'intention libérale de celui qui agit en restitution n'est pas susceptible d'établir à elle seule l'obligation de restitution.
En vertu des
articles 1341 et suivants du code civil🏛, dans leur rédaction applicable au litige, cette preuve peut être apportée par tout moyen lorsque la somme prêtée est inférieure ou égale à 1 500 euros, et doit être apportée par écrit lorsque la somme prêtée excède 1 500 euros.
Cette règle reçoit toutefois exception lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit, à savoir tout acte par écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée, ou de celui qu'il représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué.
Elle reçoit encore exception lorsque l'une des parties n'a pas eu la possibilité matérielle ou morale de se procurer une preuve littérale de l'acte juridique.
Enfin, il est de principe que nul ne peut se constituer de preuve à lui-même.
En premier lieu, les intimés ne reconnaissent que des remises de sommes d'argent à M. [Ab] [S], étant relevé que l'appelante produit des copies de chèques qui le confirment, et le règlement de factures au bénéfice des parents de celui-ci, et non pas l'intégralité des paiements que l'appelante soutient avoir effectués au bénéfice de M. [Ab] [S], et qu'il lui appartient en conséquence de démontrer.
En deuxième lieu, Mme [Aa] épouse [D] doit rapporter la preuve de l'intention de prêter, laquelle doit procéder d'une commune intention des parties au moment de la remise de la chose, et non pas résulter d'une décision ultérieure prise unilatéralement.
Mme [Aa] épouse [D] se prévaut de commencements de preuve par écrit, et en premier lieu d'un chèque émis par M. [Ab] [S] en remboursement, selon elle, d'une partie des sommes empruntées. Force est cependant de constater qu'il n'est produit aucune copie du dit chèque, mais seulement la copie d'un bordereau de remise de chèque, de sorte qu'il n'y a pas d'écrit émanant de M. [Ab] [S], susceptible d'être qualifié de commencement de preuve par écrit. Au demeurant, le seul fait d'établir un chèque ne rend pas vraisemblable l'existence d'un prêt, un chèque pouvant être établi pour tout autre motif que le remboursement d'un prêt.
Quant aux messages échangés entre M. [Ab] [S] et Mme [Aa] épouse [D], quoi qu'en dise cette dernière, ils ne mentionnent, comme l'a justement relevé le tribunal, aucun engagement de M. [Ab] [S] de restitution de fonds remis par Mme [Aa], ni ne font état d'aucune obligation en ce sens, seules des demandes de restitution étant présentées par Mme [Aa] épouse [Ac] à l'époque où leur relation a pris fin, sans réponse précise de son interlocuteur. Nonobstant ce que soutient l'appelante, le message envoyé le 2 avril 2015 par Ab. [Y] [S] en ces termes : ' Je vais faire au mieux.
Je ne suis pas là pour te faire marron donc arrête', quand bien même il fait suite à une demande de remboursement de Mme [Aa] comme celle-ci le souligne, ne peut valoir engagement de restitution de fonds reçus à titre de prêt, comme l'a parfaitement apprécié le tribunal. Enfin, c'est en vain que l'appelante s'appuie sur le fait que M. [Ab] [S] ne précise à aucun moment dans ses messages qu'il ne lui devrait pas d'argent, en faisant valoir que 's'il ne s'estimait pas redevable, il aurait manifesté sa position sur ce point et aurait, à tout le moins, indiqué qu'il ne procéderait pas à une restitution, quelle qu'elle soit', alors que c'est à elle qu'il revient de produire un écrit de M. [Ab] [S] rendant vraisemblable le fait allégué, ce qui n'est en rien le cas d'une absence d'écrit sur ce sujet.
C'est à raison, que le premier juge a retenu que Mme [Aa] épouse [D] ne versait aucun écrit de nature à constituer un commencement de preuve par écrit de l'obligation de restitution alléguée, et en l'absence de commencement de preuve par écrit, les témoignages produits par l'appelante ne sont pas des moyens de preuve recevables.
S'agissant de l'impossibilité alléguée de se procurer un écrit, il sera d'abord relevé que l'appelante ne peut soutenir tout à la fois, fût ce implicitement en leur en demandant - à Mme seule à hauteur d'appel - le remboursement, qu'elle a conclu un contrat de prêt avec les parents de M. [Ab] [S], ce qui supposait, à tout le moins, une commune intention des parties, et qu'elle était matériellement dans l'impossibilité de se procurer un écrit de leur part, puisqu'elle ne les connaissait pas et qu'ils ne connaissaient pas son existence.
Ensuite, il sera rappelé que nonobstant ce que prétend Mme [Aa] épouse [D], le seul constat de l'existence d'une relation sentimentale entre les parties n'exclut pas 'nécessairement', selon le terme qu'elle emploie dans ses écritures la possibilité morale de solliciter un écrit, et il revient à l'appelante de justifier qu'il existait des circonstances particulières d'où résultait l'impossibilité alléguée.
Si les messages échangés entre les parties attestent qu'elles entretenaient une relation amoureuse, aucun élément objectif n'est produit par l'appelante, de nature à remettre en cause l'appréciation qu'a faite le premier juge, qui a relevé que la relation sentimentale qui avait lié les parties pendant deux ans n'avait pas donné lieu à une cohabitation, M. [Ab] [S] n'ayant jamais quitté son domicile conjugal, qu'aucun projet commun n'était avéré, que les parties évoquaient librement les affaires commerciales de M. [Ab] [S], et qu'il n'existait aucun motif susceptible de rendre délicat le recours à un écrit, et en a déduit, à juste titre, qu'il n'était fait état ou justifié d'aucune circonstance propre à convaincre que Mme [Aa] épouse [D] n'aurait pu se procurer un écrit en cas de prêt consenti à M. [Ab] [S].
Par ailleurs, Mme [Aa] épouse [D] remet elle-même en cause la portée de ses affirmations concernant la très grande intimé qui existait entre elle et M. [Ab] [S], l'affection qui les unissait, et la confiance qu'elle avait en lui du fait de leur relation amoureuse, qui aurait fait obstacle à l'établissement d'un écrit, en faisant état, en même temps, devant la cour, pour justifier de l'impossibilité morale qu'elle allègue, de l'emprise, voire de la violence, qu'exerçait M. [Ab] [S] à son égard, ce qui est pour le moins incompatible avec ses premières explications.
Les attestations de Mme [Ae] et de Mme [W] qu'elle verse à l'appui de ce deuxième motif, sont sans portée probante, ni l'une ni l'autre n'indiquant d'où elles tiennent les informations ou appréciations d'ordre général qu'elles livrent à la cour. Quant à Mme [Af], qui était la voisine de Mme [Aa] épouse [D], son témoignage concernant les faits auxquels elle a personnellement assisté n'est ni précis ni circonstancié, et il en ressort seulement qu'elle a 'parfois' entendu des éclats de voix de M. [Ab] [S], sans qu'il soit fait mention de paroles prononcées par celui-ci, ni indiqué dans quelles circonstances cela s'est produit.
Mme [Aa] épouse [D] échoue donc à caractériser l'impossibilité de se procurer un écrit dont elle se prévaut, de sorte qu'elle ne peut être dispensée de produire un commencement de preuve par écrit pour établir l'existence des contrats de prêt qu'elle allègue.
Le jugement déféré mérite confirmation en ce qu'il a considéré que la preuve des prêts n'était pas rapportée, et débouté Mme [Aa] épouse [D] de sa demande à ce titre.
Sur l'enrichissement sans cause
Mme [Aa] épouse [D] invoque, à titre subsidiaire, un enrichissement sans cause, sur le fondement des
articles 1303 et suivants du code civil🏛. Elle soutient que M. [Ab] [S] et ses parents se sont très largement enrichis à son détriment, puisqu'elle leur a remis des sommes très importantes, qui excédaient évidemment une participation normale aux dépenses de la vie courante, qui sont venues de ce fait enrichir leur patrimoine, et, corrélativement, appauvrir le sien, pour une somme établie à 107 172,09 euros. Aucune cause telle que contribution aux charges engendrées par la vie en commun, intention libérale ou existence d'un intérêt personnel de l'appauvri n'est de nature à justifier cet enrichissement.
Le tribunal s'est selon elle mépris sur la possibilité qui lui était offerte de se prévaloir d'arguments à titre subsidiaire : de tout temps, possibilité est offerte aux justiciables de compléter leurs demandes formées à titre principal par des demandes subsidiaires, et contrairement à ce qu'a affirmé le tribunal, elle n'a pas présenté des demandes subsidiaires fondées sur l'enrichissement sans cause pour suppléer sa carence dans l'administration de la preuve des prêts ; c'est donc à tort que les premiers juges ont avancé qu'elle ne pouvait se prévaloir d'un enrichissement injustifié à titre subsidiaire.
La partie intimée objecte qu'il ne saurait y avoir d'enrichissement sans cause, compte tenu de l'intention libérale avérée de Mme [Aa] épouse [D].
Pour rejeter la demande, le tribunal a notamment retenu que l'action en enrichissement sans cause ne pouvait être exercée par Mme [Aa] épouse [D] pour suppléer sa carence dans l'administration de la preuve des prêts sur le fondement desquels elle a expressément fondé sa demande principale.
Cette solution procède des termes de l'
article 1303-3 du code civil🏛, qui ne fait que reprendre la règle de droit antérieure, selon laquelle l'appauvri n'a pas d'action sur le fondement de l'enrichissement sans cause lorsqu'une autre action lui est ouverte, ou se heurte à un obstacle de droit, tel la prescription.
Ainsi, en matière de prêt, la partie qui n'apporte pas la preuve du contrat de prêt constituant l'unique fondement de son action principale en paiement ne peut être admise à pallier sa carence dans l'administration d'une telle preuve par l'exercice d'une action fondée sur l'enrichissement sans cause.
Mme [Aa] épouse [D], qui a échoué dans l'administration de la preuve du contrat de prêt sur lequel son action était fondée à titre principal, ne peut donc invoquer les règles gouvernant l'enrichissement sans cause.
C'est donc à raison que le tribunal a rejeté sa demande en paiement sur ce fondement subsidiaire.
Sur la demande de dommages et intérêts
Sur le fondement de l'
article 1240 du code civil🏛, Mme [Aa] épouse [D] sollicite la condamnation solidaire ( sic) des intimés au paiement de dommages et intérêts en réparation des préjudices par elle subis. Elle fait valoir qu'alors qu'elle a engagé l'intégralité de ses économies et de ses revenus dans sa relation avec M. [Ab] [S], à son unique profit et à celui de ses parents, et même eu recours à des emprunts, parce qu'elle souhaitait notamment l'aider à faire face à des dettes personnelles et à créer une nouvelle activité professionnelle, elle a en réalité été manipulée par son compagnon, dont le seul but était de profiter de ses ressources. Elle estime son préjudice financier à 15 000 euros, et son préjudice moral à 50 000 euros, compte tenu des agissements déplorables de M. [Ab] [S] et de ses parents, et de leur comportement des plus abjects, alors qu'elle pensait, légitimement et à juste titre, avoir rencontré un compagnon fiable avec lequel elle construirait un avenir pérenne.
Mme [Aa] épouse [D] n'apporte toutefois pas la preuve d'un comportement fautif de Ab. [Y] [S], et a fortiori de la mère de celui-ci, dont elle ne précise pas en quoi a consisté le comportement 'abject'. Il n'est pas démontré, notamment, que M. [Ab] [S] l'aurait manipulée dans le but d'obtenir des remises de fonds, ou la prise en charge de ses dépenses personnelles ou professionnelles, ni non plus qu'il lui aurait fait croire, de mauvaise foi, à un avenir commun.
Sa demande de dommages et intérêts ne peut donc prospérer, et le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il l'en a déboutée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Partie perdante, Mme [Aa] épouse [D] doit supporter les dépens de première instance et d'appel.
Aucune considération d'équité, ni tirée de la situation économique des parties, ne justifie de faire application une nouvelle fois en cause d'appel des dispositions de l'
article 700 du code de procédure civile🏛.