CONSEIL D'ETAT
Statuant au contentieux
N°
345639
SOCIETE GMF RECOUVREMENT
M. Olivier Gariazzo, Rapporteur
M. Frédéric Aladjidi, Rapporteur public
Séance du 8 avril 2013
Lecture du
24 avril 2013
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 janvier et 11 avril 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société GMF Recouvrement, dont le siège est 76, rue de Prony à Paris (75017) ; la société GMF Recouvrement demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 08PA06423 du 10 novembre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0306234/2 du 31 octobre 2008 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de contribution annuelle des institutions financières auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1996 et 1997 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le règlement n° 91-01 du 16 janvier 1991 relatif à l'établissement et à la publication des comptes annuels des établissements de crédit ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Gariazzo, Maître des Requêtes en service extraordinaire,
- les observations de Me Le Prado, avocat de la société GMF Recouvrement,
- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Le Prado, avocat de la société GMF Recouvrement ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société GMF Banque a, à compter de 1994, progressivement mis fin à son activité de distribution de crédit et a, le 30 octobre 1997, modifié sa dénomination, devenue " société GMF Recouvrement ", ainsi que son objet social, qui n'a plus été que le " recouvrement de créances issues de son activité bancaire préalable " ; que ses salariés ont été transférés à un autre établissement de crédit ou licenciés dans le cadre d'un plan social ; qu'elle a comptabilisé les charges afférentes à ce plan social en charges exceptionnelles ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices 1996 et 1997, l'administration fiscale, estimant que les charges en cause auraient dû être comptabilisées en charges de personnel, lui a réclamé des cotisations supplémentaires au titre de la contribution annuelle des institutions financières ; que la société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 10 novembre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, confirmant le jugement du tribunal administratif de Paris du 31 octobre 2008, a rejeté sa requête tendant à la décharge de ces cotisations supplémentaires ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 235 ter Y du code général des impôts alors en vigueur : " I. Les établissements de crédit (.) doivent acquitter une contribution annuelle sur certaines dépenses et charges comptabilisées au cours de l'année précédente. /(.) II. Cette contribution est assise sur les dépenses et charges comptabilisées au cours de l'année précédente au titre des frais de personnel, des travaux, fournitures et services extérieurs, des frais de transport et de déplacement, des frais divers de gestion et des amortissements des immeubles, matériels et véhicules utilisés pour les besoins de l'exploitation " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 58 K de l'annexe III au même code, alors en vigueur : " Les comptes correspondant aux dépenses et charges énumérées au II de l'article 235 ter Y du code général des impôts doivent, en ce qui concerne les établissements de crédit, être entendus selon les définitions données par le "règlement de la commission de contrôle des banques" dans ses dispositions applicables aux banques. " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour déterminer comment une charge doit être comptabilisée, il y a lieu de se reporter aux dispositions du règlement du 16 janvier 1991 relatif à l'établissement et à la publication des comptes annuels des établissements de crédit, dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée ;
3. Considérant que l'annexe 3 à ce règlement fixe la liste des postes et des sous-postes du compte de résultat ; que cette liste comporte, d'une part, un poste 6 " charges générales d'exploitation " avec un sous-poste " frais de personnel " et, d'autre part, un poste 12 " charges exceptionnelles " ; que l'annexe 4 au même règlement, qui commente les différents postes du compte de résultat, précise que le poste " charges générales d'exploitation " comprend " les frais de personnel, dont les salaires et traitements, la participation et l'intéressement des salariés, les charges sociales, les impôts et taxes afférents aux frais de personnel " et que le poste " charges exceptionnelles " comprend " exclusivement les charges qui surviennent de manière exceptionnelle et qui ne relèvent pas de l'activité courante de l'établissement " ;
4. Considérant qu'il ressort de l'arrêt attaqué que la cour a jugé que, faute pour les dispositions précitées d'opérer une distinction entre les dépenses de personnel selon qu'elles se rattachent, ou non, à l'activité courante des institutions financières, une indemnité de licenciement versée dans le cadre d'un plan social ne peut être comptabilisée qu'au sein du poste " charges de personnel " ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le plan social en cause revêtait un caractère exceptionnel ou relevait de l'activité courante de la société, la cour a commis une erreur de droit ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;
5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les indemnités de licenciement versées par la société requérante l'ont été à l'occasion d'un plan social adopté dans le cadre de la cessation définitive de son activité et présentaient, de ce fait, un caractère exceptionnel ; qu'ainsi, elles ne constituaient pas, au sens des dispositions précitées de l'article 235 ter Y du code général des impôts, des charges de personnel incluses dans l'assiette de la contribution annuelle qu'elles prévoient ; que, dès lors, la société GMF Recouvrement est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de contribution annuelle des institutions financières mises à sa charge au titre des années 1996 et 1997 ;
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros que la société GMF Recouvrement demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 10 novembre 2010 et le jugement du tribunal administratif de Paris du 31 octobre 2008 sont annulés.
Article 2 : La société GMF Recouvrement est déchargée des cotisations supplémentaires de contribution annuelle des institutions financières auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1996 et 1997.
Article 3 : L'Etat versera à la société GMF Recouvrement la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société GMF Recouvrement et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré dans la séance du 8 avril 2013 où siégeaient : M. Alain Ménéménis, Président adjoint de la Section du Contentieux, présidant ; M. Thierry Tuot, M. Jean-Pierre Jouguelet, Présidents de sous-section ; M. Alain Christnacht, M. Jean-François Mary, Mme Eliane Chemla, M. Philippe Josse, M. Pierre Collin, Conseillers d'Etat et M. Olivier Gariazzo, Maître des Requêtes en service extraordinaire-rapporteur.