Jurisprudence : CE 3/8 SSR, 25-03-2013, n° 351822, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 3/8 SSR, 25-03-2013, n° 351822, mentionné aux tables du recueil Lebon

A3254KB7

Identifiant européen : ECLI:FR:CESSR:2013:351822.20130325

Identifiant Legifrance : CETATEXT000027225412

Référence

CE 3/8 SSR, 25-03-2013, n° 351822, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/8052742-ce-38-ssr-25032013-n-351822-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
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Abstract

Aux termes d'une décision rendue le 25 mars 2013, le Conseil d'Etat retient que le mandat ne comprenant pas la mention selon laquelle l'ensemble des actes de la procédure doit être envoyé au mandataire n'oblige pas l'administration à destiner ces actes au mandataire et non au contribuable ou à son ex-épouse, au titre d'une année d'imposition commune (CE 8° et 3° s-s-r., 25 mars 2013, n° 351822, mentionné aux tables du recueil Lebon).



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

351822

MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT
c/ M. Amar

M. Jean-Marc Anton, Rapporteur
Mme Nathalie Escaut, Rapporteur public

Séance du 11 mars 2013

Lecture du 25 mars 2013

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 8ème et 3ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 8ème sous-section de la Section du contentieux


Vu le pourvoi, enregistré le 10 août 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement ; il demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10PA05460 du 9 juin 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a déchargé M. Daniel Amar des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée et de contribution au remboursement de la dette sociale auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1994 et réformé le jugement n° 0015620 du 15 février 2007 du tribunal administratif de Paris en ce qu'il avait de contraire ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les conclusions présentées par M. Amar portant sur ces impositions ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 11 mars 2013, présentée pour M. Amar ;

Vu la convention du 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse tendant à éviter les doubles impositions ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Anton, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de M. Amar,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Monod, Colin, avocat de M. Amar ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant notamment sur l'année 1994, M. et Mme Amar ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ; que, par un arrêt du 12 février 2009, la cour administrative d'appel de Paris a déchargé M. Amar de l'ensemble des impositions, en droits et pénalités, auxquelles il a été assujetti ; que toutefois, par une décision n° 327163 du 27 octobre 2010, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt, en tant qu'il portait sur les impositions supplémentaires établies au titre de l'année 1994, et a renvoyé, dans cette mesure, le jugement de l'affaire à cette cour ; que, par l'arrêt attaqué du 9 juin 2011, la cour a déchargé M. Amar de ces impositions ;

2. Considérant que, pour faire droit aux conclusions du contribuable, la cour s'est fondée sur le motif tiré de ce que la réponse du 8 mars 1999 aux observations du contribuable ne pouvait être regardée comme ayant été, avant la mise en recouvrement des impositions, régulièrement notifiée à M. Amar à son domicile en Suisse ; que le ministre fait valoir qu'en statuant ainsi, la cour a insuffisamment motivé son arrêt dès lors qu'elle n'a pas répondu à son moyen tiré de la régularité de la procédure d'imposition en raison de la notification par l'administration de la même réponse au domicile situé à Paris où Mme Amar continuait de demeurer ;

3. Considérant, d'une part, que, lorsque le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur un pourvoi en cassation formé contre une décision juridictionnelle, annule cette décision et renvoie l'affaire aux juges du fond, ceux-ci restent saisis de l'ensemble des moyens soulevés depuis le début de la procédure et qui n'ont pas été expressément abandonnés ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour que l'administration, dans un mémoire du 3 mars 2011, s'est expressément référée à ses écritures déposées le 4 décembre 2007 s'agissant de l'acheminement de la lettre modèle n° 3926 comme du bien-fondé de la taxation sur l'intégralité de l'année 1994 ; qu'ainsi, contrairement à ce que le contribuable soutient, l'administration n'a pas abandonné, devant la juridiction de renvoi, ce moyen de défense ;

4. Considérant, d'autre part, que si M. Amar fait valoir qu'il relevait, à compter du 10 octobre 1994, des dispositions des a et b du 4 de l'article 6 du code général des impôts et aurait dû faire l'objet d'une imposition séparée, cette notification était adressée à M. et Mme Amar au titre de l'imposition commune dont ils ont fait l'objet à raison de leurs revenus de l'ensemble de l'année 1994 ; qu'ainsi, le moyen soulevé par l'administration et auquel la cour n'a pas répondu n'était pas dépourvu d'influence sur le règlement du litige dont elle était saisie ;

5. Considérant que, dès lors et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, le ministre est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

6. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire " ; qu'il y a lieu, par application de ces dispositions, de régler l'affaire au fond ;

7. Considérant qu'aux termes du 4 de l'article 6 du code général des impôts : " 4. Les époux font l'objet d'impositions distinctes : / a. Lorsqu'ils sont séparés de biens et ne vivent pas sous le même toit ; / b. Lorsqu'étant en instance de séparation de corps ou de divorce, ils ont été autorisés à avoir des résidences séparées (.) " ; qu'aux termes de l'article L. 54 A du livre des procédures fiscales : " (.) chacun des époux a qualité pour suivre les procédures relatives à l'impôt dû à raison de l'ensemble des revenus du foyer. Les déclarations, les réponses, les actes de procédure faits par l'un des conjoints ou notifiés à l'un d'eux sont opposables de plein droit à l'autre " ; qu'aux termes de l'article L. 57 du même livre dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (.) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée " ;

8. Considérant, en premier lieu, que si le tribunal administratif de Paris n'a pas mentionné les dispositions du b du 4 de l'article 6 du code général des impôts, il a toutefois fait application de ces dispositions en relevant que la convention temporaire annexée à l'ordonnance d'instance de divorce du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris du 10 octobre 1994 déclarant exécutoire cette convention ne mentionnait aucune date s'agissant de l'éventuelle séparation des époux et que l'adresse qu'elle comportait comme étant la future résidence de M. Amar était celle du siège de la société dont il était le gérant ; qu'il a ainsi suffisamment motivé son jugement ;

9. Considérant, en deuxième lieu et d'une part, que si M. Amar soutient qu'il relevait, à compter du 10 octobre 1994, des dispositions du b du 4 de l'article 6 du code général des impôts et aurait ainsi dû faire l'objet d'une imposition séparée, il résulte de l'instruction qu'il a souscrit le 1er février 1995 la déclaration de revenus correspondant à l'année 1994, libellée au nom de M. ou Mme Amar et spécifiant l'existence d'un foyer fiscal unique composé des deux époux et de leurs trois enfants mineurs, sans avoir fait valoir que sa situation familiale avait changé au cours de l'année 1994 ni présenté de réclamation relative à un tel changement ; que s'il se prévaut, pour faire obstacle à cette déclaration que l'administration lui oppose, du fait que le jugement de divorce intervenu le 14 avril 1995 sur demande conjointe des époux fait état d'une résidence séparée intervenue le 10 octobre 1994, cette date correspond à celle de l'ordonnance par laquelle le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris les a autorisés à résider séparément, sans pour autant compléter la convention temporaire en ce qu'elle devait fixer la date à laquelle M. Amar s'engageait à libérer les lieux à compter d'une date qui devait être précisée ; que l'indication manuscrite portée sur le registre d'état civil de M. Amar et faisant état d'une décision de résidence séparée du 10 octobre 1994, dont la mention n'était au demeurant pas prescrite par le jugement de divorce, se borne à faire état de la date de l'ordonnance du juge aux affaires familiales et n'a ni pour objet, ni pour effet d'attester que la date de résidence séparée aurait été fixée au 10 octobre 1994 ;

10. Considérant que, d'autre part, le contribuable, qui n'apporte pas d'éléments de nature à établir qu'il ne vivait plus sous le même toit que son épouse à compter de cette date, n'est pas fondé à soutenir que sa situation était régie par les dispositions du a du 4 de l'article 6 du code général des impôts ; que, dès lors, les moyens que soulève M. Amar, tirés de l'impossibilité à l'assujettir à une imposition commune à celle de son ex-épouse au titre de la période du 10 octobre au 31 décembre 1994, ne peuvent qu'être écartés ;

1
1. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu à raison de l'ensemble de leurs revenus. / Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française. " ; qu'aux termes de l'article 4 B du même code : " Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a. les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; / b. celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; / c. celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques " ; qu'il résulte de l'instruction qu'au titre de l'année 1994, l'épouse de M. Amar et leurs trois enfants mineurs résidaient dans un immeuble à Paris ; que, dans ces conditions, M. Amar doit être regardé comme ayant eu en France son foyer, au sens des dispositions précitées du a de l'article 4 B du code général des impôts, au titre de l'année 1994 ; qu'en outre, il avait en France le centre de ses intérêts économiques ; que, par suite, M. Amar était passible de l'impôt sur le revenu en France, à moins qu'il n'établisse son droit à se prévaloir de la convention conclue entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions ;

12. Considérant que l'article 4 de la convention du 9 septembre 1966 conclue entre la France et la Suisse stipule : " 1. Au sens de la présente convention, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. / 2. Lorsque, selon la disposition du paragraphe 1, une personne physique est considérée comme résident de chacun des Etats contractants, le cas est résolu d'après les règles suivantes : a. Cette personne est considérée comme résident de l'Etat contractant où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent, cette expression désignant le centre des intérêts vitaux, c'est-à-dire le lieu avec lequel ses relations personnelles sont les plus étroites ; /. " ; que, dès lors qu'il n'est pas établi que l'intéressé avait quitté le foyer conjugal avant le 1er janvier 1995, M. Amar doit être regardé comme ayant eu en France le centre de ses intérêts vitaux au sens de ces stipulations ; qu'il résulte de ce qui précède que, durant la totalité de l'année 1994, il était imposable en France à raison de l'ensemble de ses revenus ;

13. Considérant, en quatrième lieu, que le législateur a, par les dispositions précitées de l'article L. 54 A du livre des procédures fiscales, entendu donner à chacun des époux qualité pour suivre les procédures relatives à l'imposition commune due à raison de l'ensemble des revenus du foyer, quand bien même les intéressés seraient, à la date de ces procédures, séparés ou divorcés ; que les réponses relatives à cette imposition commune et notifiées à l'un des époux sont opposables de plein droit à l'autre ; que, d'une part, les pièces de procédure en tant qu'elles concernent l'année 1994 ont été régulièrement adressées à M. et Mme Amar ; que, d'autre part, il résulte de l'instruction que la réponse de l'administration du 8 mars 1999 aux observations de M. Amar a, contrairement à ce que celui-ci soutient, été régulièrement notifiée au domicile situé à Paris, à l'adresse mentionnée sur la déclaration conjointe de revenus et où Mme Amar continuait de demeurer ; que cette réponse était relative à l'imposition due à raison de l'ensemble des revenus du foyer fiscal ; qu'il en résulte que le moyen tiré de la notification irrégulière de cette réponse à son domicile situé à Paris doit être écarté ;

14. Considérant, enfin, que, pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, lorsque le mandat donné à un conseil ou à tout autre mandataire par un contribuable pour l'assister dans ses relations avec l'administration ne contient aucune mention expresse habilitant le mandataire à recevoir l'ensemble des actes de la procédure d'imposition, ce mandat n'emporte pas élection de domicile auprès de ce mandataire ; que, dans ce cas, l'administration n'entache pas la procédure d'imposition d'irrégularité en notifiant l'ensemble des actes de la procédure au contribuable, alors même que le mandat confie au mandataire le soin de répondre à toute notification de redressements, d'accepter ou de refuser tout redressement ;

15. Considérant que M. Amar a porté à la connaissance de l'administration, par une lettre reçue le 24 mars 1997, un mandat en date du 7 mars 1997 par lequel il donnait pouvoir à son mandataire pour " l'assister et le défendre face à l'administration fiscale française, engager toute discussion avec elle, répondre à toute notification de redressements, accepter ou refuser tout redressement (.) et d'une manière générale, introduire ou paraître en qualité de défendant dans tous les litiges en matière fiscale ", que ce mandataire a, par lettre du 17 décembre 1997, demandé à l'administration de lui adresser toute communication et que les observations du contribuable en réponse à la notification de redressements ont été adressées par ce même mandataire ; que toutefois, ce mandat ne contenait aucune mention expresse habilitant le mandataire à recevoir l'ensemble des actes de la procédure d'imposition et permettant, dès lors, de regarder le mandat comme emportant élection de domicile du contribuable auprès de son mandataire ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'administration aurait entaché d'irrégularité la procédure d'imposition en n'adressant pas à ce mandataire sa réponse en date du 8 mars 1999 aux observations de M. Amar doit être écarté ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Amar n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires qu'il conteste au titre de l'année 1994 ;

17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. Amar et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L'arrêt du 9 juin 2011 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée et de contribution au remboursement de la dette sociale auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1994 sont remises à la charge de M. Amar.

Article 3 : Les conclusions de la requête présentée par M. Amar devant la cour administrative d'appel de Paris et tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée et de contribution au remboursement de la dette sociale auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1994 ainsi que ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat et devant la cour administrative d'appel au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à M. Daniel Amar.

Délibéré dans la séance du 11 mars 2013 où siégeaient : M. Jacques Arrighi de Casanova, Président adjoint de la Section du Contentieux, présidant ; M. Gilles Bachelier, M. Jean Courtial, Présidents de sous-section ; M. Patrick Stefanini, M. Jean-Claude Hassan, Mme Marie-Hélène Mitjavile, Mme Caroline Martin, M. Stéphane Gervasoni, Conseillers d'Etat et M. Jean-Marc Anton, Maître des Requêtes-rapporteur.

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