Jurisprudence : CE 1/6 SSR., 10-06-2015, n° 386062, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 1/6 SSR., 10-06-2015, n° 386062, mentionné aux tables du recueil Lebon

A9040NKZ

Identifiant européen : ECLI:FR:CESSR:2015:386062.20150610

Identifiant Legifrance : CETATEXT000030713480

Référence

CE 1/6 SSR., 10-06-2015, n° 386062, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/24757969-ce-16-ssr-10062015-n-386062-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
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Abstract

Des affiches détériorées ou collées en dehors des emplacements réservés sont des incidents n'étant pas de nature à justifier l'annulation du scrutin, estime le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 10 juin 2015 (CE 1° et 6° s-s-r., 10 juin 2015, n° 386062, mentionné aux tables du recueil Lebon).



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

386062

Elections municipales et communautaires de Chilly-Mazarin (Essonne)

Mme Florence Marguerite, Rapporteur
M. Alexandre Lallet, Rapporteur public

Séance du 27 mai 2015

Lecture du 10 juin 2015

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1ère et 6ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme F.G.et M. A.K.ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées les 23 et 30 mars 2014 en vue de l'élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Chilly-Mazarin (Essonne). Par un jugement n° 1402519 du 27 octobre 2014, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur protestation.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par une requête et deux mémoires en réplique, enregistrés les 28 novembre 2014, 5 mars 2015 et 30 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme G.et M. K.demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Versailles du 27 octobre 2014 ;

2°) d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 30 mars 2014 en vue de l'élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Chilly-Mazarin, de rejeter le compte de campagne de M. L.J.et de prononcer son inéligibilité pour trois ans.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi du 30 juin 1881 sur la liberté de réunion ;

- la loi du 28 mars 1907 relative aux réunions publiques ;

- le code électoral ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Florence Marguerite, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 28 mai 2015, présentée par Mme G.et M.K. ;



1. Considérant qu'à l'issue du second tour de scrutin organisé le 30 mars 2014 en vue de l'élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Chilly-Mazarin (Essonne), la liste " Une ville pour l'avenir ", conduite par M.J., a obtenu 39, 64 % des suffrages exprimés et 24 élus au conseil municipal, tandis que la liste " Majorité municipale " conduite par MmeG., maire sortante, obtenait 37, 64 % des suffrages et six élus, la liste " Chilly-Mazarin bleu-marine " conduite par M. E.obtenait 12, 66 % des suffrages et deux élus et la liste " Rassemblement républicain " conduite par M. B. obtenait 10, 04 % des suffrages et un élu au conseil municipal ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article R. 773-1 du code de justice administrative et des articles R. 119 et R. 120 du code électoral que, par dérogation aux dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, le tribunal administratif n'est pas tenu d'ordonner la communication des mémoires en défense des conseillers municipaux dont l'élection est contestée aux auteurs de la protestation, ni des autres mémoires ultérieurement enregistrés, mais doit seulement les tenir à la disposition des parties, de sorte que celles-ci puissent, si elles l'estiment utile, en prendre connaissance au greffe de la juridiction ;

3. Considérant que le caractère contradictoire de la procédure n'impose pas davantage, compte tenu des règles et délais propres au contentieux électoral, que soient communiquées aux parties les décisions de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques relatives aux comptes de campagne des candidats dont l'élection est contestée, ni ces comptes eux-mêmes ; qu'il appartient seulement au tribunal, une fois ces pièces enregistrées par son greffe, de les tenir à la disposition des parties de sorte que celles-ci puissent, si elles l'estiment utile, en prendre connaissance ;

4. Considérant qu'en l'espèce, d'une part, si Mme G.et M. K.font valoir que le second mémoire en défense de M. J.et des autres élus de la même liste ne leur a pas été communiqué par le greffe du tribunal administratif de Versailles, ils ne soutiennent pas que ce mémoire n'aurait pas été tenu à leur disposition, de telle sorte qu'ils puissent en prendre connaissance ; que la circonstance qu'ils n'aient été informés que le lundi 13 octobre 2014, veille de l'audience, du dépôt de ce mémoire, parvenu à la juridiction par télécopie le vendredi 10 octobre, n'entache pas la procédure d'irrégularité ;

5. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques relative au compte de campagne de M. J.a été enregistrée au greffe du tribunal le 31 juillet 2014 et que les requérants ont eu connaissance de cet enregistrement au plus tard le 5 août suivant ; que s'ils soutiennent que cette décision ne figurait pas au dossier de la procédure lorsque M. K.l'a consulté au greffe, cette affirmation n'est corroborée par aucun élément, en l'absence de toute observation faite au moment de cette consultation ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le caractère contradictoire de la procédure aurait été méconnu ;

Sur le déroulement de la campagne électorale :

6. Considérant, en premier lieu, que l'article L. 48-2 du code électoral dispose : " Il est interdit à tout candidat de porter à la connaissance du public un élément nouveau de polémique électorale à un moment tel que ses adversaires n'aient pas la possibilité d'y répondre utilement avant la fin de la campagne électorale " ;

7. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que la liste conduite par M. J.a diffusé un tract, le vendredi 28 mars 2014 dans la soirée, ainsi qu'un message sur son site de campagne, mettant en cause Mme G.et M.C., ancien maire et colistier de cette dernière ; que ces documents, qui répondaient aux propos polémiques d'un tract diffusé par la liste de Mme G.les 26 et 27 mars, revenaient sur les conditions de l'élection de celle-ci en qualité de maire de la commune et ne comportaient pas d'élément nouveau de polémique électorale ; qu'ainsi, leur diffusion n'est pas intervenue en violation des dispositions de l'article L. 48-2 du code électoral ; que si M. C.était critiqué en termes vifs pour son soutien à Mme G., il ne résulte pas de l'instruction, en dépit du faible écart de voix séparant la liste conduite par M. J.de celle conduite par MmeG., que ces documents ait été de nature à altérer la sincérité du scrutin ;

8. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que, le vendredi 28 mars 2014, M. B.a diffusé des propos sur son blog mettant en cause l'attitude de M. C.envers l'une de ses colistières ainsi que le comportement de l'époux de MmeG. ; que, toutefois, ce message faisait suite aux attaques dont M. B.avait fait l'objet dans le tract diffusé les 26 et 27 mars et a reçu une diffusion limitée ; que, par suite, et malgré le faible écart de voix séparant les deux listes arrivées en tête, cette diffusion ne peut être regardée comme ayant altéré la sincérité du scrutin ;

9. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. J. a signé une tribune, dans le bulletin municipal d'octobre 2013, dénonçant les conditions d'organisation de la fête du 14 juillet par la municipalité en place et a diffusé en novembre 2013 des tracts polémiques revenant, pour l'un, sur des propos de Mme G.relatifs à l'organisation de la fête nationale et relatif, pour l'autre, à la construction d'une mosquée sur le territoire de la commune ; qu'eu égard à la date de la diffusion de ces documents, antérieure de plusieurs mois au scrutin, les candidats de la liste conduite par Mme G.ont disposé de tout le temps nécessaire pour réfuter les imputations qu'ils contenaient et qui n'étaient pas d'une nature telle qu'il fût impossible d'y répondre utilement ; que les requérants ne sont, par suite, pas fondés à soutenir que la diffusion de ces documents aurait été de nature à altérer la sincérité du scrutin ;

10. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 51 du code électoral, dans sa rédaction applicable aux élections en litige : " Pendant la durée de la période électorale, dans chaque commune, des emplacements spéciaux sont réservés par l'autorité municipale pour l'apposition des affiches électorales. / Dans chacun de ces emplacements, une surface égale est attribuée à chaque candidat ou à chaque liste de candidats. / Pendant les six mois précédant le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, tout affichage relatif à l'élection, même par affiches timbrées, est interdit en dehors de cet emplacement ou sur l'emplacement réservé aux autres candidats, ainsi qu'en dehors des panneaux d'affichage d'expression libre lorsqu'il en existe " ;

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1. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que, dans les derniers jours de la campagne, ont été collées, en dehors des emplacements réservés, des affiches hostiles à la politique du gouvernement ainsi que des affichettes indiquant " Voter FN, c'est faire gagner la gauche ", dont cinquante ont été financées par M.J. ; que, toutefois, eu égard au caractère très général de ces affiches, qui ne contenaient aucun élément nouveau ni aucun élément diffamatoire ou injurieux, leur apposition, en violation de l'article L. 51 du code électoral, n'a pas revêtu, dans les circonstances de l'espèce, le caractère d'une manœuvre altérant la sincérité du scrutin ;

12. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que certaines des affiches électorales de Mme G.ont été volontairement détériorées, conduisant cette dernière à déposer une plainte du chef de dégradations volontaires le 11 mars 2014 ; que ces incidents ont toutefois cessé à compter du 4 mars ; que, dans ces conditions, et pour regrettables qu'ils aient été, ils ne peuvent être regardés comme ayant été de nature à altérer les résultats du scrutin du 30 mars 2014 ;

13. Considérant, en quatrième lieu, que les réunions électorales sont tenues librement, en vertu des lois du 30 juin 1881 sur la liberté de réunion et du 28 mars 1907 relative aux réunions publiques, auxquelles se réfèrent les dispositions de l'article L. 47 du code électoral ; que, toutefois, il résulte, d'une part, des dispositions de l'article L. 48-2 du même code qu'une réunion organisée en fin de campagne ne peut être l'occasion pour un candidat de porter à la connaissance du public un élément nouveau de polémique électorale auquel ses adversaires ne pourraient plus répondre utilement et, d'autre part, des dispositions de l'article L. 49 qu'aucun document de propagande électorale ne peut être distribué la veille du scrutin, y compris au cours d'une réunion électorale ; qu'en outre, l'article R. 26 de ce code prévoit que la campagne électorale prend fin la veille du scrutin à minuit ; qu'il résulte de ces dispositions que les candidats à une élection ne peuvent tenir de réunions électorales le jour même du scrutin ;

14. Considérant qu'en l'espèce, si M. J.a invité ses sympathisants et les électeurs intéressés à le rejoindre dans un espace de réception à partir de 19 heures le 30 mars 2014 pour attendre les résultats et en prendre connaissance avec les candidats de sa liste, il résulte toutefois de l'instruction qu'eu égard à son objet, à son horaire et aux conditions de son déroulement, une telle réunion n'a pas revêtu le caractère d'une réunion électorale tenue en méconnaissance des dispositions citées ci-dessus du code électoral et que son organisation n'a pas exercé d'incidence sur les résultats du scrutin ;

15. Considérant, en cinquième lieu, qu'il résulte de l'instruction que M.B., ancien adjoint au maire de M. C. et ancien membre du parti socialiste, a présenté la liste qu'il conduisait comme " républicaine et indépendante ", en mentionnant qu'elle rassemblait " des personnes n'ayant pas toujours eu les mêmes positions politiques dans le passé " ; que son choix de se maintenir au second tour a été largement commenté par la liste de MmeG., qui lui a notamment reproché de " tromper [.] ses électeurs qui le pensaient de gauche " et de comprendre sur sa liste " l'ancien chef de file UMP de la ville, Hervé-Pierre H.et plusieurs candidats de droite " ; que si sa liste a été enregistrée comme " divers gauche ", sa présentation au suffrage des électeurs n'a pas eu pour objet ou pour effet d'induire en erreur les électeurs quant aux positions respectives des listes en présence ; que la circonstance que lui-même et les trois candidats qui le suivaient sur sa liste, qui a obtenu un seul siège de conseiller municipal, ont démissionné et ainsi permis à M. H.de siéger au conseil municipal ne suffit pas à révéler une manœuvre qui aurait été de nature à avoir altéré le résultat du scrutin ;

Sur le financement de la campagne électorale :

16. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral : " Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services, ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 52-15 du même code : " La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. Elle arrête le montant du remboursement forfaitaire prévu à l'article L. 52-11-1 " ;

17. Considérant qu'il résulte de l'instruction que des affiches hostiles à la politique gouvernementale ont été apposées à plusieurs endroits de la commune de Chilly-Mazarin par les membres de l'association " Mouvement initiative et liberté " et du syndicat " Union nationale interuniversitaire " ; que, toutefois, cet affichage ne comportait pas d'éléments relatifs aux enjeux locaux alors que quatre listes se présentaient au scrutin des électeurs ; qu'au surplus, il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait été effectué avec l'accord même tacite de M. J. ; qu'ainsi, il ne peut être regardé comme une dépense exposée au profit de ce dernier ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'il serait constitutif d'un avantage d'une personne morale prohibé par les dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral et que son montant devrait être intégré dans le compte de campagne de M. J., ni à demander, par voie de conséquence, que ce compte soit rejeté ;

18. Considérant qu'eu égard à ce qui a été dit ci-dessus, il n'y a pas lieu de déclarer M. J.inéligible sur le fondement des dispositions de l'article L. 118-3 ou de l'article L. 118-4 du code électoral ;

19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur protestation ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme G.et de M. K.la somme demandée par M. J.et les autres défendeurs au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. K.et Mme G.est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. J.et des autres défendeurs présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme F.G., à M. L. J., à M. D.B., à M. I.E.et au ministre de l'intérieur.


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