Jurisprudence : CE 5/7 SSR, 07-02-2003, n° 220215

ARRÊT DU CONSEIL D'ETAT


CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux


N° 220215

SOCIETE CIVILE D'EXPLOITATION AGRICOLE LE HARAS D'ACHERES II

M. Logak, Rapporteur
M. Olson, Commissaire du gouvernement

Séance du 13 janvier 2003
Lecture du 7 février 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 5ème et 7ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 5ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés le 21 avril 2000 et le 18 août 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE CIVILE D'EXPLOITATION AGRICOLE LE HARAS D'ACHERES II, dont le siège est "La Pallandière" à Gressy en France (77410), représentée par son gérant ; la SOCIETE CIVILE D'EXPLOITATION AGRICOLE LE HARAS D'ACHERES II demande au Conseil d'Etat

1°) d'annuler l'arrêt du 17 février 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a partiellement fait droit aux requêtes d'appel de la commune d'Achères-la-Forêt en annulant le jugement du tribunal administratif de Melun du 14 mai 1998 qui avait annulé l'arrêté municipal du 18 novembre 1996 rejetant la demande de permis de construire présentée par la SCEA LE HARAS D'ACHERES II;

2°) statuant au fond, de rejeter les conclusions d'appel de la commune et d'ordonner au maire d'Achères-la-Forêt de lui délivrer un permis de construire sous astreinte d'un montant et à compter de la date que le Conseil d'Etat déterminera ou, subsidiairement, de réexaminer la demande de permis de construire dans un délai de deux mois, sous peine d'astreinte ;

3°) de condamner la commune d'Achères-la-Forêt à lui rembourser une somme de 30 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique

- le rapport de M. Logak, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la SOCIETE CIVILE D'EXPLOITATION AGRICOLE LE HARAS D'ACHERES II, et de la SCP Parmentier, Didier, avocat de la commune d'Achères,

- les conclusions de M. Olson, Commissaire du gouvernement;

Considérant que la SOCIETE CIVILE D'EXPLOITATION AGRICOLE LE HARAS D'ACHERES II demande l'annulation de l'arrêt en date du 17 février 2000 de la cour administrative d'appel de Paris en tant qu'elle a annulé le jugement du tribunal administratif de Melun du 14 mai 1998 qui avait annulé l'arrêté du 18 novembre 1996 du maire d'Achères-la-Forêt (Seine-et-Marne) rejetant sa demande de permis de construire ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête

Considérant qu'aux termes de l'article R. 193 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, applicable à la date de l'arrêt attaqué : "Toute partie doit être avertie, par une notification faite conformément aux articles R. 139 ou R. 140, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience" ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société requérante a informé, par un courrier enregistré le 18 juin 1999, le greffe de la cour administrative d'appel de Paris de son changement d'adresse à compter du 23 juin 1999 ; que l'avis d'audience, qui a été retourné à la cour avec la mention "n'habite pas à l'adresse indiquée", a été adressé le 28 juin 2000 à l'ancienne adresse de la société ; que par suite, la SCEA LE HARAS D'ACHERES II est fondée à soutenir que l'arrêt attaqué a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière ; qu'il doit, pour ce motif, être annulé dans la limite des conclusions présentées par la société requérante ;

Considérant qu'en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance de la SCEA LE HARAS D'ACHERES II

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme reprises à l'article R. 600-1 du même code : "En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un document d'urbanisme ou d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un document d'urbanisme ou une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol" ;

Considérant qu'il ressort de ces dispositions que le législateur, en employant l'expression de "décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code", n'a entendu viser, conformément à l'objectif de sécurité juridique poursuivi par la loi, que les décisions valant autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol qui sont régies par le code de l'urbanisme ; qu'ainsi un refus de permis de construire ne constitue pas une décision entrant dans le champ de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ; que, dès lors, la SCEA LE HARAS D'ACHERES II n'était pas tenue de notifier à la commune d'Achères son recours contre la décision du 18 novembre 1996 par laquelle la commune a refusé de lui délivrer un permis de construire ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Melun a écarté la fin de non-recevoir opposée par la commune d'Achères ;

Sur la légalité de l'arrêté du 18 novembre 1996

Considérant que si aux termes de l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au présent litige : "Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales lorsque, par leur importance, leur situation et leur affectation, des constructions contrarieraient l'action d'aménagement du territoire et d'urbanisme telle qu'elle résulte (...) des dispositions des schémas directeurs intéressant les agglomérations nouvelles (...)", le schéma directeur de la région d'Ile-de-France, régi par les dispositions des articles L. 141-1, R. 141-1 et R. 141-2 du code de l'urbanisme, n'est pas au nombre des schémas directeurs mentionnés par les dispositions précitées ; que, par suite, le maire d'Achères-la-Forêt ne pouvait légalement se fonder sur ces dispositions pour refuser le permis de construire sollicité par la SCEA LE HARAS D'ACHERES II;

Considérant en outre que si la décision attaquée a été également prise sur le fondement de l'article R. 111-14-2 du code de l'urbanisme, qui prévoit qu'un permis de construire "peut n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales, si les constructions, par leur situation, leur destination ou leurs dimensions, sont de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement", ces dispositions ne permettent pas à l'autorité administrative de refuser un permis de construire, mais seulement de l'accorder sous réserve du respect de prescriptions spéciales ;

Considérant il est vrai, que le maire d'Achères-la-Forêt invoque devant le Conseil d'Etat, pour donner un fondement légal à la décision attaquée, un autre motif tiré de ce que le projet de construction était de nature à favoriser une urbanisation dispersée incompatible avec la vocation des espaces naturels environnants et que, par suite, la décision attaquée aurait pu être prise sur le fondement de l'article R. 111-14-1 du code de l'urbanisme ; qu'à supposer que ce dernier motif ait pu justifier le refus d'autoriser la construction en cause, cette circonstance n'est pas de nature à rendre légale la décision du 18 novembre 1996 qui, comme il a été dit ci-dessus, a été prise pour d'autres motifs, lesquels étaient erronés en droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune d'Achères-la-Forêt n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du 14 mai 1998 par lequel le tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 18 novembre 1996 refusant de délivrer à la SCEA LE HARAS D'ACHERES II un permis de construire;

Sur les conclusions aux fins d'injonction

Considérant que l'annulation de l'arrêté du maire d'Achères-la-Forêt en date du 18 novembre 1996 refusant de délivrer à la SCEA LE HARAS D'ACHERES II le permis de construire qu'elle sollicitait implique nécessairement que le maire d'Achères-la-Forêt se prononce à nouveau sur la demande de la société ; que si les conclusions de celle-ci tendant à ce que le permis de construire sollicité lui soit accordé doivent être rejetées, il y a lieu, en revanche, pour le Conseil d'Etat d'ordonner au maire d'Achères-la-Forêt de réexaminer cette demande dans un délai de deux mois, à compter de la notification de la présente décision, dans le respect notamment des prescriptions de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme ; qu'il n'y a pas lieu pour le Conseil d'Etat de prononcer une astreinte ;

Sur les conclusions tendant au remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SCEA LE HARAS D'ACHERES II qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à la commune d'Achères-la-Forêt la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner la commune d'Achères-la-Forêt à verser à la SCEA LE HARAS D'ACHERES II une somme de 3 000 euros au titre des frais de même nature qu'elle a exposés en appel et en cassation ;

DECIDE

Article 1er : L'arrêt du 17 février 2000 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé en tant qu'il statue sur l'appel formé contre le jugement du tribunal administratif de Melun du 14 mai 1998.

Article 2 : Les conclusions de la requête d'appel de la commune d'Achères-la-Forêt dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Melun du 14 mai 1998 sont rejetées.

Article 3 : Il est enjoint au maire d'Achères-la-Forêt de prendre les mesures nécessaires au réexamen, dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, de la demande de permis de construire de la SCEA LE HARAS D'ACHERES II.

Article 4 : La commune d'Achères-la-Forêt versera à la SCEA LE HARAS D'ACHERES II une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SCEA LE HARAS D'ACHERES II est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE CIVILE D'EXPLOITATION AGRICOLE LE HARAS D'ACHERES II, à la commune d'Achères-la-Forêt et au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

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