Jurisprudence : TA Paris, du 12-07-2024, n° 2300589


Références

Tribunal Administratif de Paris

N° 2300589

5e Section
lecture du 12 juillet 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 9 janvier 2023, M. B A demande au tribunal :

1°) d'annuler la décision du 15 septembre 2022 arrêtant son évaluation professionnelle pour l'année 2021 ;

2°) d'enjoindre à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris de modifier son compte rendu d'entretien professionnel pour l'année 2021.

Il soutient que :

- son compte rendu d'entretien professionnel pour l'année 2021 est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la qualité de son travail ; l'administration n'a pas justifié la dégradation de sa manière de servir par rapport aux appréciations portées l'année précédente ;

- il est entaché d'un détournement de pouvoir en ce que la dégradation de son appréciation professionnelle est motivée par sa demande de télétravail pour raisons de santé et est ainsi constitutive d'une discrimination liée à son état de santé et vise à le sanctionner pour avoir reçu du médecin du travail une prescription de télétravailler.

Par un mémoire, enregistré le 14 novembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions de la requête à fin d'injonction sont irrecevables ;

- les moyens soulevés par M. A au soutien de ses conclusions à fin d'annulation ne sont pas fondés.

Vu les pièces de dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010🏛 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'Etat ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Julinet, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Degand, rapporteur public ;

- et les observations de M. A.

Considérant ce qui suit :

1. M. B A, né le 24 avril 1970, contrôleur des finances publiques depuis 2006, titularisé le 1er octobre 2007 et promu au grade de contrôleur des finances publiques de 1ère classe en 2012, a exercé ses fonctions au sein de la division " domaine recettes Ville de Paris, préfecture de police, métropole du grand Paris " du pôle gestion publique de la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris à partir du 17 septembre 2012 puis du secteur " visa et prise en charge des produits locaux " à partir du 1er octobre 2020. Par sa requête, il demande au tribunal l'annulation de son compte rendu d'entretien professionnel pour l'année 2021, définitivement arrêté, après recours hiérarchique et saisine de la commission administrative paritaire, le 15 septembre 2022.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code général de la fonction publique : " L'appréciation de la valeur professionnelle d'un fonctionnaire se fonde sur une évaluation individuelle donnant lieu à un compte rendu qui lui est communiqué. ". Aux termes de l'article L. 521-5 du même code : " A la demande du fonctionnaire, la commission administrative paritaire dont il relève peut demander la révision du compte rendu de l'entretien professionnel ". Aux termes de l'article 2 du décret du 28 juillet 2010🏛 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'Etat : " Le fonctionnaire bénéficie chaque année d'un entretien professionnel qui donne lieu à compte rendu. Cet entretien est conduit par le supérieur hiérarchique direct. / () ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " L'entretien professionnel porte principalement sur : / 1° Les résultats professionnels obtenus par le fonctionnaire eu égard aux objectifs qui lui ont été assignés et aux conditions d'organisation et de fonctionnement du service dont il relève ; / 2° Les objectifs assignés au fonctionnaire pour l'année à venir et les perspectives d'amélioration de ses résultats professionnels, compte tenu, le cas échéant, des perspectives d'évolution des conditions d'organisation et de fonctionnement du service ; / 3° La manière de servir du fonctionnaire ; / 4° Les acquis de son expérience professionnelle ; / 5° Le cas échéant, la manière dont il exerce les fonctions d'encadrement qui lui ont été confiées ; / 6° Les besoins de formation du fonctionnaire eu égard, notamment, aux missions qui lui sont imparties, aux compétences qu'il doit acquérir et à son projet professionnel ; / 7° Ses perspectives d'évolution professionnelle en termes de carrière et de mobilité. / () ". Aux termes de l'article 4 dudit décret : " Le compte rendu de l'entretien professionnel est établi et signé par le supérieur hiérarchique direct du fonctionnaire. Il comporte une appréciation générale exprimant la valeur professionnelle de ce dernier. / Il est communiqué au fonctionnaire qui le complète, le cas échéant, de ses observations. / Il est visé par l'autorité hiérarchique qui peut formuler, si elle l'estime utile, ses propres observations. / Le compte rendu est notifié au fonctionnaire qui le signe pour attester qu'il en a pris connaissance puis le retourne à l'autorité hiérarchique qui le verse à son dossier ". Aux termes de l'article 6 de ce décret : " L'autorité hiérarchique peut être saisie par le fonctionnaire d'une demande de révision du compte rendu de l'entretien professionnel. / Ce recours hiérarchique est exercé dans un délai de quinze jours francs à compter de la date de notification à l'agent du compte rendu de l'entretien. L'autorité hiérarchique notifie sa réponse dans un délai de quinze jours francs à compter de la date de réception de la demande de révision du compte rendu de l'entretien professionnel. / Les commissions administratives paritaires peuvent, à la requête de l'intéressé, sous réserve qu'il ait au préalable exercé le recours mentionné à l'alinéa précédent, demander à l'autorité hiérarchique la révision du compte rendu de l'entretien professionnel. Dans ce cas, communication doit être faite aux commissions de tous éléments utiles d'information. Les commissions administratives paritaires doivent être saisies dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de la réponse formulée par l'autorité hiérarchique dans le cadre du recours. / L'autorité hiérarchique communique au fonctionnaire, qui en accuse réception, le compte rendu définitif de l'entretien professionnel ".

3. D'une part, M. A ne peut utilement contester, au soutien de ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 15 septembre 2022 arrêtant définitivement l'appréciation de sa valeur professionnelle, l'avis sur son aptitude à exercer les fonctions du corps supérieur, l'appréciation de sa valeur professionnelle et de sa manière de servir et l'appréciation générale portés par son chef de service, premier évaluateur, le 14 mars 2022, ces avis et appréciations ayant été modifiés par l'autorité hiérarchique du premier évaluateur une première fois le 30 mai 2022 puis une seconde fois, après avis de la commission administrative paritaire, le 15 septembre 2022. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de la dernière version du compte rendu de son entretien professionnel, qu'il n'est pas fondé à se plaindre de l'avis sur son aptitude à exercer les fonctions du corps supérieur ni de l'appréciation portée sur ses compétences personnelles et sur son sens du service public, qui ont été rétablis, conformément à sa demande, à leur niveau maximal.

4. D'autre part, eu égard à son caractère annuel, les fonctionnaires n'ont aucun droit au maintien de leur évaluation d'une année à l'autre. Dès lors, M. A ne peut utilement se prévaloir de son compte rendu d'entretien professionnel établi au titre de l'année 2020.

5. Enfin, il ressort des pièces du dossier que le changement d'affectation de M. A en octobre 2020 s'est accompagné d'une évolution de ses fonctions qui explique que malgré son expérience professionnelle, ses connaissances professionnelles dans l'emploi nouvellement occupé ont pu être appréciées au niveau très bon et non pas excellent.

6. En revanche, sa moindre implication professionnelle, que M. A conteste par une argumentation détaillée, ne ressort pas des pièces du dossier, le ministre se bornant en défense à produire le rapport de son supérieur hiérarchique à la commission administrative paritaire dans lequel il ne justifie son appréciation sur ce point que par une allégation générale et non étayée sur des erreurs et des retards dans l'exécution par M. A des tâches qui lui ont été confiées.

7. Il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que son compte rendu d'entretien professionnel pour l'année 2021 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et, par suite, à en demander l'annulation.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative🏛 : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / () ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".

9. Si, en dehors des cas expressément prévus par des dispositions législatives particulières du code de justice administrative, il n'appartient pas au tribunal administratif d'adresser des injonctions à l'administration, les conclusions à fin d'injonction de M. A, accessoires à ses conclusions à fin d'annulation, entrent dans les prévisions des dispositions précitées des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative🏛. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée par le ministre à ces conclusions doit être écartée.

10. L'exécution du présent jugement implique nécessairement que le ministre réexamine le compte-rendu d'entretien professionnel de M. A au titre de l'année 2021 en tenant compte de ses motifs. Par suite, il y a lieu, sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de lui enjoindre de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

D E C I D E :

Article 1er : Le compte rendu d'entretien professionnel de M. A pour l'année 2021, définitivement arrêté, après recours hiérarchique et saisine de la commission administrative paritaire, le 15 septembre 2022, est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique de procéder au réexamen du compte-rendu d'entretien professionnel de M. A au titre de l'année 2021 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. B A et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Une copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Aubert, présidente,

M. Julinet, premier conseiller,

Mme Massiou, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juillet 2024.

Le rapporteur,

S. JULINET

La présidente,

S. AUBERT

La greffière,

A. LOUART

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.

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