Jurisprudence : TA Orléans, du 08-04-2024, n° 2401303


Références

Tribunal Administratif d'Orléans

N° 2401303


lecture du 08 avril 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 1er avril 2024, M. A B et la SCEA Agroforestière du Val de Choisille, représentés par Me Weinkopf, demandent au juge des référés :

1°) par jugement avant dire-droit, d'enjoindre à la commune de Cerelles et à la SAS La Roderie de communiquer l'étude d'impact sonore préalable, les résultats des contrôles réalisés et toutes mesures sonores de la salle des fêtes ;

2°) en application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative🏛, de suspendre l'exécution, d'une part, de l'arrêté du 17 juin 2022 par lequel le maire de Cerelles a délivré à la SAS La Roderie un permis de construire pour le changement de destination d'une grange en salle de mariage et d'une écurie en gîte, d'autre part, de l'arrêté du 24 juillet 2023 par lequel le maire de Cerelles a délivré à la SAS La Roderie un permis de construire pour le remplacement d'une double porte battante et la réfection totale de la toiture et, enfin, de la décision du 9 octobre 2023 par laquelle le maire de Cerelles a rejeté leur recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Cerelles une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Ils soutiennent que :

- ils ont contesté au fond les décisions attaquées ;

- la demande de suspension est formée dans le délai des articles L. 600-3 et R. 611-7-2 du code de l'urbanisme🏛 ;

- les décisions attaquées n'ont pas reçu complète exécution ;

- les requérants ont intérêt à agir dès lors que, en premier lieu, leur siège social ou leur domicile sont fixés au domaine du Moulinet à Rouziers-de-Touraine, situé à moins de 400 m des projets litigieux, en deuxième lieu, ni la végétation ni aucune construction ne fait obstacle à la vue et aux bruits, en troisième lieu, les nuisances sonores et la présence de grands rassemblements festifs perturbent les animaux de la forêt et des élevages alentour de sorte que l'activité de la SAS La Roderie entraine des préjudices d'exploitation pour les requérants et affecte les conditions de vie de M. B et, enfin, la proximité de la salle de réception aménagée va diminuer fortement la valeur vénale de la propriété ;

- l'urgence résulte de ce que la fréquence d'exploitation de la salle de réception et des installations extérieures va croître au cours des prochaines semaines et provoquer des nuisances sonores et de graves risques d'incendie ;

- la condition d'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée résulte, en premier lieu, de ce que les permis de construire ont été obtenus par fraude, en deuxième lieu, du caractère incomplet des dossiers déposés par la société pétitionnaire, en troisième lieu, de la méconnaissance de la limite fixée par le plan local d'urbanisme (PLU) au nombre de personnes pouvant être accueillies dans l'établissement recevant du public, en quatrième lieu, de ce que le PLU n'autorise pas la transformation d'une grange en salle de réception, en cinquième lieu, des nuisances sonores résultant de l'exploitation de la salle de réception en méconnaissance des articles L. 1336-1, R. 1336-4 et R. 1336-5 du code de la santé publique🏛🏛🏛 et des articles R. 571-25 et R. 571-27 du code de l'environnement🏛🏛, en sixième lieu, de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme🏛 compte tenu de la présence d'une canalisation de transport de gaz, du nombre de personnes susceptibles d'être accueillies, des risques d'incendie, des nuisances sonores et de l'insuffisance des capacités de stationnement prévues, en septième lieu, de l'absence d'avis favorable du transporteur de gaz, en huitième lieu, de l'atteinte aux lieux avoisinants résultant des nuisances sonores et des intrusions des clients de la société pétitionnaire sur la propriété des requérants et, en neuvième lieu, de l'illégalité du changement de destination des constructions.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la requête n° 2305046, enregistrée le 12 décembre 2023, par laquelle M. A B et la SCEA Agroforestière du Val de Choisille demandent l'annulation des décisions du 17 juin 2022, 24 juillet 2023 et 9 octobre 2023.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. C en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative🏛.

Considérant ce qui suit :

Les conclusions à fin de suspension d'exécution :

1. M. B et la SCEA Agroforestière du Val de Choisille demandent, en application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution, d'une part, de l'arrêté du 17 juin 2022 par lequel le maire de Cerelles (Indre-et-Loire) a délivré à la SAS La Roderie un permis de construire pour le changement de destination d'une grange en salle de mariage et d'une écurie en gîte, d'autre part, de l'arrêté du 24 juillet 2023 par lequel le maire de Cerelles a délivré à la SAS La Roderie un permis de construire pour le remplacement d'une double porte battante et la réfection totale de la toiture et, enfin, de la décision du 9 octobre 2023 par laquelle le maire de Cerelles a rejeté leur recours gracieux.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision () ". Aux termes de l'article L. 522-3 du même code : " Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1. "

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme🏛 : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation🏛. / Le présent article n'est pas applicable aux décisions contestées par le pétitionnaire. " Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Il appartient ensuite au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le domicile de M. B et le siège social de la SCEA Agroforestière du Val de Choisille sont fixés au domaine du Moulinet à Rouziers-de-Touraine, situé à près de 400 m des projets litigieux, dont ils sont séparés par un espace boisé. Les requérants n'ont, dès lors, pas la qualité de voisins immédiats, quand bien même certaines parcelles de l'exploitation forestière seraient situées à proximité de la salle de réception.

5. En second lieu, si les requérants soutiennent que les nuisances sonores et la présence de grands rassemblements festifs perturbent les animaux de la forêt et des élevages alentour de sorte que les projets de la SAS La Roderie entrainent des préjudices d'exploitation, ils n'assortissent cette affirmation d'aucune précision ni justification. De même, l'allégation selon laquelle les aménagements litigieux auraient pour effet de créer des vues sur leur domicile ou leur siège social n'est pas établie alors qu'une distance importante les sépare. Si M. B fait également valoir les nuisances sonores résultant de l'exploitation de la salle de réception, ces nuisances ne sont pas davantage établies par la seule production d'une attestation rédigée par un tiers, habitant d'ailleurs à plusieurs centaines de mètres du domicile du requérant, qui ne mentionne qu'un événement bruyant sans attester qu'il résulte de l'exploitation de cette salle. Si les requérants invoquent, enfin, la perte de valeur vénale de leurs propriétés résultant de l'exploitation de la salle de réception litigieuse, sans du reste en justifier, cette circonstance n'est pas de nature à établir une atteinte directe aux conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leurs biens au sens de l'article L. 600-1-2 précité du code de l'urbanisme.

6. Dans ces circonstances, les requérants ne justifient pas d'un intérêt à agir. Dès lors, les conclusions tendant à la suspension de l'exécution des décisions attaquées sont manifestement irrecevables et il y a lieu de faire application des dispositions rappelées ci-dessus de l'article L. 522-3 du code de justice administrative🏛 et de les rejeter.

Les autres conclusions :

7. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de faire droit ni aux conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint, avant dire-droit, aux défendeurs de produire certaines pièces, ni à celle fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE:

Article 1er : La requête de M. B et de la SCEA Agroforestière du Val de Choisille est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A B et à la SCEA Agroforestière du Val de Choisille.

Copie en sera transmise, pour information, à la commune de Cerelles et à la SAS La Roderie.

Fait à Orléans, le 8 avril 2024.

Le juge des référés,

Denis C

La République mande et ordonne au préfet d'Indre-et-Loire en ce qui le concerne ou à tous commissaire de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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