La lettre juridique n°956 du 14 septembre 2023 : Procédure pénale

[Brèves] Adjonction d’une circonstance aggravante non visée à la prévention : le prévenu doit pouvoir se défendre

Réf. : Cass. crim., 6 septembre 2023, n° 22-86.045, FS-B N° Lexbase : A77781ES

Lecture: 4 min

N6683BZK

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Brèves] Adjonction d’une circonstance aggravante non visée à la prévention : le prévenu doit pouvoir se défendre. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/99809823-brevesadjonctiondunecirconstanceaggravantenonviseealapreventionleprevenudoitpouvoirse
Copier

par Adélaïde Léon

le 20 Septembre 2023

► Une circonstance aggravante constitue un élément accessoire au fait principal, qui ne s'en trouve pas modifié. L'adjonction à laquelle il est procédé n'excède pas la saisine de la juridiction. La juridiction de jugement peut, sans l’accord du prévenu, retenir une telle circonstance non visée à la prévention, mais résultant de la procédure ou des débats. Une telle adjonction n'est toutefois possible qu'à la condition d'avoir été mise dans le débat, de sorte que le prévenu en ait été préalablement avisé, qu'il soit invité à s'en expliquer et qu'il lui soit permis d'organiser sa défense, au besoin en sollicitant un renvoi.

Rappel de la procédure. Poursuivi du chef d’aide au séjour irrégulier d’étrangers dans le cadre d’une procédure de comparution immédiate, un individu avait été condamné à trois ans d’emprisonnement, 10 000 euros d’amende et dix ans d’interdiction du territoire français par le tribunal correctionnel, qui a retenu la circonstance aggravante que les faits ont été commis en bande organisée.

Le prévenu a fait relevé appel de ce jugement, suivi par le ministère public qui formait un appel incident.

En cause d’appel. Au cours des débats, la cour d’appel a informé le prévenu qu’elle envisageait de relever la circonstance aggravante de commission en bande organisée, non visée dans l’acte de poursuite, et l’a invité à s’expliquer sur celle-ci.

La cour d’appel a finalement, pour infractions à la législation sur les étrangers aggravées, condamné l’intéressé à six ans d’emprisonnement et l’interdiction définitive du territoire français.

Le prévenu a formé un pourvoi contre l’arrêt d’appel.

Moyens du pourvoi. Il était fait grief à la cour d’appel d’avoir ajouté aux faits poursuivis en retenant la circonstance aggravante de bande organisée alors que s’il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification, ils ne peuvent en revanche y ajouter ou y substituer des faits distincts à ceux de la prévention, sauf acceptation expresse du prévenu d’être jugé sur des faits et ou circonstances aggravantes non compris dans la poursuite.

Décision. La Chambre criminelle rejette le pourvoi au motif que les circonstances aggravantes constituant un élément accessoire du fait principal, lequel ne s’en trouve pas modifié, l’adjonction d’une telle circonstance n’excède pas la saisie de la juridiction et il peut y être procédé sans l’accord du prévenu.

La Cour souligne que la possibilité pour le juge d’adjoindre une circonstance aggravante est subordonnée à la condition qu’elle ait été mise dans le débat afin qu’il soit permis au prévenu de s’en expliquer et d’organiser sa défense, au besoin en sollicitant un renvoi. En l’espèce, la cour d’appel avait informé le prévenu et l’avait mis en mesure d’organiser sa défense.

Au regard de cet arrêt de la Chambre criminelle, les conditions de l’adjonction d’une circonstance aggravante sont semblables aux conditions fixées par la CEDH pour la requalification des faits ou la modification de la cause de l’accusation par les juridictions de jugement : ces dernières peuvent y procéder sans l’accord du mis en  cause, mais celui-ci doit être dûment et pleinement informé et disposer du temps et des facilités nécessaires pour organiser sa défense sur ces nouveaux éléments (CEDH, 25 mars 1999, Req. 25444/94, Pélissier et Sassi c. France N° Lexbase : A7531AWT).

Pour aller plus loin : « traditionnellement la Cour de cassation estime que ce magistrat est saisi, non seulement des faits visés dans l’acte de saisine, mais aussi de toutes les circonstances aggravantes applicables à la commission desdits faits, qu’elles soient ou non connues au moment de l’ouverture de l’information judiciaire (Cass. crim., 27 juillet 1970, n° 69-92.968 N° Lexbase : A2267CK8 et 10 mars 1977, n° 75-91.224 N° Lexbase : A8880CGY) » in, O. Bachelet, Panorama : l’audience pénale (1er janvier 2021 au 30 juin 2021), Lexbase Pénal, juillet 2021 N° Lexbase : N8466BY9.

newsid:486683