La lettre juridique n°956 du 14 septembre 2023 : Droit des personnes

[Brèves] Anonymat du don de gamètes en cas d’AMP antérieure à 2021 : la CEDH valide le dispositif français issu de la loi de bioéthique

Réf. : CEDH, 7 septembre 2023, Req. 21424/16, Gauvin-Fournis Et Silliau c/ France N° Lexbase : A17651GH

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N6741BZP

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par Anne-Lise Lonné-Clément

le 14 Septembre 2023

► La France n’a pas méconnu son obligation positive de garantir le respect effectif de la vie privée des requérants, nés dans les années 80 d’une assistance médicale à la procréation (AMP) avec tiers donneur, en rejetant leurs demandes d’accéder aux informations relatives au donneur.

L’affaire. L’affaire concernait l’impossibilité pour la requérante et le requérant nés dans les années 80 d’une assistance médicale à la procréation (AMP) avec tiers donneur, d’avoir accès à des informations relatives au donneur. Cette situation a perduré jusqu’au 1er septembre 2022, date à laquelle le nouveau dispositif d’accès aux origines est entré en vigueur. Ce dernier met en place un système d’accès aux origines pour les personnes nées de dons antérieurs à son entrée en vigueur, sous réserve cependant du consentement des donneurs.

Le dispositif français issu de la loi bioéthique 2021. La loi n° 2021-1017, du 2 août 2021, relative à la bioéthique N° Lexbase : L4001L7C, tout en maintenant le principe d’anonymat du don de gamètes, a consacré le droit d’accès aux origines, dans un cadre bien structuré (v. A. Gouttenoire et C. Siffrein-Blanc, L’accès aux origines des personnes issues d’une PMA, consacré par la loi bioéthique du 2 août 2021, Lexbase Droit privé, septembre 2021, n° 878 N° Lexbase : N8825BYI).

S’agissant des personnes qui ont été conçues avant la date de mise en œuvre de la loi, l’accès à leurs origines est soumis au consentement des tiers donneurs. La commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur joue un rôle d’intermédiaire entre les personnes conçues dans le cadre d’une AMP avant la loi et les tiers donneurs (CSP, art. L. 2143-6 1° N° Lexbase : L4580L7R). Ainsi est-elle chargée de contacter les tiers donneurs qui n'étaient pas soumis aux dispositions du présent chapitre au moment de leur don, lorsqu'elle est saisie de demandes au titre de l'article L. 2143-5 N° Lexbase : L4579L7Q, émanant de personnes issues d’une AMP, afin de solliciter et de recueillir leur consentement à la communication de leurs données non identifiantes et de leur identité ainsi qu'à la transmission de ces données à l'Agence de la biomédecine.

Validation par la CEDH. La Cour relève que la situation dénoncée par la requérante et le requérant découle des choix du législateur. Chaque loi de bioéthique a été précédée d’un débat public sous forme d’états généraux, afin de prendre en considération l’ensemble des points de vue. Aux yeux de la Cour, le législateur a bien pesé les intérêts et droits en présence au terme d’un processus de réflexion riche et évolutif sur la nécessité ou non de lever l’anonymat du donneur. Rappelant qu’il n’existe pas de consensus clair sur la question de l’accès aux origines mais seulement une tendance récente en faveur de la levée de l’anonymat du donneur, elle considère que le législateur a agi dans le cadre de sa marge d’appréciation. On ne saurait dès lors reprocher à l’État défendeur son rythme d’adoption de la réforme et d’avoir tardé à consentir à une telle réforme.

La Cour considère que l’État défendeur n’a pas outrepassé la marge d’appréciation dont il disposait en la matière, y compris dans le choix qu’il a fait lors de l’adoption de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique pour les personnes se trouvant dans la situation de la requérante et du requérant de subordonner l’accès à leurs origines au consentement des donneurs.

Enfin, la Cour constate que le principe d’anonymat du don de gamète ne faisait pas obstacle, au moment de l’introduction des requêtes devant elle, à ce qu’un médecin accède à des informations médicales et qu’il les transmette à la personne née du don, en cas de nécessité thérapeutique qui couvre la prévention du risque de consanguinité dénoncé par la requérante et le requérant comme une atteinte au droit à leur santé. En ce qui concerne les informations médicales non identifiantes, la Cour considère que l’État a ménagé un juste équilibre entre les intérêts concurrents en présence.

La Cour conclut que l’État défendeur n’a pas méconnu son obligation positive de garantir à la requérante et au requérant le respect effectif de leur vie privée.

 

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