Réf. : Cass. civ. 3, 29 juin 2023, n° 22-16.034, FS-B N° Lexbase : A4970979
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par Vincent Téchené
le 05 Juillet 2023
► Les locaux à usage industriel sont exclus du champ d'application de l'article L. 145-46-1 du Code de commerce. Au sens de ce texte, doit être considéré comme à usage industriel tout local principalement affecté à l'exercice d'une activité qui concourt directement à la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers et pour laquelle le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre est prépondérant.
Faits et procédure. Les propriétaires indivis d'un ensemble immobilier l'ont donné à bail commercial à une société. Par acte reçu le 31 août 2017 par un notaire, les bailleurs ont vendu les biens loués. Invoquant une atteinte au droit de préférence dont elle bénéficiait, la locataire a, le 5 octobre 2017, assigné les cédants et la société cessionnaire en annulation de la vente et indemnisation de son préjudice.
La cour d’appel (CA Orléans, 10 mars 2022, n° 20/01235 N° Lexbase : A05687Q4) ayant rejeté les demandes de la locataire, cette dernière a formé un pourvoi en cassation.
La question qui se posait ici était de savoir si les dispositions de l’article L. 145-46-1 N° Lexbase : L4529MBD s’appliquent à un local industriel.
Décision. La Cour de cassation y répond par la négative. Après avoir rappelé les termes des articles L. 145-1 N° Lexbase : L9695L79 et L. 145-46-1, ce dernier visant les locaux à usage commercial ou artisanal, elle précise que les locaux à usage industriel se trouvent donc exclus du champ d'application de ce texte.
Mais la Haute juridiction va plus loin et prend le soin de définir le local à usage industriel.
Elle relève, dans un premier temps, qu’il résulte des travaux parlementaires de la loi « Pinel » (loi n° 2014-626, du 18 juin 2014 N° Lexbase : L4967I3D) que le projet de loi initial prévoyait l'instauration d'un droit de préférence en cas de vente d'un local à usage commercial, industriel ou artisanal. Mais deux amendements excluant les locaux industriels du champ d'application du droit susvisé ont été adoptés, sans qu'il soit possible de déterminer les motifs de cette exclusion.
Elle se réfère alors, dans un second temps, à la jurisprudence administrative. Ainsi, le Conseil d'État a-t-il jugé que, au sens des articles 44 septies N° Lexbase : L6940LZ3 (CE, 3°-8° s.-sect. réunies, 28 février 2007, n° 283441, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4283DU8), 244 quater B N° Lexbase : L7453MAB (CE, 9e ch., 13 juin 2016, n° 380490 N° Lexbase : A7755RSZ) et 1465 N° Lexbase : L5750MA9 (CE, 9° s.-sect., 3 juillet 2015, n° 369851 N° Lexbase : A5801NMS) du CGI, ont un caractère industriel les entreprises exerçant une activité qui concourt directement à la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers et pour laquelle le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre est prépondérant.
La Cour retient alors que les critères ainsi dégagés sont opérants, au regard de l'objet de l'article L. 145-46-1 précité, pour délimiter la portée de l'exclusion des locaux à usage industriel du droit de préférence.
Elle en conclut qu’au sens de l'article L. 145-46-1 du Code de commerce, doit être considéré comme à usage industriel tout local principalement affecté à l'exercice d'une activité qui concourt directement à la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers et pour laquelle le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre est prépondérant.
En l’espèce, les locaux loués étaient notamment destinés à un usage de fabrication d'agglomérés et l'extrait du registre du commerce et des sociétés de la locataire mentionnait les activités de « pré-fabrication de tous éléments de construction à base de terre cuite plancher murs et autres » ainsi que de « fabrication de hourdis, blocs et pavés béton ». Dès lors, la cour d’appel a pu en déduire que le local donné à bail n'était pas à usage commercial ou artisanal au sens de l'article L. 145-46-1 du Code de commerce. La Cour rejette en conséquence le pourvoi.
Observations. Si l’exclusion des locaux industriels ne faisait guère débat, leur définition permet de circonscrire le champ d’application du texte. Il convient de noter que c’est la première fois que la Cour de cassation en donne une définition.
Par ailleurs, on notera que la question de l’application du droit de préférence aux bureaux n’a pas encore été tranchée par la Cour de cassation. Des cours d’appel ont toutefois précisé que s'il est admis que les bureaux à usage professionnel doivent être exclus du droit de préemption, en revanche, les bureaux abritant une activité commerciale sont considérés comme des locaux à usage commercial, tel étant le cas de locaux dans lesquels est exercée une activité d’administrateur de biens (CA Paris, 5-3, 1er décembre 2021, n° 20/00194 N° Lexbase : A83177DE, V. Téchené, Lexbase Affaires, décembre 2021, n° 669 N° Lexbase : N9811BYZ ; CA Rennes, 11 janvier 2022, n° 20/01661 N° Lexbase : A92307HC, V. Téchené, Lexbase Affaires, janvier 2022, n° 702 N° Lexbase : N0110BZ4).
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les obligations du bailleur du bail commercial, Le champ d'application du droit de préférence du locataire en cas de vente d'un local commercial, in Baux commerciaux, (dir. J. Prigent), Lexbase N° Lexbase : E4282E7Q. |
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