Le Quotidien du 27 juin 2023 : Sociétés

[Brèves] Associés à parts égales : l'unanimité n'exclut pas l'abus d'égalité

Réf. : Cass. com., 21 juin 2023, n° 21-23.298, F-B N° Lexbase : A9822938

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par Perrine Cathalo

le 28 Juin 2023

► Constitue un abus d’égalité le fait, pour un associé à parts égales, d’empêcher, par son vote négatif, une opération essentielle pour la société, dans l’unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment de l’autre associé ; le fait que les actionnaires fondateurs d’une société ont entendu soumettre l’ensemble de leurs décisions à la règle de l’unanimité, ce qui a pour conséquence que l’une comme l’autre a accepté l’hypothèse d’une mésentente conduisant à un blocage du fonctionnement de la société, voire à la disparition de l’affectio societatis, est impropre à exclure l’existence d’un abus d’égalité.

Faits et procédure. Une société luxembourgeoise et une société française ont créé une SAS, dont elles détiennent, chacune pour moitié, le capital social. Cette société A a pour objet le pilotage des transports terrestres de la société B. Ses statuts prévoient que la présidence en est assurée alternativement par une personne désignée par chacun des actionnaires pour une durée de deux ans.

Le 20 mai 2015, les sociétés A et B ont conclu un contrat aux termes duquel la première assurerait, jusqu’au 31 décembre 2017, la coordination du pilotage et la gestion du transport de tout ou partie des produits finis ou semi-finis de la seconde.

Courant 2017, la société B a informé la société A qu’elle envisageait une restructuration de son système de gestion des transports de nature à remettre en cause la poursuite de leurs relations contractuelles.

Le 13 octobre 2017, la société B a demandé à la société A de lui soumettre une proposition d’offre de contrat transitoire. Le 25 octobre 2017, le directeur général de la société A a convoqué une assemblée générale qui a, le 7 novembre suivant, rejeté, faute d’unanimité, la résolution tendant à ce qu’il soit proposé à la société B une offre de contrat transitoire.

Invoquant un abus d’égalité et un manquement au devoir de loyauté, la société luxembourgeoise et la SAS ont assigné la société française aux fins de la voir condamner à leur payer des dommages et intérêts en réparation de leur préjudice. La société française a formé une demande reconventionnelle en paiement, par la SAS, d’une certaine somme au titre d’une facture lui restant due.

Par décision du 28 septembre 2021, la cour d’appel de Chambéry (CA Chambéry, 28 septembre 2021, n° 19/01725) a rejeté l'ensemble des demandes.

Les actionnaires fondateurs et la SAS ont formé un pourvoi devant la Cour de cassation.

Décision. La Haute juridiction rejette les demandes fondées sur le manque de loyauté de la société française, aux motifs que sauf stipulation contraire, l’associé d’une SAS n’est, en cette qualité, tenu ni de s’abstenir d’exercer une activité concurrente de celle de la société ni d’informer celle-ci d’une telle activité et doit seulement s’abstenir d’actes de concurrence déloyaux.

En revanche, la Chambre commerciale censure l’arrêt d’appel en ce qu’il a rejeté les demandes fondées sur l’abus d’égalité.

Pour ce faire, la Cour rappelle que constitue un abus d’égalité le fait, pour un associé à parts égales, d’empêcher, par son vote négatif, une opération essentielle pour la société, dans l’unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment de l’autre associé. Or, en l’espèce, le fait que les actionnaires fondateurs aient entendu soumettre l’ensemble de leurs décisions à la règle de l’unanimité, ce qui a pour conséquence que l’une comme l’autre a accepté l’hypothèse d’une mésentente conduisant à un blocage du fonctionnement de la société, voire à la disparition de l’affectio societatis, n’est pas de nature à exclure la caractérisation d’un tel abus, comme l’ont pourtant retenu les juges du fond.   

La Cour constate ensuite que pour rejeter la demande reconventionnelle de paiement de la facture litigieuse, la cour d’appel a retenu que la société française n’avait pas justifié de la convention de prestations de service dont elle se prévalait, dans la mesure où l’enregistrement comptable de cette facture dans les comptes de la SAS clos au 31 décembre 2017 ne valait pas acceptation de cette dette.

La Haute juridiction considère au contraire que l’article 1103 du Code civil N° Lexbase : L0822KZH, selon lequel les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, imposait aux juges du fond de rechercher si, en approuvant à l’unanimité les comptes de la SAS clos au 31 décembre 2017, les associés n'avaient pas été en mesure de vérifier l’existence de la facture litigieuse et d’approuver l’existence de cette dette.

L’arrêt d’appel est également censuré sur une règle de procédure civile (CPC, art. 455 N° Lexbase : L6565H7B).

Pour aller plus loin : v. commentaire de B. Saintourens, Lexbase Affaires n° 763,  à paraître le 6 juillet 2023. 

 

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