Le Quotidien du 23 mai 2023 : Actualité judiciaire

[A la une] La menace du bracelet électronique se rapproche dangereusement pour Nicolas Sarkozy

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par Vincent Vantighem

le 22 Mai 2023

L’un des nombreux avocats de la défense fait les cent pas dans le prétoire. D’un coup d’œil, il avise la pochette bleue posée sur le pupitre de la cour d’appel de Paris. Sophie Clément n’est pas encore là. Alors il essaye de deviner. Au vu de l’épaisseur. « Je dirais que ça fait dans les 300 pages dont 200 de copier-coller du jugement rendu en première instance, soupire-t-il. Ça ne sent pas bon… » Quelques minutes plus tard, Sophie Clément s’installe, ouvre la pochette bleue et commence à lire les motivations de l’arrêt qui confirme ses craintes. Mercredi 17 mai, Nicolas Sarkozy a été condamné, en appel, à trois ans de prison dont deux ans avec sursis et trois ans de privation des droits civiques dans l’affaire dite des « écoutes de Paul Bismuth ».

Reconnu coupable de « corruption » et de « trafic d’influence », l’ancien Président de la République accuse le coup. Il sait que sa sanction est inédite pour un ancien chef de l’État en France. Mais plus encore que la peine, ce sont sans doute les attendus de l’arrêt qui l’affligent. Car la cour d’appel vient ici confirmer le jugement de première instance selon lequel un « pacte de corruption » a bien été noué entre lui et l’ancien haut magistrat Gilbert Azibert. L’affaire est désormais connue. Avec l’avocat Thierry Herzog dans le rôle de l’intermédiaire téléphonique, Nicolas Sarkozy a tenté de récupérer des informations sur la procédure judiciaire Bettencourt ouverte à la Cour de cassation en échange d’un coup de pouce pour permettre à Gilbert Azibert d’obtenir un poste prestigieux à Monaco. 

Pour se faire cette opinion, la cour d’appel a validé l’intégralité des fameuses écoutes de la ligne secrète « Paul Bismuth » qui servait de socle à l’accusation. Et elle a condamné Gilbert Azibert à la même peine que Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog à trois ans de prison dont deux ans avec sursis et trois ans d’interdiction d’exercer la profession d’avocat.

Car leurs anciens statuts ont pesé dans la balance. « Messieurs Herzog et Sarkozy étaient, tous deux, des avocats. Monsieur Azibert était un spécialiste de la procédure pénale. Aucun des trois ne peut se prévaloir d’une méconnaissance du droit pour prétendre ne pas avoir été parfaitement conscient des infractions commises », souligne ainsi l’arrêt. Pour la cour, cette affaire « a instillé l’idée selon laquelle des procédures peuvent faire l’objet d’arrangements destinés à satisfaire des intérêts privés », lâchent les magistrats.

« Nicolas Sarkozy est innocent »

Autant de raisons qui l’ont conduit a prononcer une peine de prison ferme, aménageable sous forme de placement sous bracelet électronique à domicile pour les trois célèbres prévenus. Au bout d’une petite demi-heure, Sophie Clément a refermé la pochette bleue et a quitté le prétoire, laissant les prévenus comme sonnés. Tous sauf Nicolas Sarkozy. À côté de la barre, entouré par ses avocats et ses communicants, l’ancien chef de l’État a fait ce qu’il sait faire de mieux : organiser la riposte. Pendant de longues minutes, à bas bruit, il a harangué ses troupes. Et puis, en rangs serrés, elles ont quitté le prétoire pour se présenter devant les micros et caméras, dans la salle des pas perdus.

Dans le rôle du commandant en chef, c’est Jacqueline Laffont, son avocate, qui a ouvert le feu : « Je voulais dire que la justice, c’est parfois un très long chemin difficile. Mais nous sommes encore au début du chemin et que ce chemin va se poursuivre. Vous l’avez compris, nous allons former un pourvoi en cassation. […] Nicolas Sarkozy est innocent des faits qui lui sont reprochés. […] Cette décision me semble stupéfiante. Elle est critiquable, contestable en droit et en fait. Elle est inique et injuste. »

Inique, injuste, certes. Mais, surtout, elle n’a pas été assortie d’une exécution provisoire. Autrement dit, le pourvoi en cassation formé par la défense, unanime des trois prévenus, permet de suspendre la peine de prison ferme aménageable sous la forme d’un bracelet électronique. Ultime sursis pour Nicolas Sarkozy.

Le dossier du financement libyen en toile de fond

Dans les faits, il faudra désormais attendre « une petite année », selon une source judiciaire, pour voir la plus haute institution judiciaire française, et en l’espèce sa Chambre criminelle, se pencher sur le dossier. Charge à elle de contredire les deux formations de jugement précédentes. Ou de confirmer que Nicolas Sarkozy devra rester chez lui, à heures fixes, avec un bout de plastique autour de la cheville pendant un an. Quelle indignité pour lui.

Au-delà de l’aspect purement historique de la menace, la situation revêt aujourd’hui deux enjeux majeurs et intrinsèquement liés entre eux. Le premier concerne les moyens que la défense des prévenus pourrait soulever en cassation. Tout le monde les ignore. Mais tout le monde sait aussi que s’ils concernent la légalité des écoutes entre un avocat et son client, les prévenus risquent fort de se heurter à un mur juridique. Les écoutes, dans ce dossier, ont déjà fait l’objet de neuf recours devant la chambre de l’instruction et de cinq devant la Cour de cassation. Et à chaque fois, elles ont été validées. Voilà qui n’augure rien de bon pour l’ancien Président de la République. À moins qu’il ne trouve autre chose à dire sur l’arrêt prononcé par la cour d’appel de Paris, sur la forme évidemment.

L’autre enjeu concerne l’avenir judiciaire et médiatique de Nicolas Sarkozy même. Condamné en appel, l’ancien chef de l’État est menacé par une situation du même type dans le dossier Bygmalion qui doit faire un retour dans le prétoire de l’Île de la Cité en novembre. Et surtout, il voit plonger sur lui la crainte de plus en plus forte d’un procès dans le dossier du financement libyen que vient de requérir à son encontre le parquet national financier. Le risque est donc réel de voir dans quelques mois, voire quelques années, Nicolas Sarkozy s’avancer à la barre d’un tribunal pour être jugé pour corruption avec un bracelet électronique hérité d’une autre affaire de corruption pour laquelle il aura déjà été condamné. « Je suis un combattant. La vérité finira par triompher », a-t-il tweeté, en guise de prophétie. Quelle qu’elle soit, l’avenir le dira.

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