Le Quotidien du 14 mars 2023 : Bancaire

[Brèves] Champ d’application du crédit immobilier

Réf. : Cass. civ. 1, 1er mars 2023, n° 21-17.018, FS-B N° Lexbase : A17819G3

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[Brèves] Champ d’application du crédit immobilier. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/93797698-0
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par Jérôme Lasserre-Capdeville

le 13 Mars 2023

En application de l’article L. 312-2 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2010-737, du 1er juillet 2010, un emprunt qui n’est qu’accessoirement affecté au remboursement de précédents crédits immobiliers n’entre pas dans le champ d'application des dispositions du Code de la consommation relatives aux crédits immobiliers.

Aujourd'hui, l’étendue exacte du champ d’application du crédit immobilier ressort de quatre articles du Code de la consommation : l’article L. 313-1 N° Lexbase : L3398K7Y qui prévoit les opérations incluses dans le champ d’application, mais aussi l’article L. 313-2 N° Lexbase : L3397K7X qui mentionne, à l’inverse, les opérations qui en sont exclues, et enfin les articles L. 314-11 N° Lexbase : L3205K7T et L. 314-12 N° Lexbase : L3204K7S qui envisagent l’hypothèse particulière du regroupement de crédits. Plusieurs critères ont vocation à jouer en la matière, et plus particulièrement l’affectation du crédit, voire, depuis l’ordonnance n° 2016-351, du 25 mars 2016 N° Lexbase : L2937K7W, la présence d’une garantie réelle sur le bien.

Des incertitudes demeurent cependant en la matière, notamment en présence de faits plus anciens, c’est-à-dire antérieurs à cette même ordonnance. Une décision de la première chambre civile du 1er mars 2023 en témoigne.

Faits et procédure. En l’espèce, le 13 avril 2007, M. W. avait, par l’intermédiaire de la société A., souscrit auprès de la banque luxembourgeoise N. un prêt de 3 800 000 euros garanti par une hypothèque. Ce prêt, remboursable in fine au terme de dix années, au taux variable, libellé en euros et converti en francs suisses, était destiné, d’une part, au remboursement par anticipation de prêts immobiliers consentis par la société C. à hauteur de 486 420,04 euros, d’autre part, à la satisfaction d’un besoin en trésorerie à hauteur de 600 000 euros, enfin, au placement d’une somme de 2 570 000 euros sur un contrat d'assurance-vie nanti au profit de la banque et souscrit auprès de la société L.

Le 11 janvier 2008, invoquant la méconnaissance de dispositions du Code de la consommation relatives aux crédits immobiliers ainsi que l'irrégularité du taux effectif global, l’emprunteur avait assigné la banque et l’intermédiaire en nullité du prêt et de la stipulation d’intérêts, subsidiairement en déchéance de la banque de son droit aux intérêts conventionnels, ainsi qu'en responsabilité et indemnisation.

On précisera qu’en cours d’instance, la banque avait été placée en liquidation judiciaire. La société KPMG Luxembourg avait été alors désignée en qualité de liquidateur.

Toutefois, la cour d’appel de Nîmes n’ayant pas donné raison à M. W., ce dernier avait formé un pourvoi en cassation.

Décision. Plusieurs moyens, et avec eux les réponses données par la Cour, attirent alors l’attention.

  • Application du droit régissant le crédit immobilier

En premier lieu, l’emprunteur faisait grief à l’arrêt d’avoir rejeté sa demande en nullité de la convention de prêt conclue le 13 avril 2007 et, en conséquence, de l’avoir condamné à payer à la société KPMG Luxembourg, en sa qualité de liquidateur de la banque, la somme de 4 829 936,32 euros avec intérêts au taux du Libor majoré de 1,8 % à compter du 26 juin 2019.

M. W. prétendait alors qu'est soumis aux dispositions du Code de la consommation relatives au crédit immobilier, le prêt qui est en partie affecté au remboursement par anticipation de prêts antérieurement souscrits par l'emprunteur pour la réalisation de travaux de réparation et d'amélioration sur l'immeuble qu’il avait acquis. De même, il alléguait qu’en toute hypothèse est soumis aux dispositions du Code de la consommation relatives au crédit immobilier le prêt qui est principalement affecté au financement d’une opération de nature immobilière.

La Cour de cassation ne lui donne cependant pas raison.

Elle commence par rappeler le contenu de l’article L. 312-2 du Code de la consommation N° Lexbase : L6657IMI, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2010-737, du 1er juillet 2010.

Elle note ensuite qu’ayant constaté que le prêt litigieux d’un montant 3 800 000 euros avait pour objet de rembourser, à concurrence de 429 800 euros, deux emprunts immobiliers contractés auprès d’une autre banque, de procurer 600 000 euros de trésorerie à l’emprunteur et de financer la souscription simultanée d'un contrat d’assurance-vie à hauteur de 2 750 000 euros, la cour d’appel avait considéré que le concours constituait un investissement financier destiné à effacer les effets négatifs du précédent emprunt immobilier.

Elle en avait alors exactement déduit que le prêt litigieux, qui n’était qu’accessoirement affecté au remboursement de précédents crédits immobiliers, n’entrait pas dans le champ d’application des dispositions du Code de la consommation relatives aux crédits immobiliers. Le moyen n’était donc pas fondé.

Cette solution est importante. Il en résulte, en effet, que ce n’est que si le crédit est principalement affecté au remboursement d’un crédit immobilier que le droit régissant ce dernier est applicable. Une question se pose alors : à partir de quel pourcentage peut-on parler de financement principalement affecté ? Plus de 50 % ? Il est dommage que la Haute juridiction ne nous donne aucune indication sur ce point.

  • Calcul du taux effectif global

En second lieu, l’emprunteur faisait grief à l’arrêt d’avoir rejeté sa demande de déchéance totale de tout droit, pour la banque, aux intérêts conventionnels et, en conséquence, de l’avoir condamné à payer à la société KPMG Luxembourg, en sa qualité de liquidateur de la banque, la somme de 4 829 936,32 euros avec intérêts au taux du Libor majoré de 1,8 % à compter du 26 juin 2019, alors que les frais relatifs à un contrat d'assurance sur la vie sont intégrés dans la détermination du taux effectif global lorsque la souscription d'un tel contrat est imposée à l'emprunteur comme une condition de l'octroi du prêt. Dès lors, en énonçant, pour exclure les frais de l’assurance-vie de l’assiette de calcul du taux effectif global, que ceux-ci faisaient l’objet d’un contrat et d’un placement distincts, la cour d'appel se serait prononcée par des motifs inopérants et aurait, dès lors, violé l’article L. 313-1 du Code de la consommation N° Lexbase : L1517HIZ, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2006-346, du 23 mars 2006, applicable au litige.

Ici encore, la Haute juridiction n’est pas convaincue.

La Cour de cassation commence par rappeler le contenu de l’ancien article L. 313-1 du Code de la consommation, visant les éléments à prendre en considération pour calculer le TEG. Elle considère alors qu’il en résulte que, lorsque la souscription d'un contrat d'assurance sur la vie est imposée par le prêteur comme condition d’octroi du prêt, la prime d'assurance, qui fait partie des frais indirects au sens du texte susvisé, doit être prise en compte pour la détermination du taux effectif global.

Or, ayant constaté que la majeure partie de la somme empruntée était destinée à financer la souscription du contrat d’assurance-vie et faisait ainsi ressortir que cet investissement constituait l’objectif poursuivi par l’emprunteur, la cour d'appel, appréciant souverainement la commune intention des parties, avait pu en déduire « que cette circonstance excluait que la souscription de l’assurance-vie ait été une condition mise à l'octroi du prêt ». Le moyen n’était donc pas fondé.

Cette solution emporte notre adhésion. Seuls les frais liés à l’assurance imposée par le prêteur pour pouvoir bénéficier du crédit doivent être comptabilisés dans le TEG (v. par ex., Cass. civ. 1, 23 novembre 2004, n° 02-13.206, F-P+B N° Lexbase : A0245DES ; Cass. civ. 1, 13 novembre 2008, n° 07-17.737, F-P+B N° Lexbase : A2325EBQ). Or, tel n’était pas le cas, manifestement, en l’espèce.

  • Mention du taux de période

En dernier lieu, l’emprunteur faisait le même grief à l’arrêt des juges du fond, alors que le taux de période et la durée de la période doivent être expressément communiqués à l’emprunteur et que le défaut de communication de ces informations est sanctionné par la déchéance, totale ou partielle, du droit aux intérêts conventionnels. Dès lors, en énonçant, pour rejeter la demande de déchéance des intérêts formée par M. W., que les parties avaient expressément fait référence à l’article R. 313-1 du Code de la consommation N° Lexbase : L6959ABD pour le calcul du taux effectif global et que les exigences de ce texte devaient être respectées mais que la mention du taux de période n’était en revanche pas obligatoire, la cour d’appel aurait violé l’article R. 313-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction issue du décret n° 2002-297, du 10 juin 2002, applicable au litige.

Or, ce moyen se révèle en revanche utile. Il parvient, en effet, à convaincre la Haute juridiction qui casse et annule la décision des juges du fond en ce qu’elle avait condamné M. W. à payer à la société KPMG Luxembourg, en qualité de liquidateur de la société N., la somme de 4 829 936,32 euros avec intérêts au taux du Libor majoré de 1,8 % à compter du 26 juin 2019.

Pour la Cour de cassation, en effet, il résulte des articles L. 313-4 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L8244IMB, L. 313-1 et R. 313-1 du Code de la consommation, les deux premiers textes dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2010-737, du 1er juillet 2010 et le dernier dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2011-135, du 1er février 2011, qu’à l’occasion de la conclusion d’une opération de crédit, le prêteur est tenu de communiquer à l’emprunteur, de manière expresse, le taux de période et la durée de celle-ci.

Pour rejeter la demande de déchéance de la banque de son droit aux intérêts contractuels, la cour d’appel de Nîmes avait retenu que, si les parties avaient expressément fait référence, dans leur convention, à l’article R. 313-1 du Code de la consommation pour le calcul du taux effectif global et que les exigences de ce texte devaient être respectées, la mention du taux de période n’était, en revanche, pas obligatoire.

Dès lors, en statuant ainsi, la cour d’appel avait violé les textes précités.

Cette solution est tout aussi convaincante que les précédentes. En effet, au moment des faits, l’obligation de mentionner le taux de période et la durée de période s’imposait à l’ensemble des contrats de prêt. Il en allait, par exemple, ainsi, à l’égard des prêts destinés à financer des opérations immobilières consentis à une société (Cass. civ. 1, 19 septembre 2007, n° 06-18.924, F-D N° Lexbase : A4308DY9 ; Cass. civ. 1, 1er juin 2016, n° 15-15.813, F-D N° Lexbase : A8710RRZ).

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