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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
le 27 Mars 2014
Contradictions. Près de 600 couples de même sexe ont convolé en justes noces depuis l'adoption de la loi relative au mariage pour tous. Il y aurait autant de couples d'hommes que de couples féminins qui se seraient laissés tenter par l'union maritale. Le "marché" n'est pas bien important, mais suffisant pour que l'on relève des propositions idoines de services à la personne : la "location de seins". L'allaitement est à nouveau à la mode depuis quelques années déjà, et il n'y aurait pas de raison pour que les nouveaux-nés des couples homosexuels masculins ne puissent pas bénéficier des bienfaits du lait maternel. Cet "allaitement mercenaire" ferait ainsi son retour, après que la duchesse d'Epinay l'ait relégué aux oubliettes de la mode. La "mère de lait" chère à la noblesse du Moyen-Age et aux couches sociales favorisées de l'ère industrielle, réapparaîtrait sans que l'on puisse juridiquement véritablement l'en empêcher. Pour autant, que l'on "loue son sein" aux fins d'allaitement ou que l'on "loue son utérus" aux fins de procréation, quelle différence quant à l'aliénation temporaire du corps humain contre rémunération ? Quid de l'avenir de la gestation pour autrui et de la commercialisation des produits du corps humain ?
En même temps, "ni la contradiction n'est marque de fausseté, ni l'incontradiction n'est marque de vérité" écrivait Pascal (in Pensées sur la religion).
Contrariétés. La cour d'appel de Nancy a condamné l'Etat à indemniser un agriculteur atteint d'un cancer provoqué par des substances toxiques contenues dans des pesticides et herbicides, la Commission d'indemnisation des victimes d'infraction (CIVI) y étant, elle-même, favorable. On apprend que les magistrats reconnaissent que des fautes avaient été commises par les fabricants de produits phytosanitaires ; fautes qui auraient dû être couvertes par le fonds de garantie de l'Etat. Seulement, avec une trentaine d'agriculteurs malades après avoir été exposés aux mêmes produits toxiques ayant engagé des procédures similaires, l'Etat ne veut pas que "jurisprudence soit faite". Le danger qu'a et constitue encore l'amiante aura passablement échaudé les finances publiques et l'Etat, tout principe de précaution qui soit, n'autorise pas moins d'une dizaine de pesticides et autres produits dangereux... contre l'avis des experts. Le risque est donc grand pour le Trésor. Au même moment, le Conseil d'Etat retoquait également l'Etat pour avoir tiré, cette fois-ci, haro trop top. Le Haut conseil marquait le pas, en référé, dans la saga automobile de l'été, en suspendant la décision administrative d'interdire les immatriculations de 60 % des modèles de la marque Mercedes utilisant un gaz de refroidissement non-conforme à celui exigé par l'Union européenne, mais dont les effets néfastes pour l'environnement n'en sont pas pour autant démontrés... Pire, il semblerait même que le gaz incriminé soit moins dangereux que celui labellisé par l'Union. Un Etat contrarié donc, qui effectuera sa reprise sur le banc communautaire sous le joug de deux probables condamnations par la Cour de justice concernant le régime d'imposition des dividendes... remises en cause qui pourraient lui coûter quelques 10 milliards d'euros.
Et, l'on passera sous silence les cacophonies d'une réforme pénale déjà mal engagée : "l'ironie n'enlève rien au pathétique. Elle l'outre au contraire" pensait Flaubert.
Contraires. Cet été disparaissait l'un des ténors tant décriés de la profession d'avocat. Pourtant converti à l'Islam, se retrouvaient autour de son cercueil dans une église germanopratine tous et leurs contraires : d'autres ténors défendant les droits et libertés tout azimut, des anti-liberticides, des anticolonialistes, des antisémites, des antisionistes, des politiques chevronnés et corrompus, des malfrats professionnels et réhabilités. Tous s'accordaient finalement sur le pouvoir et le devoir de défendre l'indéfendable. La somme des contraires s'éteignait donc ; mais sans doute avaient-ils lu Chateaubriand : si "les vivants ne peuvent rien apprendre aux morts ; les morts, au contraire, instruisent les vivants" (in Mémoires d'outre-tombe).
Bonne reprise et bonne lecture avec les éditions juridiques Lexbase.
* Nietzsche, Par delà le bien et le mal
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