Le Quotidien du 2 mars 2023 : Harcèlement

[Brèves] Harcèlement moral : il faut envisager son existence avant le préjudice

Réf. : Cass. soc., 15 février 2023, n° 21-20.572, F-B N° Lexbase : A24089DK

Lecture: 4 min

N4465BZE

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Brèves] Harcèlement moral : il faut envisager son existence avant le préjudice. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/93403830-breves-harcelement-moral-il-faut-envisager-son-existence-avant-le-prejudice
Copier

par Lisa Poinsot

le 01 Mars 2023

En cas de harcèlement moral, il appartient au juge de rechercher préalablement si les faits présentés par le salarié ne laissent pas présumer l’existence d’un harcèlement moral et si, dans l’affirmative, l’employeur prouve que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Après s’être prononcé sur l’existence du harcèlement moral, le juge statue sur le préjudice au titre de ce dernier.

Faits et procédure. Le contrat de travail d’un salarié protégé prévoit un salaire mensuel auquel s’ajoute une prime mensuelle de forfait vitrerie. En raison d’une inaptitude à ses fonctions et à la suite d’un reclassement, son employeur l’informe que sa prime de forfait vitrerie est intégrée dans sa rémunération brute mensuelle.

Deux ans plus tard, son employeur lui notifie une mutation disciplinaire.

Alors que le salarié saisit la juridiction prud’homale de demandes en paiement de rappels de salaire et de prime, son employeur le convoque à un entretien préalable en vue de son licenciement et lui notifie une mise à pied conservatoire. Pour le licencier, l’employeur convoque le comité d’entreprise (désormais comité social et économique) en réunion extraordinaire puis demande à l’inspecteur du travail l’autorisation de licencier le salarié. Par le refus de l’inspecteur du travail d’autoriser le licenciement, l’employeur demande au salarié de reprendre son poste et lui notifie un avertissement pour les faits qui l’ont conduit à envisager un licenciement à son encontre.

Le bureau de conciliation et d’orientation du CPH condamne l’employeur à verser au salarié une provision à valoir sur les primes de forfait vitrerie par une ordonnance qui est par la suite annulée par arrêt de la cour d’appel.

Devant la cour d’appel, le salarié soutient que l’ensemble de ces faits laissent supposer une situation de harcèlement moral.

Sur ce point, la cour d’appel (CA Versailles, 26 novembre 2020, n° 18/04991 N° Lexbase : A822937W) retient que le salarié ne donne aucun élément sur le préjudice qui résulte de la situation de harcèlement moral, alors qu’aucun préjudice n’est automatique.

En conséquence, elle déboute le salarié de sa demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral.

Le salarié forme alors un pourvoi en cassation.

La solution. Énonçant les solutions susvisées, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule la décision d’appel sur le fondement de l’article L. 1152-1 du Code du travail N° Lexbase : L0724H9P et l’article L. 1154-1 du même code N° Lexbase : L6799K9P, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088, du 8 août 2016 N° Lexbase : L8436K9C.

La Haute juridiction rappelle l’aménagement probatoire et l’office du juge en matière de harcèlement moral :

  • étape 1 : le salarié doit établir des faits laissant présumer l’existence d’une situation de harcèlement moral en produisant notamment des documents médicaux ;
  • étape 2 : le juge doit apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral ;
  • étape 3 : l’employeur doit prouver que les éléments soulevés ne sont pas constitutifs d’un harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs à tout harcèlement ;
  • étape 4 : le juge statue sur le préjudice subi par le salarié du fait de la situation de harcèlement moral.

Pour aller plus loin :

  • v. infographie, INFO174, Harcèlement moral, Droit social N° Lexbase : X5614AT4 ;
  • v. ÉTUDE : Le harcèlement moral, La charge de la preuve, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E30874QE ;
  • v. formation Lexlearning, Le harcèlement : caractérisation et prévention (LXBEL48) (dir. P. Larroque-Daran, S. Hervouët et M. Guille) ;
  • sur le changement des conditions de travail du salarié protégé : la Haute juridiction rappelle qu’aucune modification de son contrat de travail ou aucun changement de ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé et il appartient à l'employeur d'engager la procédure de licenciement en cas de refus du salarié de cette modification en demandant l'autorisation de l'inspecteur du travail. L'acceptation par un salarié protégé d'une modification du contrat de travail ou d'un changement des conditions de travail ne peut résulter ni de l'absence de protestation de celui-ci ni de la poursuite par l'intéressé de son travail (v. aussi : Cass. soc., 21 novembre 2006, n° 04-47.068, FS-P+B N° Lexbase : A5221DS8) ;
  • sur l’annulation de l’ordonnance du bureau de conciliation et d’orientation du CPH : la Cour de cassation énonce que l’appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d’appel. Il est statué à nouveau en fait et en droit dans les conditions et limites déterminées aux livres premier et deuxième du Code de procédure civile. En l’espèce, l’obligation de restitution de la provision versée par l’employeur résulte de plein droit de l’annulation de l’ordonnance assortie de l’exécution provisoire.

 

newsid:484465

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus