Réf. : CEDH, 20 décembre 2022, Req. n° 53282/18 et n° 31428/20 [en anglais]
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par Charlotte Moronval
le 23 Janvier 2023
► Le fait de ne pas donner aux fonctionnaires de sexe féminin la possibilité de continuer à travailler au-delà de l'âge de départ à la retraite pour les femmes et jusqu'à ce qu'elles aient atteint l'âge de départ à la retraite fixé pour les hommes constitue une discrimination fondée sur le sexe.
Faits. Deux ressortissantes roumaines nées en 1956 sont fonctionnaires à la retraite. L’une d’elle, alors qu'elle allait atteindre l'âge obligatoire de départ à la retraite pour les femmes, demande à pouvoir continuer à travailler jusqu'à 65 ans, l'âge de départ à la retraite pour les hommes. Le contrat de travail de la requérante est cependant résilié au motif qu’elle a atteint l'âge obligatoire de départ à la retraite et qu’elle a versé les cotisations nécessaires au régime de retraite. Son employeur refuse d'annuler cette décision.
La requérante attaque la décision devant les tribunaux, alléguant une discrimination fondée sur le sexe. En première instance, le tribunal statue en sa faveur, au motif qu'en vertu de la loi applicable, un agent public a le droit et non l'obligation de prendre sa retraite. Cependant, son employeur obtient gain de cause en appel. La cour d'appel juge que la loi évoquée par le tribunal de première instance ne s'applique pas en l'espèce et que les exigences tirées de la loi sur la fonction publique et de la loi sur les pensions étaient claires en ce qui concerne la fin automatique de la durée des contrats une fois atteint l'âge obligatoire de départ à la retraite.
L’autre requérante est licenciée au motif qu’elle a également atteint l'âge obligatoire de départ à la retraite pour les femmes. Le ministère refuse de revenir sur cette décision. Elle cherche alors à faire annuler cette décision en justice, arguant qu'un âge de départ à la retraite plus bas pour les femmes est discriminatoire. Le tribunal statue en sa faveur et annule la décision de licenciement. Cependant, son employeur obtient gain de cause en appel. La cour d'appel précise que la requérante a demandé non pas l'égalité de traitement, mais simplement l'autorisation de travailler un an de plus dans ses fonctions, ce qui ne relevait pas de la jurisprudence interne pertinente en la matière.
Invoquant l'article 1 du Protocole n° 12 (interdiction générale de la discrimination) à la CEDH, les requérantes voient une discrimination dans l’obligation pour elles de partir à la retraite à l'âge obligatoire fixé pour les femmes.
La position de la CEDH. Selon la jurisprudence constante de la Cour, les différences d'âge de départ à la retraite entre les sexes, comme celles qui existaient au moment de l'introduction des requêtes en l’espèce, s'analysent en une différence de traitement.
S'agissant de la compatibilité de cette situation avec la Convention, la Cour relève que la situation est liée au régime de Sécurité sociale en place dans l'État. Elle observe que les juridictions internes n'ont pas répondu aux arguments pertinents tirés du droit de l'Union européenne ou de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne.
Le Gouvernement n'a avancé aucun argument concernant les coûts financiers ou autres pour la société qu’entraînerait l’autorisation pour les femmes de travailler jusqu'à 65 ans. En effet, la situation a été corrigée par la suite en Roumanie par le biais d'une législation et d'une décision de la Cour constitutionnelle, puis d’une autre décision de la Haute juridiction qui a étendu cette possibilité à la fonction publique.
Conclusion. La Cour en conclut que le fait de ne pas avoir permis aux requérantes de continuer à travailler au-delà de l'âge de départ à la retraite pour les femmes et jusqu'à ce qu'elles aient atteint l'âge de départ à la retraite fixé pour les hommes s’analyse en une discrimination fondée sur le sexe qui n'était pas objectivement justifiée ni nécessaire, en violation de l'article 1 du Protocole n° 12 à la Convention.
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