Le Quotidien du 5 janvier 2023 : Contrats administratifs

[Brèves] Résiliation amiable d’un contrat administratif : oui à l’indemnisation (non excessive !) du cocontractant

Réf. : CE, 3°-8° ch. réunies, 16 décembre 2022, n° 455186, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A67478ZW

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par Yann Le Foll

le 04 Janvier 2023

► La résiliation amiable d’un contrat administratif par la personne publique doit donner lieu à indemnisation du cocontractant, celle-ci devant cependant être exemptée de tout caractère excessif.

Faits. Une commune a conclu un bail qualifié d'emphytéotique d'une durée de soixante ans avec une société, sur un terrain, avec obligation, mise à la charge de la société d'y construire et exploiter un village de vacances. La société a fait part à la commune de son intention de trouver un accord pour mettre fin à ce contrat et le conseil municipal de cette commune a autorisé son maire à résilier ce bail de manière anticipée en contrepartie du versement d'une indemnité à la société.

Principe. Les parties à un contrat conclu par une personne publique peuvent déterminer l'étendue et les modalités des droits à indemnité du cocontractant en cas de résiliation amiable du contrat, sous réserve qu'il n'en résulte pas, au détriment de la personne publique, l'allocation au cocontractant d'une indemnisation excédant le montant du préjudice qu'il a subi résultant du gain dont il a été privé, ainsi que des dépenses qu'il a normalement exposées et qui n'ont pas été couvertes en raison de la résiliation du contrat.

Position CAA. La cour administrative d’appel (CAA Marseille, 7 juin 2021, n° 19MA03238 N° Lexbase : A37084UU) a jugé qu'en raison de l'obligation faite aux preneurs d'aménager et d'exploiter un village de vacances sur le site, le manque à gagner résultant de la résiliation anticipée d'un bail ne pouvait correspondre qu'à la perte du bénéfice qui pouvait être escompté de l'exploitation du site pour la durée du contrat restant à courir.

Décision CE. En refusant de tenir compte, pour déterminer si le montant de l'indemnité accordée par la commune au titre de la résiliation du contrat était excessif au regard du préjudice en résultant pour le cocontractant au titre du gain dont il a été privé, du prix qu'il pouvait tirer de la cession des droits qu'il tenait du bail, afin de retenir le plus élevé des deux montants correspondant soit au bénéfice escompté de l'exploitation du site pour la durée du contrat restant à courir, soit à la valeur des droits issus du bail, la cour a commis une erreur de droit.

Position rapporteur public. Dans ses conclusions suivies, Thomas Pez-Lavergne proposait d’ajuster la jurisprudence inaugurée par la décision « Chambre de commerce et d'industrie de Nîmes, Uzès, Bagnols, Le Vigan » (CE, 5 avril 2011, n° 334280 N° Lexbase : A0953HQD), qui prévoit que « l’étendue et les modalités de l’indemnisation du cocontractant, en cas de résiliation d’un contrat administratif, peuvent être déterminées par les stipulations du contrat, sous réserve qu’il n’en résulte pas, au détriment d’une personne publique, une disproportion manifeste entre l’indemnité ainsi fixée et le montant du préjudice résultant, pour le concessionnaire, des dépenses qu’il a exposées et du gain dont il a été privé », pour la faire évoluer vers la position du Conseil constitutionnel (Cons. const., décision n° 2010-624 DC, du 20 janvier 2011, Loi portant réforme de la représentation devant les cours d'appel N° Lexbase : A1518GQB, selon laquelle « l’indemnisation ne saurait permettre l’allocation d’indemnités ne correspondant pas au préjudice subi ou excédant la réparation de celui-ci ») « afin d’assurer le bon usage des deniers publics et d’envoyer un signal aux collectivités publiques parfois généreuses dans l’allocation amiable d’indemnités à leurs cocontractants ».

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