Réf. : Cass. civ. 3, 14 décembre 2022, n° 21-21.305, FS-B+R N° Lexbase : A49678ZY
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N3710BZG
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC, Responsable de la Commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
le 05 Janvier 2023
►La multiplication des recours préventifs conduit la Cour de cassation à modifier sa jurisprudence ; l’assignation n’est plus automatiquement interruptive de prescription ; il faut qu’elle contienne une demande en reconnaissance d’un droit pour l’être.
Au risque de trivialité, cette décision est assez énorme. La Haute juridiction vient préciser sa célébrissime jurisprudence rendue au terme de quatre arrêts du 16 janvier 2020 et particulièrement celui (Cass. civ. 3, 16 janvier 2020, n° 18-25.915, FS-P N° Lexbase : A17433B8) par lequel elle expose que le recours entre constructeurs n’est pas de dix ans à compter de la réception mais de cinq ans à compter du jour où le constructeur a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son action.
Au détour d’une sorte de retour d’expérience qui lui fait dire que cette règle oblige les constructeurs à introduire, dans certains cas, un recours en garantie contre d’autres intervenants avant même d’avoir été assignés en paiement par le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage dans le seul but d’interrompre la prescription, elle définit le point de départ de ce délai de recours. Le constructeur ne peut être considéré comme inactif si le maître d’ouvrage ou l’acquéreur ne forme pas une demande principale à son encontre.
La Haute juridiction a bien noté que, même lorsqu’ils ont interrompu la prescription en formant eux-mêmes une demande d’expertise contre les autres intervenants à l’opération de construction, le délai de cinq ans recommence à courir à compter du jour où la mesure d’expertise a été exécutée alors que le délai du maître d’ouvrage ou de l’acquéreur est de dix ans à compter de la désignation de l’expert. Par conséquent, le délai du constructeur peut, à nouveau, être plus court que celui du bénéficiaire de la garantie, quand bien même il a interrompu son délai. Autrement dit encore, le délai de prescription ne s’interrompt pas automatiquement par une assignation en référé expertise.
Cette solution vient apporter une importante subtilité à des contentieux, fréquents, tant les enjeux sont importants, relatifs aux modes interruptifs d’interruption de la prescription. L’arrêt rendu quinze jours avant par cette même chambre sur l’absence d’effet interruptif d’une lettre de mise en demeure s’en fait l’écho (Cass. civ. 3, 30 novembre 2022, n° 21-19.309, F-D N° Lexbase : A34828XA).
La solution induit, toutefois, d’importantes discussions sur la notion de « demande de reconnaissance d’un droit ». Il paraît, ainsi, trop hâtif et systématique d’exclure l’assignation aux fins d’expertise. Tout dépendra donc de la formulation et des termes employés mais il est certain que cette notion va faire débat.
La demande de reconnaissance d’un droit ne peut-elle pas être celle par laquelle le demandeur explique le lien entre la mission confiée au constructeur et la responsabilité civile décennale de l’article 1792 du Code civil N° Lexbase : L1920ABQ ?
La solution est heureuse pour les référés préventifs mais pour les autres types de référés, il faudra rester vigilant pour éviter une déconvenue.
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