Le Quotidien du 12 décembre 2022 : Peines

[Brèves] Confiscation du produit de l’infraction : quel est le sort de l’immeuble ayant bénéficié de travaux financés par des fonds illicitement obtenus ?

Réf. : Cass. crim., 7 décembre 2022, n° 20-87.111, F-B N° Lexbase : A85218XU

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N3607BZM

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par Helena Viana

le 14 Décembre 2022

► Est confiscable dans sa totalité l’immeuble acquis par l’emploi de sommes licites, dans la mesure où ce bien a bénéficié de travaux d’amélioration permettant l’accroissement de sa valeur et que ces travaux ont été financés par des sommes remises dans le cadre d’une escroquerie. L’immeuble constitue le produit de l’infraction et sa confiscation ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété du requérant dans les faits de l’espèce.  

Faits et procédure. Le 27 mai 2019, un tribunal correctionnel a condamné un individu pour des faits d’escroquerie et a prononcé une mesure de confiscation portant sur des biens immobiliers appartenant à l’intéressé. Ce dernier avait utilisé des fonds issus de cette escroquerie pour rénover et effectuer des travaux sur un bien immobilier, lequel avait acquis une valeur bien supérieure, passant d’un prix de 210 000 euros à l’achat à 1,5 millions d’euros ensuite des travaux. Par requête introduite le 25 juin 2020, l’intéressé a demandé la mainlevée de la mesure. Il a été débouté de sa demande de mainlevée et la cour d’appel a confirmé la peine complémentaire de confiscation portant sur cet immeuble.  

Moyen du pourvoi. La personne condamnée a formé un pourvoi en cassation au motif que la cour d’appel, en confirmant la peine de confiscation, avait porté une atteinte disproportionnée à son droit de propriété. La cour avait prononcé ladite confiscation sans s’expliquer davantage sur l’atteinte au droit qu’il invoquait, au regard de son activité professionnelle de juriste qu’il exerçait au sein de son bien confisqué. Ce faisant, il reprochait à la cour d’appel d’avoir méconnu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme N° Lexbase : L7558AIR, 1er du protocole n° 1 N° Lexbase : L1625AZ9, 132-1 du Code pénal N° Lexbase : L9834I3M, 485 N° Lexbase : L9916IQC, 512 N° Lexbase : L5541LZA, 591 N° Lexbase : L3975AZA et 593 N° Lexbase : L3977AZC du Code de procédure pénale. 

Décision. La Cour de cassation confirme la décision de la cour d’appel ayant ordonné la confiscation de l’immeuble litigieux. Elle reprend et valide le raisonnement adopté par les juges du fond.  

Ils ont retenu que les sommes ayant été remises par la victime de l’escroquerie ont servi au propriétaire pour réaliser les travaux d’amélioration, ce qu’il ne conteste pas. Dès lors, et bien que l’immeuble ait été acquis par des sommes licites en 2003 par le biais d’un emprunt bancaire, les juges ont énoncé que l’immeuble litigieux était aujourd’hui le produit de sommes licites et de sommes illicites, lesquelles ont permis d’accroître significativement la valeur du bien dans ensemble.  

Ils en ont conclu que la confiscation apparaissait nécessaire au regard de la gravité des faits sans être disproportionnée au regard de l'atteinte portée par cette mesure au droit de propriété et au droit au respect de la vie privée et familiale. Les magistrats ont notamment justifié le caractère proportionné de cette mesure par le fait que le propriétaire du bien confisqué disposait de nombreux autres biens situés dans d’autres localités dont il allait retrouver la disposition.  

Ainsi la Chambre criminelle énonce que la cour d’appel avait, à bon droit, considéré que le bien susvisé était confiscable dans sa totalité en application du troisième alinéa de l'article 131-21 du Code pénal N° Lexbase : L3759HGC, dans la mesure où il était constitué au moins pour partie du produit de l’infraction : les sommes escroquées ayant permis les travaux d’amélioration. De plus, elle confirme l’appréciation du caractère proportionnel de cette mesure, l’intéressé n’ayant pas fait valoir que le bien confisqué était nécessaire à l’exercice de son activité professionnelle.  

Rappelons que les juges du fond doivent procéder au contrôle de proportionnalité dès lors que le bien excède le montant du produit de l’infraction, la Cour de cassation effectuant une distinction entre le bien produit ou objet de l’infraction et le bien dénué de rapport avec l'infraction (Cass. crim., 3 mai 2018, n° 17-82.098, F-P+B N° Lexbase : A4386XME). Rappelons aussi que ces mêmes juges demeurent souverains dans l’appréciation du produit de l’infraction (Cass. crim., 12 juillet 2016, n° 15-83.355, F-D N° Lexbase : A2060RXL).  

La solution de l’arrêt référencé semble sévère, en ce qu’elle consacre une vision particulièrement extensive de ce que constitue le produit de l’infraction. En l’espèce, rappelons qu’il était constitué de sommes licites, notamment pour l’acquisition initiale du bien.  

S’agissant du contrôle de proportionnalité, la Cour semble envisager l’hypothèse d’une situation qui aurait pu être plus favorable à la personne condamnée. On peut s’interroger : la seule preuve de la nécessité du bien pour l’exercice de l’activité professionnelle du requérant aurait-elle suffi à empêcher la confiscation dans sa totalité du bien litigieux ? 

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