Réf. : CJUE, 22 novembre 2022, aff. C-37/20 et C-601/20 N° Lexbase : A80518TD
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par Perrine Cathalo
le 01 Décembre 2022
► L’accès du grand public aux informations sur les bénéficiaires effectifs constitue une ingérence grave dans les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel, respectivement consacrés aux articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Faits et procédure. Conformément à la Directive (UE) n° 2015/849, du 20 mai 2015, relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme N° Lexbase : L7601I8Z, le Luxembourg a institué un registre visant à ce que toute une série d’informations sur les bénéficiaires effectifs des entités juridiques immatriculées sur son territoire soient accessibles au grand public par voie d’internet.
Une société luxembourgeoise et un bénéficiaire effectif ont introduit auprès du GIE chargé de la gestion de ce registre une demande tendant à ce que soit limité l’accès du grand public aux informations les concernant, au motif que la divulgation de telles informations violerait le droit à la protection de leur vie privée et familiale ainsi que le droit à la protection de leurs données à caractère personnel, consacrés aux articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Leurs demandes ont été rejetées par deux décisions en date du 20 novembre 2019 et du 6 février 2020.
Saisi de deux recours contre la loi luxembourgeoise instituant le registre des bénéficiaires effectifs, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg a posé à la CJUE une série de questions préjudicielles portant sur l’interprétation de certaines dispositions de la Directive « anti-blanchiment » et sur la validité de celles-ci à l’aune de la Charte des droits fondamentaux.
Décision. Par arrêt en date du 22 novembre 2022, la CJUE, réunie en Grande chambre, constate l’invalidité de la disposition de la Directive n° 2015/849 prévoyant que les États membres doivent veiller à ce que les informations sur les bénéficiaires effectifs des sociétés et autres entités juridiques constituées sur leur territoire soient accessibles dans tous les cas et à tout membre du grand public, au regard de la Charte des droits fondamentaux de l’UE.
En particulier, les juges de la Cour de justice affirment que l’accès du grand public aux informations sur les bénéficiaires effectifs constitue une ingérence dans les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel, notamment en ce qu’une telle accessibilité permet à un nombre potentiellement illimité de personnes de s’informer sur la situation matérielle et financière d’un bénéficiaire effectif.
Bien que la loi introduite dans la législation luxembourgeoise par transposition de la Directive « anti-blanchiment » vise à prévenir le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, la CJUE considère que l’ingérence qu’elle comporte n’est ni limitée au strict nécessaire ni proportionnée à l’objectif poursuivi.
La Cour ajoute que les dispositions facultatives qui permettent aux États membres de conditionner la mise à disposition des informations sur les bénéficiaires effectifs à une inscription en ligne et de prévoir, dans des circonstances exceptionnelles, des dérogations à l’accès du grand public à ces information ne sont de nature à démontrer ni une pondération équilibrée entre l’objectif d’intérêt général poursuivi et les droits fondamentaux consacrés par la Charte des droits fondamentaux ni l’existence de garanties suffisantes permettant aux personnes concernées de protéger efficacement leurs données à caractère personnel contre les risques d’abus.
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