Le Quotidien du 22 novembre 2022 : Procédure pénale

[Brèves] Recours contre les conditions de détention : précisions sur la procédure d’appel et la caractérisation des conditions de détention indignes

Réf. : Cass. crim., 16 novembre 2022, n° 22-80.807, FS-B N° Lexbase : A29138T3

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N3353BZ9

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par Helena Viana

le 23 Novembre 2022

La comparution personnelle de l’intéressé détenu ayant formé une requête sur le fondement de l’article 803-8 du Code de procédure n’est pas de droit devant le juge d’appel. En outre, les dispositions de l’article précité n’imposent pas à la juridiction une communication des observations écrites du parquet ayant interjeté appel de l’ordonnance du juge de l’application des peines, déclarant partiellement bienfondé la requête. Enfin, la Chambre criminelle apporte des précisions quant à l’existence de conditions de détention indignes en matière d’accès à la santé en détention.  

Faits et procédure. Une personne condamnée s’est emparée du nouveau recours contre les conditions de détention, prévu à l’article 803-8 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L1636MAT. La requête devant être adressée au juge de l’application des peines lorsque le requérant est détenu, le juge a déclaré partiellement bien-fondée la requête qui lui a été adressée et a déclaré certaines conditions dans lesquelles le requérant était détenu comme contraires à la dignité humaine. Il s’agissait pour l’essentiel de conditions concernant la prise en charge médicale, telles que le menottage et la présence de personnel de surveillance lors d’examens médicaux ou l’absence de traduction des prescriptions médicales. Le juge saisi a fixé un délai d'un mois pour permettre à l'administration pénitentiaire d'y mettre fin. Le parquet a interjeté appel de cette décision auprès du président de la chambre de l’application des peines, lequel a débouté le requérant en déclarant mal fondée sa requête portant sur les conditions de détention actuelles.

Moyens du pourvoi. Le requérant soulève deux moyens dans le cadre de son pourvoi.

  • En premier lieu, le demandeur reproche au président de la chambre de l’application des peines, d’une part, de ne pas l’avoir auditionné alors qu’il avait demandé à être entendu en première instance, et d’autre part, de ne pas lui avoir communiqué, ni même à son avocat, l’avis écrit de l’avocat général déposé devant le juge d’appel et critique ainsi ne pas avoir été mis en mesure d’y répondre. En ce faisant, le président de la chambre aurait méconnu son droit d’accès au juge tel que prévu par l’article 6 CESDH N° Lexbase : L7558AIR ainsi que les droits de la défense prévus par l’article préliminaire du Code de procédure pénale.
  • En second lieu, le requérant critique l’ordonnance attaquée en ce qu’elle n’a pas constaté que les mesures (le port de menottes ou la présence du personnel pénitentiaire durant les examens médicaux) étaient justifiées par un risque de fuite, de blessure ou de dommage, alors qu’elles constituent un traitement inhumain et dégradant dès lors que cette justification fait défaut. Il soutient également que l’absence de traduction des prestations médicales dans une langue qu’il comprend caractérise un traitement inhumain et dégradant et n’est pas étranger à l’article 3 CESDH N° Lexbase : L4764AQI, comme l’a retenu le président de la chambre de l’application des peines.

Décision. S’agissant d’une procédure nouvelle, dont le contentieux est encore marginal pour le moment, elle motive la recevabilité du pourvoi. Dans le silence du texte législatif, elle conclut en effet à la recevabilité de la requête en se fondant sur l’article 712-15 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L5817DY4, lequel ouvre un droit à former un pourvoi en cassation à l’encontre des ordonnances du président de la chambre de l'application des peines de l’article 712-12 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9897I3X et des arrêts de la chambre de l’application des peines de l’article 712-13 du même code N° Lexbase : L9384IEB.

Concernant le bien-fondé de la requête en revanche, elle rejette les deux moyens du pourvoi dont elle est saisie.

  • Premier moyen. D’une part, la Cour rappelle les conditions dans lesquelles l’audition du requérant est obligatoire devant le JAP, s’il en fait la demande, en application des dispositions des articles 803-8, R. 249-24 N° Lexbase : L9180L77 et R. 249-35 N° Lexbase : L9221L7N du Code de procédure pénale. Devant le président de la chambre de l’application des peines, la Cour rappelle encore que « la personne détenue peut présenter toutes observations utiles, personnellement ou par l'intermédiaire de son avocat, auxquelles ce magistrat est tenu de répondre », pour écarter un prétendu grief tiré de l’absence d’audition, l’article 6 CESDH n’étant pas applicable en matière d’exécution des peines. D’autre part, elle rejette l’argumentaire tiré du défaut de communication de l’avis écrit du parquet général dans la mesure où le texte de l’article 803-8 du Code de procédure pénale ne la prévoit pas, et qu’au surplus le requérant n’a jamais sollicité que l’avis lui soit adressé, alors qu’il avait été informé de l’existence de ce recours.
  • Second moyen. La Haute juridiction retient que les juges du fond ont énoncé par des motifs suffisants que le menottage de l’intéressé, ainsi que la présence du personnel étaient justifiés par le statut et le comportement passé de l’intéressé, et qu’au surplus les allégations ne sont plus d’actualité au jour où elle statue. En outre, elle écarte la violation alléguée à l’article 3 CESDH du fait du défaut de traduction des prescriptions médicales et de la présence d’un interprète lors des consultations médicales, dans la mesure où l’intéressé a eu accès à un traitement médical adapté à son état de santé et valide le raisonnement des juges du fond selon lequel de telles constatations sont étrangères à l’article 3 CESDH.

La Haute juridiction avait déjà eu à statuer sur la question de la comparution personnelle de l’intéressé en matière de détention provisoire dans le cadre du recours de l’article 803-8 du Code de procédure pénale. Elle avait refusé de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité au motif que la question posée n’était ni nouvelle, ni sérieuse (Cass. crim., 13 septembre 2022, n° 22-83.885, F-D, QPC autres N° Lexbase : A16398IK). Dans l’arrêt référencé, la non-applicabilité de l’article 6 CESDH en matière d’exécution des peines a permis à la Cour de rendre une solution identique en matière de recours contre les conditions de détention devant les juridictions de l’application des peines.

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