Le Quotidien du 31 octobre 2022 : Droit pénal de la presse

[Brèves] Secret des sources et absence de capacité d’action en annulation des journalistes tiers à une procédure : pas d’inconstitutionnalité

Réf. : Cons. const., décision n° 2022-1021 QPC, du 28 octobre 2022 N° Lexbase : A21288RA

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[Brèves] Secret des sources et absence de capacité d’action en annulation des journalistes tiers à une procédure : pas d’inconstitutionnalité. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/89325235-breves-secret-des-sources-et-absence-de-capacite-daction-en-annulation-des-journalistes-tiers-a-une-
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par Adélaïde Léon

le 23 Novembre 2022

Compte tenu des autres voies de droit existantes, l’impossibilité, pour un journaliste tiers à une procédure d’instruction et n’ayant pas le statut de témoin assisté, de saisir la chambre de l’instruction d’une requête en nullité d’un acte d’investigation accompli en violation du secret des sources, ne méconnait pas la Constitution.

Rappel de la procédure. Par un arrêt du 27 juillet 2022 (Cass. crim., 22 juillet 2022, n° 22-80.887, F-D N° Lexbase : A32998DK), la Chambre criminelle renvoyait au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les articles 60-1, al. 3 N° Lexbase : L7995MBQ, 100-5 N° Lexbase : L1325MAC, 170 N° Lexbase : L0918DYN, 171 N° Lexbase : L3540AZ7 et 173 N° Lexbase : L7455LPS du Code de procédure pénale.

Ces dispositions ne prévoyant pas la possibilité pour un journaliste non partie à la procédure ni témoin assisté, de saisir la chambre de l’instruction d’une requête en nullité d’actes de l’instruction portant atteinte à ses droits, les auteurs de la QPC interrogeaient la compatibilité de ces articles avec le droit d’accès au juge, le droit à la liberté d’expression, le droit à la vie privée et le principe d’égalité consacrés par les articles 1, 2, 6, 11 et 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 N° Lexbase : L6813BHS.

La Chambre criminelle avait souligné que, dans un tel contexte, un journaliste ne peut porter plainte et se constituer partie civile du chef de collecte de données personnelles de façon illégale que si, préalablement, la chambre de l’instruction a constaté, par une décision définitive, l’illégalité des investigations. Or, si la chambre de l’instruction n’a pas été saisie d’une telle nullité, le journaliste ne peut pas exercer une telle action. Dès lors, faute de capacité pour le journaliste de saisir la chambre de l’instruction de la nullité d’une collecte illégale de données personnelles, cette juridiction ne peut juger de l’illégalité des investigations et le journaliste se trouve dans l’incapacité de porter plainte et de se constituer partie civile.

Se dressait donc un obstacle juridique face aux journalistes qui souhaiteraient faire constater la nullité d’investigations menées dans le cadre de procédures auxquelles ils ne sont ni parties, ni témoin assisté et ainsi obtenir, notamment, l’annulation de pièces de procédures obtenues en violation du secret de leur source.

Décision. Le Conseil constitutionnel détermine dans un premier temps que la QPC qui lui est ici soumise porte sur le troisième alinéa de l’article 60-1 et le quatrième alinéa de l’article 100-5 du Code de procédure pénale.

Les sages rappellent que l’article 60-1 est relatif au pouvoir de réquisition d’information reconnu aux autorités en charge des investigations dans le cadre d’une enquête de flagrance. Quant à l’article 100-5, il concerne le pouvoir d’interception des correspondances émises par la voie de communications électroniques dont dispose le juge d’instruction dans le cadre d’une information judiciaire.

Le Conseil souligne également que les dispositions contestées proscrivent, à peine de nullité, le versement au dossier de la procédure d’éléments obtenus par une réquisition prise en violation du secret des sources d’un journaliste et de transcrire les correspondances avec un journaliste permettant l’identification d’une source.

Les objectifs poursuivis. Le Conseil constitutionnel affirme dans un premier temps qu’en réservant, aux cours de l’instruction, au juge d’instruction, aux parties et au témoin assisté le droit de saisir la chambre de l’instruction aux fins d’annulation d’un acte ou d’une pièce de procédure, le législateur a entendu préserver le secret de l’enquête et de l’instruction et protéger les intérêts des personnes concernées –  poursuivant ainsi les objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et de recherche des auteurs d’infractions – et entendu garantir le droit au respect de la vie privée et de la présomption d’innocence.

Les voies d’action ouvertes au journaliste tiers. Le Conseil souligne en second lieu que deux voies d’action demeurent ouvertes au journaliste tiers à la procédure :

  • si un acte d’investigation a été accompli en violation du secret des sources et est constitutif d’une infraction, le journaliste qui s’estime lésé peut se constituer partie civile pour mettre en mouvement l’action publique et demander la réparation de son préjudice ;
  • si l’illégalité de l’action n’est pas soulevée par le juge d’instruction, le procureur de la République, les parties ou le témoin assisté, l’action publique ne pourra être exercée . Toutefois, le journaliste conserve la possibilité d’invoquer l’irrégularité de l’acte à l’appui d’une demande tendant à engager la responsabilité l’État du fait de cette violation.

Fort de ces constatations, le Conseil constitutionnel juge que le législateur n’a pas, compte tenu de l’ensemble des voies de droit qui demeurent ouvertes, méconnu le droit à un recours juridictionnel effectif.

Le Conseil affirme par ailleurs que les dispositions en cause ne méconnaissent pas non plus le droit au respect de la vie privée, la liberté d'expression, le principe d'égalité devant la loi ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit.

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