Réf. : Cons. const., décision n° 2022-1015 QPC, du 21 octobre 2022 N° Lexbase : A21748QL
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par Vincent Téchené
le 26 Octobre 2022
► Les dispositions légales prévoyant une obligation, pour les courtiers d’assurance et les intermédiaires en opérations de banque et services de paiement ainsi que pour leurs mandataires respectifs, d’adhérer à une association professionnelle agréée sont conformes à la Constitution ; il en va de même de la règle permettant à de telles associations de prononcer des sanctions à l’encontre de leurs membres.
QPC. Le Conseil constitutionnel a été saisi le 25 juillet 2022 par le Conseil d'État (CE, 6° ch., 25 juillet 2022, n° 464217 N° Lexbase : A93398CU) d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions de l’article L. 513-3 N° Lexbase : L0678L4U, de l’article L. 513-5, II N° Lexbase : L0616L4L, et de l’article L. 513-6 N° Lexbase : L0614L4I du Code des assurances, ainsi que de l’article L. 519-11 N° Lexbase : L0634L4A, de l’article L. 519-13, II N° Lexbase : L0719L4E, et de l’article L. 519-14 N° Lexbase : L0643L4L du Code monétaire et financier.
Les dispositions contestées imposent aux courtiers d'assurance ou de réassurance et aux courtiers en opérations de banque et en services de paiement, ainsi qu'à leurs mandataires respectifs, d'adhérer à une association professionnelle agréée par l'ACPR aux fins d'immatriculation au registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance. Par ailleurs, elles permettent à ces associations de prononcer des sanctions à l’encontre de leurs membres.
Décision. Plusieurs griefs étaient formulés par le requérant à l’encontre de ces dispositions.
Le Conseil constitutionnel retient que l'immatriculation au registre constituant une condition d'accès et d'exercice des activités d'intermédiation d'assurance et en opérations de banque et services de paiement, ces dispositions portent atteinte à la liberté d'entreprendre.
Toutefois, en premier lieu, il estime qu’en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu renforcer le contrôle de l'accès aux activités de courtage et assurer l'accompagnement des professionnels qui exercent ces activités. Il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général de protection des consommateurs.
En deuxième lieu, selon le Conseil, d'une part, les dispositions contestées se bornent à prévoir que les associations professionnelles agréées ont pour mission de vérifier les conditions d'accès et d'exercice de l'activité de leurs membres, qui sont déterminées par le Code des assurances et le Code monétaire et financier. D'autre part, si, dans le cadre de ces vérifications, ces associations peuvent refuser une demande d'adhésion ou retirer la qualité de membre à l'un de leurs adhérents, leurs décisions peuvent faire l'objet d'un recours devant le juge compétent.
Enfin, leurs autres missions ont pour seul objet d'offrir à leurs membres des services de médiation, d'accompagnement et d'observation de l'activité et des pratiques professionnelles.
Dès lors, le Conseil en conclut que l'atteinte portée à la liberté d'entreprendre ne présente pas un caractère disproportionné au regard de l'objectif poursuivi.
Sur ce point, les Sages de la rue de Montpensier relèvent que les dispositions contestées instituent une différence de traitement entre, d'une part, les courtiers d'assurance ou de réassurance et les courtiers en opérations de banque et en services de paiement, tenus d'adhérer à une association professionnelle agréée, et, d'autre part, les courtiers exerçant en France au titre de la libre prestation de services ou de la liberté d'établissement et certains intermédiaires qui ne sont pas soumis à cette obligation.
En outre, ces professionnels, qui exercent leurs activités à titre indépendant et sous le statut de commerçant, ne se trouvent pas placés dans la même situation que les courtiers exerçant en France au titre de la libre prestation de services ou de la liberté d'établissement, qui sont déjà immatriculés dans leur État d'origine. Ils ne sont pas non plus placés dans la même situation que les établissements de crédit, les sociétés de financement, les sociétés de gestion de portefeuille, les entreprises d'investissement, les agents généraux d'assurance et les mandataires en opérations de banque et en services de paiement, qui sont soumis à des conditions et des contrôles propres à leur activité.
Dès lors, la différence de traitement résultant des dispositions contestées, qui est fondée sur une différence de situation, est en rapport avec l'objet de la loi.
Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi doit donc être écarté.
Le Conseil constitutionnel relève que les dispositions contestées prévoient par ailleurs que les associations agréées par l’ACPR établissent et font approuver par cette autorité « les sanctions qu'elles sont susceptibles de prononcer à l'encontre de leurs membres ». Elles peuvent en outre décider d'office de retirer la qualité de membre à l'un de leurs adhérents s'il ne remplit plus les conditions ou les engagements auxquels était subordonnée son adhésion, s'il n'a pas commencé son activité dans un délai de douze mois à compter de son adhésion, s'il n'exerce plus son activité depuis au moins six mois ou s'il a obtenu l'adhésion par de fausses déclarations ou par tout autre moyen irrégulier.
Il en résulte, selon le Conseil, que les dispositions contestées, qui se bornent à permettre aux associations professionnelles agréées d'exercer à l'égard de leurs membres les pouvoirs inhérents à l'organisation de toute association en vue d'assurer le respect de leurs conditions d'adhésion et de fonctionnement, n'ont ainsi en tout état de cause ni pour objet ni pour effet de conférer à ces associations le pouvoir de prononcer des sanctions ayant le caractère d'une punition.
Par conséquent, les dispositions contestées des articles L. 513-5 et L. 513-6 du Code des assurances et des articles L. 519-13 et L. 519-14 du Code monétaire et financier, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution.
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