Le Quotidien du 31 août 2022 : Procédure pénale/Détention provisoire

[Brèves] Appel d’une ordonnance de prolongation de détention provisoire : précision sur la notion de « vérifications » de l'article 194 du Code de procédure pénale

Réf. : Cass. crim., 27 juillet 2022, n° 22-83.212, F-D N° Lexbase : A30518DD

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[Brèves] Appel d’une ordonnance de prolongation de détention provisoire : précision sur la notion de « vérifications » de l'article 194 du Code de procédure pénale. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/88283450-0
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par Adélaïde Léon

le 21 Septembre 2022

► Conformément aux articles 194 et 199 du Code de procédure pénale, la chambre de l’instruction saisie du recours contre une ordonnance de prolongation de détention provisoire doit se prononcer dans les plus brefs délais et au plus tard dans les quinze jours de l’appel, ce délai étant prolongé de cinq jours en cas de comparution personnelle de la personne concernée. En cas de non respect des délais impartis, les investigations destinées à déterminer les raisons pour lesquelles la comparution par visioconférence de l’intéressé n’a pu être réalisée ne constituent pas des vérifications au sens de l’article 194 du Code de procédure pénale susceptibles de justifier l’absence de remise en liberté de l’intéressé.

Rappel des faits. Un individu est mis en examen des chefs de tentatives de meurtre aggravé, vol aggravé, recel, en bande organisée, association de malfaiteurs et infractions à la législation sur les armes et placé en détention provisoire.

Par ordonnance du 30 mars 2022, le juge des libertés et de la détention (JLD) a prolongé sa détention provisoire pour une durée de six mois.

Le 11 avril 2022, l’intéressé a formé appel de cette décision en demandant à comparaître personnellement devant la chambre de l’instruction.

Le 13 avril 2022, un avis d’audience, adressé au centre pénitentiaire pour notification au mis en examen, a été retourné à la juridiction avec la mention « reçu notification le 13 avril 2022 ». Le 27 avril 2022, l’intéressé n’a pas comparu. Il s’est avéré que l’administration pénitentiaire avait programmé une visioconférence avec un autre détenu portant le même nom de famille.

Le 28 avril 2022, la chambre de l’instruction a renvoyé l’examen de l’appel à une audience ultérieure, afin de procéder à des investigations pour déterminer les raisons pour lesquelles il n’avait pas été programmé de visioconférence avec le demandeur, et pour identifier le circuit suivi par la convocation.

Les parties ont été convoquées pour une nouvelle audience au 4 mai 2022.

Préalablement à cette audience, une demande de mise en liberté d’office du mis en examen a été présentée à la chambre de l’instruction au motif qu’elle n’avait pas statué sur l’appel dont elle était saisie dans le délai imparti.

En cause d’appel. La chambre de l’instruction a écarté le moyen tiré du dépassement du délai de vingt jours. Les juges d’appel, estimant que des investigations devaient être effectuées compte tenu de l’irrégularité alléguée de la convocation du mis en examen, ont ordonné un renvoi de l’affaire.

La juridiction d’instruction du second degré a ajouté, sur le fond, qu’elle ne pouvait apprécier la question du bien-fondé du renvoi ainsi que les motifs qu’elle a elle-même retenus, cette question ne pouvant être appréciée que par la Cour de Cassation, elle-même saisie d’un pourvoi contre l’arrêt du 28 avril 2022.

Le mis en examen a formé un pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction du 5 mai 2022.

Moyens du pourvoi. Il était fait grief à la juridiction d’appel d’avoir rejeté la nullité, refusé d’ordonner la mise en liberté et confirmé l’ordonnance de prolongation.

La chambre de l’instruction saisie le 11 avril de l’appel contre l’ordonnance de prolongation de la détention provisoire a statué le 5 mai, soit après le délai de vingt jours, lequel expirait le 2 mai 2022, et ce sans caractériser une circonstance imprévisible ou insurmontable extérieure au service de la justice, ni la nécessité d’effectuer des vérifications concernant la demande du prévenu.

Décision. La Chambre criminelle casse l’arrêt au visa des articles 194 N° Lexbase : L8103MAD et 199 N° Lexbase : L1339MAT du Code de procédure pénale.

La Haute juridiction souligne qu’en vertu de ces textes, la chambre de l’instruction saisie du recours contre une ordonnance de prolongation de détention provisoire doit se prononcer dans les plus brefs délais et au plus tard dans les quinze jours de l’appel, ce délai étant prolongé de cinq jours en cas de comparution personnelle de la personne concernée. À défaut de respect des délais impartis, l’intéressé est remis d’office en liberté. Il peut être fait exception à ce dernier point dans deux hypothèses :

  • des vérifications concernant la demande de la personne concernée ont été ordonnées ;
  • des circonstances imprévisibles et insurmontables font obstacle au jugement de l’affaire dans le délai imparti.

La Chambre criminelle juge que le raisonnement de la chambre de l’instruction, qui a statué le 5 mai 2022 au-delà du délai de vingt jours suivant la déclaration d’appel accompagnée d’une demande de comparution personnelle devant elle, a méconnu les textes précités.

D’une part, les investigations portant sur les raisons pour lesquelles la visioconférence n’avait pas été correctement programmée ne constituent pas des vérifications concernant une demande formulée par le mis en examen.

D’autre part, aucune circonstance imprévisible et insurmontable, extérieure au service la justice, fait obstacle au jugement de l’affaire dans les délais légaux n’est en l’espèce caractérisée.

Dès lors, aucune des exceptions à la remise en liberté d’office, en cas de non respect des délais impartis à la chambre de l’instruction pour statuer sur un recours contre une ordonnance de prolongation de détention provisoire, n’était en l’espèce constituée.

La Chambre criminelle casse l’arrêt de la chambre de l’instruction.

Portée et conséquences de la cassation. Selon toute vraisemblance, le mis en examen aurait dû être remis en liberté sauf s’il était détenu pour une autre cause.

Toutefois, l’article 803-7, alinéa 1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L4833K8I permet à la Cour de placer sous contrôle judiciaire la personne dont la détention provisoire est irrégulière en raison de la méconnaissance du Code de procédure pénale dès lors que la procédure fait apparaître des éléments d’information pertinents et que la mesure paraît indispensable pour assurer l’un des objectifs énumérés à l’article 144 du Code de procédure pénale (motifs de placement ou de prolongation de la détention provisoire).

En l’espèce, considérant qu’il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable que l’intéressé ait pu participer, comme auteur ou complice à la commission des infractions objets de l’instruction, la Cour estime que la mesure de contrôle judiciaire est indispensable pour :

  • empêcher une concertation frauduleuse et prévenir le risque de pression sur les témoins ou les victimes ;
  • maintenir le mis en examen à la disposition de la justice.
Pour aller plus loin : E. Catelan, ÉTUDE : Les mesures de contrainte au cours de l’instruction : contrôle judiciaire, Le contentieux du placement en détention provisoirein Procédure pénale, (dir. J.-B. Perrier), Lexbase N° Lexbase : E4182Z9R.

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