Le Quotidien du 20 septembre 2022 : Actualité judiciaire

[A la une] Les méthodes de maintien de l’ordre de l’ex-préfet Lallement dans le viseur d’un juge d’instruction

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[A la une] Les méthodes de maintien de l’ordre de l’ex-préfet Lallement dans le viseur d’un juge d’instruction. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/88252589-a-la-une-les-methodes-de-maintien-de-lordre-de-lexprefet-lallement-dans-le-viseur-dun-juge-dinstruct
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par Vincent Vantighem

le 22 Septembre 2022

             Ce jour-là, en fin d’après-midi, Didier Lallement était venu voir les dégâts de ses propres yeux sur la place d’Italie (Paris, 13e arrondissement) quand une passante l’interpelle. « Oui, je suis "Gilet Jaune" », lance-t-elle alors. Raide comme la justice, la casquette bien vissée sur la tête, l’ex-préfet de police de Paris tourne alors les talons d’un coup tout en répondant sèchement : « Alors, nous ne sommes pas dans le même camp, Madame ! » Immortalisée par une caméra de BFM TV, ce 16 novembre 2019, la scène avait alors fait grand bruit, montrant le manque de neutralité du préfet auquel pourtant tout policier est tenu, d’après l’article 434-29 du Code de déontologie de la police nationale…

             Remplacé par Laurent Nunez à la tête de la préfecture de police depuis quelques semaines, Didier Lallement n’a pourtant pas fini de rendre des comptes sur cette manifestation qui avait fait couler beaucoup d’encre. Un juge d’instruction parisien a, en effet, décidé d’enquêter sur les pratiques du maintien de l’ordre de l’ex-préfet, après une plainte de deux figures du mouvement des Gilets Jaunes. Ces derniers l’accusent de les avoir mis en danger en les « nassant » et de les avoir empêchés de manifester, ce fameux jour de novembre 2019.

             Le magistrat va se pencher sur ce dossier alors que le parquet de Paris avait pris une position inverse à deux reprises. Prenant en compte les « choix opérationnels limités dont la police disposait ce jour-là », le procureur de Paris d’alors, Rémy Heitz, avait, en effet, classé sans suite la procédure lancée par les plaignants en décembre 2020. Et en octobre dernier, sa successeure, Laure Beccuau, avait maintenu cette opposition, répétant « qu’aucune qualification pénale ne pouvait être retenue »… Mais le juge d’instruction semble avoir trouvé une brèche, en décidant d’examiner la légalité, au regard du droit pénal, de la gestion globale de cette manifestation, alors même que la justice ne s’intéresse habituellement qu’à des pratiques individuelles telles que les tirs litigieux issus de lanceurs de balles de défense (LBD) de certains policiers.

Le premier anniversaire des « Gilets Jaunes » en tension

             Pour comprendre la démarche entreprise par le magistrat, il faut revenir à ce samedi 16 novembre 2019. Un jour qui marquait le premier anniversaire du mouvement des Gilets Jaunes. Alors que la capitale était envahie par des manifestants, des scènes de chaos avaient éclaté. Plusieurs centaines de personnes s’apprêtaient notamment à partir en cortège depuis la place d’Italie quand la préfecture de police a demandé l’annulation de la manifestation en raison « d’exactions ». Contenus sur la place d’Italie et disant être « piégés » dans une nasse, à la manière d’une « garde à vue à ciel ouvert » pendant plusieurs heures, les casseurs avaient fini par vandaliser la statue du maréchal Juin.

             Quelques mois après les événements, Priscillia Ludosky et Faouzi Lellouche, les deux organisateurs du rassemblement, avaient décidé d’agir en justice en déposant une plainte contre Didier Lallement et contre X pour « atteinte arbitraire à la liberté individuelle », « entrave à la liberté de manifestation » et « mise en danger de la vie d’autrui ».

La technique de la « nasse » dans le viseur des autorités

             En cause, selon eux, la technique de la « nasse » alors régulièrement employée par les policiers. Un dispositif qui consiste, pour la police, à bloquer toutes les entrées et sorties d’un périmètre pour interdire aux manifestants de se mouvoir dans les rues environnantes. La libération des lieux n’intervenant bien souvent que plusieurs heures après et alors que le calme est acquis, la technique de la nasse était qualifiée par les Gilets Jaunes de « garde à vue à ciel ouvert » et de « souricière ».

             De fait, la technique a été remise en cause par plusieurs autorités françaises. Le Défenseur des droits a ainsi recommandé, en 2020, de mettre fin à cet « encagement » qui conduit « à priver de liberté des personnes en dehors de tout cadre juridique ». Un an plus tard, en juin 2021, le Conseil d’État avait annulé plusieurs dispositions du tout nouveau Schéma national de maintien de l’ordre (SNMO), dont celle concernant « la nasse », ce qui avait contraint le ministère de l’Intérieur à revoir sa position.

             Reste donc désormais à savoir ce que décidera la justice pénale, à l’issue d’une procédure qui s’annonce aussi longue qu’incertaine.

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