Réf. : CJUE, 14 juillet 2022, aff. C‑572/21 N° Lexbase : A51838BL
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par Anne-Lise Lonné-Clément
le 21 Juillet 2022
► Une juridiction d’un État membre ne demeure pas compétente pour statuer en matière de garde d’enfant sur la base du règlement « Bruxelles II bis » lorsque la résidence habituelle de l’enfant a légalement fait l’objet d’un transfert, en cours de procédure, sur le territoire d’un État tiers qui est partie à la convention de La Haye de 1996.
Telle est la précision utile apportée par la CJUE dans son arrêt rendu le 14 juillet 2022, qui vient confirmer l’analyse qui avait été retenue par la première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 30 septembre 2020 (Cass. civ. 1, 30 septembre 2020, n° 19-14.761, FS-P+B N° Lexbase : A68123W9).
Dans cette affaire, la mère d’un enfant né en Suède au cours de l’année 2011, avait obtenu la garde exclusive de l’enfant depuis sa naissance. Jusqu’au mois d’octobre 2019, l’enfant avait toujours résidé en Suède. À compter du mois d’octobre 2019, l’enfant avait commencé à fréquenter un internat en Russie.
Au mois de décembre 2019, le père de l’enfant avait introduit devant un tribunal de première instance suédois une demande visant à ce que lui soit attribuée, à titre principal, la garde exclusive de l’enfant, ainsi qu’à ce que la résidence habituelle de ce dernier soit fixée à son domicile, en Suède.
La mère avait fait valoir que cette juridiction était incompétente au motif que, depuis le mois d’octobre 2019, l’enfant avait sa résidence habituelle en Russie.
Ladite juridiction a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la mère au motif que, au moment de l’introduction du recours, l’enfant n’avait pas transféré sa résidence habituelle en Russie.
La cour d’appel de Malmö (Suède) avait confirmé la décision du tribunal de première instance selon laquelle les juridictions suédoises étaient compétentes.
Question préjudicielle. La Cour suprême (Suède), saisie par la mère d’une demande visant à ce qu’elle autorise le pourvoi contre la décision de la cour d’appel de Malmö, a demandé à la Cour de justice si le règlement « Bruxelles II bis » (règlement n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 N° Lexbase : L0159DYK) devait être interprété en ce sens qu’une juridiction d’un État membre, saisie d’un litige en matière de responsabilité parentale, demeure compétente pour statuer sur ce litige, au titre de l’article 8, paragraphe 1, de ce règlement, lorsque la résidence habituelle de l’enfant en cause a été transférée légalement, en cours de procédure, sur le territoire d’un État tiers qui est partie à la Convention de La Haye de 1996 N° Lexbase : L1526KZK.
Réponse CJUE. Dans son arrêt rendu le 14 juillet, la Cour relève qu’en vertu de l’article 8, paragraphe 1, du règlement « Bruxelles II bis », la compétence en matière de responsabilité parentale est attribuée aux juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant a sa résidence habituelle au moment où la juridiction est saisie. En effet, du fait de leur proximité géographique, ces juridictions sont généralement les mieux placées pour apprécier les mesures à adopter dans l’intérêt de l’enfant. En se référant au moment où la juridiction de l’État membre est saisie, cet article constitue une expression du principe de la « perpétuation du for », selon lequel cette juridiction ne perd pas sa compétence quand bien même un changement du lieu de la résidence habituelle de l’enfant concerné interviendrait en cours de procédure. Il s’ensuit que, pour autant que, au moment où la juridiction de l’État membre est saisie, l’enfant en cause a sa résidence habituelle sur le territoire dudit État membre, cette juridiction est compétente en matière de responsabilité parentale, y compris lorsque le litige implique des rapports avec un État tiers.
Toutefois, l’article 61, sous a), du règlement « Bruxelles II bis » prévoit que, dans les relations avec la Convention de La Haye de 1996, ce règlement s’applique « lorsque l’enfant concerné a sa résidence habituelle sur le territoire d’un État membre » au moment où la juridiction compétente statue. Dès lors, si cette résidence n’est, à ce moment, plus établie sur le territoire d’un État membre, mais sur celui d’un État tiers, partie à la Convention de La Haye de 1996, l’application de l’article 8, paragraphe 1, dudit règlement doit être écartée au profit de cette Convention.
Ainsi, l’article 8, paragraphe 1, dudit règlement cesse de s’appliquer si la résidence habituelle de l’enfant a été transférée sur le territoire d’un État tiers partie à la Convention de La Haye de 1996 avant que la juridiction compétente d’un État membre, saisie du litige en matière de responsabilité parentale, ait statué.
La Cour souligne que la limitation apportée par l’article 61, sous a), du règlement « Bruxelles II bis » à l’application de l’article 8, paragraphe 1, de ce règlement, à partir du moment où l’enfant n’a plus sa résidence habituelle sur le territoire d’un État membre mais sur celui d’un État tiers, partie à la convention de La Haye de 1996, est également conforme à l’intention du législateur de l’Union de ne pas porter atteinte aux dispositions de cette Convention.
La Cour conclut que l’article 8, paragraphe 1, du règlement « Bruxelles II bis », lu en combinaison avec son article 61, sous a), doit être interprété en ce sens qu’une juridiction d’un État membre, saisie d’un litige en matière de responsabilité parentale, ne conserve pas la compétence pour statuer sur ce litige au titre de cet article 8, paragraphe 1, lorsque la résidence habituelle de l’enfant en cause a été transférée légalement, en cours d’instance, sur le territoire d’un État tiers qui est partie à la Convention de La Haye de 1996.
Pour aller plus loin : v. Fiche pratique, FP063, Déterminer le juge compétent en matière de divorce et de responsabilité parentale, Famille N° Lexbase : X9935CMW. |
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