Réf. : Cass. civ. 3, 7 juillet 2022, n° 21-25.661, FS-B N° Lexbase : A05248AN
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par Laure Florent
le 18 Juillet 2022
► La Cour de cassation considère qu’il n’y a pas lieu de transmettre au Conseil constitutionnel les QPC portant sur l’article 6 de la loi n° 70-9, du 2 janvier 1970, réglementant notamment le statut d’agent immobilier, qui fixe l’interdiction de rémunération de l’intermédiaire tant que l’opération projetée n’est pas réalisée, même lorsque le mandant refuse sans justification de conclure la vente objet du contrat d’entremise, et l’impossibilité de regarder comme fautif ledit refus inexpliqué.
Faits et procédure. En l’espèce, le titulaire de la totalité des parts sociales d’une société holding avait conclu avec une société un mandat de vente exclusif portant sur l’ensemble des titres des sociétés composant la holding.
Après que la société mandataire lui a présenté la lettre d’intention d’une société intéressée, le mandant a fait savoir qu’il augmentait le prix fixé au préalable, à la suite de l’évaluation des sociétés du groupe par un cabinet d’audit et de conseil.
Par suite, la société mandataire a fait savoir par courrier à son mandant qu’elle mettait fin au mandat à ses torts exclusifs, et l’a assigné en paiement au titre de la clause pénale incluse au contrat.
QPC. À l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 7 septembre 2021 par la cour d'appel de Rennes (CA Rennes, 7 septembre 2021, n° 18/06979 N° Lexbase : A665243R), la société mandataire a demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel deux questions prioritaires de constitutionnalité ainsi formulées :
« L’article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 N° Lexbase : L7536AIX porte-t-il atteinte à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle en interdisant la rémunération de l’intermédiaire tant que l’opération projetée n’est pas réalisée, même lorsque c’est le mandant qui refuse sans justification de conclure la vente objet du contrat d’entremise ?
L’article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, tel qu’interprété par la Cour de cassation, porte-t-il atteinte au principe de responsabilité en ce qu’il exclut que soit regardé comme fautif le mandant qui, ayant confié à un intermédiaire la recherche d’un vendeur ou d’un acheteur, refuse sans aucune raison de conclure la vente projetée ? »
Non-lieu à renvoi. Mais la troisième chambre civile de la Cour de cassation refuse de transmettre ces deux questions, qui ne présentent pas selon elle les caractères requis de nouveauté et de sérieux.
La Cour de cassation considère que l’interdiction pour l’agent immobilier de percevoir une quelconque rémunération en l’absence de conclusion effective de l’opération, quelle qu’en soit la raison, est fondée sur un motif d’intérêt général tendant à la nécessaire réglementation des pratiques des professionnels, visé par l’article 1 de la loi du 2 janvier 1970 précitée, afin d’assurer l’information, la protection et la liberté contractuelle de leurs clients.
Il ne résulte pas, selon elle, d’atteinte disproportionnée à leur liberté contractuelle et leur liberté d’entreprendre au regard de l’objectif poursuivi par ce texte, dès lors qu'en cas de faute commise par le mandant ayant privé le mandataire de sa rémunération, une jurisprudence constante lui permet d'engager la responsabilité de son mandant, et qu'une dérogation à cette interdiction est en outre possible lorsque le client agit pour les besoins de ses activités professionnelles.
Partant, la question portant sur une éventuelle atteinte à la liberté contractuelle et la liberté d’entreprendre des agents immobiliers ne présente pas de caractère sérieux.
La Cour de cassation refuse en outre de transmettre la question relative à l’atteinte au principe de responsabilité, due à l’interdiction faite de regarder comme fautif le refus sans raison du mandant, ayant confié à un intermédiaire la recherche d'un vendeur ou d'un acheteur, de conclure la vente projetée.
Elle rappelle que le contrat liant les parties est, sauf disposition contraire, un contrat d’entremise ; l’agent immobilier ne dispose donc pas du pouvoir d’engager son client, de sorte que ce dernier est libre de conclure ou non l’opération, son seul refus ne pouvant, par nature, être constitutif de la faute susceptible d’engager sa responsabilité à l’égard de son mandataire.
La Cour de cassation refuse, dès lors, de transmettre les QPC au Conseil constitutionnel.
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