Le Quotidien du 19 juillet 2022 : Avocats/Accès à la profession

[Brèves] Déclaration sur l’honneur accompagnant la demande d’inscription au tableau de l’Ordre : pas de procédure pénale engagée, pas de manquement à la loyauté

Réf. : CA Paris, 12 mai 2022, n° 20/11668 N° Lexbase : A83087XY

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N2158BZX

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par Marie Le Guerroué

le 18 Juillet 2022

►Il ne peut être reproché à une juriste d’entreprise sollicitant son inscription au tableau de l’Ordre d'avoir manqué à la loyauté en répondant par la négative aux questions fermées de la déclaration sur l'honneur accompagnant son dossier, alors qu’il ne lui était demandé que de répondre par oui ou par non sur l'existence de condamnations ou de procédures et alors qu'à la date concernée, aucune procédure n'était encore engagée à son encontre, en sorte qu'aucune déclaration mensongère de sa part ne peut, stricto sensu, être constatée.

Faits et procédure. Dans cette affaire, l'intimée avait sollicité son inscription au barreau de Paris en application des dispositions de l'article 98-3° du Décret n° 91-1197, du 27 novembre 1991 N° Lexbase : L8168AID. Le Conseil de l’Ordre, retenant les deux expériences de juriste d'entreprise, d'abord pendant trois ans et deux mois auprès d’un groupe, puis pendant six ans et dix mois auprès d’une société, avait accepté cette demande. Le procureur général près la cour de Paris avait formé un recours contre cette décision d'admission. Il invoquait, à titre principal, que celle-ci ne remplissait pas les conditions de moralité et de loyauté exigées pour être inscrite au barreau et subsidiairement que les conditions posées par l'article précité ne l’étaient pas davantage. Le ministère public relève singulièrement qu’alors que l'intimée était tenue de renseigner loyalement son dossier d'inscription, en donnant au Conseil de l'Ordre toutes les informations, notamment celles relatives à sa situation pénale, elle avait renseigné négativement la réponse à la question « Faites vous l'objet de poursuites pénales en cours », cela alors que les vérifications opérées par le parquet général dans l'exercice de sa mission de contrôle ont montré qu'elle faisait l'objet de deux procédures pénales devant le tribunal judiciaire de Nanterre, l'une dans laquelle elle est prévenue des chefs d'escroquerie aggravée au préjudice d'une personne publique et de banqueroute, l'autre dans laquelle elle est mise en cause pour faits d'exercice illégal d'une profession industrielle et commerciale et d'escroquerie simple.
Décision de la CA. La cour rappelle que l'inscription contestée au tableau de l'Ordre des avocats au barreau de Paris a été demandée au titre du point 3 de l'article 98 du Décret n° 91-1197, du 27 novembre 1991, lequel prévoit l'inscription en dispense de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat « des juristes d'entreprise justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle au sein d'un service juridique d'une ou plusieurs entreprises ». Elle rappelle aussi que s'agissant d'un mode d'accès dérogatoire à la profession, les conditions posées par ce texte sont d'interprétation stricte, et en ce sens, la jurisprudence constante de la Cour de cassation exige que la pratique professionnelle requise corresponde à l'exercice de fonctions exclusivement juridiques au sein d'un service spécialisé chargé dans l'entreprise des problèmes juridiques posés par l'activité de l'ensemble des services de celle-ci. L'intimée qui dispose des diplômes requis, se prévaut de l'exercice de fonctions juridiques dans deux entreprises qui l'ont successivement employée, soit une durée totale qui satisfait largement à la durée minimale de huit ans prévue par le texte qui fonde sa demande. Pour soutenir que son activité a été exclusivement juridique, elle mettait en avant les attestations de ses employeurs faisant état de ce qu'elle s'occupait exclusivement des problèmes juridiques de l'entreprise. Pour la cour, c'est à tort que la formation administrative du Conseil de l'Ordre a été convaincue par les documents produits par l'intimée. Ces attestations sont en effet formellement contredites, en premier lieu, par les contrats de travail fixant ses attributions, par son curriculum vitae dans lequel celle-ci met en valeur ses compétences et capacités, situant son expertise non pas exclusivement au niveau du droit mais, en tout premier lieu, de la valorisation des travaux de recherche et d'innovation, et ciblant de nouveau cette spécialité dans la description de son expérience professionnelle chez ses deux employeurs. Elles le sont enfin par ses réponses aux questions qui lui ont été posées sur son activité chez son second employeur dans le cadre de sa garde à vue. Il est ainsi établi, pour la cour, que durant les années de référence, celle-ci a exercé des activités dont la polyvalence ne lui permettent pas de se prévaloir de la pratique exclusivement juridique exigée d'un juriste d'entreprise au sens de la jurisprudence applicable pour lui autoriser le bénéfice de l'inscription dérogatoire à laquelle elle prétend. Le recours du Procureur général est accueilli en son fondement subsidiaire.

En son fondement principal, la cour indique que s'il ne peut être admis que l'intéressée prétende avoir ignoré faire l'objet d'une enquête judiciaire relative à ses activités professionnelles alors qu'elle avait été interrogée sur celles-ci dans le cadre d'une garde à vue en avril 2019, il ne peut pas lui être reproché d'avoir manqué à la loyauté en répondant par la négative aux questions fermées de la déclaration sur l'honneur accompagnant son dossier, ne lui étant demandé que de répondre par oui ou par non sur l'existence de condamnations ou de procédures, alors qu'à cette date, aucune procédure n'était encore engagée, en sorte qu'aucune déclaration mensongère de sa part ne peut, stricto sensu, être constatée.

 

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