Réf. : TA Paris, 24 juin 2022, n° 2006925 N° Lexbase : A616878X
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N2034BZD
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par Yann Le Foll
le 05 Juillet 2022
► L’État a bien commis des négligences fautives concernant la délivrance des autorisations provisoire de vente de produits insecticides contenant illégalement 5 % de chlordécone par le ministre de l'Agriculture entre les années 1972 et 1986, ainsi que l'homologation et l'autorisation de vente de ces produits de 1990 à 1993.
Négligences fautives (oui). L’un de ces insecticides, le Kepone, a bénéficié d'autorisations provisoires de vente successives, sous trois noms de spécialité différents, d'une durée totale de douze ans, soit bien au-delà de la durée légale de six ans fixée par les textes à partir de 1972.
Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que, en dehors d'examens mesurant les résidus dans les bananes au début des années 1970, la mise à l'étude du produit puis son homologation auraient donné lieu à des vérifications sur son innocuité à l'égard de la santé publique des utilisateurs, des cultures et des animaux.
Pourtant, d'une part, la toxicité du chlordécone à long terme sur les rats, son accumulation dans les graisses des rongeurs, son caractère persistant présentant des risques de contamination du milieu environnant avaient été décrits par la commission d'études de l'emploi des toxiques dès 1968. D'autre part, le scandale environnemental et sanitaire de Hopewell, survenu en 1975 aux États-Unis et fortement médiatisé, avait démontré le caractère toxique de cette molécule sur les travailleurs soumis à une exposition aiguë et sur l'environnement, conduisant à l'interdiction de l'usage du Kepone dans ce pays à partir du 1er mai 1978 et de la pratique de la pêche dans la James River contaminée jusqu'en 1988.
De surcroît, deux rapports de l'institut national de la recherche agronomique (INRA) datant de 1975 et 1980, ainsi que différentes études réalisées en Guadeloupe posaient la question de la pollution de l'environnement de l'île par les substances organochlorées. Enfin, il résulte de l'instruction qu'après le retrait de l'homologation du Curlone le 1er février 1990, l'ensemble des planteurs de bananiers ont bénéficié d'une autorisation du ministre de l'Agriculture leur permettant d'utiliser cet insecticide jusqu'au 30 septembre.
Il en résulte la solution précitée. Toutefois, dans la même décision, les juges ne reconnaissent pas l’existence d’une faute de l’État dans le retard dans la prise en charge de la pollution au chlordécone et le défaut d'information des populations, dans la méconnaissance du droit à la santé, ni dans l’existence d'un préjudice d'anxiété direct et certain des requérants en lien avec les négligences fautives précitées.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE, La responsabilité administrative pour faute, La preuve et la présomption de faute dans le cadre de la responsabilité administrative, in Responsabilité administrative (dir. P. Tifine), Lexbase N° Lexbase : E3722EUE. |
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