Le Quotidien du 24 juin 2022 : Internet

[Brèves] Indemnisation du préjudice subi en France du fait de la mise en ligne de propos dénigrants : compétence du juge français

Réf. : Cass. civ. 1, 15 juin 2022, n° 18-24.850, FS-B N° Lexbase : A469177U

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par Vincent Téchené

le 24 Juin 2022

► Le juge français saisi d'une action tendant à la fois à la cessation de la mise en ligne des propos dénigrants, à la publication d'un rectificatif et à l'allocation de dommages-intérêts pour les préjudices subis en France, est compétent pour statuer sur ce dernier chef de demande, dès lors qu'il tend à la réparation du seul préjudice causé sur le territoire français et que le contenu attentatoire était accessible ou l'avait été sur ce territoire.

Faits et procédure. Une société ayant pour activité la production et la diffusion de contenus pour adultes, notamment via son site internet, reprochait à un réalisateur, producteur et distributeur de films pornographiques commercialisés sur ses sites internet hébergés en Hongrie où il exerce son activité et où il est domicilié, de tenir des propos dénigrants diffusés sur plusieurs sites et forums. Elle l'a donc assigné en référé devant le président du tribunal de grande instance de Lyon pour :

  • d'une part, le voir condamner sous astreinte à cesser tout acte de dénigrement à son encontre et à l'encontre d’un site internet et à publier un communiqué en français et en anglais sur chacun des forums concernés ;
  • d'autre part, être elle-même autorisée à poster un commentaire sur les forums en cause, enfin, obtenir l'indemnisation de ses préjudices économique et moral.

Le ressortissant hongrois a soulevé l'incompétence de la juridiction française.

Par un premier arrêt du 13 mai 2020 (Cass. civ. 1, 13 mai 2020, n° 18-24.850, FS-P+B+I N° Lexbase : A05863MN, V. Téchené, Lexbase Affaires, mai 2020, n° 636 N° Lexbase : N3453BYK), la Cour de cassation a rejeté le pourvoi en ce qu'il était dirigé contre le chef de l'arrêt qui a dit la juridiction française incompétente pour connaître de la demande tendant à la suppression des commentaires dénigrants et à la rectification des données par la publication d'un communiqué. Elle a également saisi la CJUE d'une question préjudicielle portant sur l'interprétation de l'article 7, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale dit « Bruxelles I bis » N° Lexbase : L9189IUU.

Pour rappel ce texte dispose qu’« une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite, dans un autre État membre : […]
2) en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire ».

Par un important arrêt du 21 décembre 2021, la CJUE a répondu à la question préjudicielle (CJUE, 21 décembre 2021, aff. C-251/20, Gtflix Tv N° Lexbase : A00197H8, V. Téchené, Lexbase Affaires, janvier 2022, n° 701 N° Lexbase : N0025BZX).

Décision. Dans son arrêt du 15 juin, la Cour de cassation reprend donc les termes de la décision de la Cour de Luxembourg et l’applique à l’espèce.

Cette dernière a ainsi dit pour droit que l'article 7, point 2, du règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 « doit être interprété en ce sens qu'une personne qui, estimant qu'une atteinte a été portée à ses droits par la diffusion de propos dénigrants à son égard sur Internet, agit simultanément aux fins, d'une part, de rectification et de suppression des contenus mis en ligne la concernant et, d'autre part, de réparation du préjudice qui aurait résulté de cette mise en ligne peut demander, devant les juridictions de chaque État membre sur le territoire duquel ces propos sont ou étaient accessibles, la réparation du préjudice qui lui aurait été causé dans l'État membre de la juridiction saisie, bien que ces juridictions ne soient pas compétentes pour connaître de la demande de rectification et de suppression ».

Or, la Cour de cassation relève que pour accueillir l'exception d'incompétence internationale, l'arrêt d’appel a retenu qu'il ne suffit pas, pour que les juridictions françaises soient compétentes, que les propos dénigrants postés sur internet soient accessibles en France, mais il faut encore qu'ils soient destinés à un public français.

La Haute juridiction applique alors la solution dégagée par la CJUE. Elle en déduit donc fort logiquement qu’en statuant ainsi, alors que, l'action tendant à la fois à la cessation de la mise en ligne des propos dénigrants, à la publication d'un rectificatif et à l'allocation de dommages-intérêts pour les préjudices subis en France, la dernière demande pouvait être portée devant la juridiction française dès lors qu'elle tendait à la réparation du seul préjudice causé sur le territoire de cet État membre et que le contenu attentatoire était accessible ou l'avait été sur ce territoire, la cour d'appel a violé l’article 7 § 2 du règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012.

Puis, faisant application des dispositions lui permettant de statuer au fond dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, la Cour de cassation relève que la cour d'appel a constaté que les messages litigieux étaient accessibles en France. Par conséquent, les juridictions françaises étaient compétentes pour connaître des demandes d'indemnisation des préjudices causés en France.

L’arrêt d’appel en ce qu’il a déclaré les juridictions françaises incompétentes à l'égard de la demande de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis en France est, par conséquent, censuré.

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