Réf. : CE, 2°-7° ch. réunies, 17 juin 2022, n° 454189, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A749477P
Lecture: 3 min
N1948BZ8
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Yann Le Foll
le 23 Juin 2022
► Les dépenses utiles à la personne publique engagées pour l'exécution d'un contrat annulé en raison d'une pratique anticoncurrentielle ne peuvent être calculés sur la base d’une méthode fondée sur la déduction du prix des prestations à la fois du surcoût supporté par la personne publique à la suite d'une entente anticoncurrentielle et de la marge bénéficiaire de l'entreprise.
Rappel. En cas d'annulation du contrat en raison d'une pratique anticoncurrentielle imputable au cocontractant, ce dernier doit restituer les sommes que lui a versées la personne publique (CE, 10 juillet 2020, n° 420045, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A17973RY) mais peut prétendre en contrepartie, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement des dépenses qu'il a engagées et qui ont été utiles à celle-ci (CE, sect., 10 avril 2008, n° 244950 N° Lexbase : A8665D73).
Il appartient au juge administratif, en cas d'annulation du contrat, d'évaluer, au besoin en ordonnant une expertise sur ce point, les dépenses du titulaire du contrat qui ont été utiles à la personne publique (lire Pratiques anticoncurrentielles dans les marchés publics, comment évaluer le préjudice subi par le pouvoir adjudicateur ? Questions à Gilles Le Chatelier, Avocat associé, cabinet Adaltys, Lexbase Public 2021 N° Lexbase : N7803BYN).
Principe. Une méthode fondée sur la déduction du prix des prestations à la fois du surcoût supporté par la personne publique à la suite d'une entente anticoncurrentielle et de la marge bénéficiaire de l'entreprise, ne saurait être en l'espèce retenue dès lors, d'une part, qu'une telle méthode conduit à intégrer dans l'assiette des dépenses utiles une partie de frais correspondant à des frais généraux non liés directement à l'exécution des prestations, qui ne sauraient être regardés comme étant utiles à la personne publique, et que, d'autre part, l'évaluation du surcoût supporté par celle-ci, fondée sur la seule comparaison avec un unique marché conclu par elle, sans prise en compte d'éventuels facteurs exogènes, conduit à retenir un taux excessif de surcoût.
Position de la cour administrative d'appel. Pour fixer le montant des dépenses au remboursement desquelles la société X avait droit, la cour administrative d'appel de Douai s'est fondée sur la méthode proposée par le département, consistant à déduire du prix du marché le surcoût imputable aux pratiques anticoncurrentielles de cette société puis un taux de marge normal appliqué au reliquat résultant de cette première opération. Elle a évalué ce surcoût à un taux moyen de 58 % des montants versés au titulaire des marchés de 1999, de 24 % pour le marché de 2003 et de 47 % pour le marché de 2006, selon la méthode comparative utilisée par le département.
Décision du Conseil d'État. En se fondant, pour déterminer les taux de surcoût mentionnés ci-dessus, sur la seule comparaison entre les prix pratiqués par cette société dans les marchés conclus entre 1999 et 2006 et ceux d'un unique marché conclu en 2010 par le département avec une autre société, ce sans tenir compte d'aucun facteur exogène susceptible d'avoir influencé la formation du prix, et alors qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui étaient soumis que l'Autorité de la concurrence, dans sa décision n° 10-D-39 du 22 décembre 2010 N° Lexbase : X9268AHQ, évaluait à 5 à 10 % le surcroît moyen de prix imputable à cette entente, la cour administrative d'appel de Douai a dénaturé les faits de l'espèce.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE, La passation du marché public, L’examen des offres, in Droit de la commande publique (dir. N. Lafay, E. Grelczyk), Lexbase N° Lexbase : E2816ZLU. |
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:481948