Le Quotidien du 3 juin 2022 :

[Brèves] Obligation d’information annuelle de la caution : la seule production de la copie de lettres ne suffit pas à justifier de leur envoi (rappel)

Réf. : Cass. civ. 1, 25 mai 2022, n° 21-11.045, F-P+B N° Lexbase : A14947YY

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par Vincent Téchené

le 02 Juin 2022

► Il résulte de l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier qu'il appartient aux établissements de crédit et aux sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, de justifier de l'accomplissement des formalités légalement prévues et que la seule production de la copie de lettres d'information ne suffit pas à justifier de leur envoi.

Fait et procédure. À la suite d'une procédure de saisie immobilière d'un bien en copropriété, engagée par un syndicat de copropriétaires à l'encontre d’un copropriétaire en raison de charges demeurées impayées, une banque, qui avait, par actes notariés, consenti trois prêts à une SCI, a demandé au juge de l'exécution l'autorisation de poursuivre la procédure de saisie immobilière par voie de subrogation, en se prévalant du cautionnement de ces prêts consenti par la copropriétaire (la caution).

C’est dans ces conditions que la caution a demandé la déchéance de la banque du droit aux intérêts pour non-respect de l'obligation d'information.

Arrêt d’appel. La cour d’appel (CA Limoges, 23 novembre 2020, n° 19/00782 N° Lexbase : A905037C) sur renvoi après cassation (Cass. civ. 1, 27 mars 2019, n° 17-28.944, F-D N° Lexbase : A7234Y73), a retenu que la banque a satisfait à son obligation d'information annuelle de la caution, puisqu’elle justifie, par les lettres qu'elle verse aux débats, avoir adressé à la caution l'information requise pour les années 2011 à 2018 pour les deux prêts.

Pourvoi. La caution a donc formé un pourvoi en cassation, soutenant que la seule production par le créancier de la copie d'une lettre d'information ne suffit pas à justifier de son envoi.

Décision. La Cour de cassation accueille favorablement le moyen de la caution et censure l’arrêt d’appel au visa de l’article L. 313-22 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L7564LBR. Elle rappelle qu’il résulte de ce texte qu'il appartient aux établissements de crédit et aux sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, de justifier de l'accomplissement des formalités légalement prévues et que la seule production de la copie de lettres d'information ne suffit pas à justifier de leur envoi.

Dès lors, la cour d’appel s’est déterminée, par des motifs impropres à justifier de l'accomplissement des formalités prévues par le texte précité.

Observations. La Cour de cassation a déjà précisé que c’est au créancier de rapporter la preuve qu’il a bien exécuté son obligation d’information (Cass. civ. 1, 17 novembre 1998, n° 96-22.455, publié au bulletin N° Lexbase : A8648AHR ; Cass. com., 22 juin 1993, n° 91-14.741, publié au bulletin N° Lexbase : A5696ABL ; Cass. com., 11 avril 1995, n° 93-10.575, publié au bulletin N° Lexbase : A8223AB8). Si le créancier doit prouver qu’il a bien adressé l’information à la caution, il ne lui incombe pas de prouver que la caution a effectivement reçu l'information qu'il est tenu de lui faire connaître (Cass. com., 17 octobre 2000, n° 97-18.746, publié au bulletin N° Lexbase : A7655AHY ; Cass. civ. 1, 2 octobre 2002, n° 01-03.921, publié au bulletin N° Lexbase : A9105AZA).

Toutefois, la Cour de cassation a déjà retenu que la copie datée d'une lettre, sans justifier de son envoi ne suffit pas à établir que le banquier a rempli son obligation d'information (Cass. com., 12 novembre 2008, n° 07-17.634, F-D N° Lexbase : A2323EBN ; Cass. com., 3 octobre 2018, n° 17-19.382, F-D N° Lexbase : A5475YEI). La solution retenue par la Cour de cassation dans l’arrêt rapporté du 25 mai n’est donc en rien surprenante.

Enfin, on notera qu’avec la réforme du droit des sûretés par l’ordonnance du 15 septembre 2021 (ordonnance n° 2021-1192 N° Lexbase : L8997L7D ; v. Dossier spécial « La réforme du droit des sûretés par l'ordonnance du 15 septembre 2021 », Lexbase Affaires, octobre 2021, n° 691 N° Lexbase : N8992BYP), les obligations d’information ont quitté les textes spéciaux du Code monétaire et financier et du Code de la consommation pour intégrer le Code civil (C. civ., art. 2302 N° Lexbase : L0153L88 et 2303 N° Lexbase : L0154L89).  L’idée générale est reprise des textes antérieurs. La réforme apporte une modification relative à la sanction. Désormais, il est prévu que le créancier défaillant est déchu de la garantie des intérêts et pénalités échus depuis la date de la précédente information jusqu’à celle de communication de la nouvelle information (v. not., G. Piette, Réforme du droit des sûretés par l’ordonnance du 15 septembre 2021 : effets et extinction du cautionnement, in « Dossier spécial » préc., Lexbase Affaires, octobre 2021, n° 691 N° Lexbase : N8979BY9).

La solution retenue par l’arrêt du 25 mai est donc reconductible sous l’empire des nouveaux textes.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les effets du cautionnement entre le créancier et la caution, L'obligation d'information de la caution, in Droit des sûretés, (dir. G. Piette), Lexbase N° Lexbase : E6426YXB.

 

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