Réf. : Cass. civ. 3, 11 mai 2022, n° 20-18.318, F-D N° Lexbase : A10017XD
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N1624BZ8
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
le 25 Mai 2022
► En application de l’adage lex specialia generalibus derogeant, le droit spécial prime sur le droit commun de la responsabilité des constructeurs ;
► ll faut donc d’abord vérifier que les conditions d’application du droit spécial ne sont pas remplies avant d’engager l’action sur le droit commun.
C’est l’objectif même de la loi « Spinetta » (loi n° 78-12, du 4 janvier 1978 N° Lexbase : L3612IEI) : créer un régime spécial de responsabilité qui renforce la responsabilité du constructeur mais qui, en contrepartie, lui impose une assurance obligatoire. Les dispositions des articles 1792 N° Lexbase : L1920ABQ et suivants du Code civil, d’ordre public, s’imposent ainsi et prévalent sur le droit commun de la responsabilité contractuelle. Pour autant, ce droit commun persiste à s’appliquer mais subsidiairement, seulement lorsque les conditions d’application du droit spécial ne sont pas réunies.
Autrement dit, le droit commun ne s’applique que si les conditions du droit spécial ne sont pas remplies. Autrement dit encore, il faut, pour appliquer le droit commun, tenter préalablement d’appliquer le droit spécial. L’arrêt rapporté en est une nouvelle illustration.
En l’espèce, un mur de soutènement situé à l’arrière de l’habitation d’une parcelle voisine s’est effondré. Le désordre est imputé à une importante arrivée d’eaux souterraines en provenance des fonds supérieurs. Malgré les travaux de reprise, les voisins se plaignent de la persistance des désordres.
La cour d’appel de Fort-de-France, dans un arrêt rendu le 17 décembre 2019 (CA Fort-de-France, 17 décembre 2019, n° 17/00487 N° Lexbase : A2718Z9K), retient que la prestation réalisée, qui consistait en un simple remplacement d’une fosse sceptique par un épurateur, relevait de la seule responsabilité contractuelle de l’installateur et non pas de la garantie légale du constructeur.
La Haute juridiction censure pour défaut de base légale. Les conseillers auraient dû rechercher si les travaux des réseaux enterrés d’évacuation des eaux usées ne constituaient pas un ouvrage et si le dysfonctionnement affectant le filtre épurateur-percolateur ne relevait pas de la garantie légale biennale prévue à l’article 1792-3 du Code civil N° Lexbase : L6350G93, exclusive de la responsabilité de droit commun.
La solution est constante. Les désordres qui relèvent d’une garantie légale ne peuvent donner lieu à une action en réparation, contre les personnes tenues à cette garantie, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun (pour exemple, Cass. civ. 3, 10 avril 1996, n° 94-13.157 N° Lexbase : A7736CQL). Le principe s’applique également à la garantie biennale (pour exemple, Cass. civ. 3, 6 octobre 1998, n° 96-20.296 N° Lexbase : A7208CNB).
La responsabilité de droit commun est donc une responsabilité subsidiaire applicable seulement dans les hypothèses où les conditions des garanties décennales et biennales ne sont pas réunies. La garantie de parfait achèvement, en revanche, coexiste avec la responsabilité de droit commun.
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