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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction
le 06 Juin 2013
Le président du Conseil national des barreaux a déclaré qu'il ne serait pas "raisonnable d'ouvrir ce débat" dans de telles conditions : "Je ne veux pas d'une guerre civile fratricide, je n'ai aucune intention d'entretenir une guerre. Soyons plus grands, nous sommes plus forts". Et le sujet a été reporté à un examen ultérieur...
Sur le fond qu'en est-il exactement ?
Initiée lors de la mandature 2009-2011, la réforme de la gouvernance avait pour but de réfléchir à l'organisation institutionnelle de la profession prise dans toutes ses instances nationales, locales et techniques. Dans le droit fil de ses travaux un forum sur l'organisation professionnelle s'est tenu lors de l'AG du CNB des 14 et 15 mai 2012 et les 16 et 17 novembre 2012 le bureau du CNB a remis son rapport d'étape destiné à l'information des élus qui ont eu jusqu'au 19 janvier 2013 pour exprimer leurs avis. Et sur la base de ces avis a été rédigé le rapport qui devait être présenté les 24 et 25 mai.
Les axes de la réflexion ont trait aux sujets suivants :
- le système électoral ;
- la durée du mandat des membres du CNB, les modalités de désignation de son président et de son bureau ;
- les vice-présidents du CNB ;
- les missions du CNB ;
- la dénomination de l'institution nationale ;
- les aspects financiers de la réforme ;
- la coordination entre le CNB et les organes techniques de la profession ;
- la mutualisation des moyens des services des ordres ;
- et la création d'une chambre disciplinaire nationale.
Des différentes réunions, travaux et contributions, et bien que le débat soit loin d'être clos -encore une fois-, voici les principales modifications envisagées et les divergences exprimées.
Sur le système électoral
Il est proposé de maintenir les deux collèges existant actuellement -ordinal et général- ; mais Paris propose un ordre national composé des 34 Bâtonniers de cour d'appel. Et le système électoral serait le suffrage universel ; là encore Paris diverge quant au recours au suffrage universel.
Actuellement le seuil de représentativité est fixé à 4 % des suffrages exprimés dans le collège général dans lequel l'élection se déroule au scrutin de liste et à la représentation proportionnelle avec une répartition des restes à la plus forte moyenne. La question porte sur le fait d'augmenter ou non ce seuil dans une fourchette comprise entre 5 et 10 % des suffrages (la question est sans objet sur le collège ordinal élu au scrutin majoritaire).
Sur la durée du mandat des membres du CNB
La durée actuelle est de trois ans renouvelable une fois. La Conférence des Bâtonniers, par la voie de son président, s'est prononcée en faveur d'un mandat de quatre ans renouvelable par moitié tous les deux ans. D'autres membres du bureau souhaitent une harmonisation générale de toutes les durées des mandats (Bâtonnier, membre du conseil de l'Ordre, membre du CNB).
Sur l'élection du président
Aujourd'hui le président du CNB est élu par l'ensemble des membres composant l'assemblée générale. Si la majorité du bureau est favorable au maintien actuel de ce système, certains se sont exprimés en faveur de l'élection du président au suffrage universel direct -donc par l'ensemble des avocats inscrits à un barreau français-.
De plus il est proposé que le mandat du président du CNB soit aligné sur celui des membres de son bureau : trois ans. En effet, aujourd'hui, aussi étonnant que cela puisse être, le mandat du Président du CNB est d'un an renouvelable deux fois (D. du 27 novembre 1991, art. 34, al. 2).
Enfin, il est demandé que le président du CNB se présente aux suffrages avec un bureau déjà constitué et proposé par lui -mais là encore certaines divergences sont présentes au sein du bureau du CNB-.
Sur les vice-présidents du CNB
Le décret du 11 décembre 2009 (décret n° 2009-1544 N° Lexbase : L0440IGE) a intégré au bureau, en tant que vice-présidents de droit, le président de la Conférence des Bâtonniers et le Bâtonnier de Paris en exercice. Le bureau propose de permettre une délégation de cette vice-présidence au vice-Bâtonnier (pour le Bâtonnier de Paris) et à un ancien président ou au premier vice-président (pour la Conférence des Bâtonniers). Néanmoins, certains optent pour que le Bâtonnier de Paris et le président de la Conférence des Bâtonniers soient juste membres de plein droit du bureau, sans en être vice-présidents, et d'autres supprimeraient purement et simplement cette notion de vice-présidence de droit.
Sur les missions du CNB
Aux termes de l'article 21-1 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée, le CNB est chargé des missions suivantes :
- représenter la profession, notamment auprès des pouvoirs publics ;
- unifier les règles et usages de la profession ;
- définir, contrôler et coordonner les actions de formation et répartir son financement ;
- déterminer les conditions d'obtention des mentions de spécialisation ;
- percevoir et répartir le produit de la contribution pour l'aide juridique ;
- assister les ordres dans leur mission de vérification du respect des obligations de lutte contre le blanchiment ;
- s'assurer avec le concours de l'UNCA que les barreaux et leur CARPA utilisent à juste titre les fonds qui leur sont alloués ;
- exercer devant toutes les juridictions les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession d'avocat ;
- arrêter la liste des avocats étrangers autorisés se présenter aux examens prévus par les articles 99 et 100 du décret du 27 novembre 1991 ;
- désigner un tiers arbitre dans le cadre des litiges inter-barreaux ;
- enfin, conformément à un accord mais sans que cela résulte d'un texte, le président du CNB désigne, sur proposition du président de la Conférence des Bâtonniers et du Bâtonnier de Paris pour quatre d'entre eux sur les six la composant, les membres de la délégation française auprès du Conseil des barreaux européens.
Tous sont d'accord pour renforcer les pouvoirs du CNB et notamment pour le doter de compétences normatives ou réglementaires sur l'ensemble des questions concernant l'intérêt général de la profession. Il aurait également pour mission de rendre des avis sur les demandes formulées par les Bâtonniers en exercice (opinion, sur ce point, divergente du président de la Conférence des Bâtonniers). Il tiendrait la liste nationale des avocats, dans la perspective des exigences européennes. Il opèrerait la collation des décisions prises en matière disciplinaire ou en matière d'admission et d'omission.
A ces compétences issues du rapport "Faugère", le bureau envisage d'ajouter d'autres missions :
- incitation et assistance ou regroupement des CARPA ;
- coordination des missions de services publics et de la gestion des fonds en matière d'aide juridictionnelle ;
- définition des outils numériques et gestion de leur développement ;
- traitement des demandes d'inscription au tableau fondées sur des dispositions dérogatoires ;
- actions en justice relatives aux intérêts collectifs de la profession ;
- perception et répartition du produit de la contribution pour l'aide juridique avec faculté de délégation.
Enfin certains proposent d'étendre les compétences du CNB à la mission de négociation/souscription des garanties collectives au nom des avocats.
Sur la mutualisation des moyens des services des Ordres
Par ailleurs il est important de préciser que de nombreuses compétences doivent demeurer de la responsabilité des Ordres locaux. La question se pose alors aux Ordres d'apprécier si certaines obligations peuvent être mutualisées. Aussi, dans cette optique, l'institution nationale qu'est le CNB doit proposer une circonscription territoriale de mutualisation et un processus de fonctionnement. La circonscription territoriale de mutualisation s'entend de la circonscription professionnelle obligatoire dans le cadre de laquelle les mutualisations seraient mises en oeuvre. Et cette circonscription serait celle de la cour d'appel, voire de plusieurs cours d'appel. L'initiative de la mutualisation serait ouverte aux Bâtonniers et la décision serait constituée par la décision unanime des Bâtonniers en exercice des barreaux du ressort de la cour.
Sur la dénomination de l'institution nationale
Le constat fait par le bureau du CNB est que la profession ne dispose d'aucune institution nationale dont la dénomination comprend le mot "avocat". Or, le nom de l'institution nationale doit la rendre plus lisible et affirmer davantage son unité et son identité. Il est donc proposé de la nommer "Conseil national des avocats de France".
Sur les aspects financiers de la réforme
Il est demandé à ce que l'institution soit dotée d'un budget significativement supérieur à celui dont elle dispose actuellement, au niveau de ceux dont disposent les instances représentatives des autres professions réglementées. Il est donc proposé que le CNB fixe le montant de la cotisation par avocat et procède à un appel de la somme due par chaque barreau auprès des Ordres, qui prélèveront la ressource nécessaire sur les avocats inscrits de leurs ressorts (à noter que l'opinion du barreau de Paris diverge sur ce point). Enfin la réflexion est ouverte sur les critères de fixation des cotisations dues aux instances locales et qui sont actuellement variables.
Sur la coordination entre le CNB et les organes techniques de la profession
Les organes techniques de la profession interviennent à de nombreuses reprises :
- en matière de retraite et de prévoyance (CNBF, LPA, CREPA) ;
- en matière de gestion de fonds CARPA (UNCA) ;
- en matière d'assurance responsabilité professionnelle (SCB) ;
- en matière de comptabilité et de gestion des cabinets (ANAAFA) ;
- ou encore en matière de formation des personnels des cabinets d'avocats (ENADEP).
Il est donc très important que le CNB s'intéresse et s'implique au sein de ces organes techniques.
Sur la chambre de discipline nationale
Hormis le président de la Conférence des Bâtonniers dont l'opinion diverge, l'idée est de créer une composante ordinale du CNB qui pourrait, de manière autonome, remplir une double fonction. Lorsque deux Bâtonniers ont à trancher un différend opposant les avocats de leur ressort respectif, s'ils n'arrivent pas à se mettre d'accord, ils doivent désigner un Bâtonnier ou ancien Bâtonnier tiers-arbitre ; et s'ils ne se mettent pas d'accord sur un nom, c'est au président du CNB qu'il revient de désigner à partir d'une liste revue tous les ans en fonction des disponibilités des Bâtonniers prêts à remplir cette fonction.
De même lorsqu'un Bâtonnier, un membre du conseil de discipline ou un membre du conseil de l'Ordre fera l'objet de poursuites, il comparaîtra devant cette formation disciplinaire nationale.
Enfin, les décisions du conseil de discipline étant, actuellement, déférées à la cour d'appel locale, il en résulte parfois des divergences jurisprudentielles. Aussi, pour remédier à ces contradictions, cette chambre disciplinaire nationale pourrait devenir également la juridiction d'appel nationale de tous les conseils de discipline.
Vaste et important sujet que la réforme de cette organisation professionnelle qui nécessitera une unité de ses composantes pour que le CNB la mène à bon port. Moins de trente minutes avant l'ouverture de l'assemblée générale du 24 mai dernier, les membres du bureau du CNB ont reçu un courrier du barreau de Paris prêt à revenir dans les discussions si était créée une commission mixte qui sera chargée de recenser et de préparer les propositions que le CNB soumettra au vote des 55 000 avocats... Les cartes sont donc entre les mains de l'institution nationale...
(1) Lire nos obs., Gouvernance de la profession : le barreau de Paris pour un Ordre national, Lexbase Hebdo n° 143 du 7 février 2013 - édition Professions (N° Lexbase : N5664BTX).
(2) "L'assemblée générale du Conseil national des barreaux a pris connaissance avec stupéfaction de la décision brutale de Madame le Bâtonnier de Paris de suspendre la participation du collège ordinal parisien aux travaux du CNB.
L'assemblée générale rappelle que le CNB est la seule institution nationale démocratiquement élue et représentative de la profession.
Cette décision regrettable et contestable n'entrave en rien le bon fonctionnement du CNB qui poursuit naturellement l'ensemble de ses travaux.
Concernant la réforme de la gouvernance, ce comportement démontre qu'en aucun cas l'institution nationale ne peut reposer sur la seule représentation ordinale.
Le CNB par sa composition et sa représentativité est la seule institution légitime à mener la réforme de la gouvernance de la profession, mission qui ne saurait être confiées à une commission externe.
Le CNB est résolu à aboutir à une réforme répondant l'intérêt générale et préservant l'unité de la profession".
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