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par Franck Terrier, Président de la troisième chambre civile de la Cour de cassation
le 06 Juin 2013
"M. Jacomet m'a demandé d'évoquer quelques décisions récentes de la troisième chambre civile. Je vais me conformer scrupuleusement à cette directive du Président Jacomet, ce qui veut dire que vous ne devez pas attendre de moi un exposé de l'état du droit applicable en matière de travaux réalisés dans la copropriété avec les principes et doctrines articulés dans un ordre logique d'où découlent des sous-principes, d'où découlent des règles de conduite.
Je vais mettre l'accent sur certaines problématiques qui ont été soumises à la Cour de cassation au cours des derniers mois. J'espère ces problématiques illustratives, je crains d'être horriblement technique et je vous prie de m'en excuser, mais la matière me semble-t-il le veut inéluctablement.
D'abord un mot sur le contentieux, parce qu'on a la chance d'avoir une étude récente, relativement récente du Ministère de la Justice sur le contentieux de la copropriété. Elle est d'octobre 2010, vous la connaissez sans doute.
Elle porte sur la période 1990/2009 et elle traduit, elle révèle le fait que les deux tiers de ce contentieux se rapportent à des charges impayées, c'est-à-dire qu'un tiers seulement au mieux de ce contentieux évoque des problématiques liées au fonctionnement des institutions de la copropriété, les deux tiers sont des actions en recouvrement de charge.
On apprend aussi que la moitié de ce contentieux est en Ile de France-Paris, un quart en Région PACA, le reste dispersé et que, d'une année sur l'autre, les variables, tendanciellement, sont relativement stables.
J'ai noté par exemple que dans l'annuaire statistique de la justice civile pour 2012, ce sont les données 2010, nous avons en premier ressort 31 358 affaires nouvelles et en appel 26 050 affaires nouvelles, mais j'insiste sur le chiffre de 23 802, qui sont les affaires soumises aux tribunaux d'instance ou aux Juges de proximité, c'est-à-dire les affaires de recouvrement de charges pour l'essentiel. C'est donc l'aspect massif de ce contentieux.
Pour ce qui concerne la troisième chambre civile de la Cour de cassation, nous rendons entre 100 et 130 arrêts par an, entre 5 et 7 % du contentieux de la troisième chambre civile ; une vingtaine d'arrêts sont publiés chaque année.
Je vais commencer par évoquer un arrêt qui peut paraître surprenant à première vue, mais qui traduit bien le rôle et la conception que le législateur a de certaines institutions de la copropriété.
C'est un arrêt du 11 janvier 2012 (Cass. civ. 3, 11 janvier 2012, n° 10-24.413, FS-P+B N° Lexbase : A5279IAR) qui, je le dis très vite, mais je vais revenir dessus, fait valoir le principe selon lequel, dans toute copropriété, il existe nécessairement de droit un syndicat, même si formellement ce syndicat n'a pas été créé et les copropriétaires, les propriétaires ne peuvent se substituer à ce syndicat même s'il est virtuel.
Dans cette affaire, il s'agissait d'une toute petite copropriété, deux maisons, un terrain partie commune et pour éviter un effondrement ou je ne sais quel dommage, l'un des propriétaires avait réalisé des travaux ; et se conformant au simple bon sens il a cru pouvoir demander à l'autre propriétaire sa participation à ces travaux.
L'autre propriétaire, mieux avisé, a élevé devant le juge une fin de non-recevoir, prise de ce que la demande en paiement de travaux portant sur les parties communes ne pouvait pas être dirigée contre lui, mais contre le syndicat qui n'existait pas.
Cette défense n'a pas eu de succès devant les juges du fond, qui ont répondu que le syndicat n'existant pas, la demande pouvait être effectivement valablement dirigée contre l'autre propriétaire, donc la fin de non-recevoir devait être écartée.
Nous avons cassé cet arrêt de la cour d'appel en faisant valoir que se déduit de l'article 14 de la loi de 1965, qui définit le rôle du syndicat, qu'un syndicat existe nécessairement, même s'il n'a pas été créé dès lors qu'il existe un état descriptif de division par lots et des parties communes.
Dès lors que cette situation-là est constatée, un syndicat existe nécessairement et seul ce syndicat pouvait faire l'objet d'une action en paiement de la part d'un propriétaire qui avait réalisé les travaux sur les parties communes.
Nous avons donc édicté la règle, c'est un arrêt publié, que le syndicat devait être l'objet de l'action de ce propriétaire et les fins de non-recevoir en fait étaient bien établies.
Evidemment, le fait qu'il s'agisse d'une toute petite copropriété, deux copropriétaires qui n'ont pas trouvé nécessaire de constituer formellement le syndicat pouvait avoir une influence sur la solution du litige ; je comprends parfaitement les Juges du fond d'avoir statué de cette manière-là, mais nous avons pensé que la solution de principe ne pouvait pas dépendre de considérations de cette nature.
Donc le syndicat au commencement de la copropriété est le syndicat et toujours le syndicat, même virtuellement, même s'il n'existe pas en réalité.
J'évoquerai un deuxième arrêt qui portait sur le syndic, l'organe comme vous le savez exécutif de la copropriété qui est chargé par la loi d'administrer l'immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde, à son entretien et, en cas d'urgence, de faire procéder de sa propre initiative aux travaux nécessaires à la sauvegarde de cet immeuble.
Un arrêt du 7 février 2012 (Cass. civ. 3, 7 février 2012, n° 11-11.051, F-D N° Lexbase : A3656ICE) est revenu sur la question de la responsabilité du syndic à l'égard des propriétaires de l'immeuble. Ce n'est pas une décision publiée, mais seulement diffusée, mais qui traduit bien, me semble-t-il, certains équilibres de pouvoir qui doivent s'établir au sein d'une copropriété.
En l'espèce, l'assemblée générale de la copropriété avait voté des travaux de réfection d'ascenseur, peu importe, pour un certain montant. Je vous indique le montant pour que vous puissiez bien voir les données du problème, les travaux votés étaient d'un montant de 23 100 euros.
Le syndic réalise ces travaux pour un montant de 33 570 euros. L'un des copropriétaires, tout à fait fâché de devoir débourser plus qu'il n'avait envisagé, attaque en responsabilité civile -l'article 1382- le syndic pour faute, pour n'avoir pas conduit les travaux dans les limites qui étaient assignées par le syndicat.
C'est une action qui a été portée devant le juge de proximité et le juge de proximité a débouté ce copropriétaire en retenant que le montant total des travaux engagés par le syndic devait être acquitté par l'ensemble des copropriétaires et qu'un seul copropriétaire agissant seul ne pouvait exiger, à titre personnel, la différence entre le montant voté et le montant des travaux effectivement réalisés.
Le pourvoi contre cette décision du juge de proximité se fondait sur l'article 18 de la loi de 1965 (N° Lexbase : L4813AHQ), donc le rôle du syndic et l'article 1382.
Nous avons cassé cette décision, en retenant que le juge du fond devait examiner tous les éléments de la faute et non pas rejeter, par une considération de principe, le fait lui-même dommageable, le lien de dommage et le lien de causalité entre la faute et ce dommage.
C'est une application d'une doctrine qui est relativement maintenant ancienne et en tout cas bien établie selon laquelle un copropriétaire peut toujours rechercher la responsabilité du syndic pour faute dès lors que les éléments de cette faute sont caractérisés.
Un autre problème que l'on rencontre très souvent c'est un problème surgi dans une copropriété à la suite de travaux en particulier, lorsque ces travaux ont provoqué des désordres, qu'une action judiciaire s'impose ; c'est la question de l'habilitation du syndic pour agir en justice.
Je me réfère à un arrêt du 9 mai 2012 (Cass. civ. 3, 9 mai 2012, n° 11-10.293, FS-P+B N° Lexbase : A1278ILW) dont la doctrine a pensé, à juste titre à mon avis, qu'il visait à assouplir les prescriptions un peu formalistes qui existaient en doctrine. Je précise seulement que ce mouvement d'assouplissement est déjà relativement ancien, remonte à plusieurs années, nous ne l'avons pas initié, mais seulement confirmé.
Dans cette affaire, c'est tout à fait simple, la copropriété avait réalisé des travaux de réfection de la façade de l'immeuble, des désordres ont été constatés et l'assemblée générale avait habilité le syndic à agir en justice.
La cour d'appel avait déclaré irrecevable cette action compte tenu de l'imprécision qui entachait, selon les juges, l'habilitation par l'assemblée générale.
Le texte applicable c'est l'article 55 du décret du 17 mars 1967 (N° Lexbase : L5562IG4) "le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l'assemblée générale" et toute la question est de savoir quel degré de précision doit revêtir cette habilitation par l'assemblée générale, étant entendu que l'article 55 du décret de 1967 est d'ordre public, que son objet est de protéger le syndicat et la jurisprudence veille, d'une part, à protéger effectivement les intérêts du syndicat des copropriétaires, mais, d'autre part, n'élève pas à une action judiciaire des obstacles trop formalistes.
Et, dans un certain nombre de décisions de ces dernières années, la jurisprudence a été assouplie, par exemple, il n'est plus exigé que l'identité des personnes qui font l'objet de la procédure soit spécifiée dans la décision de l'assemblée générale de la copropriété. Il suffit que les entrepreneurs dont la responsabilité est recherchée soient suffisamment identifiables, de même pour les assureurs.
L'objet de la demande doit être clairement spécifié, mais pas nécessairement très détaillé et dans une décision, dès 1994, la Cour de cassation a jugé qu'une autorisation donnée pour engager une procédure va aussi pour poursuivre l'action en délivrant de nouvelles assignations, par exemple à l'encontre d'autres participants, à l'acte de construire.
Dans l'affaire qui nous était soumise, ce qui posait problème, alors que les entreprises visées étaient désignées, selon le juge du fond, c'est qu'habilitation était donnée au syndic pour poursuivre les malfaçons sévissant sur la façade.
A une certaine époque, nous aurions effectivement considéré que cette mention était insuffisamment précise. Aujourd'hui nous pensons, et en tous cas cet arrêt du 9 mai 2012 l'établit, que c'est d'une précision suffisante, d'autant que, et j'insiste peut être là-dessus, était précisée l'identité des entreprises visées par l'action.
Néanmoins si on reprend cette jurisprudence sur les années, telle qu'elle a été énoncée et qu'elle aboutit à cet arrêt de mai 2012, il y a effectivement un assouplissement des conditions formalistes mises à l'habilitation du syndic pour agir en justice.
Maintenant, j'en viens à une question qui tient à la gouvernance de la copropriété, à la décision que doit prendre l'assemblée générale de réaliser des travaux. C'est un arrêt qui a été, je crois, beaucoup commenté.
C'est un autre arrêt du 9 mai 2012 (Cass. civ. 3, 9 mai 2012, n° 11-16.226, FS-P+B N° Lexbase : A1425ILD) qui se rapporte à une décision d'une copropriété de transformer un système collectif d'alimentation en eau chaude en système individuel.
Vous savez que la loi nous conduit à distinguer certains types de travaux compte tenu de leurs caractéristiques et définit les conditions de majorité pour prendre ces décisions.
Les travaux conservatoires relèvent de la majorité simple des voix exprimées ; les travaux qui sont rendus obligatoires par une prescription d'hygiène ou de sécurité relèvent de la majorité des voix de tous les copropriétaires, majorité renforcée de premier degré, si je puis dire ; des décisions qui sont relatives à des travaux portant transformation, addition, amélioration, relèvent de la majorité renforcée, c'est-à-dire des deux tiers des voix des membres du syndicat.
En aucune sorte de majorité, seulement l'unanimité permet de prendre une décision affectant les parties privatives ou les modalités de jouissance de ces parties privatives.
C'était bien le problème qui se posait dans cette affaire-là, puisque la suppression du système collectif d'alimentation d'eau chaude conduisait inévitablement à installer, dans chaque appartement et donc affectait chaque lot privatif, un système de cumulus, d'alimentation individuelle en eau chaude.
Dans cette affaire, la question était de savoir si on était donc en présence de travaux d'amélioration, relevant de la majorité qualifiée ou super qualifiée de l'article 26. C'était effectivement le vote qui avait eu lieu de copropriété, un vote à la majorité qualifiée de l'article 26 ou si on était en présence de travaux affectant les parties privatives donc relevant de l'unanimité.
Certains copropriétaires mécontents avaient assigné le syndicat faisant valoir que seule l'unanimité du syndicat des copropriétaires permettait de réaliser des travaux de cette nature, compte tenu de ce qu'ils impactaient les parties privatives.
Là encore, une jurisprudence sur la notion d'amélioration, une jurisprudence relativement ancienne, elle a peut-être une vingtaine d'années, a conduit à des assouplissements progressifs, compte tenu de l'intérêt des travaux.
On est là en prise avec les impératifs majeurs, qui s'imposent aux copropriétés d'édicter des normes de consommation plus avantageuses, de protection contre le froid, etc.
Dans cette affaire, la cour d'appel a considéré dans un arrêt extrêmement motivé, en relevant techniquement et de manière très détaillée tous les avantages qui s'attachaient à la décision prise, que ces travaux étaient une amélioration relevant de la majorité de l'article 26 et que l'impact sur les parties privatives était suffisamment réduit pour que cela n'empêche pas cette majorité de l'article 26 de se prononcer en faveur de ces travaux.
On est vraiment à la limite puisqu'il y a bien un impact sur les parties privatives, mais la cour d'appel avait considéré que la suppression d'un service collectif pouvait être qualifiée d'amélioration, compte tenu de la vétusté de l'installation, compte tenu de la rationalité économique qui conduisait à abandonner ce système en faveur d'un système individuel et on était bien, à mon sens, dans la ligne de la jurisprudence qui émerge depuis une vingtaine d'années.
On est aussi dans le sens de l'évolution législative en matière de suppression de service commun. Le législateur a dû intervenir pour la question de la suppression de la loge de concierge, qui vise à écarter l'unanimité pour permettre à la copropriété de vivre et de fonctionner, de renforcer donc le système majoritaire et les économies, la nécessité de procéder à des économies d'énergie conduit à cette évolution.
En dehors de ces travaux que j'ai évoqués, il y a les travaux urgents. Les travaux urgents relèvent du syndic aux termes de l'article 18, alinéa 2, de la loi de 1965.
La loi définit les travaux urgents comme les travaux nécessaires à la sauvegarde de l'immeuble et ce texte doit être complété par un décret de 1967, article 37 (N° Lexbase : L5532IGY), qui prescrit que lorsque le syndic réalise des travaux urgents, il doit convoquer immédiatement une assemblée générale.
Par un arrêt du 20 septembre 2011 (Cass. civ. 3, 20 septembre 2011, n° 10-30.794, F-D N° Lexbase : A9545HXS), nous avons abordé cette question dans une affaire où les copropriétaires contestaient le caractère urgent de certains travaux qu'ils étaient contraints de financer.
Il y avait deux problèmes : est-ce que les travaux réalisés par le syndic de sa propre initiative sans décision de l'assemblée générale du syndicat étaient effectivement des travaux urgents ; et est-ce que la prescription réglementaire de convoquer immédiatement l'assemblée générale avait été en l'espèce respectée ?
Le tribunal de grande instance, puis la cour d'appel avaient considéré qu'effectivement c'était le cas. La cour d'appel avait retenu que les travaux qui étaient nécessités par des infiltrations massives et répétées dans les parties communes étaient effectivement justifiés par la nécessité de la conservation de l'immeuble.
L'arrêt parlait de la conservation de l'immeuble alors que la loi parle de la sauvegarde de l'immeuble. Nous avons considéré que c'était à peu près équivalent et, en tout cas, que dans l'esprit de la cour d'appel c'était bien des travaux de sauvegarde de l'immeuble et que cette condition-là se trouvait remplie.
En revanche, la question de la communication de l'information de l'assemblée générale était problématique, puisque les travaux avaient été réalisés entre le 17 et le 21 janvier 2005 et que l'assemblée générale avait ratifié les travaux le 25 novembre 2006, pratiquement deux ans plus tard.
Le décret parle d'une information immédiate et donc le syndic n'avait pas, en l'espèce, rempli son obligation réglementaire, à l'inverser de ce que pensait la cour d'appel et donc nous avons dû casser dans cette affaire.
Mais l'enseignement qu'on peut en tirer, me semble-t-il, c'est une certaine souplesse dans la qualification de l'urgence des travaux. On ne s'attachera pas au sens des mots "sauvegarde", "conservation de l'immeuble". Il faut que ce soit des travaux urgents, mais en revanche, l'information immédiate des copropriétaires ce n'est pas compliqué à réaliser et donc le syndic n'est pas légitime à attendre deux ans pour cette information.
J'en viens maintenant à la question de la responsabilité du syndicat pour les vices de construction, c'est aussi un grand classique qui se rapporte à l'article 14 de la loi de 1965 (N° Lexbase : L4807AHI) (Cass. civ. 3, 12 septembre 2012, n° 11-10.421, FS-P+B N° Lexbase : A7443ISH).
En l'espèce, une humidité importante s'était révélée dans les sous-sols parties communes de l'immeuble et affectait une partie privative d'un copropriétaire qui donc avait assigné le syndicat sur le fondement de l'article 14, en réparation de son préjudice.
Selon ce texte, le syndicat est responsable des dommages causés au propriétaire pour tout vice de construction ou tout défaut d'entretien. Nous avons appliqué cette règle.
Je l'évoque parce que c'est une responsabilité une peu originale par rapport à celle d'un constructeur. Elle peut être engagée à l'égard des tiers, à l'inverse de la responsabilité d'un constructeur et cette responsabilité est encourue pendant les 10 ans à compter de la survenance du vice et non pas à compter de la réception des travaux.
C'est donc une responsabilité, celle du syndicat, qui est plus sévère que celle pour vice de construction, plus sévère que celle du constructeur et la jurisprudence l'applique strictement.
Nous veillons à ce que cette responsabilité du syndicat pour vice de construction soit appliquée strictement.
En l'espèce, la cour d'appel avait retenu que les désordres avaient bien pour origine les parties communes, mais que dans la mesure où les responsables de ces désordres avaient été identifiés et condamnés, il appartenait au propriétaire de présenter, pendant la procédure diligentée par le syndic, sa demande en réparation contre ces constructeurs.
Nous avons cassé puisque dès lors que le juge du fond établit que les désordres proviennent d'un vice des parties communes et qu'il n'y a pas de faute de la victime ou d'un tiers, le syndicat est responsable et c'est une responsabilité sans faute qui doit être engagée sur la base de cette double constatation.
Autre question que nous avons abordée dans un arrêt du 19 septembre 2012 (Cass. civ. 3, 19 septembre 2012, n° 11-21.631, FS-P+B N° Lexbase : A2591IT7) qui se rapporte à la responsabilité, cette fois inverse, c'est-à-dire celle d'un copropriétaire pour des travaux qui affectent les parties communes, situation un peu inverse de la précédente.
En l'espèce, c'est encore aussi une situation que l'on rencontre assez fréquemment ; un propriétaire effectue des travaux qui affectent les parties communes mais sans l'autorisation de l'assemblée générale du syndicat et lorsqu'il demande la ratification de ces travaux, cette ratification lui est refusée en assemblée générale.
Le propriétaire qui a réalisé les travaux agit en annulation pour abus de majorité de cette résolution d'assemblée générale qui lui refuse la ratification des travaux.
En l'espèce, le juge avait annulé la décision de refuser la ratification des travaux et il a rejeté de ce fait, presque logiquement pourrait-on dire, mais pas juridiquement, la demande conventionnelle du syndicat visant à la remise des lieux en l'état.
C'était une demande du syndicat que la cour d'appel a considéré mal fondée dès lors qu'il y avait eu abus de majorité dans le refus de ratification.
Il y a toute une jurisprudence sur ces questions-là, mais nous avons rappelé -je n'ai pas le temps de l'évoquer ici- deux principes. L'annulation de la décision de refus d'autoriser les travaux ne vaut pas autorisation de ces travaux. Ce n'est pas parce que cette décision est annulée par le juge que les travaux sont autorisés. Et, d'autre part, aucune autorisation judiciaire de travaux ne peut être accordée si ces travaux ont été exécutés sans autorisation de l'assemblée générale avant que le juge ne statue. En fait, c'est une solution assez constante, les deux principes n'avaient pas, à ma connaissance, sauf erreur de ma part, été énoncés de manière aussi formelle.
J'évoquais la question de la logique. On se demande ensuite ce qui se passe, puisque le juge a constaté qu'il y avait abus de majorité dans le refus de ratifier les travaux, mais la demande de remise en état des lieux présentée par le syndicat est de droit.
Je pense qu'on est là dans certains des problèmes qu'on évoque quelquefois dans la loi sur la copropriété qui pose les principes de fonctionnement presque démocratiques extrêmement précis du syndicat de l'assemblée générale, des institutions de la copropriété, dont découlent des comportements et des doctrines qui, quelquefois, appliqués à des situations de fait, sont sans solution.
En l'espèce, si on peut définir une perspective dans cette copropriété c'est soit un accord transactionnel, soit l'écoulement du délai de dix ans pour que les travaux deviennent incontestables.
J'ai encore deux décisions à mentionner. D'abord, une décision du 19 décembre 2012 (Cass. civ. 3, 19 décembre 2012, n° 11-17.178, FP-P+B N° Lexbase : A1533IZS). La question posée était de savoir si lorsque des travaux doivent être réalisés dans la copropriété, qu'un appel de fonds est organisé, que les copropriétaires versent leur quote-part à ces travaux et qu'ensuite l'assurance indemnise la copropriété à charge de la répartition de cette indemnité, qui bénéficie de cette indemnisation lorsque le bien a été cédé entre-temps, entre l'appel de fonds et le versement par la compagnie d'assurance de l'indemnité ?
Le texte applicable est l'article 6.2 du décret de 1967 qui édicte, notamment dans son troisième paragraphe, le trop ou moins perçu sur provision révélé par l'approbation des comptes et porté au crédit ou au débit du compte de celui qui est copropriétaire lors de l'approbation des comptes.
Logiquement ce serait le copropriétaire présent dans la copropriété au moment de l'approbation des comptes qui devrait percevoir la quote-part de l'indemnité d'assurance alors que ce n'est pas lui qui a lancé les fonds pour les travaux.
On a refusé en fait de suivre ou de prendre toutes les conséquences à notre compte de ce texte, nous avons considéré que le dispositif de l'article 6.2 du décret de 1967 (N° Lexbase : L5568IGC) ne se rapportait pas en réalité à des situations de ce genre.
Nous avons considéré qu'on devait tenir compte du fait que la garantie du sinistre en fait était due au moment du sinistre et que le copropriétaire qui avait avancé les fonds n'avait pas à pâtir du fait que la compagnie d'assurance avait mis un long moment avant de donner sa garantie.
En l'espèce, il y avait eu un procès et que par conséquent c'est bien le propriétaire qui a avancé les fonds qui doit, même s'il a quitté les lieux, même s'il n'est plus propriétaire au moment de l'approbation des comptes de la copropriété, percevoir la quote-part du versement de la compagnie d'assurance. Je rappelle quand même qu'il peut s'agir de sommes relativement importantes, si le dommage est considérable.
Le dernier arrêt que je voudrais évoquer se rapporte à la question très actuelle d'une copropriété en difficulté. C'est un arrêt du 23 janvier 2013 (Cass. civ. 3, 23 janvier 2013, n° 09-13.398, FS-P+B N° Lexbase : A8868I3T) ; on sait que c'est un problème massif, selon un rapport de janvier 2012, 15 % des copropriétés seraient concernées par cette question-là.
C'est une affaire qui se passe en outre-mer et qui était un peu particulière, qui a surgi lorsque certains copropriétaires ont demandé aux juges la désignation d'un administrateur provisoire sur le fondement de l'article 29-1 de la loi de 1965 (N° Lexbase : L4832AHG). En l'espèce, il s'agissait d'une copropriété qui était affectée de désordres tellement graves qu'il n'y avait plus d'autre solution que la destruction.
L'indemnisation de l'assureur avait été versée aux copropriétaires, répartie entre les copropriétaires et les copropriétaires s'étaient opposés très gravement, irréductiblement, sur la question de savoir s'il fallait démolir-reconstruire ou simplement abandonner les lieux, mettre en vente et s'en aller.
L'assemblée générale a décidé de ne pas reconstruire, mais de mettre en vente l'immeuble et certains copropriétaires mécontents, très hostiles à cette décision ont saisi le Président du tribunal de grande instance pour la désignation d'un administrateur provisoire.
Le Président du tribunal a fait droit à cette demande, a désigné effectivement un administrateur provisoire, mais d'autres copropriétaires ont demandé au Président du tribunal la rétractation de cette ordonnance, le Président a confirmé la mission de l'administrateur provisoire.
Il y avait deux problèmes, un de procédure et l'autre de fond.
Le problème de fond c'était de savoir si les conditions étaient bien remplies pour la désignation d'un administrateur provisoire de la copropriété. Le texte prévoit que deux conditions alternatives doivent être l'une ou l'autre constatées, soit l'équilibre financier du syndicat gravement compromis, soit l'impossibilité de pourvoir à la conservation de l'immeuble. Ce sont deux critères opératoires.
En l'espèce, il y avait quelque chose de paradoxal, ce n'était pas la possibilité de pourvoir à la conservation de l'immeuble, c'était la possibilité de le détruire. On était évidemment complètement à fond inversé par rapport aux règles légales, mais la loi ne peut pas tout prévoir évidemment.
Ce que nous avons retenu et ce que le juge avait retenu d'ailleurs et ce que nous avons approuvé c'est qu'en réalité ce que la loi évoque c'est l'impossibilité structurelle des institutions de la copropriété de mener à bien ces missions. On était bien dans une situation de ce genre où le syndicat ne pouvait pas mener à bien sa mission, c'est-à-dire ce qui paraissait absolument indispensable, c'est-à-dire la démolition de l'immeuble.
Et donc, nous avons considéré qu'il ne convenait pas d'appliquer littéralement l'article 29-1 de la loi de 1965, mais d'appliquer dans son esprit, en l'interprétant logiquement, selon l'objet qui a été recherché par le législateur.
Le second grief est intéressant parce qu'il met en lumière le rôle du procureur de la République, en matière d'entreprise en difficulté. Le décret de 1967 prévoit que la demande de désignation d'un administrateur provisoire pour une copropriété en difficulté doit être communiquée au procureur de la République, à peine de nullité de la désignation.
Le procureur de la République a pour mission d'intervenir, le cas échéant, devant le juge, mais aussi de prévenir le Préfet, le maire, pour que des dispositions puissent être prises le cas échéant sur le rapport de l'administrateur provisoire.
En l'espèce, il y avait deux requêtes, l'une qui avait été tout de suite retirée parce qu'il y avait un vice de forme. Cette requête avait été notifiée au procureur de la République par son auteur, mais la requête qui saisissait effectivement le juge n'avait pas été notifiée.
Si on avait appliqué strictement les textes, en particulier l'article 428 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6532H73) qui dit que la communication au procureur de la République, sauf disposition contraire, est faite à la diligence du juge, nous aurions dû casser pour l'application des textes qui prévoit la nullité de cette désignation si le procureur de la République ne s'est pas vu notifier la demande.
Mais, nous avons fait prévaloir une interprétation plus libérale, en considérant et en approuvant la décision du juge et de la cour d'appel, selon laquelle le procureur de la République était bien destinataire des informations, pas par le juge, mais par l'auteur de la requête des informations qui figuraient sur les difficultés de la copropriété.
Finalement, il importait peu que ce soit une requête qui avait été retirée ou que la requête qui saisissait le juge soit notifiée au procureur de la République.
Il n'y a pas de formalisme réellement à observer sur cette question-là, l'essentiel étant que le Procureur de la République soit informé, puisse prendre les dispositions qui relèvent de ses attributions.
J'ai évoqué neuf arrêts, je pense qu'ils ne traduisent pas l'état du droit de la copropriété aujourd'hui, ils traduisent quelques problématiques qui nous ont été soumises.
Je pense que ce que nous nous efforçons de faire c'est premièrement les directives que nous nous assignons à nous-mêmes, quitte à quelquefois nous en écarter lorsque c'est nécessaire, c'est renforcer les institutions de la copropriété.
Les institutions de la copropriété doivent vivre et en particulier l'assemblée générale, dans ses modes de convocation, etc. Nous tentons d'écarter, quand cela est possible, quand le décret et la loi le permettent, le formalisme excessif qui, quelquefois, est édicté, donc consolider les assemblées générales et d'autre part, dans un domaine où beaucoup d'acteurs professionnels suivent la jurisprudence, d'assurer stabilité et visibilité à ces règles de manière à ce que là encore les copropriétés puissent vivre en toute sécurité".
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