Le Quotidien du 22 avril 2022 :

[Brèves] Revirement de jurisprudence : la caution peut désormais se prévaloir de l’acquisition de la prescription biennale du Code la consommation !

Réf. : Cass. civ. 1, 20 avril 2022, n° 20-22.866, FS-B N° Lexbase : A08717US

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par Vincent Téchené

le 04 Mai 2022

► Si la prescription biennale de l'article L. 218-2 du Code de la consommation procède de la qualité de consommateur, son acquisition affecte le droit du créancier, de sorte qu'il s'agit d'une exception inhérente à la dette dont la caution, qui y a intérêt, peut se prévaloir.

Faits et procédure. Le 22 novembre 2007, une banque a consenti un prêt immobilier garanti par un cautionnement. La banque a assigné les emprunteurs et la caution en paiement des sommes restant dues au titre du prêt.

C’est dans ces conditions des plus classiques que la banque a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt d’appel (CA Lyon, 1er octobre 2020, n° 18/00021 N° Lexbase : A46523W9) qui a rejeté sa demande en paiement formée contre la caution et ordonné à ses frais la mainlevée de l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire.

Pourvoi. Au soutien de son pourvoi, la banque faisait valoir qu'en ce qu'elle constitue une exception purement personnelle au débiteur principal, procédant de sa qualité de consommateur, la prescription biennale prévue à l'article L. 218-2 du Code de la consommation N° Lexbase : L1585K7T ne peut être opposée au créancier par la caution. Ainsi, en énonçant, pour rejeter la demande de la banque à l'encontre de la caution, que les emprunteurs s'étant prévalus de la prescription biennale, la dette était éteinte et que cette extinction profitait à la caution, la cour d'appel aurait ainsi violé l'article L. 218-2 du Code de la consommation et l'article 2313 du Code civil N° Lexbase : L1372HIN, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 N° Lexbase : L8997L7D.

Décision. Opérant un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation rejette le pourvoi.

Elle commence par rappeler que l'article L. 218-2 du Code de la consommation dispose que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. Selon l'article 2253 du Code civil N° Lexbase : L7169IAR, les créanciers, ou toute autre personne ayant intérêt à ce que la prescription soit acquise, peuvent l'opposer ou l'invoquer lors même que le débiteur y renonce.

Par ailleurs, il résulte de l'article 2313 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, que la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette, mais ne peut lui opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur.

La Haute juridiction relève ensuite qu'en ce qu'elle constitue une exception purement personnelle au débiteur principal, procédant de sa qualité de consommateur auquel un professionnel a fourni un service, la prescription biennale prévue par l'article L. 218-2 du Code de la consommation ne pouvait être opposée au créancier par la caution (en ce sens, v. Cass. civ. 1, 11 décembre 2019, n° 18-16.147, F-P+B+I N° Lexbase : A1641Z8B, G. Piette, in Panorama de droit des sûretés (second semestre 2019), Lexbase Affaires, février 2020, n° 623 N° Lexbase : N2134BYP).

Or, pour la Cour de cassation, une telle solution exposait le débiteur principal au recours personnel de la caution, le privant ainsi du bénéfice de la prescription biennale attachée à sa qualité de consommateur contractant avec un professionnel fournisseur de biens ou de services, outre qu'elle conduirait à traiter plus sévèrement les cautions ayant souscrit leur engagement avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 15 septembre 2021, laquelle permet en principe à la caution d'opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur.

La Haute juridiction estime alors qu’il y a lieu de modifier la jurisprudence et de décider désormais que, si la prescription biennale de l'article L. 218-2 du Code de la consommation procède de la qualité de consommateur, son acquisition affecte le droit du créancier, de sorte qu'il s'agit d'une exception inhérente à la dette dont la caution, qui y a intérêt, peut se prévaloir, conformément aux dispositions précitées du Code civil.

Ainsi, la cour d'appel, qui, en l’espèce, a constaté l'acquisition du délai biennal de prescription de l'action en paiement formée par la banque contre les emprunteurs, a relevé que la caution s'en prévalait pour s'opposer à la demande en paiement formée contre elle. Il en résulte que la demande en paiement formée par la banque contre la caution ne pouvait qu'être rejetée. La Cour de cassation rejette donc le pourvoi.

Observations. Elle opère un revirement, que l’on pourrait qualifier d’anticipation de la réforme du droit des sûretés. En effet, pour les cautionnements conclus à compter du 1er janvier 2022, le nouvel article 2298 du Code civil N° Lexbase : L0172L8U prévoit désormais que la caution peut opposer toutes les exceptions, qu'elles soient personnelles au débiteur ou inhérentes à la dette. Ainsi, la difficulté de qualification des diverses exceptions est neutralisée (v. G. Piette, Réforme du droit des sûretés par l’ordonnance du 15 septembre 2021 : formation et étendue du cautionnement, in Dossier spécial « La réforme du droit des sûretés par l'ordonnance du 15 septembre 2021 », Lexbase Affaires, octobre 2021, n° 691 N° Lexbase : N8978BY8).

Pour aller plus loin :

  • v. ÉTUDE : Les effets du cautionnement entre le créancier et la caution, La possibilité, pour la caution, d'invoquer les exceptions appartenant au débiteur principal et inhérentes à la dette, in Droit des sûretés, (dir. G. Piette) Lexbase N° Lexbase : E9544AGL ;
  • v. le commentaire de cet arrêt par Gaël Piette, Lexbase Affaires, n° 716 à paraître le 12 mai 2022.

 

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