La lettre juridique n°525 du 25 avril 2013 : Avocats/Statut social et fiscal

[Le point sur...] Le régime fiscal des avocats : TVA et imposition des bénéfices

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par Frédéric Dal Vecchio, Avocat à la cour, Docteur en droit, Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

le 25 Avril 2013

Le régime fiscal des avocats, en matière de TVA et d'imposition des bénéfices, relève, dans ses grandes lignes, du droit fiscal généralement applicable à des activités professionnelles, non sans quelques mesures d'adaptation spécifiques. I - La TVA

Depuis le 1er avril 1991 (1), un avocat est un assujetti redevable de la TVA par principe à raison des prestations qu'il accomplit dans le cadre de sa profession (consultation, assistance, représentation, rédaction d'actes juridiques, postulation, plaidoirie) au taux de droit commun, soit 19,6 % jusqu'au 31 décembre 2013 en l'état de la législation récemment adoptée. On rappellera que, s'agissant de l'aide juridictionnelle, le taux réduit de 5,5 % ne peut plus être appliqué depuis l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 17 juin 2010 et la modification corrélative de la législation française (CJUE, 17 juin 2010, aff. C-492/08 N° Lexbase : A1922E3L ; loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010, de finances rectificative pour 2010 N° Lexbase : L9902IN3). L'exercice de la profession à titre individuel, ou par un avocat collaborateur à titre libéral, en tant que membre d'un groupement -européen ou non- d'intérêt économique ou encore associé d'une société en participation entraîne également l'assujettissement à la TVA et confère à l'auxiliaire de justice une qualité de redevable de la taxe (BOI-TVA-CHAMP-10-10-60-10 n° 100, 12 septembre 2012 N° Lexbase : X6192ALW). De même, s'agissant des sociétés d'exercice libéral ou des sociétés civiles professionnelles, ces dernières ont la qualité d'assujetti redevable de la TVA. En revanche, s'agissant de l'activité d'enseignant, un avocat continuera à bénéficier des exonérations (notamment : CGI, art. 261, 4-4°-b N° Lexbase : L0402IWS) ayant trait aux prestations d'enseignement universitaire ou professionnel rémunérées directement par les élèves. De plus, les rémunérations servies par des établissements d'enseignement au titre d'une fonction d'enseignant sont hors du champ d'application de la TVA (CE 7° et 8° s-s-r., 1er juillet 1983, n° 49937, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A1640AMP ; CE, 5 novembre 1984, n° 55324 N° Lexbase : A5163ALS). Il en est de même des enseignements professés par des avocats dans les centres de formation professionnelle d'avocats (BOI-TVA-CHAMP-10-10-60-10 n° 160 et 170 ; BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-50 n° 390, 12 septembre 2012 N° Lexbase : X5092AL8).

L'avocat doit alors choisir entre plusieurs régimes :

Régime de la franchise en base

Les avocats bénéficient d'un seuil spécifique fixé à 42 300 euros, en deçà duquel ils ne sont pas redevables de la TVA (CGI, art. 293 B N° Lexbase : L2803IPI) pour leurs activités réglementées, à la condition de porter sur leurs factures une mention en ce sens. Cette mention incite d'ailleurs certains avocats à ne pas se prévaloir de la franchise de TVA en base, dès lors qu'elle renseigne nécessairement le client sur le montant du chiffre d'affaires de son prestataire de services : on échappe difficilement aux jugements de valeur alors qu'un avocat peut par ailleurs s'investir dans des activités juridiques peu ou pas rémunérées mais intellectuellement satisfaisantes et utiles pour la société. Si l'avocat dépasse le seuil de 42 300 euros, il sera alors redevable de la TVA au 1er janvier de l'année suivante mais, dans l'hypothèse où ses recettes seraient supérieures à 52 000 euros, il sera redevable de la TVA le mois à compter duquel ce seuil sera dépassé. A noter qu'il existe également un autre seuil de 17 400 euros pour les livraisons de biens et les prestations de services qui n'ont pas bénéficié de la franchise de 42 300 euros, dont nous rappellons qu'elle s'applique pour les opérations réalisées dans le cadre de l'activité réglementée des avocats.

Régime d'imposition simplifiée

Le régime d'imposition simplifiée est ouvert aux avocats dont le chiffre d'affaires est inférieur à 234 000 euros HT. Il comporte quatre acomptes et une déclaration annuelle devant être souscrite au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai.

Régime normal

Ouvert sur option ou lorsque le chiffre d'affaires est supérieur à 234 000 euros HT, le régime normal entraîne une déclaration mensuelle, sauf si le montant de la TVA exigible au cours d'une année est inférieure à 4 000 euros (2). Dans l'hypothèse du franchissement du seuil de 234 000 euros HT, l'application du régime normal sera effective au 1er janvier de l'année suivante si toutefois le chiffre d'affaires ne dépasse pas 265 000 euros HT. Dans le cas inverse, l'avocat relèvera du régime réel à compter du premier jour du mois où le seuil aura été franchi.

Prestations de service intracommunautaire

Dans le cadre de la législation communautaire complexe relative à la TVA, l'activité professionnelle des avocats relève du régime des prestations de services (CGI, art. 259 N° Lexbase : L2727IG4 ; CGI, art. 259 A N° Lexbase : L2675IWY ; CGI, art. 259 B N° Lexbase : L1676IPR). C'est ainsi que, lorsqu'un avocat intervient pour rédiger un acte sous seing privé se rapportant à un immeuble en France, y compris quant aux opérations portant sur des parts ou actions de sociétés immobilières, cette situation entraînera un assujettissement à la TVA en France. Ou encore, au titre d'une consultation délivrée à un client autrichien non assujetti non redevable, un particulier par exemple, la TVA française sera facturée alors que, s'il s'agit d'une entreprise autrichienne ayant communiqué préalablement son numéro de TVA intracommunautaire, la note d'honoraires sera émise sans TVA et une déclaration européenne des services sera souscrite. Par précaution, dans cette dernière hypothèse, l'avocat conservera, à l'appui de sa comptabilité, la copie écran du site VIES permettant de vérifier que le numéro de TVA intracommunautaire de l'entreprise cliente existe bien (3).

Assiette

Les avocats comprendront dans l'assiette de la TVA les honoraires rétrocédés à des confrères. S'agissant des débours (frais de procédure, frais de publicité légale, droits de plaidoirie...), il est possible d'exclure de la base d'imposition les frais engagés au nom et pour le compte de clients.

Exigibilité

Les avocats soumettront à la TVA les provisions réclamées aux clients dès leur encaissement (BOI-TVA-BASE-20-20 n° 210, 12 septembre 2012 N° Lexbase : X4806ALL).

II - Imposition des revenus issus de leur activité réglementée : les bénéfices non commerciaux

S'agissant de l'imposition de leurs revenus, les avocats relèvent pour leurs activités réglementées -y compris l'activité de fiduciaire (C. civ., art. 2011 N° Lexbase : L6507HWW ; loi 2008-776 du 4 août 2008, de modernisation de l'économie N° Lexbase : L7358IAR ; CGI, art. 92 2-7° N° Lexbase : L7147ICP)- des bénéfices non commerciaux, même lorsqu'ils exercent en qualité d'avocat collaborateur (CE 8° et 9° s-s-r., 23 mars 1984, n° 35305, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A5398ALI), à raison des rétrocessions d'honoraires perçues. A noter toutefois que la jurisprudence a qualifié de commerciale l'activité d'agent d'affaires exercée dans le domaine immobilier d'un avocat pour le compte d'un tiers (CE 8° et 9° s-s-r., 17 mai 1985, n° 40085, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2970AMX ; CAA Paris, 3ème ch., 2 juin 1992). L'avocat ne comprendra pas, dans ses recettes imposables, les dépôts de fonds des clients destinés à être reversés à des tiers (v. par exemple s'agissant d'indemnités reçues des compagnies d'assurances par un avocat pour le compte de ses clients : CE 7° et 9° s-s-r., 15 janvier 1982, n° 17057, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8243AKI). En revanche, la solution inverse s'impose lorsque l'avocat perçoit, du propriétaire de son ancien local, des indemnités en vue de réparer un trouble dans l'exercice de son art résultant de la mauvaise exécution d'un protocole entre les parties prévoyant le maintien d'un répondeur téléphonique afin d'indiquer à la clientèle de l'auxiliaire de justice sa nouvelle adresse professionnelle (CAA Marseille, 3ème ch., 23 octobre 2000, n° 99MA00194, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A4056BM8). S'agissant des dépenses déductibles de la base imposable, le Conseil d'Etat a admis que des dépenses engagées antérieurement au début de l'activité pouvaient être prises en compte pour la détermination du résultat imposable (v. pour l'acquisition de parts d'une société civile professionnelle constituée pour l'exercice de la profession de notaire en décembre 1976, alors que l'agrément de la Chancellerie a été donné en 1978 : CE 7° et 8° s-s-r., 18 décembre 1987, n° 69382, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A3162APS). Evidemment, ces dépenses doivent avoir un caractère professionnel : c'est assez évident s'agissant, par exemple, de la robe d'avocat, du loyer versé pour l'exercice professionnel, de la documentation juridique ; c'est en revanche plus délicat quand l'auxiliaire de justice engage des frais de prothèse dentaire, à moins de démontrer que ses fonctions exigent un contact direct et permanent avec le public (rép. min., Dumont, JOAN, 14 novembre 2006, p. 11872, n° 94168). La jurisprudence fait même état, s'agissant d'une autre profession réglementée, de l'admission de frais supplémentaires liés à la dispense à domicile d'un traitement de chimiothérapie que l'activité professionnelle de l'intéressé interdisait de suivre durant les heures ouvrables à l'hôpital (CAA Paris, 31 mars 1992, n° 90PA00785, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A0558A9K).

A nouveau, l'avocat doit opérer un choix quant au régime d'imposition :

Micro-BNC

Applicable lorsque les recettes sont inférieures à 32 600 euros, le régime du micro-BNC offre l'avantage de la simplicité en forfaitisant les charges à 34 % des recettes, mais il ne permet pas de constater l'existence d'un déficit. En d'autres termes, le micro-BNC est un régime nécessairement bénéficiaire en présence d'un chiffre d'affaires.

Régime de la déclaration contrôlée

Il s'agit alors de tenir une comptabilité de caisse ou, sur option, d'engagement enregistrant les recettes et les dépenses réelles résultant de l'exercice professionnel. Ces dépenses comprendront notamment les frais de déplacement, les amortissements, les loyers, les cotisations ordinales, les primes d'assurance, les dépenses de représentation... L'adhésion à une association de gestion agréée permet d'éviter la majoration de 25 % des revenus, adhésion contestée sans succès par un avocat (nos obs., Adhésion à une association de gestion agréée et majoration des revenus professionnels : compatibilité avec les normes de droit fondamentales, Lexbase Hebdo n° 433 du 23 mars 2011 - édition fiscale N° Lexbase : N7558BRD ; CAA Lyon, 2ème ch., 30 novembre 2010, n° 10LY00208, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3815GRQ), ainsi que, notamment, la réduction du délai de reprise de trois à deux ans et une dispense de pénalités pour les nouveaux adhérents à certaines conditions. En cas de litige avec l'administration fiscale, la comptabilité, qui est un moyen de preuve, sera tenue avec rigueur si l'avocat souhaite emporter la conviction du juge de l'impôt (CE 9° et 7° s-s-r., 8 octobre 1986, n° 48828, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A4477AMR ; CE 8° et 9° s-s-r., 11 février 1994, n° 70825, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7809B7D).

Lieu de dépôt de la déclaration

Souscrite en un seul exemplaire au plus tard le second jour ouvré qui suit le 1er mai, la déclaration n° 2035 sera adressée au Service des impôts des entreprises où le contribuable exerce son activité professionnelle ou bien au lieu de son principal établissement. Il en est de même d'un avocat, résident fiscal d'un autre Etat membre de l'Union européenne, exerçant à partir d'une base fixe en France, ce qui exclut la compétence du centre des impôts des non-résidents (CE 10° et 9° s-s-r., 30 mars 2005, n° 230053, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4313DH9).

Cessation d'activité

La jurisprudence rapporte que, lorsque l'avocat cesse d'exercer individuellement sa profession pour apporter son concours à une société civile professionnelle constituée avec trois confrères (CE 8° et 7° s-s-r., 25 février 1981, n° 18095, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A5554AKW), les dispositions de l'article 202 du CGI (N° Lexbase : L3715HL8), relatives à l'imposition immédiate des bénéfices non encore taxés s'appliquent. Il en est de même en cas de départ à la retraite, d'un décès, d'une radiation, ou encore lorsque l'avocat apporte son activité individuelle à une société, sous réserve de l'application de dispositions légales favorisant cette mutation d'exercice professionnel (report d'imposition : CGI, art. 151octies N° Lexbase : L2463HNK ; imposition fractionnée des créances acquises : CGI, art. 1663 bis N° Lexbase : L1948HM4 ; détermination du bénéfice imposable en faisant abstraction des créances acquises et de dépenses engagées, à condition qu'elles soient inscrites au bilan de la société : CGI, art. 202 quater N° Lexbase : L3730HLQ).


(1) Antérieurement, l'avocat pouvait opter pour l'assujettissement à la TVA (loi n° 90-1168 du 29 décembre 1990, art. 32).
(2) L'avocat doit alors en faire la demande.
(3) Le site VIES ne permet pas, en revanche, de savoir si le numéro de TVA intracommunautaire est bien celui du client.

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