Réf. : Cass. civ. 3, 16 février 2022, n° 20-22.538, F-D N° Lexbase : A64717NY
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
le 08 Mars 2022
► La partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté dispose du choix de forcer l’autre à l’exécution de la convention, si cela est possible, ou d’en demander la résolution avec des dommages et intérêts ;
► le défaut d’implantation altimétrique conduit à la résolution du contrat ; le maître d’ouvrage doit alors être remboursé des appels de fonds payés.
Le défaut d’implantation altimétrique est l’un des désordres de nature décennale les plus graves puisqu’il conduit, souvent, à la déconstruction/reconstruction. La solution réparatoire, aussi sévère que couteuse, n’est pas la seule sanction possible. La résolution du contrat peut, également, être sollicitée ainsi qu’en atteste l’arrêt rapporté.
Un maître d’ouvrage confie à une entreprise la construction de sa maison individuelle. En cours de construction, le maître d’ouvrage se plaint d’un défaut d’altimétrie de la maison et, en l’absence de mise en conformité, cesse de payer les factures du constructeur, qui lui notifie la résiliation du contrat, pour défaut de paiement. Le maître d’ouvrage assigne en réparation de ses préjudices.
La cour d’appel de Poitiers, dans un arrêt rendu le 15 septembre 2020 (CA Poitiers, n° 18/03270 N° Lexbase : A85133TH), considère que la résiliation du contrat doit intervenir, non pas aux torts du maître d’ouvrage, pour défaut de paiement mais au constructeur, compte tenu du défaut d’implantation altimétrique. Elle estime que ce défaut est imputable au seul constructeur, qui était en charge de l’ensemble des travaux après avoir établi les plans de la construction. D’autant que le constructeur ne justifie pas que ce défaut ne ferait pas obstacle à la délivrance d’un certificat de conformité du bien.
Le maître d’ouvrage forme, tout de même, un pourvoi au motif que la cour d’appel l’a condamné à payer le solde des travaux puis a compensé cette somme avec les préjudices subis. La Haute juridiction censure, au visa de l’article 1184, alinéa 2, du Code civil N° Lexbase : L1286ABA, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 N° Lexbase : L4857KYK. Dès lors que le contrat a été résilié aux torts du constructeur et que l’ouvrage construit ne pouvait être conservé, devant être démoli puis reconstruit, le maître d’ouvrage devait être remboursé des appels de fonds qu’il avait réglés.
La déconstruction/reconstruction n’est pas automatique, même en cas de nullité du contrat de construction de maison individuelle. Les juges doivent, en effet, apprécier la solution réparatoire et les conséquences de la sanction applicable par le prisme du principe de proportionnalité (V. notamment Cass. civ. 3, 22 novembre 2018, n° 17-12.537, FS-P+B+I N° Lexbase : A3876YMI). La conciliation est plus délicate s’agissant d’un défaut d’implantation altimétrique puisqu’il n’y a parfois pas de solution réparatoire alternative. Il pourra, néanmoins, être plaidé l’absence de réalisation de dommages de nature décennale (défaut sans désordre) ou la conformité lorsque le certificat a été donné.
Il est, en revanche, assez déroutant d’ordonner, en plus, la résolution du contrat, sauf, bien entendu, à ce que le maître d’ouvrage ne souhaite plus la construction et demande, uniquement, la démolition sans la reconstruction.
Dans le cas contraire, son préjudice risque d’être indemnisé deux fois. Il ne peut prétendre à la démolition/reconstruction et, en plus, au remboursement des appels de fonds versés.
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